Un cas de refus alimentaire chez un enfant de trente mois



J.-Y. HAYEZ, A. MANFREDI et R.M. THOMAS (1)

t40-0004

   

 

Cette contribution expose comment quelques entretiens familiaux ainsi que la collaboration étroite des parents, invités à jouer un rôle actif de cothérapeutes, ont aidé à résoudre un refus d'alimentation solide chez un enfant de trente mois.



1. PREMIERE SEANCE 

 


Présentation du problème 



Marc, deux ans et demi, enfant unique de parents de niveau socio-culturel élevé, refuse de mâcher et même de prendre en bouche le moindre aliment solide. Les parents tolèrent son refus et acceptent de le nourrir par panades. Ils sont cependant préoccupés par la situation, d'autant plus qu'on leur a laissé entendre que leur enfant pouvait présenter des tendances autistiques, diagnostic qui était basé sur le refus alimentaire et un léger retard psychomoteur. En observant sa relation avec ses parents et avec nous, l'hypothèse de psychose est immédiatement écartée, ce qui est communiqué aux parents. Nous considérons son refus comme un point conflictuel isolé dans le cadre d'une évolution affective normale : Marc, en effet, se présente à nous comme un petit garçon timide ayant toutefois un contact facile avec les étrangers que nous étions, capable tantôt de jouer seul, tantôt d'explorer à son aise la salle de jeux, quitte à venir chercher de-ci de-là une petite caresse chez sa maman.

A voir interagir les parents, en séance, et à les écouter, les relations humaines et la pédagogie dans la famille nous semblent globalement satisfaisantes.

Nous avons désiré voir ensemble les deux parents et l'enfant. Toute la thérapie s'est déroulée dans ce contexte qui a permis de nous baigner rapidement dans l'ambiance familiale. Ainsi elle est reconstituée en séance et l'on ne coupe pas le lien avec les parents, lien encore vital à l'âge de Marc ; en outre, les parents voient se dérouler un ensemble d'actes et d'attitudes techniques qu'ils peuvent assimiler immédiatement. Enfin, non seulement la maman mais aussi le papa est présent et actif.



Hypothèses étiopathogéniques 



L'hypothèse d'un blocage affectif partiel est retenue : une des lignes de développement décrites par Anna Freud s'est arrêtée : l'enfant ne peut pas « réaliser » son agressivité orale avec tout le plaisir qui y est mêlé ( plaisir dc mordre, de détruire ou d'incorporer un aliment ) Pourquoi ? Théoriquement, nous pouvions penser que Marc avait peur que, s'il se mettait à vivre son agressivité orale, il ne lui arrive quelque chose de très désagréable, de l'ordre de la loi du talion : être mangé, être agressé, détruit par des personnages terrifiants, mi-image, mi-réalité, construits à partir de l'amplification de ses craintes inconscientes quant au mal que ses parents pourraient lui vouloir. Et pourquoi mettre de telles intentions criminelles dans la tête de ses parents ? Vraisemblablement, parce que, comme beaucoup de jeunes enfants, il avait eu lui-même envie d'exagérer sa pulsion orale jusqu'à désirer parfois manger les personnes qu'il aimait le plus, c'est-à-dire ses parents, et donc ceux-ci pouvaient avoir envie de se venger.

Il était donc intéressant d'explorer l'anamnèse pour voir Si, dans la réalité de son histoire, on avait des indices, soit d'intenses désirs oraux, soit d'événements que, subjectivement, il ait pu ressentir comme punition ou menace de punition pour des « excès de bouche » Cette exploration ne nous a pas tellement éclairés : dans son passé, on ne peut déceler ni maladie de l'appareil digestif à part une mycose vers l'âge de huit mois, ni trouble alimentaire très précoce. Il fallait donc chercher d'autres éléments que cette mycose comme facteur étiologique hypothétique.

Une « épreuve thérapeutique » dont la réussite pouvait situer clairement la cause de la souffrance dans les fantasmes agressifs oraux de l'enfant, fut aussitôt entreprise. En même temps, elle allait changer le cours de ces fantasmes et donc libérer l'enfant.



III. Epreuve thérapeutique 



Nous y avons eu recours dès le milieu de la première séance, au moment où notre hypothèse nous semblait raisonnable.

La technique employée a été de le mettre en présence d'une marionnette-crocodile, nantie de dents de caoutchouc, et de lui montrer ce crocodile mangeant de la « viande » ( représentée par de la plasticine ) ou s'attaquant à d'autres personnages-marionnettes pour les dévorer. L'un d'entre nous anime les différentes marionnettes. Marc, tout de suite intéressé, éclate de rire, mais refuse violemment de toucher ce crocodile qui pourtant le fascine. Le thérapeute se tourne alors vers les parents, leur donne des marionnettes et se met à jouer avec eux, de manière montrer à toute la famille et à Marc en particulier que nous ne mettons pas de tabou sur une expression symbolique de l'agressivité orale.

Après avoir pris les parents comme partenaires et après plusieurs invitations discrètes pour que l'enfant entre aussi dans le jeu, sans insister sur ses refus, mais sans non plus se décourager par eux. Marc finit par s'emparer impulsivement du crocodile et essaie immédiatement de mordre les doigts du thérapeute et de se mordre lui-même. Ceci signe manifestement son désir oral et sa crainte du talion. Tout de suite, un des thérapeutes soutient l'expression de la pulsion orale et souligne la différence entre le domaine imaginaire et le domaine de la réalité. Il dit peu à peu : « Le crocodile a vraiment fort envie de mordre ; mais il ne peut mordre pour de vrai il ne va pas non plus mordre Marc ; papa et maman sont là pour l'en empêcher ; mais il peut mordre dans la viande ou dans les poupées, c'est très gai ! ... »

Le conflit de Marc, comme nous comprenons à la lumière de ses jeux, expliqué de manière rassurante : « Votre enfant a probablement peur d'être dévoré ; de vrai, comme punition parce que lui-même a fort envie de dévorer les gens, et c'est pour cela qu'il refuse de mordre »

En outre, nous insistons sur le fait qu'ils peuvent aider Marc à faire la distinction que nous avons amorcée entre le réel et l'imaginaire, c'est-à-dire d'une part l'encourager à imaginer n'importe quoi, de manière à déculpabiliser son envie et d'autre part, lui mettre des barrières nettes quand il veut s'attaquer aux personnes ou à lui-même : « Non, tu ne peux pas te mordre ou me mordre, tout cela, c'est pour jouer. Il ne va rien t'arriver ; papa et maman sont là pour empêcher qu'il ne t'arrive quelque chose »

Ici, nous faisons appel aux parents comme collaborateurs, comme co-thérapeutes, ce qui a augmenté leur sentiment de valeur en tant que parents et donc, a inversé la dépression causée par l'état de Marc.

Enfin, en disant que maman et papa sont là pour le protéger, on essaie que Marc introjette des images parentales positives très protectrices, plus fortes que les images terrifiantes, dévoratrices qui le hantaient.



IV. Le travail à domicile

 

Cette collaboration est concrétisée en demandant aux parents de Marc d'acheter un jouet-crocodile ou un autre animal à grandes dents, et de jouer eux-mêmes tous les jours, quelques minutes, un jeu de même nature qu'en séance.

Ils inviteront donc Marc à y participer sans le forcer, et s'il commence à jouer, ils l'encourageront et l'aideront à aller jusqu'au bout dans son imaginaire en riant avec lui des histoires terribles qu'il pourrait inventer, en lui demandant avec sympathie ce qui va se passer après, s'il s'arrête à un moment crucial de ses histoires, etc. Il leur est aussi demandé de continuer leur attitude éducative qui est de ne pas forcer l'enfant à manger du solide.

La première séance se termine sur cette espèce de contrat de travail où s'est déléguée sur les parents une partie de notre savoir technique.

Il y a eu partage et demande de notre part : « Nous avons besoin de vous » C'est différent du simple conseil, qui risquerait d'accroître leur dépendance parce qu'il intervient dans leur domaine propre.
 


2. Deuxieme séance ( intervalle d'un mois )

 

Un mois après, Marc et ses parents reviennent. Ils ont accepté leur rôle de collaborateurs dans l'épreuve thérapeutique ; ils y participent activement. Marc, et surtout son père, jouent tous les jours au jeu du crocodile. Marc le fait moins volontiers avec sa mère. Au niveau des relations familiales, Marc se montre moins agressif avec sa mère. Le père dit que Marc joue avec lui à mordre les chips, résultat qui le satisfait.

Les parents envisagent de mettre Marc à l'école d'ici deux ou trois mois, mais se demandent avec quelque inquiétude si le problème alimentaire sera résolu.

Nous les rassurons en disant qu'une thérapie est en cours et qu'il faut patiemment la poursuivre.

En sortant de la salle de jeu, Marc fait de nombreux mouvements de bouche.
 
 

3. Troisième séance ( intervalle d'un mois ) 

 

Les parents trouvent que Marc devient plus agressif ; d'une part, il jette ses affaires et ses jeux; d'autre part, il s'oppose aux ordres de sa maman. Pendant la séance, il utilise sa bouche comme source de plaisir : il joue bruyamment de la trompette avec un tuyau, fait des bruits de bouche parfois franchement agressifs en direction de sa mère.

Ce dernier point va dans le sens de l'hypothèse étiologique formulée. Cette libération de l'activité de la bouche dans des jeux de plaisir et de destruction, confirme notre hypothèse étiologique : Marc a dû ressentir sa bouche comme une arme réelle de destruction, ce qui l'empêchait de l'investir positivement mais, il commence maintenant à structurer son imaginaire.

Les parents ont fidèlement respecté les consignes de départ. A cette séance, nous les rassurons sur la valeur de leurs efforts, le bon pronostic qu'ils entraînent, et la nécessité de leur permanence.

Nous les félicitons aussi pour leur remarquable tolérance : jamais l'enfant n'est forcé de manger.

Nous nous adressons à Marc, en séance, par petites phases et nous invitons les parents à les répéter à la maison : « Maman ne va pas se laisser mordre ou frapper, ni accepter des crachats pour de vrai ; elle est là pour empêcher Marc de le faire, et jamais elle non plus ne le fera, mais Marc peut fort bien cracher sur la poupée ou sur le crocodile et ça c'est quelque chose de gai ... »

Nous invitons les parents à le répéter comme eux le ressentent, de manière à ce qu'ils se proposent comme barrière protectrice de l'enfant vis-à-vis du débordement de ses pulsions.

Il est important qu'ils continuent à donner à Marc un rôle très actif en utilisant la suggestion et l'identification : ils peuvent commencer eux-mêmes le jeu du crocodile, manifester de la joie, y entraîner l'enfant, l'inviter à le répéter.

Enfin, il leur est demandé d'encourager les plaisirs que Marc commence à trouver dans la bouche : faire des bruits en criant, en jouant de la trompette à l'aide d'un tuyau.

Une fois les suggestions faites, nous veillons toujours à ce que les parents gardent, même dans ce domaine, leur initiative et leur créativité : « Cherchez vos propres phrases ; cherchez ce que vous pouvez créer dans ce domaine, inventez des jeux où il y a du plaisir dans la bouche » Le père demande alors si l'on peut faire l'essai de remettre devant Marc de la nourriture solide. Nous répondons que, pour le moment, on peut lui en proposer comme si c'était la chose la plus naturelle du monde, sans exiger qu'il la mange. S'il hésite un peu, on peut jouer à ce moment-là un jeu du crocodile : « Le crocodile vient manger le pain. C'est gai, on va faire aller sa bouche comme le crocodile »

S'il est vraiment réticent, ce n'est pas le moment d'engager un combat de force.



4. Quatrième séance ( intervalle de deux mois )

 


Marc a fait beaucoup de progrès : il sait mieux se faire comprendre; depuis quatre semaines, il mange des tartines. La première fois, il a dit « crocodile » spontanément, montrant bien par-là qu'il associe le fait de manger avec le plaisir oral agressif retrouvé et déculpabilisé ; il mange aussi bien de la viande si celle-ci est enrobée de purée.

Les parents ont imaginé de nouveaux jeux de bouche : le jeu de l'harmonica, le « jeu » de se brosser les dents, activité où il prend son temps et son plaisir, par exemple en crachant.

En salle de jeux, Marc est très à l'aise il se soucie peu du crocodile et organise d'autres activités qui montrent que son affectivité évolue : faire couler les robinets, se promener avec une voiture d'enfants ...

Pour vérifier où en est la désinhibition, l'un de nous fait devant lui des bruits ludiques de bouche en suggérant à Marc de faire de même. Il se sert alors de cette « arme » pour nous défier sans toutefois s'adresser à sa mère envers qui il subsiste par moments une petite inhibition : nous reflétons son activité en disant : « C'est gai, on se sent fort avec sa bouche »

Nous conseillons cependant aux parents de ne pas interrompre brutalement les activités commencées, qui visent toutes à restaurer le plaisir de la bouche ils peuvent encore parler de temps à autre du crocodile, faire un petit jeu avec lui, continuer même à identifier Marc et le crocodile : « Le crocodile aime bien manger la viande ; Marc fait comme le crocodile ; c'est gai pour lui de manger et de faire aller ses dents ... »

Mais, il y a désinvestissement progressif de ce centre d'intérêt oral par l'enfant, et il ne faut pas non plus l'en saturer.

D'autres noeuds de son organisation affective commencent à apparaître qui vraisemblablement se dénoueront spontanément : Marc a parfois tendance à défier sa maman, à lui dire non, voire à lui donner une gifle quand elle refuse quelque chose. Ici pourrait commencer une nouvelle problématique pédagogique. Nous lui faisons comprendre qu'on a le droit d'être fâché, qu'on peut passer sa colère à telle chose, mais qu'on n'a pas à détruire pour de vrai le corps de l'autre et que d'ailleurs, maman empêchera qu'on détruise le sien.



5. Dernière séance ( intervalle de quatre mois )

 

Résolution du problème

 

Avant la séance, Marc explore librement les couloirs et les bureaux du Centre. Il est très à l'aise et refuse les propositions qu'on lui fait ( un biscuit, un peu d'eau ...) Son « non » net traduit clairement l'affirmation de son indépendance par l'opposition : c'est encore plus manifeste quand des femmes lui font des demandes. Il n'acceptera de suivre - et immédiatement - que le thérapeute-homme.

Dans la salle de jeu, Marc se précipite d'emblée dans la direction du crocodile. Il ne parvient pas à l'atteindre, veut d'abord essayer tout seul, et finit par demander l'assistance de sa mère, de façon sereine et confiante. Nous reconnaissons là l'existence d'une certaine dépendance, dans une sérénité qui nous indique que « demander » n'est pas pour lui « échouer à être » De plus, il y a une confiance de base dans le secours de sa mère.

Le crocodile mord joyeusement la table, mais ne s'attaque pas aux personnes : l'interdit du passage à l'acte réel semble donc intégré. A croire même qu'il veut nous montrer qu'il a fait cette intégration car, démonstration faite, il s'en désintéresse et va jouer avec l'eau, les petites voitures, les mitraillettes ...

Pendant qu'il joue, la mère nous donne de ses nouvelles : Marc mange bien, même la viande. Les parents n'ont plus besoin d'utiliser le crocodile. A l'école, Marc est détendu, a des camarades et aime y dessiner. Il n'obéit pas très bien aux interdits de sa maman, sans véritable escalade d'autorité.

 

Prévention d'un nouveau conflit affectif

 

Nous avions remarqué que la maman attendait un bébé et, comme Marc était en voie de dépasser ses phases orale et anale, il devait « normalement » s'intéresser à cet événement sexuel ; nous avons donc cherché à le vérifier, d'abord en posant une question, très générale. A-t-il quelque intérêt devant la différence des sexes et devant la constitution sexuée des parents ?

Bien que la maman nous dise qu'il était encore « petit », Marc s'arrête de jouer et nous écoute avec intérêt. Cela nous incite à faire un peu de travail préventif, de façon indirecte, en parlant à la maman tout en sachant très bien que l'enfant nous écoute et donc en employant intentionnellement des mots simples. Comme un dialogue s'installe assez librement avec la maman, nous lui montrons qu'il est permis pour un enfant de parler de ces choses en famille. Rapidement, la conversation s'oriente vers la constitution sexuée de la femme : d'abord, en parlant de l'absence de pénis avec des mots qui peuvent rassurer Marc sur sa propre angoisse de castration à venir : « S'il vous demande où est le vôtre, dites-lui que les mamans n'ont pas de zizi, mais qu'il n'est pas tombé, elles sont venues au monde comme cela, etc. »

Ensuite nous soulignons le « positif » de la constitution féminine : « Maman a un petit sac dans le ventre, etc. »

La maman associe à l'existence du petit sac l'arrivée prochaine d'un nouveau-né et la difficulté de Marc à l'accepter : il essaie parfois de donner des coups de pieds dans le ventre de la mère; il dit « Je vais casser la petite soeur »

Manifestement, il a peur de perdre sa place d'enfant unique privilégié : ici encore, il faut prévenir une inutile culpabilisation des sentiments qu'il vit et veiller pourtant à ce qu'il ne déborde pas en acting-out agressifs. Nous faisons appel à la maman comme co-thérapeute et nous voyons s'il lui est possible à la maison de :

- Refléter le sentiment agressif de Marc « Marc a envie d'être méchant avec le petit bébé » : sa maman lui montre ainsi qu'il a le droit d'exprimer ses sentiments agressifs tout en restant accepté et aimé.

- Essayer de rejoindre et de verbaliser ses sentiments plus profonds et non-dits de tristesse et d'insécurité : « Marc est triste parce que le petit bébé va arriver ; Marc a peur que papa et maman s'occupent moins de lui, etc. »

- Le rassurer : « Certainement, on t'aime encore tout autant »

 - Introduire l'idée des avantages de la nouvelle situation : « Ça va être gai ; tu pourras jouer avec lui » ( plutôt que « tu en seras responsable » )

 - Donner progressivement le sens de la venue du bébé dans un contexte d'amour « C'est parce que papa et maman s'aiment beaucoup qu'ils ont eu envie de ... ils ont eu beaucoup d'amour à te donner à toi ; ils veulent aussi être très gentils avec un nouveau bébé, etc. »)

En même temps, on montre à Marc que la décision a appartenu à papa et maman, et qu'il ne pourrait pas les contrôler, ce qui le remet à sa place d'enfant qui n'est pas tout-puissant.

Le fait que Marc exprime si librement son agressivité est de bon pronostic : il a confiance dans la permanence de l'amour de sa mère quoi qu'il fasse.



Conclusion 



En trois mois de temps, Marc qui, à l'âge de deux ans et demi, ne mangeait que des repas semi-liquides, en arrive à manger du solide. Parallèlement, sa vie affective évolue normalement.

Qu'est-ce qui nous a semblé important dans l'aide apportée à ce cas ?

a) Nous nous sommes abstenus d'affronter directement le symptôme.

b) Nous avons redonné confiance aux parents, en les rassurant sur l'état mental de Marc : « Il n'est pas psychotique », et sur leur propre valeur : « Nous avons besoin de vous comme collaborateurs » L'appel que nous faisions à leurs capacités d'aide, a pu restaurer une image positive d'eux-mêmes.

c) Redevenus confiants en eux, ils se sont aussi montrés confiants à notre égard et ont vraiment pu assumer sans ambivalence nos demandes, après les avoir discutées avec nous. Ils ont donc travaillé tous les jours avec Marc.

d) Marc a souvent vu jouer ses parents avec le crocodile ; ils l'ont invité à les accompagner : cela a eu un effet d'induction et il s'est permis de libérer son agressivité et sa libido orale dans des fantasmes et des jeux. Il l'a d'abord fait par procuration, en s'identifiant au crocodile qui pouvait agresser à son aise aussi bien de la viande que des marionnettes, « symboles parentaux »

Il a pu voir que cette libération fantasmatique était sans conséquence sur le plan des liens réels entre ses parents et lui. Il y a eu ensuite un glissement du niveau symbolique au niveau réel et il a « réalisé » son agressivité - et sa libido - dans des limites bien cadrées : il a eu du plaisir à dire non à ses parents, à mordre de la viande, à faire du bruit, etc. En même temps, ses parents l'ont empêché d'aller trop loin, en posant sereinement des limites précises dont le sens était : « Je ne me laisserai pas manger par toi »

Par là, ils ont évité que l'enfant ne connaisse un surcroît d'angoisse et de culpabilité ; ils l'ont protégé efficacement contre ses propres débordements, et surtout contre ce qu'ils pouvaient induire comme facteurs inquiétants de punition en retour.

 

Références bibliographiques 

Klein M.
La psychanalyse des enfants, Paris, Presses Universitaires de France, 1972.

Klein M.
Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1972.

Lebovici F., Soulé M.
Connaissance de l'enfant par la Psychanalyse, Paris, P.U.F., 1970.

Winnicott D.W.
Processus de maturation chez l'enfant, Paris, Payot, 1970.

Winnicott D.W.
De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot, 1971.

Winnicott D.W.
La consultation thérapeutique et l'enfant, traduit de l'anglais par Claude Monod, Ed. Gallimard, 1971.