Le suicide d’Edmund. Allemagne année zéro (film de R. Rossellini, 1948)
- Quelques données épidémiologiques
- Trois à quatre adolescents sur mille commettent une T.S. ; il y a plus ou moins une mort pour 50 T.S. L'acmé est autour de 17 ans ; il y a plus ou moins deux filles pour un garçon ; 2/3 des T.S. sont non ou peu préméditées.
- Moyens utilisés : médicaments, puis phlébotomie, puis moyens violents, en augmentation ces dernières années.
- Après une première T. S. :
◊ Peu d'adolescents consultent « sérieusement » Pour 70 % d'entre eux, il existe une seule consultation « obligée »
◊ Leur sort s'améliore peu ; leur geste est trop banalisé par la famille ; la récidive d'une T.S. est donc élevée (autour de une fois sur deux)
◊ La morbidité ultérieure semble très supérieure à la moyenne. La T. S. indique donc peut-être un mal être plus chronique qui abaisse les défenses du corps et de l'être contre les agressions de la vie.
A propos des enfants, j’ai écrit un article spécifique sur ce thème en 2011 :
http://www.jeanyveshayez.net/brut/939-suic.htm
- Etiopathogénie
Le passage à l'acte suicidaire résulte souvent du jeu combiné de plusieurs facteurs :
A - Facteurs cognitifs
- Mauvaises informations et mauvaise appréciation cognitive du risque encouru ou/et de l'irréversibilité de la mort (surtout chez l'enfant jeune)
- Suggestibilité et identification à d'autres.
B - Facteurs affectifs
- Existence d'une dépression ( elle entraîne : autodépréciation ; idées et affects pénibles et solitude que l'on veut fuir ; espérance d'un destin meilleur de l'autre côté ; agressivité dirigée contre les autres que l'on veut punir de leur méchanceté ) Attention, notamment, à l'accumulation des pertes et ruptures !
- Présence d'angoisses importantes (peur quasi-panique d'être grondé, agressé, abandonné, humilié et fuite de cette éventualité)
- Impulsivité importante et fréquente : adoption de comportements peu réfléchis pour échapper à des affects pénibles, à des situations inconfortables.
- Plus rarement, et même sans se sentir mauvais, certains suicidants veulent se sacrifier pour une cause supérieure ; d'autres par contre, bien plus pervers, ont un désir de maîtrise absolu, jusqu'à décider leur mort ... ou de façon plus hasardeuse, jusqu'à jouer leur vie ou leur mort à la roulette russe !
N.B. 1. Certains passages à l'acte apparemment suicidaires constituent en réalité des « appels à l'autre » Ici, la volonté de mourir est nulle ou très partielle ... mais le risque est bien réel. Beaucoup de facteurs que nous venons d'évoquer sont également susceptibles d'intervenir.
N.B. 2. Corollairement, un certain nombre de passages à l'acte apparemment suicidaires ont surtout comme intention : régresser, dormir, être dorloté (par exemple via médicaments) Mais ici aussi, le risque est réel !
III. Personnalités impliquées dans la suicidalité
De la liste des facteurs qui précèdent, il ressort que :
- N'importe quel adolescent, même recensé jusqu'alors comme « normal », est susceptible de faire une T.S. ou de se suicider, et ceci même de façon imprévue.
La prévention primaire étant assez illusoire, rappelons plutôt que toute première T.S. devrait constituer un important signal d'alarme
- Néanmoins, il est évident que la majorité des suicidants auront déjà été repérés pour avoir une personnalité pathologique. On sera particulièrement attentif à ceux qui présentent un épisode dépressif majeur de longue durée, surtout si leur symptomatologie inclut des passages à l'acte (intolérance à la frustration, négativisme, assuétudes) ou/et s'ils ont la réputation d'être souvent impulsifs ... ou/et si leur niveau d'angoisse, lui aussi, est élevé.
- Traitement
A- Se référer au traitement de la dépression des enfants (syllabus Introduction à la psychopathologie et à la psychiatrie de l'enfant. http://www.jeanyveshayez.net/517-sy01.htm, chapitre X, § II) toutes les fois où la composante dépressive apparaît comme un facteur important de la suicidalité.
B - Sinon : aider à trouver de meilleures solutions mentales et comportementales face aux sources d'angoisse ; rééduquer l'impulsivité.
C - Plus l'adolescent avance en âge, plus on peut fonctionner comme pour les adultes à propos de l'idéation suicidaire elle-même :
- écouter dans les détails en quoi elle consiste et sa raison d'être
- dire honnêtement ce qu'on en pense. Souvent, il s'agira donc ici d'exposer quelques différences dans notre manière de voir le monde et l'avenir de notre jeune patient; il s'agira entre autres de lui dire qu'il a de l'importance à nos yeux - au moins cela -, mais sans que ce soit un message qui ressemblerait à un chantage affectif ...
- ensuite, lui rappeler qu'il est seul avec sa liberté, et qu'on ne saurait pas lui interdire de gérer comme il l'entend son projet sur lui-même.
D - Par contre, face à un enfant jeune qui jouerait - de façon risquée - avec l'idée de suicide, nous ne sommes pas certains qu'on doive être non-directifs de la même manière ; il faut l'écouter, bien sûr ... mais aussi pouvoir lui rappeler ce qui est bien et mal et pourquoi : entre autres, ce n'est pas bien de faire peur à des parents qui seraient normalement aimants en jouant avec l'idée de la mort, et il est donc prié d'y renoncer.
MOTS CLE
ADOLESCENTS, trouble dépressif majeur, dépression (adolescents), suicide (adolescents), tentative de suicide, angoisse, angoisse de séparation, somatisations.