Des chiens pisteurs dans les écoles !
Une curieuse pratique a vu le jour dans certaines écoles belges d’enseignement secondaire : en plein cours, dans une classe d’aînés, la porte s’ouvre soudainement et la brigade des stupéfiants fait son entrée, dans le plus pur style hollywoodien : trois policiers, un chien pisteur, et le directeur de l’établissement un peu en retrait. Sidération des ados, et parfois même du prof, pas toujours mis au parfum ! Commence alors la chasse au cannabis and co, dont les résultats sont plus ou moins fructueux et suivis de sanctions disciplinaires et judiciaires. Il est bien rare, néanmoins, qu’un « gros poisson » - type le jeune « héros » du film American Beauty – soit pris dans ce genre de filet !
Cette pratique me choque : elle s’inscrit dans d’illusoires politiques sécuritaires qui désignent et traquent les boucs-émissaires les plus vulnérables.
Que l’on me comprenne bien : je ne suis pas de ceux qui nient les problèmes liés au cannabis et proposent d’en libéraliser l’usage chez les mineurs. Cet éditorial n’étant pas destiné à discuter de ces problèmes, je me limiterai à rappeler que sur cent jeunes qui en fument, 7 à 10 % deviendront de gros consommateurs, avec nombre de problèmes scolaires, d’insertion sociale et de petite délinquance liés.
Néanmoins, je refuse l’idée de répondre à la violence de la transgression par celle des chiens à l’école. Cette collusion des enseignants et des policiers est contre nature ; sauf grave délit qui s’y commettrait directement, l’école devrait constituer un havre, un « troisième milieu » consacré à l’étude, à la communication et à l’apprentissage de la citoyenneté. Y faire entrer, matériellement et symboliquement, un Sur-Moi aussi fort que le policier et son chien, c’est semer de la crainte puérile plutôt qu’une paix propice au dialogue et à la réflexion.
Que croyez-vous qu’il va résulter de cette intrusion policière ? Pour beaucoup d’ados « normaux », elle constitue un moment traumatisant : « Oh oui, c’est donc vrai, le petit doigt de papa et de maman sait nous rattraper partout et tout connaître de nos masturbations, petites tromperies et autres transgressions ? » Pourtant pour gagner en confiance en soi, il est bon de vivre que quelques transgressions restent ignorées et impunies ! Si, sous l’emprise de la crainte, l’un ou l’autre petit consommateur renonce à sa consommation, c’est un peu comme le gosse qui arrête d’être énurétique parce qu’on l’a vraiment menacé de couper son zizi.
Et les gros consommateurs, pensez-vous que leur addiction se sera mobilisée d’un pouce ? Que nenni ! Mais ils seront sans doute plus prudents quelques temps, amèneront moins d’herbe à l’école , qui pourra donc dire aux parents : « Regardez, chez nous, pas de drogue … confiez-nous vos jeunes. » Et si, dans la classe, il y en avait l’un ou l’autre plus perturbé, plus psychopatique, sa haine du système n’en fera que grandir.
Alors, rentrez vos chiens, messieurs les éducateurs et policiers, et continuez à parler avec authenticité aux adolescents que vous accompagnez !
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