Chapitre paru dans : La mort d'un enfant. Fin de vie de l'enfant ; le deuil des proches, Michel Hanus ed., Paris, Vuibert, 2006, 
Ecrit par Anne-Sophie Charles, Marie-Gabrielle Gailly, Anne-Cécile Jeanbaptiste et Jean-Yves Hayez

Introduction 

Mourir. Dans notre société où la maîtrise et la connaissance sont des valeurs premières, la mort représente l'adversaire ultime. Nous pouvons la donner, certes, la retarder aussi, mais nous ne pourrons finalement jamais l'éliminer. Face à l'angoisse et au sentiment d'impuissance qu'elle génère, nous préférons « oublier » son existence, laissant aux chercheurs et aux vieillards la difficile tâche de l'approcher, et à des marchands professionnels le soin de gérer ce qu'il reste de rites funèbres.

Même à l'hôpital, la mort n'a guère de place (1) . Présente en puissance dans l'annonce d'un diagnostic lourd, dans l'attente de résultats d'examens, dans les traitements qui durent, elle est pourtant déniée. On tente de la cerner en l'enfermant dans des chiffres, des statistiques, des pourcentages. Elle est « celle-dont-on-ne-peut-prononcer-le-nom », tel le redoutable adversaire aux multiples visages contre qui lutte vaillamment le jeune Harry Potter.

 

l'enfant mort de Charles Cotte, musée des beaux-arts de Quimper

l'enfant mort de Charles Cotte, musée des beaux-arts de Quimper

 

Les visages qu'elle porte, empreints des vécus de chacun, déterminent la place qui lui est accordée dans le discours tenu au malade, dans la manière dont il vit et dont il meurt. Pour une équipe médicale, la mort peut prendre le visage de l'échec. Pour une famille, celui de l'injustice. Pour un enfant, celui de l'évidence. Mais si ces visages ne peuvent être parlés, si chacun tait sa subjectivité, alors la porte est grande ouverte à la souffrance morale rongeante et solitaire.

Et si c'est un enfant qui meurt ? L'expérience nous apprend que les réactions sont souvent plus « négatives » chez les adultes qui l'entourent que chez le petit malade lui-même. Dans sa famille et même dans les équipes soignantes, certains s'effondrent, d'autres encore s'indignent, se révoltent. Nous aussi, les « psy » chargés de l'accompagnement, nous ne sommes pas épargnés par la surgescence des émotions communes : toute mort nous renvoie à notre propre mort et donc aux émotions qu'elle génère chez chacun ; et la mort d'un enfant lève de plus criants sentiments d'injustice, d'inadéquation de notre parentage, de culpabilité, etc.

C'est dans ce bain d'émotions que, comme bien d'autres collègues dans d'autres hôpitaux, les pédopsychiatres et psychologues de nos cliniques doivent régulièrement accompagner la fin de vie d'un enfant et ce qui s'en ressent dans sa famille. Enfants hospitalisés, parfois longuement, ou amenés aux urgences ou aux soins intensifs dans le décours d'un accident brutal. Morts annoncées longtemps d'avance, se précipitant en deux, trois semaines, ou totalement imprévues. Enfants lucides ou ingénus, révoltés ou « raisonnables », désirant souvent ménager leur famille ... Familles de toutes sortes, oscillant entre le désir de faire au mieux pour l'enfant et celui de panser leurs propres plaies, en projetant éventuellement sur l'enfant leurs espoirs fous, illusions que lui n'a plus. Temps de solitude et de grande souffrance physique ou morale ou temps intensément partagé, nos expériences sont très diversifiées.

Nous avons choisi de vous en relater trois, qui ont porté sur la mort annoncée d'enfants très malades. Nous les exposerons simplement, en montrant les interactions et les sentiments vécus, sans beaucoup de théorie à leur propos.

« Celle-dont-on-ne-pouvait-prononcer-le-nom » ou comment faire une place à la mort. 

Anne-Sophie Charles

 

faucheuse

 


L'histoire de Sebastian illustre combien la mort est devenue indicible pour une équipe et pour une famille qui se sont battues ensemble sans relâche, combien elle a été l'enjeu de tensions, de conflits, de remises en question.

Alors que Sebastian tentait de nous faire voir la réalité, sa réalité, celle d'un duel acharné avec la Mort, il se heurtait à un silence et à une dénégation qu'il n'a pas été possible de modifier. Les choses auraient- elles été plus faciles si les médecins et ses parents avaient pu l'accompagner dans la sérénité pour son dernier voyage ? De quoi avait-il besoin à ce moment-là ? Etait-ce de la force de ses parents, qui se serait peut-être évaporée si l'on avait affronté un peu trop leurs défenses ? Était-ce de la reconnaissance de l'imminence de la mort et de son droit à lui emboîter le pas ? Dans ce cas, à qui était-ce de lui donner cette « autorisation » ? A ses parents ? Et si, pris dans leurs représentations, ils en étaient incapables, était-ce aux médecins de le faire ? A d'autres professionnels ?

Les médecins avaient tenté de préparer les parents à l'éventualité de la mort de leur fils, mais ne souhaitaient pas l'informer, lui, de cette possibilité, afin de « préserver son courage et son espoir ». Or, a posteriori, je suis convaincue qu'il tentait de nous signifier, par tous les moyens, que son corps avait déjà cessé le combat.

Ma rencontre avec Sebastian s'est déroulée dans un service de pédiatrie spécialisé dans les greffes de foie.

Sebastian est né au Portugal. Il a une soeur de cinq ans son aînée, sa « deuxième maman ». Il souffre d'une maladie immunitaire et a accumulé les hospitalisations depuis sa naissance. A l'âge de douze ans, les médecins lui annoncent qu'il aura besoin d'une greffe de foie pour vivre et lui conseillent de partir en Belgique. Il quitte son pays en compagnie de sa maman. Son papa les rejoint plus tard pour donner une partie de son foie, au grand bonheur de son fils. Quelques complications pré- et post-opératoires allongent le séjour de Sebastian : il est maintenant hospitalisé depuis dix mois. Peu de temps après la sortie tant attendue, Sebastian revient pour température et diarrhée persistantes. Son retour coïncide avec mon arrivée dans le service.

Lorsque je le rencontre pour la première fois, je crois me trouver en face d'un enfant de sept-huit ans. Il est si petit, si maigre, et se laisse nourrir et materner par sa maman, présente en permanence à son chevet. Dès les premiers échanges, je sens que je devrai apprivoiser cette famille, qui se montre sur la défensive. Tant la détresse qui transparaît dans leurs récits (2) que la régression manifeste de ce jeune au seuil de l'adolescence suscitent de nombreuses questions. Quels sentiments nourrit-il pour sa maman ? Quels sont les bénéfices secondaires tirés d'une telle attitude ? Comment ce jeune peut-il s'autonomiser et faire valoir son opposition, dans ce cadre hyper protégé ? Le désire-t-il vraiment ? Je n'en aborderai que certains aspects, pas à pas. La prudence et la patience seront en effet les maîtres mots de nos rencontres, car le moindre questionnement est vécu comme une intrusion ou comme un jugement

 

colibri anna mâle

 


La maman de Sebastian témoigne de sa colère, de sa rancœur, de son épuisement d'être ici, seule, loin de sa fille et de son mari, « tout ça à cause de lui ». La violence des propos tenus devant son fils me pousse à proposer un partage des temps de parole en moments individuels et communs. La maman refuse net, même lorsque les médecins, sensibles à la dureté des mots qu'elle énonce, insistent sur l'importance de préserver un espace à chacun.

A quoi ce refus fait-il appel ? Est-ce un moyen de lutter contre l'impuissance, en gardant de la maîtrise au moins sur un pan de leur vie quotidienne ? Est-ce utile protection de défenses fragilisées ? Est-ce une réaction à l'atteinte d'un lien intense qui unit une mère et son fils dans l'adversité, d'autant plus fortement qu'ils sont seuls en terre étrangère ? Lorsque j'explore les raisons de ce refus, la maman me répond que « dans sa famille, on se dit tout ». Je comprendrai plus tard qu'en réalité on se dit « tout ce qui est audible  » ...

Mais au-delà du refus des entretiens scindés, Sebastian et sa maman refusent la moindre séparation physique, ne fût-ce que pour quelques minutes. Comme si la moindre absence risquait de perdurer à jamais ... Lorsque je vois cette maman, j'ai l'impression de me trouver face à un garde en faction, qui sait que la moindre défaillance profitera à l'ennemi.

Depuis que Sebastian est revenu à l'hôpital, il refuse de se nourrir. Bien qu'il ait toujours mangé difficilement, ce refus angoisse à présent terriblement sa maman. Il met à mal sa fonction maternelle. Lorsqu'elle explique qu'il risque de mourir s'il ne mange pas, je ne peux m'empêcher de faire l'analogie avec le don d'organe. Alors que son mari a donné son foie, que peut-elle donner de vital à son fils si ce n'est la nourriture, qu'elle prépare chaque jour amoureusement ? Pour l'équipe médicale, ce refus signe l'opposition de Sebastian à sa mère. Après coup, je me demande si ce n'était pas aussi le signe confus, timide, qu'il se résignait à mourir.

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Un premier tournant se dessine dans la prise en charge après un week- end particulièrement difficile : Sebastian souffre maintenant d'abcès cérébraux. Les médecins ont rappelé d'urgence sa sœur et son père du Portugal, afin qu'ils soient présents s'il venait à décéder. Pourtant, Sebastian retrouve petit à petit son énergie, si bien que son papa et sa soeur quittent la Belgique quatre jours plus tard. Sa maman reste très inquiète. Sebastian ne parle presque plus et dort énormément. Il continue à refuser toute alimentation et commence à vomir de plus en plus souvent. Autour de lui, l'inquiétude monte. Les médecins décident de lui mettre une sonde de gavage, qu'il vomit systématiquement. Selon sa maman, il se force à vomir, aussi elle le force à manger ( et donc à vivre ?). C'est l'escalade.

A ce moment, la mère de Sebastian m'accorde l'autorisation de scinder les temps de parole. D'après elle, Sebastian est terriblement angoissé à l'idée de rester seul avec moi, ne fût-ce que pour une quinzaine de minutes. Alors qu'il parle très bien français, il a peur de ne pas comprendre mes questions ou de ne pas savoir exprimer son opinion. Je l'invite donc à réaliser un dessin libre. Il m'observe. Je décide alors de dessiner moi aussi, de mettre sur papier ce que je devine être ses pensées, puisque la parole fait peur. Je le dessine surmonté de trois énormes bulles, dont la taille reflète, selon ce que je sens, l'ampleur de ses préoccupations : « Quelle merde, j'en ai marre, c'est pas juste », « Ça va aller, je vais guérir » et « J'ai peur ». Lorsqu'il voit mon dessin, il s'exclame : « C'est juste, c'est juste ! » et commence à rire. Il inscrit « Que merda » dans sa langue sur le dessin. Par la suite, dès que j'entrerai dans la chambre, sa maman et lui feront quasiment systématiquement référence à ce dessin pour exprimer leur état d'esprit : « Madame, c'est "  Que merda  " qui a encore grandi ! ».

Je sens que je l'ai touché, et que je gagne peut-être une part de respect, mais encore bien fragile, car à peine dix minutes plus tard, il hurle comme un fou pour appeler sa mère, qui se précipite dans la chambre. Il ne daigne poursuivre l'entretien qu'avec elle assise dans un coin. Ai-je été trop loin, trop vite ?

Un deuxième tournant s'amorce dans le cheminement que je fais avec Sebastian et sa famille lorsqu'il se réveille très difficilement d'un examen relativement banal. Il reste un week-end dans le service des soins intensifs. Son état se dégrade : il a de plus en plus de température et ne répond à aucun traitement. Les médecins ne comprennent pas. Il ne cesse de supplier de retourner dans sa chambre à l'étage. Sa mère ne supporte pas mieux cette rupture brutale, elle se sent plongée dans une impuissance qui la fait craquer. Elle se fâche avec l'équipe des soins, pleure, a du mal à se contenir. Le papa est rappelé d'urgence pour la deuxième fois. Les pédiatres obtiennent que Sebastian remonte dans sa chambre avec tout le matériel nécessaire. Les infirmières devront apprendre à gérer une situation nouvelle, habituellement dit ressort de l'équipe des soins intensifs.

En attendant le retour de Sebastian, sa maman parle pour la première ( et seule ) fois de la mort. Elle pleure, désespérée, en suppliant de ne pas perdre son enfant. Elle se reprend vite et m'explique alors qu'elle n'a « pas le droit de dire ça », ce qu'elle appelle ses « mauvaises pensées ». Ces pensées qui se réalisent si on les énonce. Les dire serait leur prêter un pouvoir de réalisation très destructeur. Et les penser provoque déjà, j'en suis convaincue, son lot d'angoisse et de culpabilité. Toutefois, elle refuse d'aborder cela.

 

Dans l'église Sainte-Marie-Reine-de-la-Paix, située dans le quartier pragois du nom de Lhotka, se trouve un chemin de croix qui n'a pas son pareil en Europe. Cette station, la sixième représente une mère avec son enfant qui s'est suicidé

 

Dans l'église Sainte-Marie-Reine-de-la-Paix, située dans le quartier pragois du nom de Lhotka, se trouve un chemin de croix qui n'a pas son pareil en Europe. Cette station, la sixième représente une mère avec son enfant qui s'est suicidé

Quand Sebastian revient dans sa chambre, il prie et rend grâce à Dieu d'être remonté des soins intensifs. J'entends « de ne pas être mort » ... Mais cela ne se dit pas. En revanche, d'autres paroles sont plébiscitées, celles qui annoncent la vie et non la mort : « Ça va aller. » Ces trois mots sont répétés en permanence par cette maman, comme une litanie conjuratoire, même (et surtout) lorsque les médecins tentent de lui expliquer la complexité de la situation et le risque que Sebastian ne s'en sorte pas. Toutefois, à la fin de l'entretien, la maman me glisse à l'oreille : « J'ai peur, Madame, car pour la première fois Sebastian a dit à son grand-père au téléphone qu'il allait mal ... or il dit toujours " ça va aller " ». Cette énonciation sera peut-être le seul signe recevable par cette maman d'une situation qui se dégrade et qui pourrait conduire vers la mort.

Les jours suivants, une nouvelle difficulté apparaît : Sebastian ne sait plus ouvrir la bouche. Ses mâchoires sont contractées à tel point qu'il ne sait plus ni manger, ni parler, sauf s'il se fâche contre quelqu'un. Certains médecins y voient une composante psychogène, une manière de dire à ses parents « foutez-moi la paix ! ». Car son papa et sa maman ne cessent de prendre sa température, de lui poser des questions, de le nourrir, dans un rituel avant une composante compulsive. Je me questionne également sur la fonction de cette contraction de mâchoires. S'il ne peut plus parler, est-ce parce que ce qu'il a à dire est proscrit. Je garderai cette idée en tête jusqu'à la fin.

A partir de ce moment, des positions différentes se font sentir dans l'équipe. Certains soignants se découragent. Les infirmières mettent en place un système de rotation tant c'est lourd pour elles de s'occuper de Sebastian, tant il leur est difficile de voir ce patient qu'elles ont soigné pendant si longtemps se dégrader, tant la tension dans sa chambre est forte, tant les actes compulsifs des parents les dérangent. Les médecins sont divisés : certains veulent baisser les bras, cesser d'essayer un traitement après l'autre dans l'espoir que l'un d'eux ait un effet, laisser la Vie faire son choix. D'autres veulent se battre envers et contre tout et garder l'espoir. Une discussion avec les parents les fait opter pour la voie de la lutte. Un message clair est passé à toute l'équipe : il n'y a aucune raison tangible de croire que Sebastian va mourir. Aucune ... sauf son état qui se dégrade de jour en jour. Aucune ... sauf peut-être ce que lui attrait eu à nous dire, lui à qui on n'a pas accordé la parole ( et qui d'ailleurs, ne « savait plus parler » (3) ). Etait-ce le rôle du « psy » de faire valoir ce droit d'expression ? Peut-être bien ... Et pourtant, je n'en ai pas pris conscience à ce moment-là, probablement contaminée par le discours médical, par la volonté d'une équipe entière de défier la mort. Jusqu'au jour où je suis appelée par l'équipe qui panique.

Depuis le matin, Sebastian est hyper agité : il tremble, hurle entre ses dents, agite les bras en tous sens et mime sans arrêt le respirateur. Il a l'air sur le point de fondre en larmes. Ses parents lui hurlent de se calmer, débordés sans doute par leur propre angoisse. Je me sens comme le chevalier qu'on envoie au front. Lorsque je rentre dans la chambre, je ne perçois qu'une seule et unique chose : l'angoisse. Une angoisse qui contamine tout le monde, qui envahit, qui rend fou. Je me laisse alors guider par mon intuition. Ce faisant, je m'écarte inconsciemment du message donné par l'équipe, celui de prôner l'espoir avant tout. Je demande aux parents de se taire, je prends d'autorité place au chevet de Sebastian : « Je vois que tu es mal. Je vais te poser des questions calmement, tu vas me répondre par gestes (4)comme tu as l'habitude de le faire. ». S'ensuit alors un étrange dialogue à une voix, où je vais prêter mes paroles et ma sensibilité à ce jeune, qui ressemble à un petit animal pris au piège. Je lui demande d'emblée s'il a peur : pouce levé. Peur de mourir : pouce levé. Le silence est total dans la chambre ; les parents me regardent faire et dire l'indicible. Il se frappe la poitrine, comme le font les pleureuses qui accompagnent le cortège funèbre dans certaines cultures. Peur pour ses poumons. Peur de ne plus savoir respirer ? Pouce levé. Je parle de son corps. Au moyen de gestes, de mimes, il me signifie que son corps ne peut plus vivre sans aide extérieure, en l'occurrence sans respirateur, contrairement à ce que disent les médecins.

Après avoir parlé de la mort, de la difficulté à la sentir venir, à la sentir proche, de la difficulté aussi de ne pas savoir, d'être dans l'inconnu, je cherche avec lui comment tenir le coup les jours à venir. L'infirmière qui s'occupe de lui s'est approchée pour faire ses soins et prend doucement part à la discussion. Sebastian n'a plus confiance en son corps. Il a besoin de voir ses paramètres pour être rassuré. L'infirmière propose alors d'être disponible pour lui montrer ces chiffres à chaque fois qu'il le souhaite, ce qu'il accepte avec soulagement.

papillon morbihan

 


Je sens poindre une division entre son corps et son esprit dans sa demande de voir des paramètres extérieurs pour être renseigné sur son état intérieur. A quoi accorder sa foi : à ce corps qui se dégrade ou à ces chiffres qui rassurent ? Sebastian refusera d'aborder cela avec moi, disant qu'il est « trop fatigué maintenant ». Je le sens néanmoins apaisé quand je le quitte.

Dans cette nécessité de voir des paramètres biologiques pour être rassuré se loge la question de la difficile union de la clinique et du biologique, du subjectif et de l'objectif. J'ai l'impression que les médecins et ce jeune vivent en parallèle un cheminement identique : dans l'angoisse qui s'insinue principalement sur la base de ce que leur dictent leurs sens (5), et dans la mesure où ils préfèrent dénier ce qui est là, pourtant bien visible, ils n'ont d'autre solution que de se raccrocher aux données objectives ( des chiffres, des courbes, des pourcentages ). Lors d'une discussion avec les infirmières plusieurs semaines après le décès, elles souligneront la difficulté dans laquelle elles se trouvaient lorsqu'elles étaient face à un jeune dont n'importe qui aurait dit qu'il allait mourir et dont les examens biologiques s'amélioraient, ou du moins n'empiraient pas. Difficulté pour elles d'aller à l'encontre de leur intuition, de leur sensibilité. Et risque aussi de s'accrocher aux données objectives au point d'en être aveuglées.

Par ailleurs, j'étais heureuse que les parents aient été présents lors de cet entretien si particulier, car j'espérais, au fond de moi, qu'ils auraient pu être témoins d'une vérité qu'ils ne pouvaient entendre jusqu'à présent. Avec l'aide d'une jeune pédiatre, nous les rencontrons alors pour parler de ce qui a été dit de l'angoisse de mort. Cet entretien est très animé, car les parents refusent net l'idée que Sebastian ait peur de la mort. Ils soutiennent jusqu'au bout qu'il n'était que semi-conscient lorsque je me suis entretenue avec lui et qu'il répondait n'importe quoi. La pédiatre s'oppose à eux avec douceur et fermeté, en leur demandant d'essayer d'accepter la peur de leur enfant. Elle les invite à cesser de le questionner et de prendre sa température sans arrêt. Nous indiquons ensemble qu'il a besoin d'air, dans tous les sens du terme. Les parents s'énervent, se bloquent. je les invite à reporter la fin de l'entretien une vingtaine de minutes plus tard, le temps qu'ils en discutent ensemble. Lorsque je les revois, ils sont beaucoup plus calmes. La maman pleure. Elle me dit combien c'est difficile pour elle de parler de la mort : « Vous savez bien, Madame, comme je suis superstitieuse ... ». Pour la première fois ils prennent la parole en tant que couple, pour m'annoncer qu'ils ont décidé de manger ensemble une fois par jour, hors de la présence de Sebastian, pour pouvoir parler. Et ils s'y tiendront, avec le soutien et les encouragements de l'ensemble de l'équipe infirmière ... et de Sebastian lui-même !

Avec le temps qui passe, l'angoisse de Sebastian ne tarit pas et s'exprime différemment par des sortes de compulsions : il appelle l'infirmière toutes les cinq minutes, défait ses bandages pour demander qu'on les refasse, etc. Ses parents, eux, continuent à prendre sa température et à le nourrir de lait ou de soupe quasi en permanence. Les infirmières sont à bout. Une des infirmières se sent assez forte pour faire face et propose à Sebastian de convenir avec elle du nombre d'appels auxquels il a droit. Le père de Sebastian accepte l'idée et rend le thermomètre aux infirmières. Il encourage Sebastian à tenir bon et retrouve alors, je pense, une part de son autorité paternelle.

Sebastian semble aller mieux, il a de nouveau envie de bricoler, de jouer. Il appréhende le retour de son père au Portugal et exige la présence de ses parents à ses côtés. Il recouvre progressivement l'usage de la parole. La dernière fois que je le vois, sa maman m'invite à me joindre à eux pour réaliser ensemble un cadeau pour la sœur aînée. Elle me dit : « Ici, on doit travailler tous ensemble, alors maintenant vous venez travailler avec nous. » Nous parlerons un peu de la séparation qui approche, de la manière dont Sebastian et sa maman vont supporter l'absence du papa. L'équipe médicale est plus détendue, elle respire.

Sebastian décèdera le lendemain d'une hémorragie pulmonaire après un examen médical. Ranimé aux soins intensifs, il s'en ira en présence de ses parents dans ce lieu qu'il abhorrait tant. Sa maman dira quelques heures après : « Et dire qu'on a voulu me prévenir et que je ne pouvais pas entendre. ».

Il n'existe pas de « bonne » manière de faire face à la mort. Mais peut- être existe-t-il une manière de la parler, de la dire, pour lui faire une place qui amène la sérénité lorsqu'on est invité à lui emboîter le pas.

Illustration de la Bible, Gustave Doré

 

 

 

Dire au revoir et puis partir 



Anne-Cécile Jeanbaptiste

J'ai choisi de vous faire part de l'histoire de Zora , atteinte de mucoviscidose et décédée à l'âge de neuf ans. D'origine marocaine, cette petite fille et sa famille m'ont beaucoup touchée et beaucoup appris. Accompagner un enfant en fin de vie oblige à se poser beaucoup de questions : « Vais-je être à la hauteur » ? Vais-je pouvoir aider cette enfant et sa famille ? » Et puis, au fil du temps, on se rend compte que l'on chemine ensemble et qu'il n'y en a pas un qui sait et qui va « aider » l'autre. C'est un travail d'écoute, de rencontre et d'accompagnement au sens fort du terme.

Comme le dit Bryan Lask : « S'occuper de patients atteints de mucoviscidose se révèle être une expérience profonde qui vaut la peine d'être vécue. Si nous sommes suffisamment ouverts, ils nous montreront comment vivre et mourir (6) ».



L'histoire de Zora 



Actuellement, très peu d'enfants décèdent de la mucoviscidose grâce aux progrès de la médecine qui ont permis d'augmenter significativement leur espérance de vie. Ce n'était malheureusement pas le cas de Zora dont le diagnostic a été posé très tard et qui n'a pu bénéficier d'un traitement précoce à même d'allonger sa vie de quelques années.

Zora, aînée d'une famille de trois filles, nous est arrivée à l'âge de six ans, déjà très malade. Sa maman était cependant persuadée depuis longtemps que sa petite fille était atteinte d'une maladie plus grave que de « bronchites chroniques » que les médecins ne prenaient pas au sérieux.

La fillette a été suivie dans notre centre pendant trois ans, durant lesquels elle a fait preuve de beaucoup de courage et de maturité. Ses parents étaient fort présents et très soutenants.

Quand Zora a neuf ans, des vacances au Maroc sont prévues pour y retrouver la famille. Contrairement aux autres fois, la fillette n'a pas du tout envie de s'y rendre. Après quelques hésitations de sa maman et un peu d'insistance de son papa, ils s'y rendent malgré tout.

Les premiers jours se déroulent tout à fait agréablement. Puis l'état de santé de l'enfant se dégrade très vite. On l'hospitalise au Maroc. Elle dit d'emblée qu'elle va très mal et qu'elle veut revenir à Saint-Luc ( nos cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles ).

Elle nous revient effectivement dans un état critique et est admise aux soins intensifs. Au début, c'est la révolte : « Je vous avais dit qu'il ne fallait pas aller au Maroc. » Elle attribue son état à une cause extérieure. Elle est dans la non-acceptation de l'évolution de sa maladie ; c'est de l'ordre du « pas possible ».

D'abord Zora se bat. Puis peu à peu, elle prend conscience de la gravité de son état, par la nature et l'urgence des interventions et par les attitudes de son entourage. Il coexiste également une prise de conscience plus intuitive, liée à ce qu'elle ressent : le mal-être, la fatigue, l'impression d'une vie qui s'en va. L'équipe médicale répond clairement à ses questions. On lui explique que son état est plus critique, plus inquiétant, que certaines bactéries se sont installées dans ses poumons et qu'elles font des dégâts que l'on ne contrôle pas très bien. On essaye de trouver les médicaments adéquats mais sans certitude qu'ils agissent suffisamment. Toutes ces informations lui sont communiquées afin de créer un climat de confiance et d'échange qui lui permettra de mieux s'adapter, de s'approprier ce qui lui arrive.

hirondelles


Durant quelques jours Zora va se montrer très exigeante, que ce soit au niveau de l'équipe soignante, de la nourriture, des visites, de ce que sa maman peut et/ou doit dire. Elle en vent à tout le monde, elle rend son entourage responsable de son état. Elle va ensuite se renfermer sur elle-même et se sentir coupable : elle trouve qu'elle demande beaucoup d'attention, que l'on doit s'occuper d'elle au détriment de ses petites soeurs, qu'elle dérange. Elle se sent responsable de la tristesse de ses parents et de ses proches.

« Ce n'est la faute de personne » : cette phrase, la maman va pouvoir la prononcer quelques jours plus tard ; elle aura pour effet de rendre Zora plus sereine, de la « réconcilier » avec son entourage. Elle va progressivement se rendre à l'évidence et accepter son état.

Après quelques jours elle doit être intubée, ce qui compliquera le dialogue. Celui-ci se limitera à quelques mots soit oralement, soit sur un bout de papier. Cette difficulté de parler en étant intubée va certainement influencer le travail d'accompagnement. Si elle peut dire de temps en temps une phrase, cela lui demande beaucoup d'énergie et donc on « parle » pour elle, on réalise en quelque sorte un travail acrobatique de « porte-parole », qui ne devrait cependant pas être celui de lui suggérer des idées qu'elle n'aurait pas.

 

La question de la mort 



Zora va aborder spontanément avec moi la question de la mort : « Qu'est-ce que ça fait de mourir ? ».

Je lui renvoie la question en lui demandant ce qu'elle en pense. Elle répond que les enfants qui meurent deviennent des anges car ils n'ont rien fait de mal. « Mais qu'est-ce que ça fait un ange ? », ajoute-t-elle. Au cours de la discussion, elle fait remarquer que ce n'est peut-être pas la même chose clans sa religion que dans la mienne. je lui propose alors d'appeler sa maman afin d'envisager une rencontre avec l'imam présent aux cliniques. Cet entretien confronte la maman à la question de la mort qu'elle n'avait pas encore abordée avec Zora.

La Nativité, détail des anges, Chapelle de Santa Chiara à Ravenne, 1320

La Nativité, détail des anges, Chapelle de Santa Chiara à Ravenne, 1320

La rencontre avec l'imam se fera deux jours plus tard. Ils aborderont ensemble le côté culturel de la mort. Une relation de confiance s'établit entre Zora et l'imam et elle demandera à le revoir régulièrement. Une part de son angoisse, de sa peur de la mort va s'estomper.

Par la suite, Zora et moi aborderons souvent des thèmes satellites de cette mort qui s'annonce, tels l'ennui, l'attente, le sens de la mort, la tristesse de ses parents et de ses soeurs. Elle va aussi relever quelques déceptions : elle n'aura pas le temps d'accomplir certaines choses qui lui tiennent à cœur ( entre autres d'être maman ), de voir sa nouvelle maison dans laquelle sa maman continue à décorer sa chambre et lui en raconte chaque jour les différentes étapes.

Tout au long de cet accompagnement, j'ai voulu garder comme ligne de conduite de me limiter à dire ce que Zora pouvait entendre, de répondre seulement à ce qu'elle demandait. Même si l'enfant est conscient de sa mort prochaine et qu'il est capable d'en parler librement, il faut rester prudent dans les informations qu'on apporte et dans les interprétations qui pourraient dépasser son niveau de compréhension. L'information peut se révéler angoissante et même terrifiante alors qu'on la voulait soutenante : l'enfant se trouve dès lors confronté à une réalité qu'il n'est pas prêt à assumer. Il risque de se refermer et de se préparer seul à la mort.

La maman et moi avions déjà abordé la question de la mort, mais elle ne se sentait pas prête à en parler à Zora. En se taisant, elle pensait protéger son enfant. Elle était très ambivalente ; d'une part, toutes les souffrances de Zora allaient s'en aller avec la mort, elle allait enfin retrouver la tranquillité, la sérénité mais, d'autre part, elle était incapable de tolérer la pensée de la perdre.

Sa croyance en un au-delà idyllique, exempt de mal, va néanmoins lui permettre progressivement d'adoucir la peine provoquée par la disparition prochaine très probable de Zora. Cette croyance rejoint celle de sa petite fille.

Il est important que l'entourage « accepte » la mort prochaine du malade, qu'il se résigne et puisse faire face à ses propres peurs, d'où l'intérêt d'offrir aux proches un espace où ils peuvent parler et se sentir écoutés.

Certaines familles ont besoin d'aide pour permettre à un membre de partir. Nous devons les encourager, les soutenir, pouvoir les aider à dire : « C'est ton droit de partir, de mourir, nous comprenons et nous t'aimons, nous n'attendons pas que tu te battes plus longtemps. ».

Au fil des jours, Zora devenait de plus en plus agitée et inconfortable, elle attendait cette « permission » de mourir. Nous en parlions beaucoup, sa maman et moi, jusqu'au jour où elle m'a dit : « Aujourd'hui, je suis prête, je vais pouvoir lui dire. Pourriez-vous rester près de moi, ça m'aiderait ? » C'était un moment à la fois très émouvant et très apaisant, même délivrant. Zora a souri à sa maman, ce qu'elle n'avait plus fait depuis quelques jours. Cette maman s'est sentie apaisée d'avoir pu parler franchement à sa fille, lui dire qu'elle l'aimait beaucoup et qu'elle resterait toujours dans son coeur.

Deux jours plus tard, l'enfant s'est éteinte dans les bras de sa maman, entourée de son papa et de l'imam.

hirondelles


Jusqu'ici, j'ai peu parlé du papa de Zora, bien qu'il ait été présent mais dans un autre registre, principalement en dehors de la clinique. Il venait régulièrement voir sa fille, mais restait très peu et voulait échapper aux discours des médecins qui le plongeaient « trop directement » dans la réalité. Il préférait recevoir les nouvelles via son épouse. Il s'occupait des deux petites soeurs et tentait de trouver l'énergie suffisante pour soutenir son épouse. Je l'ai rencontré quelques fois : dès qu'il parlait, il s'effondrait et il ne voulait pas se montrer « si faible » devant Zora et devant son épouse. Il a cependant eu un rôle très important de soutien auprès de la maman et des petites soeurs de Zora. Il a permis de maintenir le lien entre la vie à la maison et la vie à l'hôpital.

Un an après le décès de Zora, sa maman m'a appelée car elle souhaitait revenir aux cliniques pour revoir les personnes qui s'étaient occupées de sa fille. Elle désirait que je l'accompagne dans cette démarche. Nous sommes venues au centre « muco » où elle a pu échanger quelques mots avec l'équipe. Nous sommes ensuite descendues aux soins intensifs où elle a voulu entrer ; arrivée au local d'accueil, elle s'est effondrée et nous sommes sorties attendre le chef de service dans le couloir. Elle nous a remis un ballotin de pralines et nous a remerciés pour tout ce que nous avions fait pour Zora et pour la famille. Elle était sereine après cette visite. « Je devais revenir, c'est un pas de plus. » Elle qualifiera cette étape de « pèlerinage ». Son mari ne pouvait pas comprendre cette démarche : pour lui, revenir aux cliniques reste encore de l'ordre de l'impossible.



Conclusion

 

La mort d'un enfant crée une fracture, un trou devant lequel nous sommes démunis. Elle provoque un vide qui va se répercuter sur la pensée, l'affectivité, tout ce qui spécifie l'être humain comme sujet.

Ginette Raimbault nous dit : « Notre attitude face à notre propre mort à venir est un élément fondamental dans l'évolution du deuil. Pouvoir accepter sa propre mort future comme destin permet de penser que le disparu a pu, en un temps, accepter la sienne (7) ».

D'où l'importance d'un travail personnel afin d'éviter, entre autres, le sentiment de révolte qui rôde bien souvent autour de la mort d'un enfant.

Cette expérience reste pour moi exceptionnelle, principalement dans l'intensité des émotions qu'elle a provoquées. Zora et sa famille m'ont beaucoup appris et m'ont permis d'avancer dans ce travail « d'apprivoisement » de la mort.

Partir un jour 

Marie-Gabrielle Gailly

L'histoire de Vanessa , sept ans, n'est certainement pas la plus représentative de ce qui se passe dans notre service. Cette enfant est décédée rapidement de son cancer, résistant à toute thérapie médicale depuis le départ. Ce n'est heureusement pas le cas de la majorité des enfants atteints de cette pathologie. L'histoire de Vanessa est néanmoins exemplaire par l'importance du travail psychothérapeutique qui a pu être réalisé.

tombe d'enfant

 


Contexte de la maladie 



Depuis le mois d'août, Vanessa se plaint de vives douleurs dans le genou droit. Les parents consultent leur médecin traitant. Après une radiographie de contrôle jugée normale, la situation est banalisée : « Ce sont des douleurs dues à la croissance, ne vous inquiétez pas. ».

Fin janvier, les douleurs de Vanessa s'amplifient, son genou gonfle. Le père de l'enfant décide alors de se rendre dans le service des urgences d'une clinique proche. Une masse volumineuse est mise en évidence dans le tiers inférieur du fémur droit. Vanessa est directement transférée aux cliniques universitaires Saint-Luc. Le diagnostic d' ostéosarcome est établi avec existence de trois métastases pulmonaires.

L'équipe soignante met rapidement tout en œuvre pour soulager et soigner l'enfant dans les meilleures conditions. Les médecins informent les parents du diagnostic. Avant que je ne rencontre Vanessa et ses parents (8), ils ont expliqué à l'enfant la gravité de sa maladie, ainsi que le plan de traitement (9)

 


Premiers entretiens et mise en place du cadre thérapeutique 



Le lendemain de l'annonce du diagnostic, je rencontre Vanessa et sa famille. Les parents sont tous deux au chevet de l'enfant. L'atmosphère est lourde. Vanessa, Jolie petite fille aux yeux pétillants, est occupée à jouer avec une nouvelle poupée Barbie. Sa maman est assise à côté d'elle, les yeux dans le vide, catatonique. Le papa, tendu, nerveux, est au pied du lit. je me présente à eux comme fine des psychologues travaillant avec les professeurs C. et N., oncologues. Vanessa me regarde intensément. Le papa se calme un peu, il n'y a aucune expression ni réaction de la part de la maman. Je m'adresse à Vanessa et je précise que « je ne [la] toucherai jamais pour des soins, mon métier, c'est d'écouter et de parler avec les enfants qui viennent dans cette grande clinique de Bruxelles pour être soignés ». Elle écoute. « Il y a des enfants qui ont parfois des idées embêtantes, dans la tête et dans le cœur parce qu'ils sont loin de leur maison, qu'ils ont mal, parce qu'ils se demandent ce qu'on va leur faire. Ils ne connaissent rien, ni personne ici, leur papa et leur maman non plus. Alors, ils sont parfois perdus, malheureux, je suis donc disponible pour parler avec eux des choses embêtantes qui leur arrivent mais aussi des choses gaies, s'ils en ont envie. » Le papa saute sur l'occasion pour me dire qu'il veut me parler en dehors de la chambre. Il ne propose pas à sa femme de l'accompagner et la laisse d'autorité auprès de Vanessa. J'accède à la demande du père et explique à Vanessa et à sa maman que je vais m'entretenir un instant avec le papa. Nous sommes à proximité, elles peuvent nous appeler si nécessaire.



Entretien avec le papa 



Le papa de Vanessa explique qu'il se sent très coupable de ne pas s'être rendu aux urgences plus rapidement, leur médecin traitant n'a rien vu et il est très en colère. Vanessa souffre depuis trop longtemps. Il a peur, peur de ce qui attend son enfant. Il est aussi inquiet pour son épouse, dépressive depuis longtemps, et très choquée de ce qui arrive à Vanessa. Maintenant elle ne parle plus, ne mange plus, ne dort plus. Je lui dis que je rencontrerai également son épouse.

Il reparle de Vanessa : elle lui ressemble, c'est une battante comme lui. Un lien se crée petit à petit et nous retournons auprès de Vanessa et de sa maman. Le cadre thérapeutique se met en place.



Entretiens suivants 



Je fais plus ample connaissance avec Vanessa. Elle me raconte son histoire médicale : la boule dans sa jambe qui lui fait mal, les médicaments qui vont faire fondre la boule, etc. Elle tente de trouver une explication à ce qui lui arrive. « C'est à la cour de récréation que cela a commencé. Je jouais avec des copines à saute-mouton et je suis tombée. C'est pour cela que j'ai cette boule. » Elle dit qu'ici les médecins font tout pour soulager sa douleur. Les réactions de Vanessa vont bien dans le sens de ce que le papa m'avait décrit : une petite fille dynamique et combative.

Je lui apporte des livres et des brochures (10)sur la chimiothérapie qu'on lit ensemble avec ses parents.

Lors de ces premiers entretiens les parents sont présents mais laissent la parole à Vanessa. Elle me parle de sa sœur, Aurélie, dix ans, en quatrième primaire dans la même école qu'elle

 


Entretien avec la maman 



La maman accepte un entretien individuel mais elle arrive difficilement à s'exprimer. Je lui laisse le temps. Pour l'aider, je lui rapporte les paroles de son mari, cette maladie est un choc terrible pour elle. Petit à petit, elle se livre. Depuis que Vanessa est née, elle a toujours eu le pressentiment qu'il allait arriver quelque chose de grave à l'enfant, personne ne l'a jamais entendue. Elle s'explique ainsi l'origine de sa dépression profonde. Vanessa n'a jamais eu d'ennuis de santé jusqu'à présent, mais elle, elle était hantée par la mort possible de sa petite fille et l'imaginait dans un cercueil.



Fin de la première hospitalisation et retour à domicile 



La première cure de chimiothérapie terminée, Vanessa rentre à la maison. je revois la famille lors de la visite de contrôle à l'hôpital de jour. Le retour à domicile s'est bien passé. Vanessa était contente de retrouver sa soeur. Elle est allée à l'école chercher ses devoirs.



Hospitalisations suivantes 



Entre les deux cures de chimiothérapie suivantes, Vanessa doit être ré-hospitalisée. Elle est en pancytopénie ( déficit des trois lignées sanguines : globules rouges, blancs et plaquettes ) et fébrile. La prise en charge continue et nous parlons de « ces foutus médicaments qui sont efficaces pour faire fondre sa boule mais tellement embêtants pour le reste ».

Son état s'améliore rapidement, elle se sent de plus en plus à l'aise dans le service, profite de l'école, des animations et se découvre une passion pour les petits bricolages. La maman est présente et active au chevet de l'enfant. Le papa a repris son travail et communique avec moi soit par téléphone, soit par courrier.

Les hospitalisations se multiplient. Après chaque cure de chimiothérapie, Vanessa doit être hospitalisée. Dans les moments où elle est fébrile et douloureuse, elle est très irritable, crie, se fâche et devient extrêmement exigeante, surtout avec sa maman. Pour soulager les parents, les grands-mères et la tante essaient de distraire l'enfant qui n'accepte pas leurs interventions. Elles se vexent. Les relations s'enveniment. Les parents sont épuisés, ne savent plus quoi faire. Ils appellent à la rescousse. Décision est prise avec eux que, lorsque Vanessa est très souffrante, c'est de calme et de repos dont elle a besoin. Une seule personne restera auprès d'elle et la maman, le reste de la famille se relayera.

Dès que Vanessa retrouve un meilleur état général, elle redevient la petite fille qui sait profiter de tout ce qui lui est offert à l'hôpital

 

superbe petite fille


Néanmoins, fin avril, à l'issue d'un bilan général de nouvelles métastases pulmonaires sont apparues. Le cancer de Vanessa se révèle résistant à la chimiothérapie classique. Les parents acceptent une chimiothérapie de rattrapage mais celle-ci, très agressive, est mal tolérée par Vanessa. Au terme de deux cures, son état général est lamentable. Elle a beau être une petite fille battante, affaiblie, amoindrie, son moral est au plus bas. je continue à la rencontrer régulièrement. Impuissante, je reste tout simplement près d'elle et encourage les parents, comme l'équipe soignante, à lui permettre d'être en « congé de courage ». Il lui faudra plusieurs semaines pour que son état s'améliore un peu.

Début juillet, le bilan d'imagerie médicale ne montre pas de régression de la masse tumorale, au contraire, deux nouvelles métastases pulmonaires sont encore apparues. C'est l'échec total des traitements.

Vanessa est toujours hospitalisée. Je ne sais pas ce que les médecins ou ses parents lui ont dit au terme du bilan. Vanessa me fait écouter sa chanson préférée, un tube à la mode, « Partir un jour » des 2be3.

« Partir un jour sans retour
Dépasser notre amour
Sans se retourner, ne pas regretter
Garder les instants qu'on a aimés

Partir un jour sans bagage
Oublier ton image
Sans se retourner, ne pas regretter
Penser à demain, recommencer

Il faut savoir garder un ciel étoilé
Tendre les mains à son destin
Vouloir encore demain
Se dire adieu »

partir


Les paroles de cette chanson sont si parlantes qu'elles me bouleversent terriblement. Vanessa a compris que son cancer sera le plus fort et à sa manière, elle se prépare et nous prépare. Elle perçoit que j'ai entendu son message. Je ne fais aucun commentaire mais quelque chose de très intense se passe entre nous sans que l'on ait besoin de parler.



Les soins palliatifs

 

 

Les soins palliatifs sont envisagés. L'infirmière de liaison se rendra à domicile et, une fois par mois, un rendez-vous est fixé à l'hôpital de jour.

Juste avant leur départ, la maman me parle de la chanson : « Vous ne trouvez pas bizarre qu'elle chante tout le temps cette chanson ? ». La maman, à l'écoute de sa petite fille pendant tous ces mois de traitement, a aussi perçu la portée des paroles. Je lui explique que souvent les jeunes enfants nous parlent de manière indirecte.

De retour à la maison, l'arrêt des chimiothérapies permet à Vanessa de retrouver un peu de force physique et morale. Son désir est exaucé, elle reçoit un chien.

Le papa espère encore dans un éventuel traitement expérimental. Mais, pour pouvoir l'administrer, les oncologues doivent obtenir l'accord du comité d'éthique des cliniques.

Ne pouvant attendre sans agir, les parents décident alors de se tourner vers la médecine parallèle. Vanessa est prise en charge quotidiennement par un « thérapeute alternatif ». Celui-ci demande une biopsie de la tumeur. Elle sera réalisée dans un autre établissement de soins.

Les parents de Vanessa se sentent l'un et l'autre responsables et coupables du cancer de leur enfant (11). Plus que d'autres parents confrontés à cette situation, ils n'ont d'autre choix que de garder l'illusion d'une guérison possible proposée par la médecine alternative. Il leur est psychiquement impossible de supporter la réalité cruelle de la mort toute proche de leur enfant.

Mi-août, le papa est très angoissé, il ne contrôle plus la situation. Il m'envoie, ainsi qu'à l'oncologue, des fax. Dans ses courriers, il essaie d'analyser la situation. Vanessa est douloureuse, surtout le soir de 20 h à 23 h. Lui et son épouse ne parviennent plus à maîtriser les crises de la soirée. Vanessa s'énerve, crie, boude, claque les portes si ses parents n'accèdent pas tout de suite au moindre de ses désirs, par exemple manger, en pleine nuit, des chips qu'ils n'ont pas à la maison. Vanessa s'endort, selon l'expression du papa, « à l'arraché » et se réveille difficilement le matin. Quelques jours d'hospitalisation sont proposés pour mieux ajuster le traitement antalgique et faire le point face aux comportements ingérables. Les parents refusent cette hospitalisation. En revanche, ils acceptent de venir à la consultation de l'hôpital de jour. L'infirmière de liaison est présente. L'anesthésiste et l'oncologue modifient les médications antalgiques. Les parents me font aussi la demande, en présence de Vanessa, de la recevoir individuellement pour essayer de l'aider et donc d'être aidés eux aussi.



Entretiens avec Vanessa

 

Ce jour-là a lieu le premier entretien . Afin de rendre à Vanessa une position active de sujet, je lui propose que ce soit elle qui m'indique comment elle se sent au réveil, comment s'est passée sa soirée, etc. Nous créons ensemble une grille d'une semaine qu'elle petit ou non remplir à l'aide de symboles. Elle dessine ensuite le dessin de l'île ( voir doc. 1 )

 

doc. 1


« Une famille ( les parents et deux enfants et le chien ) seule sur une île déserte. Ils sont complètement isolés, paniqués. Heureusement, un bateau est en route pour les sauver. ». A la fin du dessin, la famille retrouve la sérénité. Vanessa ajoute un soleil et un papillon.

Probablement, Vanessa et sa famille se sont-ils sentis abandonnés à leur sort, au cancer qui évolue. Maintenant ils demandent de l'aide et Vanessa va pouvoir monter avec sa famille dans un canot de sauvetage. Je fais l'hypothèse que les crises de Vanessa sont aussi un appel à l'aide. Elle se débat avec rage pour être autre chose qu'un petit être qu'on observe. Elle est là, avec son caractère d'enfant gâtée, et elle se fait entendre. La vie de ses parents ne se réduisant plus qu'à son cancer, elle est en quelque sorte prise dans une obligation de guérir. Elle sent qu'elle n'arrive plus à le garantir. Mais, vive, intelligente, elle ne supporte pas le statut de victime et elle se bat pour ne pas être envahie avec sa famille, par la maladie, la souffrance.

La semaine suivante , Vanessa vient accompagnée de ses grands- parents. Elle me montre la grille qu'elle a remplie. Elle a mis des soleils ( bonne humeur ) après chaque journée, sauf pour une journée qu'elle a évaluée comme moyenne. Le papa a noté après chaque journée les heures de l'endormissement qui reste très tardif. Elle dessine la famille des labradors. Papa, maman labrador et leurs deux enfants ( voir doc. 2 ).

Vdoc. 2


Elle dit : « La famille des labradors, c'est une belle famille. ». Puis, sur une autre feuille, elle dessine la même famille mais ils ne sont plus que trois ( voir doc. 3 ).

doc. 3
Alors que dans le premier dessin ils sont tout colorés, ils deviennent tous les trois tout noirs ( couleur de deuil ? ). Elle prend ensuite une troisième feuille et dessine « un petit labrador qui est resté tout seul et qui va être recueilli » ( voir doc. 4 )

doc. 4


Je ne fais aucun commentaire et laisse son dessin et son récit s'exprimer librement. Elle dessine de manière extrêmement clairvoyante l'expérience du deuil. Même si elle connaît l'issue de sa maladie, sa question est bien : comment traverser l'épreuve sans qu'elle ne ravage tout sur son passage ? Sans qu'elle ne conduise à la coupure du lien affectif et à la solitude morale.

A la troisième rencontre , Vanessa parle et dit tout en dessinant : « J'ai trop peu dans ma vie. Je veux faire plein de choses, des bricolages ... ». Elle m'explique qu'elle fait parfois des crises, que ça fait du bien, mais qu'elle a aussi très souvent envie de pleurer ( Elle a noté sur la grille de la semaine une journée de grande colère, désespoir. ). Elle dessine toujours en parlant ( voir doc. 5 )

doc. 5


et dit, en traçant le toit de la maison, que le papa n'a pas reconnu sa petite fille. Elle termine le toit et dit : « Chouette, le noir est sorti. ». Ensuite, elle commente son dessin : « La famille est montée sur le toit et ils vont regarder la lune et les étoiles. Celle du milieu, c'est ma préférée. Je devrais faire un soleil. Un soleil qui soit bon mais pas trop chaud pour la maison. J'espère qu'ils vont tenir debout. ». Vanessa traverse une épreuve terrible ; elle pense déjà à l'au-delà, au ciel qu'elle va regarder avec ses parents ... et pourtant, elle continue à se battre pour rester jusqu'au bout dans la communauté des vivants. « le veux faire ... ». En même temps elle réalise un important travail d'acceptation de sa destinée. Elle se choisit une étoile. Je ne peux m'empêcher d'associer son choix au symbole de l'enfant-étoile fréquemment évoqué par les parents endeuillés. Malgré tous ses efforts, elle a peur que sa famille ne tienne pas le coup. Elle ne veut pas les entraîner dans sa propre mort.

Lors du quatrième entretien , Vanessa ne dessine plus et je lui propose de raconter une histoire. J'initie le récit par une première phrase. « Il était une fois un petit chat perdu ... (12)». Elle enchaîne : « Il ne connaissait plus son nom. Il avait peur. Il voit une maison, s'approche. Il sonne. Il y a un monsieur qui lui dit : " Tu peux rentrer. ". Le petit chat ne sait pas s'il peut rentrer mais pense que son papa et sa maman seront fiers de lui s'il rentre. Alors avec courage, il rentre. Le monsieur lui demande : " Est-ce que tu manges bien petit chat ? ". Le petit chat répond : " je mange de la viande pour chat, mais il n'y a rien ici. ". Alors le monsieur propose d'aller avec lui chercher un dîner. Seulement, au bout de deux bouchées, le petit chat n'en veut plus. Il demande : " Est-ce que je peux aller dans le fauteuil ? ". Le petit chat regarde la TV mais c'est tous les jours la même chose. Puis il va un peu dormir. Le monsieur crie : " Tu te lèves petit chat. ". Le petit chat dit : " J'étais très fatigué, j'ai fait un long voyage moi. ". Il sent bien qu'il a trouvé une chouette famille avec ce monsieur. Papa et maman voient la maison, sonnent à la porte, le monsieur crie : " Lève-toi, il y a quelqu'un pour toi. ". Le petit chat est content de voir ses parents. Il dit : " Il fallait pas tant s'inquiéter pour moi, j'ai eu peur, puis ça a été, mais je suis encore mieux chez vous. " ».

Vanessa explique à travers son histoire que, malgré toute sa bonne volonté, elle est de plus en plus faible ( Elle n'a d'ailleurs plus rempli sa grille ). Elle veut toujours être active mais n'y arrive plus. Elle parvient à peine à manger. Elle va vers l'inconnu. Elle a peur et, par son histoire, elle essaye peut-être d'apprivoiser l'inconnu et aimerait parvenir à rassurer ses parents.

Le dernier entretien est reporté de deux jours, Vanessa ayant passé une trop mauvaise nuit, elle n'a pas la force de faire le trajet. Cette fois, Vanessa ne me laisse pas l'initiative du début de l'histoire et revient cette fois-ci sur le thème d'un petit chien perdu. « Il était une fois un petit chien qui était perdu dans la rue, il avait une famille et il marchait avec sa famille puis sans faire exprès, il a pris un mauvais chemin, il ne savait plus où il allait, il était tout perdu. Il était tout seul dans la rue puis il a regardé et il n'a plus vu personne, il a peur, il crie : " Papa, maman, petite sœur, où êtes-vous ? ", personne ne répond. Il pleure, maintenant il est tout seul, il voit une maison et sonne à la porte. Il a un peu peur mais il pense à son papa qui lui dit toujours : " Tu dois te forcer à rentrer ". Il lui faut un fameux courage. Un monsieur ouvre la porte, il dit : " Que fais- tu là petit chien ?". « Je suis perdu, Monsieur, j'ai peur, je suis tout seul, je peux rentrer ? » et le monsieur dit " Oui, tu peux rentrer dans la maison, petit chien ". Le petit chien est rassuré. Il s'installe et est bien dans cette maison. Le monsieur lui donne à manger, le petit chien apprécie la nourriture. Mais son papa, sa maman et sa petite soeur ne savent pas où il est. Ils passent devant la maison, ils cherchent après leur petit. Ils crient : " Petit, petit, où es-tu ? Pourquoi es-tu parti ? ". Le petit chien entend ses parents et dit au monsieur : " C'est mon papa, c'est ma maman, c'est ma petite soeur, ils ne savent pas que je suis si bien ici chez vous. Il faut leur dire. " ».

Vanessa ne peut rien faire par rapport à sa destinée. C'est en dehors de sa volonté ( le petit chien n'a pas fait exprès de se perdre ). Il faut surtout rassurer ses parents. Prudente, je ne fais aucune interprétation. L'écoute et l'empathie sont mes seuls instruments face à sa destinée.

Vanessa reviendra une dernière fois à l'hôpital de jour, mais il ne sera plus possible pour elle de faire un entretien, elle est très affaiblie. Je vais à son chevet et je reste silencieuse près d'elle. Elle est très calme. Malgré leur immense chagrin les parents le sont aussi. A domicile, l'infirmière de liaison prend le relais pour les derniers jours de sa vie. Je téléphone quotidiennement à la famille ou à l'infirmière. Vanessa est de plus en plus affaiblie. Elle s'éteint chez elle, entourée de ses parents


Epilogue



Vanessa a réalisé, me semble-t-il, un véritable travail psychothérapeutique. Ses parents, soutenant ses moments de parole, ont suivi à la trace son chemin. Elle n'est jamais venue aux entretiens pour me faire plaisir ou pour obéir à ses parents. Elle n'a jamais dessiné ou parlé avec ennui. Au contraire, à chaque fois, elle a profité du temps qui lui était consacré pour essayer de transmettre ce qui lui arrivait. A sa manière elle a préparé petit à petit son départ. Les parents m'ont dit, plus tard, qu'elle sortait un peu apaisée de nos rencontres.

Après son décès, j'ai revu les parents plusieurs fois, ils m'ont demandé alors que je leur parle du travail réalisé pendant ces cinq séances. Je leur ai montré tout ce que Vanessa avait dessiné, et je leur ai expliqué le chemin qu'elle avait parcouru. Touchés, les parents ont donné leur accord pour que je publie, un jour, l'histoire de leur petite fille.

 

Notes 

1. A l'exception des unités de soins palliatifs qui, fort heureusement, se développent de plus en plus.

2. Sebastian dira par exemple : « Je n'ai plus envie de rien. J'ai peur de rester ici longtemps. »

3. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne savait plus s'exprimer ...

4. Depuis qu'il était dans l'incapacité de parler, Sebastian communiquait par gestes : le pouce levé signifiant « oui », le pouce en bas « non ». Lorsqu'il voulait quelque chose, il montrait du doigt en poussant un petit cri.

5. Les soignants sont face à un jeune décharné, qui ne parle ni ne mange plus. Sebastian, quant à lui, sent visiblement son corps qui lâche.

6. BLUEBOND-LANGNER M., LASK B., ANGST D., Psychosocial Aspects of Cystic Fibrosis. Arnold, Londres, 2001, p. 170.

7. RAIMBAULT G., Lorsque l'enfant disparaît, Odile Jacob, Paris, 1966, 248 pages.

8. M. Vander Marcken, M. Kirsch ou moi-même ( les psychologues ) rencontrons systématiquement tous, les enfants et leur famille soignés dans notre service pour une maladie maligne.

9. D'emblée, les parents ont accepté que les médecins nomment le diagnostic et précisent les effets secondaires des traitements à l'enfant, ce qui n'est pas toujours le cas !

10. Notamment : « La chimiothérapie. Qu'est-ce ? », publié par la Fédération belge contre le cancer.

11. Le papa : parce qu'il aurait dû consulter plus tôt. La maman : parce que depuis la naissance de Vanessa elle a toujours été parasitée par le fantasme de sa mort et ce fantasme devient réalité.

12. Pourquoi cette première phrase ? Probablement en résonance avec ce que je pressentais de ses questions.