Introduction 

Cette vignette n’a pas pour but d’exposer l’entièreté de la psychothérapie individuelle de Jérémie, âgé de presque 17 ans, mais de montrer comment le recours à Internet  a permis de franchir vite et bien une passe très délicate. Dans la partie théorique du chapitre, j’en profite aussi pour discuter quelques thèmes relatifs à la sexualité des jeunes et à la fonction des psychothérapeutes à ce propos.

Les parents de Jérémie se sont séparés quand il avait cinq ans ; il habite le plus souvent avec sa mère et a des contacts réguliers et non conflictuels avec son père. Il a une sœur d’un an plus jeune, Joanna avec qui il s’entend bien. Il est d’intelligence normale supérieure et fréquente l’enseignement général avec un rendement scolaire médiocre (mélange de paresse et de passivité ; peu de motivations et, comme je le découvrirai petit à petit, mauvaise estime de soi et présence d’un certain nombre de préoccupations secrètes qui gênent son attention)

L’adolescent me consulte irrégulièrement depuis ses 15 ans et demi, avec comme point de départ ses difficultés scolaires et sa consommation abondante d’Internet (1). Aimable thérapie de soutien sans plus, couplée à quelques entretiens père-jeune et mère-jeune. Je ne l’avais plus reçu depuis quelques mois lorsque son père me téléphone : la consommation d’Internet reste abondante mais « Ce n’est plus ça le problème » : Jérémie ne va pas bien : il est morose, plus angoissé et passif  que jamais et se replie fortement sur lui-même. Nous ré initions donc nos rencontres et un lien positif se maintient avec moi, mais toujours  conformiste, évitant et centré sur des considérations  générales (l’école, les relations aux autres, Internet, etc.)

 La phase la plus critique de la psychothérapie

 

  L’invasion par les angoisses de mort

 

Après trois semaines le père, très préoccupé, me téléphone à nouveau que la situation se dégrade encore : Jérémie vit maintenant d’intenses angoisses de mort qui l’invalident beaucoup. Je lui fixe un rendez-vous rapide et je lui fais part de l’appel de son père (qui ne le lui avait pas caché) Jérémie me confirme ses angoisses nouvelles et me les décrit en détails (c’est à un point tel qu’il ne sait plus « suivre » en classe : il prend son pouls pour vérifier s’il est toujours vivant) Il m’assure ne relier leur recrudescence à aucune expérience précise ni à aucun changement relationnel ni à de nouvelles questions de vie qu’il aurait élaborées récemment.

Je lui fais part alors d’une hypothèse que son discours éveille en moi autour de la culpabilité et de l’auto agression : « C’est comme si une partie de toi-même t’attaquait et voulait ta propre mort … Serait-il possible que tu te reproches quelque chose ? Que tu te sentes coupable de quelque chose de grave sans oser l’avouer ? Ou sans t’en souvenir tout de suite ? » Il ne trouve rien dans un premier temps ; et puisque c’est l’heure de nous quitter, je lui propose qu’il cherche en lui-même d’ici la prochaine fois.

Comme Jérémie habite à plus de cent kilomètres de chez moi, qu’il y a urgence et que nous sommes tous les deux bien intéressés par Internet, je lui propose de faire la séance suivante trois jours plus tard via Internet et MSN (2), avec webcam et micro. Il accepte avec plaisir de même que son père que j’en informe.

 

 Le recours à une messagerie instantanée d’Internet

 

Trois jours après, un samedi matin, nous voici donc sur MSN, caméras et micros ouverts. Jérémie me déclare d’emblée que ses angoisses sont toujours aussi vives et qu’il ne fait plus rien de bien à l’école. Je l’écoute décrire en détails ses préoccupations, puis je relance l’hypothèse de reproches qu’il pourrait peut-être se faire et d’une auto agression qu’il pourrait s’infliger. Je le vois tout de suite très embarrassé (3), triste et honteux. Il me dit avoir quelque chose de très grave à raconter mais qu’il n’oserait jamais car est bien trop honteux. Je le prends au sérieux et je l’encourage d’abord par des généralités : « Essaie, c’est important que tu t’exprimes pour que tu te sentes mieux » Puis devant son inhibition persistante, je lui propose à moitié en boutade l’une ou l’autre illustration, dont j’ai l’intuition qu’elle n’est probablement pas en jeu chez lui (4) : « Quoi, tu n’oses pas me dire que tu as jeté quelqu’un dans le canal ? Que tu as des fantasmes très sadiques quand tu te branles ? Ou qu’il t’arrive de boire ton pipi ? » Ça le fait rire – enfin un peu – et il marmonne comme réponse : « Si ce n’était que ça ! » Il continue à  dire qu’il se sent trop honteux, puis qu’il veut bien me l’écrire mais pas le dire tout haut et surtout qu’il ne veut pas me voir quand il l’exprimera (5). J’accepte donc de débrancher la fonction vidéo bilatéralement et de couper l’arrivée du son de lui vers moi. Jérémie, lui, continue à m’entendre mais c’est  par écrit qu’il continue à s’exprimer sur mon écran comme lors d’un chatt ordinaire. Quant à moi je vais continuer oralement sauf au début où, pour l’encourager, je lui fais l’une ou l’autre proposition écrite qui ciblent les deux transgressions humaines fondamentales : « Qu’as-tu à me dire que tu trouves si grave ? Tu as tué quelqu’un ? Tu as couché avec ta mère ? » J : « C’est presque ça » Dr H : « Allez, vas-y Jérémie, explique ! »

Et il va m’écrire par phrases brèves, encouragé par mes réactions et mes demandes de précisions, qu’il a eu une relation incestueuse avec sa sœur Joanna pendant sept ans (6). Ça lui fait terriblement honte et il est sûr qu’il en est totalement responsable car il est l’aîné d’un an. Pourtant il n’y a pas eu de contraintes et ils ont été se chercher mutuellement : c’était une fois l’un, une fois l’autre qui faisait la sollicitation. C’est lui qui a décidé d’arrêter vers ses 14 ans « parce que ça allait trop loin » (simulation de l’acte sexuel et début de pénétration ; premières éjaculations « trois gouttes, pas plus », ajoute-t-il un peu naïvement) Sauf à la fin ça restait « basic » (selon ses termes ! C’est-à-dire sans pénétration d’aucun orifice) Ces rencontres intimes se passaient chez le père ou chez la mère à qui ils ont toujours bien caché leur jeu.

Au fur et à mesure que Jérémie me fait comprendre la progression de ces activités, au-delà de mon accueil empreint de gravité et de respect pour ce qu’il me révèle, je lui commente qu’il s’est agi progressivement d’inceste entre eux et non plus de jeux sexuels banals, parce qu’ils ont fonctionné durant une période très longue comme deux partenaires qui se sont suffi l’un à l’autre et parce que Jérémie admet qu’entre Joanna et lui, il y avait aussi beaucoup de complicité : « On s’entendait très bien ; presque de l’amour » (7)

Ses angoisses de mort récentes ont surgi peu après avoir appris que sa sœur n’allait pas bien moralement et était allée consulter un psy : « Ça l’a démolie aussi et c’est moi qui suis coupable de tout » commente-t-il. « Pourtant elle prétend que ce n’est pas à cause de ça qu’elle a des problèmes. Nous en reparlons parfois un petit peu mais elle, elle dit que ça ne lui a rien fait … elle dit que dans sa tête c’est comme un rêve agréable »

 

Cette description ne s’est pas faite en une seule traite. Une fois que Jérémie a commencé à écrire, j’ai vu des petites phrases se succéder rapidement sur mon écran, en partie spontanément comme un aveu qu’il faut « vomir » une fois initié, et en partie en réponse à des demandes de précisions que je lui faisais. L’une ou l’autre fois, il m’a semblé qu’il minimisait les choses à propos de quelques éléments particulièrement gênants (la très longue durée ; l’occurrence de la puberté …) mais je n’ai provisoirement pas insisté. J’ai pensé que cela pouvait le crisper et l’inhiber et puis, dit-on jamais tout à son thérapeute ?

Quand j’ai eu l’impression que Jérémie arrivait à peu près au bout de cette première évocation écrite, je lui ai proposé de rebrancher les deux fonctions  vidéo et son. Il a accepté sans faire d’histoires et j’ai pu observer en direct ce qu’il pouvait vivre juste après cet aveu d’une grande faute vécue comme telle : au début je n’avais sur l’écran qu’un coin du front de Jérémie, fuyant et quasi couché sur sa table ; petit à petit, en partie spontanément et en partie à mon invitation, il s’est redressé et a recentré son visage dans le champ et j’ai eu la joie de constater qu’il fixait intensément la caméra par deux ou trois fois, c’est-à-dire qu’il osait me regarder les yeux dans les yeux.

 

En quoi a consisté notre dialogue pendant cette dernière partie de la séance ?

 

- D’abord un petit rite improvisé : je lui ai demandé de répéter après moi la phrase que voici, séquence par séquence : « Docteur Hayez/j’ai fait avec ma sœur/des jeux sexuels/appuyés/pendant plusieurs années » D’abord un peu interloqué et gêné, Jérémie souscrit quand même rapidement (8) au rite jusqu’à reprendre l’ensemble de la phrase à ma demande et il a l’air de s’en trouver soulagé : c’est juste après que j’ai pu de nouveau capter son regard.  Pour avoir procédé ainsi, vous pouvez me trouver bien directif, naïf et proche de la méthode Coué et pourtant je ne le regrette pas : je ne lui ai pas fait répéter une phrase qu’il n’aurait pas encore énoncée mais simplement rassembler ses propres  bribes en un texte d’ensemble. Texte non anodin, soit, au cœur de l’aveu auquel il se risquait … mais j’en ai retiré l’impression que ça nous a fait gagner du temps, que c’est alors qu’il a mesuré que j’avais entendu et que je continuais à l’accueillir et à l’estimer malgré qu’il ait énoncé le centre de « son crime » 

 - Nous avons encore échangé des opinions sur la nature et le sens de ce qu’il avait fait (inceste au sens fort du terme plutôt que simples jeux sexuels) ainsi que sur les responsabilités  afférentes ; je lui ai proposé entre autres de se procurer le livre que j’ai écrit sur la sexualité des enfants (9) et d’y lire ce que je dis sur les activités sexuelles entre frères et sœurs, puis de le discuter avec moi. 

- Nous avons enfin échangé sur la gravité de sa faute, sur son estime de soi et sur celle que je pouvais encore lui garder. Je n’ai pas voulu le rassurer trop vite à ce propos mais d’abord l’écouter. Après, comme je savais Jérémie de culture chrétienne,  je lui ai rappelé l’épisode de Jésus et de la femme adultère décrit dans l’Evangile de Jean (10) : En réponse à Jésus qui propose : « Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre (pour  lapider la femme)  …ils s’en allèrent tous un par un, à commencer par les plus vieux  (11) » Après, Jérémie m’a néanmoins demandé si c’était seulement dans le cadre de mon métier que je prétendais lui conserver mon estime. Nous en avons discuté et je lui ai renvoyé que je la lui conservais fondamentalement, en ma qualité d’être humain, témoin de la communauté, à laquelle il s’était confié par mon truchement.

Nous nous sommes dit au revoir avec un rendez-vous six jours après, sur MSN ou en rendez-vous incarné à son choix. 

Au cœur de la crise

 A.Je repense l’une ou l’autre fois à Jérémie le week-end et le dimanche soir je me décide à lui envoyer un courriel (voir annexe 1) A le relire aujourd’hui, je reste en accord avec toutes les propositions que je lui ai faites sauf  la première : si responsabilité partagée il y a, elle est plutôt de l’ordre de 33/33/33 ou mieux encore chaque pôle est également responsable à 100%. Et le troisième pôle ce sont les parents, pour leur défaut de vigilance !

 B.Le lundi vers 17 heures Jérémie me téléphone. Il me dit se trouver dans une espèce de contradiction, à la fois soulagé mais se sentant plus mal aussi. Il me parle de mon courriel qui lui paraît juste mais où il y a des points à rediscuter. Alors n’est-il pas possible de me rencontrer plus vite, mais « comme la fois passée, car je ne saurais pas vous voir en face »? Je lui fixe rendez-vous sur MSN le même soir à 20 h

 C.Le lundi à 20 h 30,  Jérémie garde les canaux vidéo et audio branchés mais ne parle presque pas et me regarde peu. Il s’exprime par écrit en partie spontanément et en partie en réponse à mes questions. Moi, je le fais 

Sur le plan général il dort très mal (endormissement vers deux heures du matin) et ses anxiétés restent très fortes. Il me demande des médicaments pour l’aider ; il en connaît même le nom et y a directement accès car son père est médecin : Je lui prescris donc oralement du Lormétazepam à utiliser transitoirement à la demande et sous réserve d’ajustements ultérieurs.

Il continue à me raconter ses sentiments et idées actuelles à propos de ce qui s’est passé, en partie en réponse  aux hypothèses émises dans mon courriel : il s’entend encore bien avec Joanna mais aujourd’hui ils s’envoient souvent des « piques », comme pour bien se maintenir à distance et elle n’inspire plus ses pensées sexuelles. Non seulement il a honte mais il a peur aussi, peur que sa sœur dénonce les faits chez sa psy et que cette thérapeute se charge alors de les dévoiler : il pourrait s’en suivre une « terrible engueulade » (12) où toute la responsabilité lui serait attribuée, non seulement parce qu’il est l’aîné mais aussi parce que - admet-il  un peu plus aujourd’hui – sa sœur n’était pas toujours absolument consentante « mais moi non plus … »

Je me promets de reprendre ce point avec lui ; je lui fais part alors du remaniement d’une de mes hypothèses : l’erreur dans mon courriel, lorsque j’ai évalué la responsabilité 50/50, alors qu’elle est plutôt de l’ordre 33/33/33. Je le fais chercher sur ces derniers 33% (la non surveillance par les parents) et comme il ne trouve pas tout de suite, je le laisse y réfléchir à titre d’énigme. Il insiste encore sur le fait que c’est lui qui a voulu arrêter à 14 ans parce que « je trouvais que j’avais assez fait le con »

 (13) Je l’invite enfin à me raconter avec plus de détails certains éléments de son inceste. Je commente que s’il continue à se sentir mal, c’est probablement qu’il n’a pas encore évoqué certains moments plus difficiles à assumer ; il prétend ne pas se souvenir tout de suite puis  « Ca y est, ça revient »

Je propose qu’il me décrive comment ça s’est passé la première fois. Il ne peut évoquer momentanément qu’un élément de souvenir : ils étaient en pyjama dans sa chambre et ils se massaient le dos ; je lui demande ce qu’ils se racontaient, comment chacun nommait le sexe de l’autre et nommait ce qui était en train de se passer… mais il me répond que tout  se passait dans un grand silence sans mots pour désigner les parties du corps ni les actions en cours. Il me répète encore que c’était « basic (14) : on se regardait … je la touchais … je ne me masturbais pas à cette époque » Je lui demande comment il en est arrivé à la masturbation. Il a trouvé les gestes tout seul vers ses 11 ans. Je commente qu’il en va ainsi pour beaucoup de garçons et que ça été comme ça pour moi aussi : au début on n’a pas d’idée sur les gestes à faire et tout d’un coup une connaissance se met en place venue d’on ne sait où. Je trouve important de me poser comme sexuel moi aussi. Lorsque j’insiste un peu : « Tu lui disais bien, montre ton (ta) … ? » il me répond que le mot « Montre-moi » le blesse car ça a l’air de faire croire que c’est lui qui commandait.

Le temps passe et c’est l’heure de prendre congé ; je le remercie pour sa confiance et j’ajoute qu’il y a encore du pain sur la planche et que l’une ou l’autre évocation concrète demeure essentielle pour qu’il se libère davantage intérieurement. Il me répond qu’il n’ose pas me le dire en face mais qu’il m’enverra sans doute un courriel pour m’expliquer. Un rendez-vous est pris sur MSN le mercredi à dix-neuf heures.

Le mardi matin, je lui envoie un deuxième courriel (voir annexe 2)

Le même soir, son père met un message sur mon répondeur téléphonique : « Ma femme et moi sommes tracassés. Il dit qu’il a un gros problème dont il vous parle, dont il ne nous parlera pas et qu’il ira mieux après les vacances de Toussaint. Il ne dort plus. Cette nuit, il a été dormir près de sa mère et il lui a tenu la main jusque quatre heures. Il lui a dit aussi que ce serait mieux s’il n’existait pas et qu’il ferait mieux de mourir »

Le mercredi matin, je téléphone au père qui me confirme leurs préoccupations parentales ; après l’avoir écouté, je lui réponds que la situation est analogue à l’exemple que je vais lui donner mais qui ne concerne pas Jérémie : « Un enfant de 11 ans pousse son ennemi du haut des escaliers ; celui-ci reste paraplégique ; l’enfant agresseur n’est pas pris et ne se dénonce pas. Comment vit-il les choses à dix-sept ans ? » (15) Sur base de cette référence imaginaire, nous associons un certain nombre d’idées, le père et moi, autour de la tolérance et du soutien. Je fais part de mon impression qu’il vaudrait mieux que Jérémie arrive à parler, à lui et/ou à sa mère mais qu’il ne faut pas le brusquer. J’ajoute enfin que ce serait bien s’il signalait à son fils à un moment opportun et avec ses mots à lui : « Les enfants font parfois de vraies fautes, mais les vrais parents peuvent entendre et pardonner »

 Le mercredi soir, Jérémie n’est pas au rendez-vous.

Je réfléchis : N’ai-je pas été emporté par mon désir de sauver cette âme perdue en l’envahissant de mes idées ? Ne lui ai-je pas posé trop de questions angoissantes notamment autour de « forcer – pas forcer » ? Il devra y faire face tôt ou tard, mais ne l’ai-je pas involontairement harcelé ? J’hésite à lui envoyer un nouveau courriel pour m’expliquer et lui rappeler qu’il peut parler à son rythme. Mais finalement je décide de le laisser vivre qu’il peut me réduire au silence sans que je tente de le récupérer et j’attends vendredi, date où aurait du avoir lieu la séance suivante s’il n’y avait pas eu les urgences de la semaine.

Cette absence non justifiée m’a semblé très bénéfique pour Jérémie … et pour moi. Lui a pu vérifier qu’il restait libre et pas sous mon emprise thérapeutique. Chez moi, cela a calmé un peu mon désir de le sauver. Ça l’a remis en position de demandeur – lui, pas moi ! – et de demandeur libre (16).

 

 La sortie de crise

 

Le vendredi après midi, la mère me téléphone pour me demander si Jérémie a bien rendez-vous le même soir. Je confirme et j’ajoute qu’il peut choisir de venir à mon bureau ou d’utiliser MSN. Je constaterai bien ce qu’il a choisi et je m’y adapterai.

A l’heure prévue, il est on line. Malheureusement, le système audio est défaillant et la séance se fera donc en chatt écrit, vidéo allumée. Il est concentré sur l’échange de textes – ça l’arrange bien, pour sûr ! - ; de temps en temps, il sourit et jette un coup d’œil furtif au centre de sa caméra – donc il vit qu’il me regarde les yeux dans les yeux - ; l’une ou l’autre fois je l’encourage encore : « Allez, Jérémie, regarde-moi ! » et il soutient mon regard pendant quelques instants. Je conserve l’impression que ce type d’invitation lui fait du bien : quand je lui demande de me regarder, ce n’est pas pour le juger mais pour faire passer l’empathie que j’éprouve.

 

Sans que soit strictement respecté l’ordre chronologique, voici ce dont nous avons discuté : 

- Jérémie veut reparler de mon courriel du mardi et des parties vraies et fausses qu’il contient selon lui. J’écris sur l’écran : « Vas-y, chef, je t’écoute », phrase terminée par un émoticon (17) souriant. Il réinsiste tout de suite sur le fait qu’il n’a jamais forcé sa sœur physiquement. Il est clair que m’en persuader - … et s’en convaincre, lui ? – constitue un de ses objectifs les plus importants. L’image qu’il a de lui en prendrait un rude coup s’il avait à s’assumer, non seulement comme d’une grande précocité sexuelle, mais surtout comme abuseur ! Il m’explique que quand il arrivait à l’un de ne pas être preneur, l’autre, l’allumé du moment, insistait via des « S’il te plaît » charmeurs et souvent suivis de résultat : de la bonne séduction, quoi ! Je lui commente que, s’il en a bien été ainsi, ce n’est pas vraiment ce qu’on appelle «  forcer » l’autre ; on se trouve plutôt dans les jeux de séduction et de domination mineure que l’on rencontre dans quasi toute relation amoureuse. Mais c’est la nature de leur relation, bien au-delà du jeu sexuel, qui n’était as normale plus que la manière d’y fonctionner.

 - Jérémie me parle ensuite de la responsabilité qu’il continue à s’attribuer principalement à cause de son an d’aînesse. Je lui réponds que s’il m’a bien tout dit, moi je continue à penser autrement et que à vouloir tout s’attribuer il pourrait faire preuve d’un raisonnement et d’une culture quelque peu macho, comme si les filles n’avaient ni cervelle ni désirs propres. Il sourit. Je lui demande s’il a résolu l’énigme des trois fois 33%. Non. Nous nous y attardons un peu, il trouve sans difficulté pour deux des trois (sa sœur et lui), mais la troisième composante (le défaut de vigilance des parents) continue à lui échapper. Je l’invite à continuer à chercher. 

- Il parle ensuite spontanément de ce qui a déclenché son approche sexuelle de Joanna quand il avait 7 ans : C’était une scène externe, intensément captée comme souvenir qui lui revient souvent à la mémoire depuis qu’il est tout petit. Sur un mode plus  contraignant et désagréable qu’érotique. Et c’est une vraie énigme pour lui : Pourquoi la scène a-t-elle eu un tel effet provocant et lui revient-elle si souvent à l’esprit ?
Alors, sans se rendre compte des symboles ni avoir accès aux associations possibles, Jérémie me raconte une superbe scène primitive sauvage qui a bouleversé sa petite vie de sept ans : en promenade seuls à la campagne, sa sœur et lui avaient vu une saillie de chevaux (18) qui avait fasciné chacun sans qu’ils échangent le moindre mot autour. De retour à l’appartement, ils ont voulu les imiter. Et cette saillie reste imprimée en lettres de feu dans son psychisme : en tant que déclencheur de l’inceste la première fois et nombre de fois suivantes, et comme énigme mentale pénible et récurrente.

 

Intérêt anecdotique du chatt écrit : au lieu d’écrire correctement « saillie », Jérémie me l’écrit successivement « sallie » et « saïe »…et prend la peine d’ajouter qu’il ne sait jamais orthographier le mot (19) ! Or à l’âge de leur confrontation à la scène, bien des enfants ont des représentations sales ou sadiques de la scène primitive, outre qu’il a fait avec sa sœur une « sale » alliance contre nature : la possible  traduction en condensé de ces significations dans les fantaisies orthographiques du jeune, c’est presque trop beau pour être vrai ! Je lui donne l’orthographe exacte sans autre commentaire, qui m’eut semblé sauvage juste à ce moment-là.

 

Je lui demande plutôt si à l’époque il avait eu l’intuition ou la connaissance que la scène avait à voir avec la sexualité et la transmission de la vie et s’il connaissait déjà quelque chose de la sexualité des parents et de la fabrication des bébés. J : « Non … je n’ai même pas vu que c’était un mâle et une femelle » Non mais il a voulu imiter avec sa sœur cette union puissante des animaux, leurs organes sexuels ont vite vibré tout seuls et c’est cette imitation qu’il se reproche. Il ne me dit pas précisément comment ils ont procédé et ça ne coïncide pas clairement dans mon esprit avec ce qu’il avait déjà décrit du massage réciproque des dos : il faudra donc encore clarifier l’une ou l’autre séquences initiantes ; Dans l’immédiat  je lui fais l’hypothèse qu’il a peut-être également honte parce qu’ils ont voulu faire comme des bêtes, et comme des bêtes adultes alors que sa sœur et lui étaient des humains et des enfants. No comment. 

- A un autre moment de la séance, je signale une fois de plus à Jérémie que je suis préoccupé par l’état psychologique possible de sa sœur : je doute que ce soit aussi léger à porter qu’elle le prétend. Sans que cela ne constitue une obligation (20), Jérémie pourrait lui parler de notre travail et ce serait peut-être bien qu’elle vienne me voir avec lui pour discuter de ce qui s’est passé et s’en libérer ensemble. Il m’écrit qu’il va sans doute le faire ; il doute qu’elle accepte de se déplacer … mais peut-être bien de me parler avec lui via la webcam. Je réponds que le cas échéant je serais tout à fait d’accord. 

- Plus loin dans la séance, je compare ce qui s’est passé entre eux à une descente sur le toboggan-plaisir : c’est un très long toboggan à la pente de plus en plus raide (raide ? … Pour le dérider un peu, j’ajoute à la fin de ma phrase écrite « Euh, Si j’ose dire ! ») Il est de plus en plus difficile de mettre les mains sur les bords pour freiner et arrêter : je lui confirme donc qu’il a eu bien du mérite d’y réussir tout seul à 14 ans et que Joanna le voulait aussi puisqu’elle n’est pas venue le relancer. Jérémie sourit et enchaîne sur le sentiment d’une libération intérieure qu’il ressent comme beaucoup plus vif en lui. J’écoute et pour mieux lui faire comprendre ce que je pense à ce propos, je lui demande de prendre une feuille de papier et je construis avec lui le graphique que voici :

 

  • En abscisse, je lui fais graduer de 0 à 100 le degré de pénibilité de ce qu’il me confie : de peu pénible, c’est-à-dire source (+) de honte et de culpabilité à l’évocation, à très pénible (++++)
  • En ordonnée, l’échelle représente les personnes à qui il confie ce qui s’est passé. Je lui fais tracer une ligne horizontale au niveau 70 parce qu’il a déjà osé m’en parler. à moi, témoin de la communauté humaine pour recevoir ses dires. Mais j’ai la conviction que sa libération intérieure s’accroîtrait encore et atteindrait le niveau 90 s’il le reconnaissait face à ses parents et s’il leur demandait pardon pour sa part de responsabilité. Encore faudrait-il  que sa sœur donne son accord pour poser cet acte avec lui. Si elle ne l’était pas, le plus respectueux de l’humain me semblerait être de garder le silence !

Et les derniers %, tant en abscisse qu’en ordonnée ? : Ils sont inaccessibles … ce qui s’est passé ne peut pas ne pas laisser au moins une cicatrice sensible !                        

                                              

  • Je lui fais ensuite hachurer dans le diagramme une zone rectangulaire déjà importante qui rend compte schématiquement de son degré de libération intérieure actuelle ; la frontière est évidemment floue et j’ajoute prudemment une zone marginale porteuse de points d’interrogation. Puis je commente le tableau avec lui.

 

Réaction de Jérémie quant à l’abscisse : « Je me sens bien plus libéré que vous le pensez »  Et quant à l’ordonnée : « Houlà ! », puis : « Houlà ! Houlà ! » Je lui confirme que je ne forcerai jamais ni son rythme ni plus fondamentalement ses décisions quant aux parents, mais  je ne peux pas m’empêcher de penser que ce serait mieux s’ils  arrivaient un jour à leur parler. 

Fin de séance : ce sont les vacances de Toussaint, et je ne peux plus le revoir avant dix jours. Je lui signale donc que s’il veut m’écrire, il le peut (il a mon adresse électronique professionnelle) Et je lui fixe le prochain rendez-vous en séance incarnée.

 

  • Résumé de la suite de la psychothérapie

 

La psychothérapie individuelle de Jérémie s’est poursuivie trois mois, deux puis une fois par semaine. Ses angoisses, son abattement et sa mauvaise image de soi ont été en s’améliorant d’abord en dents de scie puis plus régulièrement.

Un jour, sans que je m’y attende tout à fait, il m’a remercié et m’a dit qu’il pouvait se débrouiller tout seul ; depuis un certain temps, nous ne parlions presque plus de l’inceste mais bien de ses projets, conflits avec ses parents, difficultés à l’école et autres thèmes adolescent aires.

J’ai continué à m’enquérir de temps en temps de l’évolution de Joanna en signalant que ma porte restait ouverte, et il me répondait qu’elle allait voir son psy et qu’elle semblait plus détendue : je ne pense néanmoins pas qu’ils ont jamais parlé ensemble de ce qu’ils allaient dire à leur psy respectif !

Pendant cette seconde phase, j’ai encore reçu deux fois Jérémie en compagnie de ses parents au milieu et à la fin. Rencontres où je « marchais sur des œufs » puisque je devais me limiter à dire que Jérémie profitait bien du travail avec moi pour retrouver confiance en soi et sérénité mais sans sortir davantage de la confidentialité. Heureusement, d’autres questions ont été mises sur le tapis par les parents autour de la vie quotidienne et de l’école et le temps a été bien occupé.

Jérémie est donc parti, en meilleur état émotionnel mais avec la cicatrice parfois encore douloureuse de ce qu’ils avaient fait, sa sœur et lui. Un zeste de honte et de tristesse donc, mais était-ce vraiment évitable ? J’ai eu indirectement de ses nouvelles l’une ou l’autre fois par la suite : il avait une copine et semblait s’insérer normalement professionnellement.

 

  • Discussion sur le recours improvisé à Internet

 

  1. S’il n’avait existé que les rencontres incarnées, je suis persuadé que Jérémie, mort d’inhibition, aurait mis des mois pour me parler de cet inceste ou ne l’aurait jamais fait malgré qu’il en souffrait fort. Il a saisi au vol ce grand sentiment de protection lié à l’idée d’un échange médiaté sur MSN que je lui amenais par hasard sur un plateau !

MSN (21) est souvent utilisé pour du « clavardage », du chit-chat anecdotique. Mais par ailleurs, à certains moments et avec un interlocuteur choisi, beaucoup d’ados à l’instar de Jérémie s’y expriment aussi de façon très personnelle en parlant même de ce qu’ils vivent comme négatif en eux.

Pourquoi, au-delà du fait que l’être humain a fondamentalement besoin d’écoute et de reconnaissance et que c’est parfois seulement là qu’il la trouve ? Peut-être l’apparente garantie d’anonymat facilite-t-elle cette expression de soi ; il y a aussi la possibilité de couper la communication quand on le désire et la certitude que les corps sont hors d’atteinte de toute pénétration agressive ou sexuelle venant de l’interlocuteur. Dans cette ambiance, les utilisateurs peuvent vivre le paradoxe que voici : impression d’une grande proximité de l’autre, chaleureuse et encourageante (ici par exemple, nos visages attentifs se voyaient en gros plan et nos voix résonnaient toutes proches) et par ailleurs certitude d’une protection totale par rapport à toute intrusion ou emprise de celui-ci.

On m’a déjà assuré par ailleurs que, dans ce type de circonstances, MSN, le micro et la webcam constituaient les héritiers d’un confessionnal vaguement recherché par un jeune à la dérive. Ici ce n’est pas un mur d’écrans, mais un bois épais et ajouré qui protège le pénitent de l’arrivée (imaginaire ?) des foudres de Zeus. Et le jeu de trous et de pleins dans la grille permet la même utilisation mouvante du regard que ce qu’en fit Jérémie avec moi. Et par ailleurs un vieux confesseur expérimenté est censé être empathique et accueillant, sans jamais confondre acceptation de l’autre et approbation de ses actes …  à l’instar d’un bon psy.

 2. Quand Jérémie fixait le centre de sa webcam, j’ai pensé qu’il me regardait les yeux dans les yeux. Lui aussi, grâce à l’image de moi qui lui parvenait savait que je le regardais de même.

Se regarder en tant que personnes au-delà de nos images, est-ce bien cela qui s’opère lors de tels moments ? Je pense que oui : tous les utilisateurs de webcam dans d’autres circonstances (festives, informelles …)  confirment qu’ils n’ont pas l’impression de naviguer dans le virtuel mais de vivre un réel contact entre humains qui se parlent via médias (communication médiatée)  (22)

S’exprimer par écran interposé a-t-il alors la même valeur libératrice que lors des rencontres incarnées ? Pas complètement à mon sens ! Certes le déclencheur et le tempo de cette libération sont accélérés, mais elle n’est pleinement consolidée que s’il s’ensuit une ou plusieurs rencontres incarnées. Rencontres constituant l’ultime confirmation marquée du sceau du Réel. Elles conservent un supplément d’humanité irremplaçable, à travers le risque pris de se présenter à l’autre spirituellement et physiquement et de lui donner quelque chose de soi en assumant l’imprévisibilité de la réaction toujours libre de cet autre tout proche. 

Le thérapeute est le témoin de la communauté et peut donc représenter celle-ci qui accorde son pardon et invite à la réintégration, mais ces gestes ne sont reçus avec toute leur intensité que s’ils se transmettent  dans l’immédiateté de deux êtres physiquement proches. L’adolescent doit prendre le risque de se mettre à un mètre ou deux du thérapeute et de constater « in vivo » que ce ne sont pas les foudres de Zeus qui s’abattent sur lui, mais bienveillance, amitié et pardon. Tant qu’il n’est pas passé par ce moment expérientiel, réel et symbolique, trop de doute persistera en lui.

Donc où qu’habite le client, une alternance de séances webcam et  incarnées est indispensable, même si la scansion ne peut pas toujours être 1/1.

3 A travers mon dialogue avec Jérémie, j’ai pu ressentir ce qu’étaient la honte et la lente émergence hors de celle-ci. Le vécu de honte est lié à l’impression d’avoir fait non seulement une transgression, mais une qui est « dégueue », lâche, minable et sans gloire, sale ou dégradante. Une activité sexuelle infantile est souvent présentée de la sorte par le monde adulte et c’est bien ce que vivait Jérémie : la honte se mélangeait chez lui à la culpabilité. Quand on a la honte, on a peur d’être montré du doigt, face à une nudité (métaphorique ou réelle) sale ou ridicule. Quant on se sent coupable, on a peur de la castration, de la douleur de la punition ou de la prison : Jérémie vivait les deux sentiments.

Et le matériel Internet a constitué un outil extraordinaire pour qu’il les exprime et les fasse évoluer à son rythme et pour que je les observe et les traite  avec respect.

Une de mes interventions précoces (lui faire répéter la phrase : « J’ai eu des jeux sexuels »), toute fille de la méthode Coué qu’elle puisse apparaître, a joué un rôle positif d’exorcisme de la honte ; elle a convaincu l’adolescent que je n’allais pas entretenir celle-ci en le montrant du doigt mais chercher à l’en soulager.

 

3.Voici encore trois intérêts complémentaires d’un recours occasionnel à Internet :

 

----  Rejoindre l’adolescent dans un de ses mondes favoris. Bien que nos deux ordinateurs étaient branchés, c’est davantage moi qui ai franchi la porte d’un des territoires favoris des ados plutôt que l’inverse : je suis allé visiter Jérémie et il a apprécié. Cela a accru son envie de se confier à moi qui pouvais me montrer proche. Tous les adolescents n’apprécient pourtant pas autant de partager les formes et rites spécifiques de leur monde avec un adulte. Même si elle a l’air de s’indiquer (distance, urgence …), l’éventualité doit être négociée au cas par cas. 

----  Rapidité et flexibilité temporelle des échanges : en combinant l’envoi de courriels, le recours à des chatts (écrits ou audiovisuels) et les séances incarnées (23), une grande variété de moments, de durées et de types de rencontres s’inscrit au menu des possibles. Le thérapeute peut s’adapter plus largement au tempo de l’adolescent et à son vécu expérientiel si souvent intense, fluctuant, rapide. Par exemple j’ai répondu au sentiment de détresse aiguë de Jérémie, exprimé le lundi par portable en lui faisant la surprise de lui proposer un rendez-vous le soir même. Il s’est probablement senti pris fort au sérieux, ce qui était positif pour la qualité du lien. 

Pour autant, le thérapeute ne doit pas se sentir l’obligé d’éventuels sentiments d’urgence et d’appels à l’aide intempestifs qui s’avéreraient plus impulsifs,  démonstratifs ou en recherche d’attention et de pouvoir que réellement préoccupants. C’est lui le professionnel qui continue à garder la maîtrise sur l’organisation du processus ; il lui revient de maintenir un ordre du temps qui soit contenant tout en étant réceptif aux fluctuations du vécu expérientiel de son jeune client. Etre présent au plus proche des émotions de celui-ci peut certainement l’aider à exprimer sur le vif des questions, des sentiments et des pensées très profondes. Inviter complémentairement l’adolescent à rester inscrit dans une ritualisation de rencontres convenues bilatéralement peut l’aider à se donner des moments de réflexion plus paisibles et à mieux travailler selon le principe de la réalité sociale. Ce qui est vraiment intéressant, c’est la combinaison d’une ritualisation (qui inclut le plus souvent le face à face incarné) et de moments plus imprévisibles, où nous sommes rapidement disponibles à l’intensité de ce qui se vit. 

Ah oui mais alors le thérapeute d’adolescents doit-il accepter d’être  généreusement taillable et corvéable ? Dans une large mesure, oui ! Il y a moins de trente ans, nous embarquions sans hésiter nos jeunes clients dans des sessions qui se répétaient trois, quatre fois par semaine. Evelyne Kestemberg disait déjà que, dans une après-midi de consultations pour ados, il était toujours prudent de laisser une plage vide pour une arrivée imprévue. Donc ne pas imaginer qu’ils allaient tous et toujours s’insérer comme de bons petits soldats dans les cases et la structuration du temps prévues par les adultes ! Il faut pouvoir leur consacrer beaucoup de temps lors de leurs crises les plus fortes et toujours faire preuve de flexibilité. 

----- Flexibilité dans le maniement des canaux de communication ; avec Jérémie, toute une graduation de l’engagement global immédiat a existé entre le face à face incarné, l’utilisation de la webcam, le chatt par écrit sans contact visuel et l’envoi de courriels.

Plutôt que de considérer comme un évitement nocif le besoin occasionnel de Jérémie de se réfugier hors de portée de mes yeux, rappelons-nous la position rituelle adoptée en psychanalyse : le client ne peut pas voir son psychanalyste mais être vu par ce dernier. Pour que le client médite mieux sans se laisser distraire ? Peut-être mais n’est-ce pas non plus pour que naisse chez lui l’impression illusoire qu’il est hors de portée  de l’autre et donc non jugé ?

 

 

 Discussion à propos de la sexualité

I. L’occultation persistante de la sexualité de l’enfant

 

  1. La réalité de la sexualité infantile a été révélée et « normalisée » par Freud. Sous son impulsion et passées quelques hésitations, son existence n’est plus mise en question dans les textes scientifiques sur l’enfance, à quelques exceptions obscurantistes près. 

Néanmoins et en tout cas pour ce qui est de la sexualité avant la puberté, le  discours social reste presqu’aussi discret qu’avant l’époque freudienne. Certes on pense que les enfants doivent être informés et les manuels dits d’éducation sexuelle pullulent mais, à quelques exceptions près, leur message est toujours « La sexualité, c’est très chouette, mais c’est pour beaucoup plus tard !  » ; de loin en  loin, une brève allusion à la masturbation est susceptible d’y figurer, mais rien au-delà. Et les autres manifestations de la sexualité des enfants ne continuent à surgir dans le discours public que via quelques excès ou scandales : les victimes des pédophiles, les rares violeurs ou désignés comme tels en culotte courte. 

Les parents et éducateurs participent à ces représentations et aspirations sociales où le refoulement prédomine toujours : certes, ils ont moins tendance à culpabiliser outrageusement et beaucoup se donnent une mission d’information ; mais dans leur vision pédagogique les exercices pratiques doivent se limiter à d’occasionnelles masturbations et tout au plus au « jeu du docteur » entre jeunes enfants qui se découvrent. S’ils tombent sur du plus hard, c’est le retour de la colère et de la répression, comme si c’était ipso facto profondément inadmissible ou inquiétant. Et leurs jugements deviennent vite simplistes : sans vraiment chercher à comprendre, ils décrètent qu’il existe un acteur coupable – l’aîné ou/et le garçon – et une pure victime – le cadet, la fille …-.

 2. Et les psychothérapeutes ? Un certain nombre se dégage de ces paradoxes socioculturels et parle avec l’enfant de sa sexualité sur un mode clair, authentique et serein. Mais bien des autres y restent plus ou moins empêtrés:

- Ils s’en sortent alors parfois par le grand silence : si aucun matériel sexuel n’apparaît (quasi-) explicitement et spontanément dans les productions de leur jeune patient, ils s’abstiennent d’en parler eux aussi ou pire, ils ne pensent même pas que des questions sexuelles peuvent le traverser et le perturber en secret.

- Ou encore, s’ils sont confrontés à du sexuel pasard ou suite à une question ou à une révélation émanant des parents, ils posent un premier acte d’écoute mais ne savent pas bien comment y donner suite : l’écoute et l’aide au déploiement de la pensée de l’enfant tournent vite court : en dissimulant leur gêne vaille que vaille, ils émettent en écho l’un ou l’autre commentaire général, voire inadapté au sens de ce qui était en jeu et qui ne prête guère à prolonger le dialogue.

Par exemple, on les entend se référer intempestivement à l’interdit de l’inceste à propos d’enfants placés en institution ( qu’ils assimilent donc à des frères et des sœurs ) voire à propos de banals jeux sexuels dans la fratrie.

Par les temps qui courent, où la société parle parfois à tort et à travers d’abus sexuel entre mineurs, trop de thérapeutes procèdent à la même analyse réductrice que les éducateurs : les faits sexuels qu’on leur raconte sont trop vite ramenés à des abus, surtout si leur forme est hard : il y a donc nécessairement des auteurs  agresseurs ( les garçons, les aînés, ceux qui aiment l’aventure ou sont déjà réputés d’exigeants hédonistes ) et des victimes ( les filles, les plus jeunes, ceux qui ont l’air d’être des innocents, passifs et sans désirs sexuels ) Analyse renforcée par les commentaires des protagonistes eux-mêmes qui mentent facilement pour s’éviter des ennuis : le plus petit comprend très vite qu’il doit accuser le plus grand ! Je ne dis pas que l’abus sexuel n’existe jamais entre mineurs, mais on l’étiquette bien trop indûment, court-circuitant des notions importantes comme le plaisir partagé, l’ambivalence et le doute. Et alors, bonjour les dégâts pour le soi-disant abuseur : dégâts psychiques et sociaux, liés entre autres à des pratiques de signalement judiciaire précipité.

 3.Nous devrions pourtant nous représenter que, dans toutes les dimensions qui le constituent, l’enfant est aussi« sexuel» et que des préoccupations autour de sa sexualité peuvent contribuer à son mal-être. Et ceci bien avant ses quinze-seize ans où les statistiques nous disent qu’a lieu « la première fois » Et nous gagnerions à communiquer clairement et précisément avec lui dans ce champ. Dans l’article  L’enfant, sa vie sexuelle et son psychothérapeute , (Hayez, 2012) je témoigne concrètement de ma manière de réfléchir et de m’exprimer dans ce domaine, à propos des enfants avant la puberté. Je vous renvoie à la lecture de ce texte, en vous proposant néanmoins déjà ci-dessous deux illustrations qui y figurent.

 

Ill. Dans le cadre d'un échange sur la sexualité, Maxime (11 ans) me raconte qu'il a fait un rêve. Spontanément, sans histoire, avec un franc-parler à peine provoquant dont il est coutumier, tout en guettant quand même ma réaction avec un zeste d’ anxiété. Je le connais depuis plus d'un an, il me consulte parce qu'il a parfois du mal à contrôler son agressivité et qu'il se montre trop dominateur - jaloux à l'égard de ses puînés. Et voici le rêve : « J'ai rêvé que je faisais l’amour avec ma maman, et même, je la léchais partout. » Je me fais un peu détailler le contenu, et c'est bien de cela qu'il s'agit pas la moindre confusion de langue possible ( si j'ose dire ...) Je m'enquiers sur la répétitivité du rêve ou de rêves analogues - non, ça a été isolé - et sur ce qu'il vit par rapport à sa maman en journée : il l'aime beaucoup, mais il n’a jamais éprouvé de désir incestueux conscient ( je le vérifie via une question précise, jusqu'à y inclure le « simple » voyeurisme de salle de bain. )

In petto, je pense que ce rêve incestueux, à son âge et en tant que production isolée, fait magnifiquement partie de la vie,  . Dans le rêve, il mouche tous les hommes de la famille, père et frères : c'est lui qui a la mère, jusqu'au plus intime de son corps !! Et il condense en un contenu unique son triomphe oedipien, l'érotisme génital débutant du préado et un zeste de fixation à l'ancien bébé qu'il a été via un comportement d'attachement primitif : lécher partout !

Il me suffit ensuite de lui commenter que ce genre de rêve fait partie de la vie. Et de parler avec lui de l'inceste. Comprend-t-il bien qu'un être humain peut tout à fait éprouver un désir incestueux, mais doit renoncer à le mettre en pratique ? La réponse claire et sereine de Maxime me rassure « Mais moi, j'ai déjà une amoureuse » Je ne trouve donc pas utile d'aller plus loin pour le moment : ça m'eût paru une inutile pédagogie artificielle.

 

Ill. Alexis(12 ans) a eu des ennuis à l’école parce qu'un de ses condisciples, ouvrant la porte des toilettes pour jouer, l’a surpris à se masturber, l’a colporté autour de lui : c’est arrivé aux oreilles des adultes qui l’en ont vivement blâmé, entre autres dans son journal de classe. Les parents me rapportent la chose, ne sachant pas trop bien qu'en penser.

Le jeune est en thérapie chez moi depuis cinq ans, pour accompagner sa maladie de Gilles de la Tourette. J’en reparlerai au chapitre 7, p., en évoquant l’un ou l’autre fantasme fondateur de sa vie psychique. J'avais déjà mené avec lui l'une ou l'autre conversation autour du sexe, car les parents me l'avaient signalé comme très déluré. Je lui fais redécrire son aventure récente et il y souscrit sans faire d’histoire. Je me borne à lui faire remarquer que, lorsqu’on se masturbe dans ce genre d'endroits, il est prudent de fermer les portes à clé, pour garantir son intimité et donc pour ne pas se faire ruiner la réputation par des mal-intentionnés. Il en convient en souriant. Je lui demande ensuite ce qu'il pense de la masturbation. Il me répond qu’il aime beaucoup parce que ça lui fait du bien. Je commente : « Ben oui, c’est à ça que ça sert …  » Il m'ajoute alors qu’il aime le faire dans la salle de bain de la maison, en s’enduisant le pénis de la mousse à raser de son père(24) ; et qu'une fois, ça a failli mal tourner parce que son père voulait entrer dans la salle de bain, de l’autre côté de la porte fermée à clef. L. : « Alors, j’ai dû me dépêcher pour faire partir les traces de mousse » Je l'approuve : « Vaut mieux en effet ne pas laisser de traces de nos activités sexuelles pour les autres, entre autres pour nos parents. C'est perso, la sexualité » Et qu'y a-t-il d'autre à dire ? In petto, je suis content , que cet enfant invalidé par une grave maladie physique s’aime encore suffisamment pour se vivre comme une source de plaisir et qu'il se sente suffisamment en rivalité phallique avec son père pour lui faire le coup de la mousse à raser. Je passe sur les symbolismes possibles ...

Plus loin dans la conversation, je lui demande s'il se souvient des règles humaines essentielles en matière de sexualité, dont nous avions déjà parlé. Et il me les redit avec le sourire ( ne jamais forcer un autre ; ne pas solliciter un beaucoup plus petit ; rester dans sa génération. ) J’ ajoute alors une conviction plus personnelle, à laquelle il est libre d'adhérer ou non : rester maître du jeu ; ne pas devenir esclave de son bas-ventre ; user raisonnablement de ce plaisir, comme on le fait pour les bonnes pâtisseries ... 

II. L’inceste dans la fratrie 

Ne bradons pas le terme « inceste » : Je m’en explique dans le livre La sexualité des enfants (2004, p. 146 et sq.) En résumé, il existe quatre catégories de pratiques sexuelles possibles  dans les fratries (24). En allant des plus  au moins fréquentes :

 

- Des jeux sexuels, voire de franches recherches de plaisir sexuel mutuellement consentis (par exemple masturbation en commun de jeunes ados), le plus souvent épisodiques, sans que n’y soit mêlée une composante affective particulière liée au statut fraternel. Le frère ou la sœur est  simplement  identifié comme le pote le plus proche que l’on ait à se mettre sous la main (si j’ose dire)  

- Des véritables abus sexuels avec violence physique ou intellectuelle exercée sur la victime. Eux non plus ne visent pas spécifiquement le fre ou la sœur mais « la proie la plus proche » Les abus dans la fratrie, comme tous les autres, sont dictés en proportions variables par la recherche du plaisir sexuel et celle du pouvoir. 

- Encore plus rares de vrais incestes consentis de part et d’autre, le plus souvent de durée moyenne ou longue, qui se répartissent eux-mêmes en deux sous-groupes : 

* Les passions amoureuses, accompagnées de fusion sexuelle (25) .

* Les vieux amants fidèles. Ici la relation affective est positive sans être passionnelle. Les deux enfants ou ados impliqués ont appris et pris l’habitude de faire l’amour ensemble comme un vieux couple fidèle (« Le samedi soir après le turbin, on voit l’ouvrier parisien … ») Ils ne se cherchent plus de partenaire exogamique. C’est dans ce sous-groupe que je situe Jérémie et Joanna (« On s’entendait très bien ; presque de l’amour »)  

- Encore plus rare, la combinaison d’une passion amoureuse unilatérale et d’une violence plus ou moins claire faite au partenaire. On peut parler alors d’inceste avec abus. 

Ce ne sont donc pas fondamentalement des critères externes, comme la différence d’âge (26) qui déterminent à quelle catégorie on a à faire mais bien plus ce qui se vit, les objectifs qui se poursuivent, l’importance vécue ou non que ce soit spécifiquement à un frère ou à une sœur que l’on s’adresse, etc.

 

III. Pourquoi cette aventure incestueuse entre Jérémie et sa sœur?

 

  1. Il s’est d’abord très probablement agi d’un jeu sexuel d’enfants, qui s’est transformé petit à petit en habitude incestueuse de vieux amants. Après un certain temps, Jérémie et sa sœur se suffisent à eux-mêmes et ne cherchent plus ni l’amour ni un partenaire sexuel à l’extérieur. Pourquoi cela évolue-t-il ainsi ? 

- Notons d’abord l’absence significative de ce qui pouvait faire tiers interdicteur : chaque parent vaque à ses affaires, fait trop confiance à des enfants apparemment bien sages et autonomes et ne cherche pas assez à structurer ni à surveiller l’occupation de leur temps. 

- La personnalité de Jérémie ne me semble pas présenter de caractéristiques psychopathologiques le prédisposant à une sexualité débordante, violente ou toute-puissante. Il n’est ni impulsif ni asocial. D’ailleurs quand il vient me rencontrer, c’est l’angoisse et la culpabilité qui l’envahissent : sentiments jusqu’à un certain point objectivement compréhensibles et réactionnels à la gravité des actes posés, mais trop intenses et cruellement vécus quand-même et donc avec une touche névrotique disproportionnée à la faute commise.

Démonstration faite une fois de plus que n’importe qui peut se trouver embarqué dans de la déviance sexuelle.

- La réciprocité et l’accueil « à bras ouverts » dans le chef de sa sœur ont constitué des renforçants positifs pour Jérémie. Je n’ai jamais rencontré la sœur mais pour ce que m’en dit Jérémie, je pense qu’elle fonctionnait en miroir de lui.

 
Au début, ont sans doute existé les dynamismes qui poussent beaucoup d’enfants à de petites pratiques sexuelles : la curiosité, le désir de grandir et de s’identifier à la scène débordante de vie perçue chez les deux chevaux, le défi, le frisson ressenti à faire des choses spéciales et osées et une certaine tendresse entre enfants. N’ont-ils pas voulu non plus  inconsciemment remplacer leurs parents absents et divorcés en jouant dans leur solitude à deux une scène primitive dont ils ne pouvaient pas entendre les bruits là où elle aurait dû se dérouler ?
Puis, ils ont  de plus en plus aimé les actes posés, pour le plaisir et la complicité vécues et jusqu’à un début de dépendance. Donc un ensemble de conditions contextuelles et personnelles banales les amène à entrer de plus en plus dans le monde du sexe et à l’apprécier.

 

 Mais il ne faut jamais désespérer de l’humain, capable du meilleur comme du pire. « Rien n’est jamais acquis à l’homme» écrivait Aragon et ce peut être vrai aussi à propos de la capacité à se reprendre. Vers quatorze ans, les dimensions les plus sociables, les plus adaptées au réel social présentes dans la personnalité de ces jeunes se sont exprimées et les ont fait arrêter leur bal des maudits. L’intelligence introspective et la conscience morale de chacun s’étaient suffisamment développées de même que leur capacité d’anticiper les vrais risques.

Quand je suis revenu par la suite avec Jérémie sur sa phrase « J’ai vu que ça allait trop loin », il m’en a commenté la signification par bribes et morceaux. Il a parlé des risques sociaux, les plus faciles à évoquer ( peur de mettre sa sœur enceinte et du bouleversement social qui s’en suivrait ; peur d’être accusé lui et lui seul ) Mais il m’a dit aussi des choses plus intimes de l’ordre des valeurs :  « Je n’aimais plus qu’elle voie mon sperme … j’ai pensé « c’est ma sœur quand-même » … je ne peux pas continuer à la prendre comme je le fais … je dois me trouver une copine » Bref c’est à ce moment-là que le tabou de l’inceste a pris tout son sens pour lui ( et pour Joanna ) et ils n’ont pas voulu passer du statut d’amants débutants égarés à celui d’amants diaboliques confirmés.

 

  1. IV. Faire cesser une pratique incestueuse chez un mineur

 

Je pense aussi bien aux vrais incestes entre mineurs qu’à ceux consommés entre un mineur et un adulte liés par le sang ou par un lien d’adoption, ici avec passion amoureuse bilatérale.

Pour Jérémie et Joanna pas de problème, ils ont arrêté tout seuls. Ce n’est pourtant pas toujours le cas. D’autres mineurs s’accrochent passionnément à l’inceste qu’ils ont conclu et essaient de le défendre bec et ongles. Ils dénient la dimension non-naturelle de cette relation, soit que leur désapprobation personnelle soit refoulée, soit même qu’elle se soit effritée jusque mourir au fil du temps voire même qu’elle n’ait jamais existé. Ils ne pensent plus qu’à l’amour qu’ils partagent avec leur partenaire, aux satisfactions voire privilèges affectifs reçus et dans une  mesure variable aux plaisirs sexuels vécus. Rivaliser et se démarquer exceptionnellement des autres peut être un objectif important pour eux aussi, tout comme le fait de s’opposer radicalement à la société.        

Si ce sont des mineurs qui réagissent de la sorte une fois leur inceste découvert, notre responsabilité d’éducateurs est totalement engagée et nous ne pouvons pas démissionner.

En me référant à mon expérience, une prise en charge psychothérapeutique de ces mineurs qui s’obstinent constitue le plus souvent une illusion si elle a la perspective de les raisonner et de les faire renoncer « d’eux-mêmes » : le dialogue est tout de suite pris dans le bras de fer engagé entre eux et la société pour maintenir leur droit à l’inceste : ils ressentent le thérapeute comme exerçant plus ou moins subtilement un pouvoir castrateur. Il en va de même de toute autre tentative de dialogue engagé dans la même perspective et émanant de n’importe quel adulte témoin.

Cela ne signifie pas pour autant que la communauté adulte doive se taire : nous pouvons écouter le mineur concerné s’il a envie de parler (sans lui donner l’illusion qu’il pourrait alors marquer des points dans un match à visée persuasive avec l’adulte) Exprimer l’empathie que nous vivons à propos de ce qu’il a vécu d’exceptionnellement agréable, et aussi à propos de la colère et de la souffrance qu’induit la perspective de la cessation. Ceci dit, reste néanmoins à énoncer clairement que l’inceste est fondamentalement interdit et pourquoi.

Et ensuite sans plus discuter, la communauté doit prendre des mesures qui séparent effectivement les partenaires de l’inceste au moins jusqu’à l’accession du jeune à sa majorité ( mesures judiciaires imposées à l’adulte ou/et aux protagonistes mineurs de l’inceste ; éloignement décidé à l’amiable ; surveillance lucide de ce qui se passe ensuite, pas facile du tout à l’ère de Face book et des portables ) Résultat loin d’être garanti à coup sûr, mais fermeté et vigilance à maintenir avec détermination sans effritement.

D’éventuelles conversations peuvent se poursuivre avec le(s) mineur(s) impliqué(s), sans faire violence sur son (leur) droit à s’y engager émotionnellement ou non.

 

 Qu’ai-je choisi de prendre en charge et de soigner ?

 

  1. Jérémie lui-même, certainement ! Il avait une demande thérapeutique initiale, celle d’être délivré des angoisses de mort qui l’habitaient depuis quelques semaines.

Demande suspecte ? Nous sommes en droit de penser qu’il avait une peur panique que sa sœur  fasse des révélations à sa psy et qu’alors le ciel lui tombe sur la tête (les foudres de Zeus, quoi, pour un impertinent prince incestueux à l’instar de la mythologie grecque !) Néanmoins ses angoisses se sont résorbées au fil du temps, malgré qu’il n’ait jamais été sûr des révélations que pouvait faire Joanna. Je me suis donc dit que son mal-être était plus sourd (27) et plus ancien que son exacerbation d’aujourd’hui. C’est déjà lui qui avait contribué à faire cesser l’inceste mais l’inconfort n’avait pas disparu pour autant. Je l’ai donc traité comme un patient déprimé et porteur d’une dimension névrotique.

 2.Je pense que son sentiment de se réparer aurait encore été plus complet s’il avait pu dialoguer avec Joanna face à moi. Par surcroît, j’aurais pu mieux me rendre compte de son cheminement à elle et peut-être lui donner des encouragements pour qu’elle se libère davantage chez sa propre thérapeute. Je le lui ai proposé l’une ou l’autre fois, mais il n’a pas été capable ou pas désireux de l’inviter et j’ai respecté sa liberté.

 3.Je l’ai respecté encore en n’associant pas non plus les parents. Choix de Jérémie dicté par l’angoisse sans doute, mais peut-être aussi par d’autres motivations : revendication de son intimité et d’un droit à son jardin secret ; colère contre les parents qui n’avaient pas su veiller...

Dans un premier temps, j’ai pensé et je lui ai dit qu’il se sentirait encore mieux si lui et sa sœur arrivaient à en parler avec ceux-ci. Je me les représentais comme les éléments les plus centraux de cette communauté humaine dont ils avaient transgressé une Loi fondamentale.

J’imaginais alors que, au cours de cette rencontre solennelle, il y aurait reconnaissance de la faute, puis blâme, puis pardon et que ce processus  constituerait un « bonus » dans la réparation de soi de Jérémie et de Joanna. Dans mon esprit toujours, un dialogue idéal aurait dû comporter en miroir dans le chef des parents une reconnaissance tout aussi blâmable puis pardonnable de leur manque de vigilance.

Au fil du temps, je me sens néanmoins moins sûr de moi pour penser que cet  aveu  aurait pu être restructurant. Quels sont les arguments plutôt contre la mise au courant des parents ?

 

- Jérémie et sa sœur se sont bien débrouillés seuls pour sortir de l’impasse où ils s’étaient mis.

- C’est vrai que nous avons tous nos jardins secrets, à tous les âges de la vie, et pas seulement pour des broutilles (28).

- La transgression grave est terminée, Jérémie ne met personne en danger par ses actes et ses projets et sa sœur se donne les moyens de se soigner.

- Jérémie a reconnu sa faute devant au moins un membre de la communauté humaine, moi, et a eu l’occasion d’en discuter de façon nuancée.

- Il prédit que les réactions de ses parents, surtout de sa mère, ne seront pas constructives et aggraveront l’ambiance des relations pendant longtemps. Et s’il avait raison ? Et si oui pourquoi précipiter ce dommage évitable ?

 

 Fonctions respectives du psychothérapeute et de l’éducateur face à la sexualité de l’enfant 

Pour accompagner une croissance suffisamment bonne de la sexualité de l’enfant, les fonctions respectives du psychothérapeute et de l’éducateur  (parents, enseignants, etc.) sont en partie identiques et en partie différentes.

A. Ce qui est identique

 - Commencer par faire retour sur nous-mêmes : chercher comment les expériences sexuelles, les témoignages et les messages sur la sexualité reçus au fil du temps influencent nos attitudes aujourd’hui ; faire preuve d’esprit critique face aux discours de la science et de la culture contemporaines sur la sexualité  ; réfléchir au sens qu’elle revêt pour nous, aux valeurs et anti-valeurs qu’elle véhicule ; synthétiser toutes ces données en idées claires et personnelles entre autres sur la sexualité de l’enfant, ses formes, son sens et son inscription sociale.

- Ecouter l’enfant parler de sexualité ou la questionner ; manifester de la sollicitude pour ses idées et préoccupations, obvies ou dissimulées ; l’aider à déployer ses idées et à avoir un projet dans le champ de sa sexualité.

- Améliorer au besoin les informations dont l’enfant dispose et partager des idées personnelles avec lui : ici, l’éducateur se donne souvent le droit d’être plus insistant, de désirer transmettre sa vision du monde, ses attentes et les valeurs qui lui sont chères ; mais en sachant s’arrêter à temps, donc sans faire violence sur l’enfant. Le thérapeute, lui, est habituellement plus discret : il s’efforce souvent d’abord que l’enrichissement du savoir de l’enfant se fasse à partir de la curiosité, de la créativité et de l’intelligence de celui-ci. Quant au partage de sa vision du monde ou de ses valeurs, c’est sur la pointe des pieds qu’il s’y risque parfois, pour faire preuve de son engagement, en parlant en référence à sa subjectivité, en proposant sans imposer ! 

- Protéger l’enfant ; éducateur et thérapeute souhaitent le faire énergiquement face au danger grave (par exemple, un abus sexuel) Au-delà, ici encore, la position du premier est souvent plus active et intense que celle du second : le thérapeute accepte davantage que l’enfant se confronte aux conséquences désagréables mineures de ses propres choix et à nombre d’épines de la vie. 

- Veiller à ce que l’enfant respecte les  Interdits fondamentaux qui nous concernent tous : interdiction de la destruction de l’autre et de ses biens matériels ; interdiction de la prise de possession incestueuse de l’âme de l’autre ; maintien de la sexualité dans un cadre monogénérationnel. Je suis convaincu pour ma part qu’ils incluent aussi l’interdiction de la destruction de soi (par exemple via une dégradation physique ou morale significative propre à nombre d’addictions et de perversions)

Il est donc nécessaire d’indiquer à l’enfant qu’il ne peut pas faire souffrir les autres dans le domaine sexuel (violence physique, prise de pouvoir verbal, tromperies cruelles, etc.)  Et il n’est pas rare qu’il faille vraiment l’y éduquer ! Certains enfants, surtout les dominants, les hédonistes ou les peu socialisés ne se rendent pas toujours spontanément compte de la vraie gravité de la violence sexuelle : sans sensibilisation éducative, ce n’est pas plus grave pour eux qu’une insulte ou un coup de poing. Les mêmes ou d’autres ne se rendent pas compte non plus qu’ils ne doivent pas déranger – le terme a tout son poids étymologique - les beaucoup plus jeunes et notamment les moins de cinq-six ans pour les plus de sept-huit ans : les tout petits vivent dans un monde de fantaisie où l’activité sexuelle partagée, type jeu sexuel avéré, n’a pas sa place ; ils sont néanmoins très suggestibles et peuvent y pseudo-consentir avec un aîné, puis s’en trouver très perturbés. Il faut donc les laisser entre eux, occupés tout au plus à rire à gorge déployée des gros mots « pipi-caca » qu’ils découvrent, à faire de furtives comparaisons sur la différence des sexes et pour les plus hardis, l’une ou l’autre exploration des orifices naturels.

Les moyens de promouvoir le respect des Interdits fondamentaux sont variés et n’impliquent pas ipso facto que le thérapeute sorte de l’engagement de confidentialité qu’il aurait pris.

B.  La coexistence des éducateurs et du thérapeute 

On me rétorque parfois : « C’est aux parents à tenir le discours sur la vie que vous proposez parfois directement à vos jeunes clients. Faites attention à ne pas prendre leur place. » Cette objection me laisse perplexe. Je ne me sens ni en rivalité ni en position de dépendance par rapport aux parents. Quand ils me confient leur enfant, c’est entre autres pour que se différencie et s’enrichisse son Moi social. A certains moments de mon travail, je fonctionne donc comme un « Autre parlant », un semeur de graines d'idées. Je les propose à l’enfant et les discute avec lui. Eventuellement, je m'enquiers de ce que ses parents ( ou d'autres ) lui ont peut-être dit sur le même thème et je situe les ressemblances et les différences avec respect. Et ensuite, je considère que c’est à l'enfant à construire sa synthèse personnelle : je participe donc pleinement au processus de sa socialisation, c'est à dire à sa conquête du monde et de ce que seront ses idées sur la vie.

C. Ce qui est spécifique aux éducateurs  

Ceux-ci sont directement responsables de veiller à une socialisation « suffisamment bonne » de l’enfant : l’essentiel en demeure le respect des Interdits fondamentaux tout juste d’évoqués ; mais les sociétés, les cultures, les écoles et les familles créent nombre de règles mineures supplémentaires : souvent propres à leurs entités, parfois partagées par d’autres, souvent stables mais non immuables, ces règles d’usage définissent des codes de conduite congruents aux aspirations des groupes qui les édictent.

Les éducateurs en sont les gardiens, conservateurs de celles qu’ils ont instaurées directement et parfois plus critiques par rapport à celles dont ils ont hérité. Selon les cas, ils sont rigides et intraitables ou ouverts aux éventuelles protestations et suggestions émanant des enfants et prêts à les modifier. Mais ils en sont les gardiens et estiment que les respecter suffisamment bien en leur état actuel fait partie de la socialisation.

Par exemple, l’école édicte « Pas d’activité sexuelle partagée dans nos murs (29)  » En soi, si les enfants partenaires transgressant cette règle sont consentants, cela n’a rien à voir avec les Interdits fondamentaux … mais ils désobéissent au règlement local : si les éducateurs sont cohérents, ils doivent veiller au respect de ce qu’ils ont interdit avec explications et sanctions à la clé. Mais s’ils sanctionnent, ils ne devraient pas dire « Vous avez fait quelque chose de mal » (ce qui renvoie à la transgression des Interdits fondamentaux) mais plutôt « Vous avez fait quelque chose d’imprudent en défiant nos règles »

Hélas, volontairement ou non, ils sèment régulièrement de la confusion des idées et de la culpabilité indues à ce propos, confondant la « mauvaise action » et l’action simplement transgressive-défiante contre la règle mineure (Hayez, 2004, p. 231 et sq.)

D. Ce qui est spécifique au thérapeute 

De mon point de vue, le thérapeute se trouve dans une position radicalement différente par rapport aux règles mineures des groupes et à leur transgression :

il n’a pas la responsabilité directe de les faire respecter : il n’est pas non plus invité à en rire, à l’instar d’un adolescent rebelle. Sa mission, c’est entre autres d’amener l’enfant  à réfléchir  à l’attitude qu’il  choisit 30 d’avoir face aux règles mineures et à poser ensuite des comportements voulus personnellement, en en anticipant bien les conséquences.

Par exemple, l’enfant a quand-même fait un jeu sexuel à l’école et s’est fait prendre. Au thérapeute de s’enquérir : Que s’est-il passé précisément ? Comment le comprendre ? Pourquoi avoir transgressé la règle ? Peut-on grandir sans transgresser ? Comment réagissent les gardiens des règles quand ils constatent une transgression ? Et toutes les autres questions et idées déjà évoquées sur la nature et le sens de la sexualité infantile. Et enfin, qu’est-ce que  l’enfant projette de faire à une prochaine occasion ?

A penser et à s’exprimer de la sorte, le psychothérapeute peut aider celui-ci à faire la différence entre ce qui est bien et mal d’une part, et de l’autre ce qui est imprudent et téméraire, défiant ou prudent et conforme aux attentes du groupe : pour ce qui est de son attitude face aux règles mineures, à l’enfant de choisir où il va se positionner à l’avenir en y réfléchissant bien, sans moralisation ni pression émanant du psychothérapeute.

Confidentialité et psychothérapies individuelles des mineurs 

Ma position au sujet de la confidentialité est différente selon qu’il s’agit de psychothérapies individuelles d’enfants ou d’adolescents. Je m’en explique dans l’article:

 Secrets de famille, confidentialité et psychothérapies

Pour les premiers, je préfère tenir les parents au courant des grandes lignes de ce qui se passe en psychothérapie sans entrer néanmoins dans les détails de ce que l’enfant fait ou raconte en séance. Mon objectif est de mobiliser le vécu des parents et d’en dégager des implications dans l’éducation quotidienne. Tout ceci avec délicatesse, sans mettre l’enfant ou sa famille en difficulté : ce que je communique ne doit évidemment pas causer chez les parents davantage d’angoisse, de ressentiment ou de rejet de mon petit client.

En ce qui concerne l’adolescent, même jeune, je pense à l’inverse qu’il a droit à une confidentialité totale dont je discute avec lui et ses parents avant de commencer la psychothérapie. Je transmets donc à sa famille que je lui reconnais un droit à l’intimité, à l’autonomie de la pensée, à la non-dépendance et à la différenciation par rapport à ses parents. Je travaille ainsi avec tous, même avec ceux qui ont encore peur de prendre leur envol et racontent encore (presque) tout à leurs parents.

Des rencontres avec ceux-ci ont donc lieu, en présence de l’ado en règle générale, mais c’est pour dire que la thérapie suit son cours et que je ne peux rien en dire. Il reste bien des thèmes que les parents tiennent à aborder, avec régulièrement une petite pique pour me faire comprendre que l’ado ne va pas si bien que ça, qu’il est dur à vivre à la maison et qu’il me manipule peut-être ; mais au moins les parents ne se sentent pas délaissés.

Le respect fort de la confidentialité est une condition souvent nécessaire pour que l’adolescent ose engager ses questions les plus personnelles quand il le veut bien ! Une sorte de « tam-tam arabe » fonctionne entre eux et ils devinent qui sont les intervenants aptes à tenir leur langue et ceux qui se précipiteront vers le bavardage en équipe, les rapports écrits et autres signalements.

Ce respect n’a rien à voir avec une quelconque position d’approbation si pas de complicité par rapport aux transgressions que l’adolescent viendrait à raconter. Ceci aussi, il faut le lui faire comprendre : il vient travailler chez moi pour réfléchir, se sentir heureux de vivre et faire des choix judicieux. Ses transgressions font partie du développement, mais ce qu’il en raconte est objet de réflexion et pas de plaisir partagé ! Et si elles sont graves et destructrices, contre les Interdits fondamentaux, je dois lui signifier que c’est mal, lui demander d’y renoncer et travailler à ce qu’il y parvienne.

Ce travail en direction du renoncement aux transgressions graves, de même qu’aux comportements significativement dangereux, inclut-il que le thérapeute doive passer outre cette si précieuse confidentialité ? Certainement pas ipso facto ! Trois conditions doivent être réunies pour s’y résoudre, conjonction bien rare sur le terrain : 

----  Le thérapeute estime que le jeune est à l’origine d’un danger grave et rapproché, qu’il fait peser sur autrui ou sur soi par un comportement transgressif ou dangereux.
 Estimation faite la plupart du temps à partir d’un dialogue avec son jeune client ; plus in constamment, s’y ajoutent ou s’y substituent des préoccupations émises par des tiers ou le fruit des observations du thérapeute (par exemple perception d’une ambiance suicidaire, d’une forte culpabilité avec inhibition …) Il  en fait part au jeune et  essaie d’abord d’en parler avec lui, bien sûr ! 

----  La menace rapprochée d’un grand danger ne peut pas se réduire significativement à partir de la réflexion menée au cours de la thérapie.

 ----  Enfin, le thérapeute pense que les personnes ou les institutions qu’il alertera seront plus efficaces que lui et donc éloigneront la menace. Il ne s’agit  pas de passer une patate chaude pour le seul plaisir de se mettre à l’abri.

 

 Confidences et confidentialité 

Par les temps qui courent et dans notre société de consommation, d’actes forts, de laxisme et de paraître jamais loin du sensationnalisme, le grand enfant ou l’ado est davantage susceptible qu’auparavant  de se mettre dans de graves embrouilles : vols, jeux de hasard, consommation addictive de produits illicites, humiliations d’autrui, actes agressifs, et aussi embrouilles sexuelles. Si ce jeune  identifie certains adultes et notamment nous les professionnels comme dignes de confiance, ouverts à l’écoute de ses vrais embarras, ni tout de suite répressifs ni  naïvement directifs,  il nous fera plus facilement part de telle ou telle situation préoccupante dont il redoute les conséquences : Par exemple, en nous en tenant au champ sexuel, il a éjaculé sans précaution sur la vulve de sa petite copine et a peur qu’elle ne soit enceinte ; il « fait des choses » avec un plus jeune et n’est pas fier de lui ; il a été piégé à la Webcam et ses exploits masturbatoires pourraient bien faire les délices des  pervers du Net ; peut-être même le fait-on chanter ; il a accepté de l’argent d’un adulte pour être filmé nu(e) dans le cadre d’un RV pris sur le Net, etc.

Comment gérer ces confidences bien contemporaines dans le cadre d’entretiens psychologiques ou de psychothérapies ? 

Une fois évoqué par le jeune son embarras, il demeure rare qu’il s’agisse d’une vraie urgence : Nous pouvons donc nous donner le temps de bien comprendre, quitte à le recevoir à haute fréquence (sous un prétexte quelconque) La confidentialité reste une valeur que je sache, et il ne va donc pas de soi que nous devons nous précipiter sur les parents pour les mettre au courant, pas plus que sur les éventuels responsables scolaires, les agences sociales ni sur les institutions de police ou de justice.  L’inverse n’est pas plus certain : Il faut vraiment bien réfléchir aux dangers futurs que court le jeune ou qu’il fait courir à autrui et à l’efficacité plus grande que nous attribuons à ceux qui seraient informés, seuls motifs valables pour sortir de la confidentialité avec ou sans le consentement du jeune. 

Pour sortir du mauvais pas où il s’est mis, le jeune pourrait parfois réfléchir tout seul et modifier certains comportements, en échangeant des idées avec nous et en s’appuyant sur nos encouragements : c’est la voie la plus simple ! 

Parfois, il aurait bien besoin d’aide extérieure (ses parents … un service de police spécialisé en informatique, etc.) Nous pouvons prendre des renseignements et accroître notre propre information par exemple en présentant nous-mêmes le problème de façon anonyme à un policier spécialisé. Par la suite, nous discuterons avec le jeune et pèserons avec lui le pour et le contre de parler de son problème au dehors. 

Enfin le jeune s’est parfois mis dans un mauvais pas irréversible : je ne vois pas comment nous pouvons faire en sorte que soit rattrapée une image hard de lui qui vagabonde déjà sur la toile. A nous alors de travailler sur ses angoisses et son sentiment de honte, à lui redonner confiance en lui et aussi l’envie et les moyens d’être plus prudent à l’avenir.

Les annexes 

Annexe 1 : Le premier mail (le premier dimanche au soir) 

Cher Jérémie, 

J’ai été très touché par ton courage et ta confiance. Voici quelques réflexions personnelles qui me sont venues après ton départ :

 

- Si les choses se sont passées comme tu l’as dit, tu fais une erreur en prenant toute la responsabilité sur toi : vu votre proximité d’âge, c’est 50/50.

- Maintenant que tu as commencé et même bien avancé pour te délivrer de quelque chose de très lourd en toi, il faut y aller à fond ; tu m’as probablement dit 80% de ce qui est difficile et reste encore 20% : le plus difficile ; des moments dont tu as encore plus honte (par ex. l’histoire de tes trois gouttes de sperme me laisse un rien perplexe … avez-vous été tous les deux de jeunes pubères vers la fin ?Aurait-elle pu être enceinte si tu n’avais pas arrêté ? Etc.)

- Je comprends que ce soit très lourd en toi : Ce n’est  pas banal votre histoire ; c’est autre chose que trois semaines de jeux sexuels en été : vous avez été des petits partenaires précoces d’une relation totale et durable.

- Essaie de parler avec ta sœur … elle frime peut-être quand elle dit qu’elle a bien assumé : ce n’est pas plus probable pour elle que pour toi ; essayez de vous demander pardon l’un à l’autre pour une grave erreur commise et face à laquelle il faut repartir de l’avant … dis à ta sœur que je la rencontrerais volontiers l’une ou l’autre fois avec toi … vous pouvez trouver un prétexte pour venir chez moi pour protéger votre intimité (par exemple, parler ensemble de votre relation à votre mère, qui est difficile)

- A côté de ta culpabilité, as-tu aussi peur que ta sœur dénonce les choses, en allant voir un autre psy ? Si oui, demande-lui ce qu’il en est, mais tu n’as bien sûr rien à exiger.

- Enfin, est-ce tout à fait fini votre histoire ? Dans tes fantasmes sexuels, ta sœur intervient-elle encore ?

Comme tu vois, on a du pain sur la planche pour vendredi …

 

Annexe 2 : le mail du mardi matin après la séance de crise de la veille au soir : 

Bonjour Jérémie, 

D'ici demain, quelques petites suggestions : 

- Résous l’énigme, pas si compliquée des 33/33/33.

- Essaie de parler à Joanna … je ne crois pas qu'elle oserait se libérer de choses si intimes chez cette psychologue que votre mère connaît bien... donc elle risque de rester "chargée" … refais-lui la proposition de venir me voir avec toi, en trouvant un prétexte pour cette visite (vous avez été des spécialistes de la dissimulation aux parents pendant des années ... vous trouverez bien quelque chose ... et ici, ce n'est pas une transgression, c'est votre DROIT... à votre âge, vous avez droit à votre intimité par rapport à vos parents, donc à trouver un moyen pour qu'ils ne posent pas de questions)

Pour que tu te libères vraiment, il faut évoquer le plus difficile, c’est-à-dire les quelques pour cents qui restent. Etait-ce vraiment en silence ou n’aimes-tu pas penser aux mots qui étaient prononcés ou au type de scénarios que vous inventiez ? Une question probablement bien difficile aussi et où tu as besoin de ton honnêteté totale pour répondre : pourcentage de fois où vous étiez d’accord tous les deux ? Où tu n’étais pas d’accord ? Où elle n’était pas d’accord … quand elle n’était pas d’accord pourcentage de fois où tu t’es incliné et où tu l’as forcée ? Forcée, comment ?

- Et tout ce qui te viendra à l’esprit face à moi …

Pas drôle tout ça Jérémie ? OK mais c’est de la réussite future de ta vie qu’il s’agit …

Bien à toi

 

Notes

 

  1. Jérémie se trouve dans la catégorie la plus fréquente des ados concernés, celle des « consommateurs abondants simples » et non des vrais dépendants. J’en parle en détails dans l’article: INTERNET ET LES ECRANS. QUAND LE JEUNE EST SCOTCHE. SIMPLE GOURMANDISE OU DEPENDANCE?   
  1. A l’époque de la psychothérapie, MSN était de loin la messagerie instantanée la plus populaire d’Internet. Pour les hypothétiques lecteurs non-initiés, deux personnes y communiquent en privé sur leur écran d’ordinateur, soit simplement par le texte en écrivant des phrases qui se succèdent à l’écran, soit en y ajoutant la possibilité de se voir via une webcam, ou/ et de se parler oralement via un micro. 
  1. A la différence des séances « incarnées », une séance avec webcam, c’est la majeure partie du temps un gros plan fixe sur deux visages : les mimiques, les états d’âme, l’expression corporelle des sentiments des deux interlocuteurs sont alors traduits et perçus avec une intensité implacable !

[N.B. pour désigner les séances habituelles où il y a co-présence matérielle, j’emploierai indistinctement les termes incarné ; concret ; IRL (in the real life)] 

  1. Quoique ! Ne suis-je pas trop optimiste ? N’avons-nous pas tous d’inavouables dimensions darkside qu’il peut nous arriver de mettre en actes? 
  1. Tout ceci, chez un jeune qui n’a rien d’hystérique et que je ne sens nullement occupé à jouer à cache-cache avec moi ! Je le ressens vraiment mort de honte et de culpabilité ! 
  1. Il commence par me dire que c’est entre ses dix et ses treize ans, mais suite à certains de mes étonnements, il finit par admettre que c’est entre ses sept et ses quatorze ans. 
  1. Je discuterai de ce type d’inceste au paragraphe IV. 
  1. La première fois, il s’est d’abord crispé autour du mot « sexuel » ; il m’a demandé d’attendre et s’est levé pour aller voir si les portes de son bureau étaient bien fermées. L’utilisation de la webcam pose sous une forme nouvelle le problème de l’intimité et des éventuels « espions » qui seraient présents dans l’une des pièces, à l’écoute, parfois à l’insu d’un ou des deux interlocuteurs, parfois avec la complicité de l’un d’eux. Et il y a aussi la question du sort que l’on réserve au texte écrit : simplement passant ou imprimé? Ces éventualités bien concrètes peuvent se poser au-delà des fantasmes que Jérémie générait plus que probablement en ce moment. 
  1. J.-Y. Hayez, La sexualité des enfants, Odile Jacob, 2004. Pourquoi cette proposition ? C’est une façon de lui signaler ce que je pense « objectivement », sans référence à lui : il peut lire ma pensée telle que je l’expose à la communauté. Donc, ça coupe court à l’idée éventuelle « Il me dit ça, mais c’est pour moi, à cause de ce que je suis, mais il ne le pense pas vraiment » 
  1. Evangile de Jean, 8, 3-11.
  1. Ce qui ne nie pas la possibilité de la faute, mais rappelle l’universalité de celle-ci dans notre condition humaine. 
  1. Les foudres de Zeus, en quelque sorte, en référence à la vie dissolue et mouvementée des dieux grecs, pas spécialement un modèle du respect du tabou de l’inceste ! 
  1. Je ne relève évidemment pas la lourde métonymie « faire le con » ; au sens concret et argotique aussi, il l‘a assez parcouru, le con de sa sœur : il en est même saturé et dégoûté mais il est inconscient de son jeu de mots ! 
  1. Il m‘avait déjà dit que le contraire de basic est pénétration (sous toutes ses formes), et je ne le lui ai donc pas redemandé des précisions au moment même. 
  1. Je n’ai pas trouvé mieux sur le moment que cet exemple boiteux car il fait porter sur le seul jeune le poids d’une très lourde faute. A la réflexion, j’aurais pu en trouver un autre, plus collectif et aux conséquences moins irréversibles. 
  1. A la séance suivante, je n’ai fait référence au rendez-vous manqué qu’incidemment en cours de dialogue. Et il m’a répondu tout aussi incidemment que c’est parce qu’il se sentait bloqué et qu’il n’aurait pas voulu être face à moi avec rien à dire. Et comme il connaissait l’heure du rendez-vous suivant, il n’a pas jugé utile de se signaler davantage. « OK » ai-je répondu sans plus.

17. Pour les non habitués des chatts: si vous écrivez à la fin d’une phrase les signes :-), ce qui apparaîtra à votre interlocuteur c’est un émoticon (ou smiley), ici souriant, c’est-à-dire une sorte de petit soleil rond jaune, avec deux points pour les yeux et un sourire. Regardez les signes en inclinant votre tête vers la gauche et vous comprendrez que l‘on est dans l’ordre … du symbolique. Ce n’est qu’aux yeux des réfractaires au changement qu’Internet tue toute richesse de communication, et notamment celle des sentiments : en fait l’humain a adapté la technologie … pour que cela reste humain. 

  1. Version plus contemporaine du petit Hans, si joliment décrit par Freud ; décidément, les chevaux et leurs bas-ventres continuent à inspirer les enfants ! 
  1. Quand on sait ce qu’est l’orthographe des adolescents sur les chatts, cet unique moment d’introspection cognitive spontanée émanant de Jérémie est probablement significatif ! 
  1. Je discuterai plus loin du droit à la confidentialité. Par ailleurs, sauver le monde entier, c’est de l’ordre du fantasme : un travail thérapeutique individuel entraîne que nous fassions réfléchir la personne à ses relations et à son contexte social… mais pas que nous nous mobilisions activement vers des membres de sa famille pour soulager leurs souffrances : limite de pouvoir curateur qu’il nous faut accepter avec humilité ! 
  1. L’étude de cas a été faite à l’époque de la splendeur de MSN. Actuellement c’est plutôt sur Skype, What' app ou Face book que les adolescents vont chatter ! 
  1. Je préfère de loin ce terme « médiaté » à celui de « virtuel » utilisé de façon trop large et confuse dans la littérature francophone. Je réserve le terme « virtuel » aux interactions avec des images animées formées par pixels, comme c’est le cas dans les jeux vidéos ; Cfr l’article Les enfants, les adolescents, Internet et  la société civile   (2006) 
  1. Et il faut encore mentionner le recours aux portables ou aux SMS et MMS.
  1. Possibles ? Dans un nombre important de fratries, les relations fraternelles restent chastes ou quasi. 
  1. A ce sujet, lire de beaux romans comme Les météores, de Michel Tournier (1975) ou L’agneau carnivore d’Agustin Gómez-Arcos (1975) Fusion doit s’entendre dans deux sens : rapproché très intense, con – fusion des corps et des êtres, et aussi : aspect torride, bouillant, very hot. 
  1. Avec un bémol : lorsque les tout petits (jusque six, sept ans) sont sollicités par des plus grands (plus de quatre, cinq ans de différence d’âge), ils ne comprennent pas vraiment à quel jeu on les invite à jouer et sont donc trompés par l’aîné intentionnellement (alors, c’est un abus) ou non intentionnellement (alors, il faut faire réfléchir l’aîné et lui interdire la récidive) 
  1. Sourd, dans les deux sens du terme :

- Vague ; gêne qui va et vient sans vraiment envahir ;

- Pas parlé : il ne voulait pas s’entendre énoncer ce qu’il avait à se dire à lui-même. 

  1. J’en parle dans le livre « La parole de l’enfant en souffrance » écrit avec E. de Becker (2010, p. 249 et sq.) 
  1. Elle ne va pas jusqu’à interdire les comportements individuels dans la solitude des WC, un des lieux d’élection de la masturbation pour les plus grands: cfr la vignette clinique de Ludo. 
  1. Choisit ? Les impulsions vraiment irrésistibles sont très rares !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1  Jérémie se trouve dans la catégorie la plus fréquente des ados concernés, celle des « consommateurs abondants simples » et non des vrais dépendants. J’en parle en détails dans l’article  Cybergourmandise ou cyberaddiction : quand l’ado se visse à son ordinateur (2009 bis)

2  A l’époque de la psychothérapie, MSN était de loin la messagerie instantanée la plus populaire d’Internet. Pour les hypothétiques lecteurs non-initiés, deux personnes y communiquent en privé sur leur écran d’ordinateur, soit simplement par le texte en écrivant des phrases qui se succèdent à l’écran, soit en y ajoutant la possibilité de se voir via une webcam, ou/ et de se parler oralement via un micro.

 

3  A la différence des séances « incarnées », une séance avec webcam, c’est la majeure partie du temps un gros plan fixe sur deux visages : les mimiques, les états d’âme, l’expression corporelle des sentiments des deux interlocuteurs sont alors traduits et perçus avec une intensité implacable !

[N.B. pour désigner les séances habituelles où il y a co-présence matérielle, j’emploierai indistinctement les termes incarné ; concret ; IRL (in the real life)]

4  Quoique ! Ne suis-je pas trop optimiste ? N’avons-nous pas tous d’inavouables dimensions darkside qu’il peut nous arriver de mettre en actes ?

 

 

5  Tout ceci, chez un jeune qui n’a rien d’hystérique et que je ne sens nullement occupé à jouer à cache-cache avec moi ! Je le ressens vraiment mort de honte et de culpabilité !

 

 

6  Il commence par me dire que c’est entre ses 10et ses 13 ans, mais suite à certains de mes étonnements, il finit par admettre que c’est entre ses 7 et ses 14 ans.

 

 

7  Je discuterai de ce type d’inceste au paragraphe IV.

 

 

8  La première fois, il s’est d’abord crispé autour du mot « sexuel » ; il m’a demandé d’attendre et s’est levé pour aller voir si les portes de son bureau étaient bien fermées. L’utilisation de la webcam pose sous une forme nouvelle le problème de l’intimité et des éventuels « espions » qui seraient présents dans l’une des pièces, à l’écoute, parfois à l’insu d’un ou des deux interlocuteurs, parfois avec la complicité de l’un d’eux. Et il y a aussi la question du sort que l’on réserve au texte écrit : simplement passant ou imprimé ? Ces éventualités bien concrètes peuvent se poser au-delà des fantasmes que Jérémie générait plus que probablement en ce moment.

 

 

9  J.-Y. Hayez, La sexualité des enfants, Odile Jacob, 2004. Pourquoi cette proposition ? C’est une façon de lui signaler ce que je pense « objectivement », sans référence à lui : il peut lire ma pensée telle que je l’expose à la communauté. Donc, ça coupe court à l’idée éventuelle « Il me dit ça, mais c’est pour moi, à cause de ce que je suis, mais il ne le pense pas vraiment »

 

 

10  Evangile de Jean, 8, 3-11.

 

 

11  Ce qui ne nie pas la possibilité de la faute, mais rappelle l’universalité de celle-ci dans notre condition humaine.

 

 

12  Les foudres de Zeus, en quelque sorte, en référence à la vie dissolue et mouvementée des dieux grecs, pas spécialement un modèle du respect du tabou de l’inceste !

 

 

13  Je ne relève évidemment pas la lourde métonymie « faire le con » ; au sens concret et argotique aussi, il l‘a assez parcouru, le con de sa sœur : il en est même saturé et dégoûté mais il est inconscient de son jeu de mots !

 

 

14  Il m‘avait déjà dit que le contraire de basic est pénétration (sous toutes ses formes), et je ne le lui ai donc pas redemandé de précisions .

 

 

15  Je n’ai pas trouvé mieux sur le moment que cet exemple boiteux car il fait porter sur le seul jeune le poids d’une très lourde faute. A la réflexion, j’aurais pu en trouver un autre, plus collectif et aux conséquences moins irréversibles.

 

 

16  A la séance suivante, je n’ai fait référence au rendez-vous manqué qu’incidemment en cours de dialogue. Et il m’a répondu tout aussi incidemment que c’est parce qu’il se sentait bloqué et qu’il n’aurait pas voulu être face à moi avec rien à dire. Et comme il connaissait l’heure du rendez-vous suivant, il n’a pas jugé utile de se signaler davantage. « OK » ai-je répondu sans plus.

 

 

17  Pour les non habitués des chatts : si vous écrivez à la fin d’une phrase les signes :-), ce qui apparaîtra à votre interlocuteur c’est un émoticon (ou smiley), ici souriant, c’est-à-dire une sorte de petit soleil rond jaune, avec deux points pour les yeux et un sourire. Regardez les signes en inclinant votre tête vers la gauche et vous comprendrez que l‘on est dans l’ordre … du symbolique. Ce n’est qu’aux yeux des réfractaires au changement qu’Internet tue toute richesse de communication, et notamment celle des sentiments : en fait l’humain a adapté la technologie … pour que cela reste humain.

 

 

18  Version plus contemporaine du petit Hans, si joliment décrit par Freud ; décidément, les chevaux et leurs bas-ventres continuent à inspirer les enfants !

 

 

19  Quand on sait ce qu’est l’orthographe des adolescents sur les chatts, cet unique moment d’introspection cognitive spontanée émanant de Jérémie est probablement significatif !

 

 

20  Je discuterai plus loin du droit à la confidentialité. Par ailleurs, sauver le monde entier, c’est de l’ordre du fantasme : un travail thérapeutique individuel entraîne que nous fassions réfléchir la personne à ses relations et à son contexte social … mais pas que nous nous mobilisions activement vers des membres de sa famille pour soulager leurs souffrances : limite de pouvoir curateur qu’il nous faut accepter avec humilité !

 

 

21  L’étude de cas a été faite à l’époque de la splendeur de MSN. Actuellement c’est plutôt sur Face book que les adolescents vont chatter !

 

 

22  Je préfère de loin ce terme « médiaté » à celui de « virtuel »  utilisé de façon trop large et confuse dans la littérature francophone. Je réserve le terme « virtuel » aux interactions avec des images animées formées par pixels, comme c’est le cas dans les jeux vidéos ; Cfr l’article Les enfants, les adolescents, Internet et  la société civile   (2006)

23  Et il faut encore mentionner le recours aux portables ou aux SMS et MMS.

 

[24]  Quatre ans avant, quand il allait mal, il me dessinait et me racontait des histoires autour de Bob l’éponge, que personne n’aimait parce que différent et sur qui son père avait jeté de la peinture jaune, parce qu’il ne l’aimait pas non plus….mise en scène archaïque et inconsciente d’une scène primitive malveillante, qui rend handicapé de par la mauvaise volonté du père ?Ce n’est pas sans rappel le fantasme des graines pourries, que Renaud évoque lui aussi au chapitre 7 (v p.). Toujours est-il que 5 ans après, Alexis retourne la situation en son contraire en s’induisant un produit bien évocateur et appartenant au père, et ceci pour son plaisir sexuel de préado !!

24  Possibles ? Dans un nombre important de fratries, les relations fraternelles restent chastes ou quasi.

 

 

 

25  A ce sujet, lire de beaux romans comme Les météores, de Michel Tournier (1975) ou L’agneau carnivore d’Agustin Gómez-Arcos (1975) Fusion doit s’entendre dans deux sens : rapproché très intense, con – fusion des corps et des êtres, et aussi : aspect torride, bouillant, very hot.

 

 

 

 

26  . Avec un bémol : lorsque les tout petits (jusque six, sept ans) sont sollicités par des plus grands (plus de quatre, cinq ans de différence d’âge), ils ne comprennent pas vraiment à quel jeu on les invite à jouer et sont donc trompés par l’aîné intentionnellement (alors, c’est un abus) ou non intentionnellement (alors, il faut faire réfléchir l’aîné et lui interdire la récidive)

 

 

 

 

27  Sourd, dans les deux sens du terme :

- Vague ; gêne qui va et vient sans vraiment envahir ;

- Pas parlé : il ne voulait pas s’entendre énoncer ce qu’il avait à se dire à lui-même.

 

 

 

28  J’en parle dans le livre  La parole de l’enfant en souffrance  écrit avec E. de Becker (2010, p. 249 et sq.)

 

 

29  Elle ne va pas jusqu’à interdire les comportements individuels dans la solitude des WC, un des lieux d’élection de la masturbation pour les plus grands : cfr la vignette clinique de Ludo.

 

 

30  Choisit ? Les impulsions vraiment irrésistibles sont très rares !