" Un alien est entré dans la maison"

 

§ I. « Mon père s'est pendu »

 

 


Le papa de Chloé ( treize ans ) et de Jérôme ( huit ans ) s'est pendu, il y a quinze jours, au premier étage de la maison familiale. Aucun indice ne présageait ce geste extrême. Certes, depuis quelques mois, il était anormalement fatigué et confiait à sa femme qu'il lui fallait des heures pour faire le travail qu'avant, il effectuait en une heure. Il n'avait plus la forme mais, tant par orgueil que pour ne pas inquiéter sa famille, il ne voulait pas entendre parler du mot « dépression ». Il s'est suicidé brutalement, avec un court message écrit : « Je n'en peux plus, pardonnez-moi ».

Pour la maman et les deux enfants de cette famille sans histoire, le choc est extrême. Avec une collègue, je les reçois en urgence, tantôt ensemble, tantôt séparément. Chloé est au courant de tout. Face à Jérôme, jusqu'à présent, on n'a pas prononcé le mot « suicide » ni « pendaison », mais ce sont bien les deux seuls petites pudeurs qui nous restent : via les indiscrétions familiales, Jérôme capte tout ; il lui est arrivé de commenter « Papa était fatigué. Il a voulu aller rejoindre sa maman » (2) .

Les dessins du petit garçon sont puissants, tout empreints d'une affirmation virile et d'une force de vie qu'il met beaucoup d'insistance à démontrer, tant pour se rassurer lui que pour indiquer à sa maman et à sa sœur qu'on peut compter sur lui. La maman et Chloé semblent encore plus affectées. Je ne dirai presque rien de celle-là, désorganisée, cherchant en vain de nouveaux repères, comme vide, abasourdie, triste, amère ( Cerel et Frisadt, 2002 ). Et Chloé ? Elle a l'impression qu'elle avait remarqué la détresse secrète de son papa, qu'elle lui avait offert de l'aide morale à plusieurs reprises, délicatement, indirectement et c'est comme s'il n'avait pas voulu de sa main tendue. Très dur à accepter pour cette toute jeune adolescente dont les psychanalystes diraient qu'elle est « dans son second Œdipe ». Elle a donc des attitudes, des pensées et des comportements ambivalents : une partie d'elle est triste et vide, comme sa maman, bien sûr ( Dowdney, 2000 ). Mais une autre partie est très fâchée ( Cain, 1996 ). Cette colère qu'elle exprime, elle l'assume et en a peur en même temps : elle ne se reconnaît pas dans ces sentiments intenses, dont je ne dirais pourtant pas qu'elle se sent coupable. Un jour, elle a avec moi une discussion quasi-philosophique : des gens disent que c'est mal, ce que son père a fait. Et elle, qu'en pense-t-elle ? Eh bien, elle peut comprendre que, le dernier jour, il ait eu comme une crise de folie-désespoir qui a fait précipiter les choses. Mais avant cela, il y avait des docteurs, des mains tendues, et, par orgueil, il n'a pas voulu se faire aider. Et ça, rien à faire, Chloé trouve qu'il en est responsable et que c'est mal de les avoir laissés avec tous les problèmes de la vie comme il l'a fait : « Lui, maintenant, il est libéré. C'est un peu facile … ». Beau raisonnement philosophico-existentiel de la part d'une jeune de treize ans, non ? Rien à redire, si ce n'est peut-être qu'un jour, elle acceptera de tourner la page en elle et de pardonner ce qu'elle analyse comme une faute de longue durée. Mais cela, ajouté-je, cela la regarde : donner son pardon est un droit, pas une obligation.

« Parfois, me dit-elle, je pense qu'il va revenir ». En lui faisant déployer cette idée, Chloé met en scène qu'il n'aurait rien dans les mains, qu'il ne dirait rien et qu'elle non plus n'aurait rien à lui dire. J'associe à cette description « Oui, peut-être « Chloé fâchée » aurait-elle envie de lui tourner le dos et de partir silencieusement, comme il l'a fait, lui ». Chloé me regarde intensément et bat des paupières pour acquiescer.

A côté de sa tristesse et de sa colère, Chloé présente aussi un PTSD, d'abord très aigu - nécessitant la présence quasi constante d'un autre à ses côtés -, et qui rétrocède lentement. Je l'ai rencontré souvent, ce PTSD, chez des enfants et des jeunes adolescents confrontés brutalement au spectacle ou à l'annonce de la mort violente d'un être aimé : l'image qui fait alors effraction dans leur psychisme, même quand ils la construisent eux-mêmes, constitue souvent un vrai traumatisme psychique. S'en suivent des projections traumatiques : Chloé a peur de se promener dans la maison, d'aller seule à la salle de bains, de dormir seule, de passer dans la zone où son père s'est pendu … Elle redoute l'irruption d'un revenant qui serait son père, avec une corde en collier autour du cou. Je suis plus démuni qu'il n'en a l'air pour l'aider à accélérer la résolution de ce vécu traumatique. La « débriefer » en lui faisant évoquer et réévoquer les images effrayantes qu'elle se concocte ? Bah, à un moment donné, n'est-ce pas faire pire que bien ? J'adopte donc une perspective plus cognitiviste : je leur parle à elle et à sa maman de ce que c'est le PTSD . Je dis qu'il atteint beaucoup d'enfants sensibles dans des circonstances analogues, j'explique pourquoi et j'ajoute qu'habituellement, il se résout lentement et largement en deux, trois mois : au moins, à parler ainsi, j'essaie d'éviter que s'installe « l'angoisse de l'angoisse ». J'entraîne également Chloé à faire de la relaxation respiratoire, à se crier « Stop » dans la tête, et à penser à des images différentes (3) dès que surgit l'image mentale du revenant. Et puis, en me faisant décrire comment se réorganise la vie familiale, je trouve même quelques idées très concrètes, de l'ordre de l'évitement, qui diminuent tout de suite son PTSD de dix à quinze pour cent d'intensité : la mère avait l'habitude de laisser ouverte la porte du bureau du père, devant laquelle tout le monde devait souvent passer : le fait de lui avoir demandé de la fermer, et à clef, apaise déjà l'imaginaire inquiet de Chloé : si revenant il y a de l'autre côté, au moins, elle ne le voit pas (4) . Ainsi continue encore aujourd'hui, avec des hauts et des bas, l'histoire de Chloé et de sa famille.

§ II. Quand la maladie mentale fait une irruption inattendue

es drôles de malades, avec ou sans visites de l'enfant.

Ainsi le père de Philippe ( quatorze ans ) voit-il grandir en lui, en trois mois, une pensée paranoïaque délirante … ( Rodet, 1990 ). D'abord il ne veut pas entendre parler de soins, imagine que tout le monde complote contre lui, que sa femme cherche même à se débarrasser de lui, qu'elle couve Philippe, le petit cadet, d'une manière anormale, louche, à laquelle il doit mettre le holà. Comme je redoute l'existence d'une tumeur, j'obtiens péniblement qu'il accepte huit jours d'observation en service psychiatrique ouvert, ce que, par la suite, il ne me pardonnera jamais. Il s'opposera tout un temps à ce que Philippe continue à me voir. Heureusement, j'avais déjà pu rencontrer à plusieurs reprises le jeune adolescent, et nous avions parlé de l'état de son père, de ce qu'il ressentait et des questions que cela lui posait. Au moment où l'interdiction était la plus forte, nous avons échangé quelques mails, Philippe et moi et, aussi bien à lui qu'à sa maman, j'ai fait remarquer que moi en tout cas, je leur reconnaissais la liberté de choisir et de décider ce qu'ils trouvaient le mieux pour eux : obéir à l'injonction psychotique du père ; passer outre ostensiblement, en le lui signalant ; ou passer outre en cachette. Par la suite, le père a quand même accepté d'aller voir un confrère, d'une toute autre appartenance universitaire que moi, pour parler de sa fatigue et de sa nervosité, et mon collègue a eu l'art de l'apprivoiser et de trouver un créneau de travail satisfaisant avec lui. Petit à petit, les cotés les plus délirants de sa paranoïa se sont résorbés, mais aujourd'hui encore, il conserve un caractère soupçonneux, irritable, vite agressif avec son épouse, qui consulte un autre psychothérapeute pour elle. Il a fini par rendre à Philippe la permission de me consulter mais lui ne veut toujours plus mettre les pieds chez moi. Vous trouverez en annexe un bout de dialogue que j'ai eu par e-mail avec Philippe, puis avec sa maman ( bibliographie références web 1 et 3 ).

Les enfants et les adolescents que j'ai rencontrés dans de tels contextes en étaient toujours très affectés ( Winnicott, 1969, Lebovici et Rabain, 1985 ) ; le dénominateur commun, c'était leur inquiétude, en référence à la véritable substitution de personne proche à qui ils se sentaient confrontés : d'une part, la perte inattendue d'une référence sûre sur laquelle s'appuyer : moins ou plus guère d'amour exprimé, de protection accordée, de communication enrichissante … Mais drôle de perte d'une certaine façon, peut-être pire que la mort accidentelle, à partir de laquelle on peut se constituer de solides souvenirs positifs : la personne est toujours là, allant et venant dans la maison, mais ce n'est plus celle que l'on connaît : il s'est produit une implosion, un morcellement, un mauvais sort jeté par la baguette magique de quelques abominables sorciers, et un alien a pris sa place. Un alien cloué au fauteuil par la dépression, un alien qui s'est mis à boire et à gesticuler, un alien extravagant qui dépense tout l'argent du ménage en folies, un alien qui délire … Et en plus l'autre parent, bien souvent, ne parait guère très puissant, très convaincant, très rassurant pour y faire face. Et enfin, les adultes sont souvent loin d'avoir bien expliqué ce qui se passe à l'enfant, d'autant plus qu'il est plus jeune : il voit, se crée des fantasmes inquiétants, et comme on ne lui dit rien, ceux-ci peuvent être envahissants et pire encore que la réalité.

Insécurité donc, liée à la perte d'un bon parent et aux comportements étranges de l'alien ( Buist, 1998 ).

Aussi certains enfants tentent-ils de dénier ce qu'ils vivent et se représentent, et s'inventent des histoires vaguement rassurantes, souvent corroborées par l'autre parent : « Maman est fatiguée. Papa est plus nerveux parce qu'il a des soucis au bureau » « Sois gentil ; n'en remets pas une couche ; fais-toi petit ». Officiellement, une partie des enfants ont l'air d'adhérer à ces mensonges soi-disant protecteurs. Et de fait, ils s'efforcent de se faire petits, au point d'éviter dans une large mesure la confrontation au parent malade - merci, les ordinateurs-refuge ! - Mais si on les observe et les écoute bien , on constate souvent qu'il s'agit davantage que d'attitudes prudentes : leur estime de soi est affectée ; ils se replient sur eux- mêmes pour fuir tous les autres, même et surtout leurs copains ; ils gardent pour eux leurs questions et leurs impressions. Pour ne pas déstabiliser les nouveaux mythes auxquels on leur demande d'adhérer. Mais aussi parce qu'ils se sentent honteux, comme marqués eux aussi par la tâche noire de la maladie mentale : fils ou fille de fou, d'alcoolique, de maniaque …ce n'est pas drôle à annoncer aux copains, ça, ni plus radicalement, à élaborer mentalement pour soi.

Il arrive même que ces enfants, ou d'autres encore, se sentent plus ou moins coupables du malheur qui frappe leur famille ( Harris, 1995 ). Coupables d'avoir contribué aux fameux soucis de papa, et peut-être donc de l'avoir rendu malade ; coupables de le fuir et de ne pas bien aider maman à le gérer ; coupables de se sentir fâchés sur lui, sur tout ce qu'il apporte de négatif dans la vie et l'image sociale de la famille ...

D'autres enfants sont moins capables de colmater leur insécurité, même vaille que vaille : elle est bien présente dans leur psychisme. Les plus forts parviennent encore à ne presque pas l'exprimer. Mais que de soucis et de questions secrètes, le soir, qui rendent l'endormissement difficile ou en journée, à l'école, qui provoquent rêveries douloureuses, distractions et autres chutes de rendement ; les plus vulnérables, eux, laissent s'extérioriser leurs angoisses, par exemple dans des cauchemars, de l'angoisse de séparation ou encore, pour les plus jeunes, via un « qui-vive » perpétuel, un comportement d'alerte, marqué par la nervosité, l'agitation, l'irritabilité et la rébellion facile.

Dans un autres registre certains, surtout les aînés, deviennent plus désobéissants et plus transgresseurs parce qu'ils ne sont plus contenus par deux parents efficaces et que le parent « sain », absorbé par ses soucis, n'a plus toujours la disponibilité et la force de bien les réguler ( Marnier, 2004 ). D'autres encore, ici aussi surtout les aînés, se sentent autant fâchés qu'honteux; ils en veulent au parent malade - et, parfois à l'autre aussi -, et le font bien sentir. Ils attribuent au malade la responsabilité de sa maladie, de façon largement irrationnelle (6) .

Est-ce à dire que les « bonnes » réactions, celle que l'on cite dans la littérature qui se centre plus sur les ressources positives que sur les défaillances, est-ce à dire que ces « bonnes » réactions n'existent pas ?

Si, bien sûr, on les rencontre aussi, mais restons réalistes ! En aigu, ce ne sont pas elles qui sont les plus fréquentes. Puis, petit à petit, on peut s'aménager face à la maladie mentale. Les enfants, alors, ont moins peur : ils se refamiliarisent avec l'alien, pour peu que celui-ci ne soit pas objectivement dangereux ; quelques-uns retrouvent même de la sollicitude pour lui et d'autres se parentifient pour aider et pour satisfaire leur narcissisme, de façon modérée et raisonnable ou de façon excessive.

§ III. Notre fonction de professionnels


On ne rappellera jamais assez à tous ceux qui s'occupent de malades mentaux adultes que, lorsque ceux-ci ont des enfants, ces derniers sont quasi toujours affectés par la situation et que c'est justice … et efficacité préventive que de bien s'occuper d'eux aussi ( Silverman, 1989, Drake, 1990 ) . Je mets entre parenthèses des questions et des méthodes spécifiques, dont d'autres collègues parleront : organisations et supervision des visites à l'hôpital psychiatrique, ( Kabuth, 2004 ),constitution de groupes de parole ou d'expression créative pour les enfants, etc. Je me contente de rappeler quelques attitudes fondamentales ( bibliographie : référence web 2 ) :

 Se représenter tout simplement que ces enfants et adolescents vivent probablement la nouvelle donne familiale de façon pénible ; être disponibles pour en parler avec eux ; veiller à ce qu'ils ne se retrouvent pas comme les délaissés de l'histoire et donc à ce que de l'énergie continue à être investie pour leur scolarité, leurs distractions et les communications avec eux.

 Etre présents, comme un autre bien vivant et sur qui l'on peut compter, face au deuil qu'ils devraient parvenir à faire pour une durée indéterminée ; ne pas nier le poids de la perte ; les accompagner, plutôt que vouloir minimiser ou rassurer artificiellement.

 Accueillir leurs idées et leurs sentiments tels qu'ils sont, sans critiques ni volonté de rectification trop rapide ( Garley, 1997 ). Les questions anxieuses, par exemple, qu'il faut parfois non seulement accueillir mais même « aller chercher » : Que se passe-t-il ? Pourrait-il mourir ? Pourrait-il me faire du tort ? Est-ce que sa maladie s'attrape ? Est-ce que je peux devenir comme lui quand je serai grand ? Voilà pour quelques « grands classiques ». Mais aussi, par exemple, face à la paranoïa : Finalement, serait-ce possible que maman lui ai fait du tort ? Ou des questions plus relationnelles : A-t-il le droit de me parler comme cela ? Dois-je lui obéir ? Ai-je raison de lui dire qu'il doit se secouer ?

 Créer avec l'enfant une information de référence authentique et cohérente. Créer avec l'enfant, plutôt que tout lui donner. Oser le mettre en crise de réflexion : « Tu demandes ce qu'il a. Eh bien toi, qu'imagines-tu ? Quel mot emploierais- tu ? Quel mot as-tu peut-être entendu ? Comprends-tu ce que cela veut dire ? ». Le résultat est souvent étonnant : l'enfant sait beaucoup de choses, d'intuition ou parce qu'il a grappillé de l'information, et il demande seulement que son savoir soit confirmé ou nuancé. Certes, il reste des mots plus difficiles à prononcer que d'autres : « Folie ... crise de folie ... suicide ... alcoolisme profond », ce n'est pas drôle à entendre, c'est même inquiétant et il faut bien en expliquer les enjeux (« Un fou n'est habituellement pas dangereux dans ses actes »). Mais, pour la très grande majorité des enfants confrontés à l'angoisse de l'inconnu, désigner ce « suitable enemy » est déjà moins angoissant que les laisser seuls dans le noir.

 Parler avec l'enfant des problèmes de coexistence quotidienne qui se posent avec le parent malade ; en parler en sous-groupe familial, sans le malade … Ou parfois même avec lui ( en dehors de la psychose avérée, la plupart des fois ) ; chercher et trouver ensemble des stratégies d'adaptation plus confortables.



Annexe 1 : Echange de courrier avec Philippe ( quatorze ans )

 
 et sa maman. Le papa a présenté brutalement une psychose paranoïaque.

De Philippe ce 12/10 :

Bonjour,

Papa va très mal pour le moment, il râle tout le temps et menace de divorcer, d'arrêter son travail, dit tout le temps que maman est malade. Ce soir il a traité maman de machin, de truc, de chose, d'alcoolique ...
Je commence à être sérieusement découragé, parler avec papa ne sert à RIEN, depuis maintenant huit mois. Mon frère et ma soeur, Maman et moi avons bien discuté des centaines d'heures mais rien n'y fait.
Dernièrement, papa m'a frappé dans sa colère ( pas fort, mais à la joue ), je ne le vois quasi qu'aux repas, il passe le reste du temps ( quand je suis rentré de l'école du moins ) à téléphoner dans sa chambre et à dormir ( papa et maman font toujours chambre à part ) ...
Papa m'a menacé ce soir d'arrêter l'abonnement à la TV et de me mettre 100 € d'amende.
Papa a très peur de ne plus avoir l'autorité d'un père, de ne plus être considéré comme tel.
J'en ai marre, je voudrais qu'il redevienne l'autre père qu'il était il y a neuf mois.
Tantôt il veut bien te voir, tantôt il ne veut pas . La plupart du temps il ne veut pas ou bien il va y " réfléchir " sans résultat.
Bien à toi.

Ma réponse ce 13/10

Philippe,

Je reste hélas persuadé que pour le moment quelque chose s'est déréglé dans le cerveau de ton papa et que ce qui se passe, c'est l'expression d'une maladie comme quand on a les reins malades ou le cœur. Mais ça peut se guérir, comme les autre maladies.
C'est très dur à vivre, je le sais bien parce qu'en plus dans ce genre de maladie ... on n'admet pas que l'on peut être malade.
Ta maman est assez grande pour se protéger largement toute seule ... je pense que ton papa est " sciant et injuste " avec elle, mais je ne crois pas qu'il peut poser des actes " vraiment " dangereux ; la meilleure partie de lui-même qui était douce et pacifique ne l'a pas abandonné ... elle le protège de lui-même derrière sa maladie ...
Donne-toi donc suffisamment d'occasions de " souffler " d'aller voir des copains, d'aller chez ton frère, etc ...
Selon moi, tu as le droit de venir me voir en l'annonçant à ton papa ou pas : on doit respecter son père et lui obéir mais pas nécessairement obéir aux idées folles de son père. La loi belge permet aux adolescents de consulter leur docteur quand ils en ont besoin, que leurs parents le sachent ou non, et avec la garantie du secret professionnel. Je te redonne mon tél fixe et mon portable si tu veux me contacter ( ... ) amitiés ... je me sens proche de toi.

jyh

De la maman de Philippe ce 12/10

Cher Docteur,

La situation ne cesse d'empirer et je me fais beaucoup de souci pour Philippe qui est triste, las de tout ce qui arrive, sans courage devant ses tâches scolaires et sans goût pour continuer l'académie.
Je le presse de vous contacter, je ne sais comment l'aider et je souffre de le voir torturé et responsable, à ses yeux, de ma protection. Mon mari se montre régulièrement odieux à mon égard devant lui.
Je suis en recherche d'un logement et je compte demander au juge de paix une séparation temporaire. Je suis moi-même terriblement blessée et épuisée, sans repères clairs et je ne peux envisager sereinement la garde de Philippe ; son frère est prêt à l'accueillir si Philippe formule cette demande.
Je vous appelle à l'aide.

Ma réponse ce 13/10

Vous trouverez dans ma réponse à Philippe des éléments pour votre propre réflexion.
Bien à vous
jyh
 
 

Notes

 
2. Spéculation sensée, qui se chuchote dans la famille, en tant que coup de pouce déclenchant : le père était très attaché à sa propre mère, décédée d'un cancer trois ans avant, et il s'est suicidé deux jours avant la date anniversaire de la mort de celle-ci.

3. Images différentes ? Au choix, dans ce cas précis : souvenirs agréables ; souvenirs de bons films appréciés ; images où une fille de son âge - type Laracroft - vainc par la force des ennemis imaginaires. Par contre, je ne lui conseille pas, pour le moment, d'évoquer mentalement des souvenirs heureux de la vie familiale antérieure. Devinez pourquoi ?

4. L'occasion de rendre hommage à mon maître à penser Pierre Fontaine, homme bienveillant et concret s'il en fut. Au début de ma formation, il nous racontait l'histoire du petit garçon qui avait très peur d'un crocodile tapi sous son lit. Comment le guérit-on ? En sciant les pieds du lit ...

5. Celles et ceux qui connaissent mes écrits connaissent aussi mon attachement à cette formule par laquelle Winnicott désignait les mères qu'il considérait comme « bonnes ». Je pense qu'on peut appliquer ses célèbres adverbes à une multitude de phénomènes humains.

6. Cette attitude est-elle complètement irrationnelle, et donc à discuter avec eux ? La réponse est davantage oui que non. Il est vrai, par exemple, qu'un parent déprimé, pourrait faire quelques efforts pour ne pas s'abandonner totalement à son vécu. Mais pendant longtemps, le noyau le plus dur de sa dépression lui échappe. Pour le parent alcoolique, la place de la liberté et de la dépendance est encore plus délicate à apprécier. Le psychotique, lui, n'a aucune prise sur ce qu'il lui arrive