8.3.2014
2014.1. Mon ado consulte des sites porno
La facilité d’accès aux sites pornographiques, nombreux sur Internet, représente une tentation à laquelle les ados ont du mal à résister. Le rôle des parents est de dialoguer et de mettre en garde.
Aujourd’hui, un jeune de 10 ans sur deux aurait déjà vu une image pornographique. Les sites porno ne manquent pas sur la Toile. Les images qui y sont diffusées ont de quoi bousculer une représentation de la sexualité encore incertaine et qui a besoin de temps pour se construire. D’où la nécessité de mettre en garde les enfants sur les risques qu’ils courent à regarder de telles scènes sur le Net.
Dans le domaine sexuel, l’effet peut être traumatique pour les plus jeunes, les plus sensibles, ignorants ou inexpérimentés, confirme le Pr Jean-Yves Hayez, pédopsychiatre.
Une certaine forme d’initiation
Cette forme d’initiation à la sexualité, aujourd’hui banalisée, est parfois subie par des enfants qui agissent plus pour imiter leurs camarades que par intérêt.
"Ces incartades sur Internet sont avant tout des actes tâtonnants d’affirmation de soi, poursuit le Pr Hayez. .Pourtant, chez certains jeunes en manque de modèle et insuffisamment socialisés, les images pornographiques peuvent avoir un effet d’entraînement."
Ces scènes stéréotypées, dans lesquelles le passage à l’acte est immédiat et la femme souvent assimilée à un objet, seront perçues par certains comme les modèles à reproduire.
Interdire ne suffit pas
La tâche est délicate pour les parents qui sentent la nécessité d’intervenir.
"Mieux vaut se préparer à ce genre de situations pour savoir gérer ses émotions le moment venu, conseille le Pr Hayez. Avec les plus jeunes, dans un premier temps, il est nécessaire de se montrer ferme, de dire calmement mais sans détour à l’enfant qu’il n’est plus question de consulter de tels sites. Il faut aussi insister pour qu’il efface les images stockées quand il y en a."
Pour la majorité des enfants animés par le désir de défier les règles des adultes, cette interdiction clairement posée peut suffire. Mais la fermeté n’exclut pas le dialogue, et les échanges avec les adultes sont toujours à privilégier pour que la pornographie ne reste pas la référence exclusive en matière de sexualité.
"C’est un point de vue qui prend du sens pour l’enfant lorsque prédomine ce mode d’échanges affectifs chez les adultes qui sont sa référence, appuie le Pr Hayez. L’enfant s’imprègne de leurs comportements. Implicitement, il comprend le désintérêt de délier la sexualité de l’affectif comme le lui proposent ces mises en scènes. Bien sûr, l’excitation que procure la vue d’images pornographiques peut demeurer, mais il ne restera pas enlisé dans cette fascination et passera vite à autre chose."
Ce qui peut signifier aussi l’inciter à "privilégier plutôt l’invention de ses propres fantasmes érotiques", comme le suggère le Pr Hayez, dans la mesure où ceux-ci stimulent l’imaginaire en laissant la place à la complexité du désir.
Le danger des stéréotypes
À l’inverse, le sexe virtuel propose un "mode d’emploi" avec performances à l’écran et sexes de taille formatée. Des stéréotypes qui risquent d’avoir par la suite un effet inhibant sur la sexualité de l’enfant et de provoquer chez lui la peur de ne pas être à la hauteur de ces démonstrations.
"Pour une minorité d’entre eux, les images pornographiques sont à l’origine d’angoisses ou d’un sentiment d’insécurité", alerte le Pr Hayez. Face à une modification du comportement de son enfant, il recommande de ne pas négliger cette éventualité. D’autres, plus proches de l’adolescence, ont parfois tendance à surinvestir ce domaine et à devenir accros au porno. Autant de bonnes raisons pour ne pas les abandonner seuls face à leur écran !
Utilisez les logiciels de contrôle parental
Rien ne remplacera la présence d’un parent à côté de l’enfant lorsqu’il navigue sur Internet, mais l’installation d’un logiciel de contrôle parental sur l’ordinateur qu’il utilise permet aussi de limiter les occasions de dérapage et, le cas échéant, de bloquer l’accès à certains sites considérés par vous comme particulièrement nocifs.
2014-2
Peut-on forcer les enfants à embrasser leurs grands-parents ? lalibre.be 15 janvier 2014
Interrogé par lalibre.be, le pédopsychiatre Jean-Yves Hayez, relativise le débat. Pour lui, le dialogue tient une place primordiale dans l'éducation.
Cette polémique lancée en Grande-Bretagne à propos du contact physique imposé aux enfants dans la sphère familiale, qu'en pensez-vous?
Cela concerne évidemment l'éducation. Et les enfants étant tout de même porteurs d'une certaine immaturité, il est parfois nécessaire de prendre des mesures plus coercitives et d'imposer certaines choses. Cela ne me dérange donc pas qu'on résonne de cette manière en ce qui concerne la politesse et la courtoisie. Maintenant doit-on imposer des gestes plus clairement affectueux, qui impliquent une certaine tendresse? Là, je pense que non.
Comment les parents doivent-ils agir?
Le dialogue est primordial parce que les enfants et les ados ne se rendent pas immédiatement compte que lorsqu'ils extériorisent une affection qu'ils ressentent, cela fait également plaisir à la personne qui reçoit le signe. Les enfants, qui sont toujours un peu égocentriques, imaginent peut-être que les adultes n'ont pas besoin de leur tendresse. Or, c'est loin d'être vrai. L'adulte aime aussi se sentir reconnu, aimé. C'est donc par le dialogue qu'on peut sensibiliser l'enfant. Mais, je ne lui imposerais jamais des gestes qui sortent de la courtoisie et qui sont plus affectueux. S'ils ne viennent pas de lui, non seulement, ils n'ont aucun poids, mais l'enfant à qui on extorque des signes d'affection se sent alors violenté dans ce qu'il a de plus intime. C'est donc contre-productif. Je pense qu'il faut savoir s'arrêter et ne pas franchir l'étape de l'imposition.
Et concernant des gestes encore plus affectueux, tel que le bisou?
C'est un problème un peu plus particulier. A partir d'un certain âge, une partie des grands enfants et des ados ressentent le « bisou » comme quelque chose de « bébé ». Ce sont les « petits » qui donnent des bisous. Et puis le corps à corps qu'il engendre les dérange également. Ils ressentent une sorte de malaise, comme si on leur prenait de force quelque chose d'intime, tel que le droit de posséder leur corps. Imposer n'est donc pas très malin. Il est important de respecter l'enfant qui se sent grand et qui veut s'assurer qu'il possède son corps. Par contre, j'espère que toute cette polémique restera l'opinion d'une association et que des députés européens ne se mettront pas à plancher dessus comme ils l'ont fait pour la fessée. Le respect de la sphère privée reste essentiel. Tout ceci regarde les familles.
Et que penser donc des grands-parents qui donnent une récompense aux enfants en échange d'un baiser?
Pour moi, on est déjà dans la contrainte. Et ce n'est pas uniquement les punitions, les pleurs, les cris, mais c'est aussi le conditionnement positif. Je ne trouve donc pas cela malin.
Si l'enfant se sent toujours obligé d'apporter des marques d'affection au sein de la famille, acceptera-t-il la même chose pour n'importe quel autre adulte, tel que l'explique cette association britannique?
Ah non, certainement pas. Dans le cercle familial, l'adulte l'obtiendra peut-être parce que l'enfant veut sa « récompense » ou parce qu'il a peur d'une remarque désagréable. Mais, à l'extérieur, il va se rattraper. Il n'adhérera pas à un projet qui n'est pas le sien. Il sera justement plus réservé. Ce sont des domaines bien trop symboliques, trop intimes pour qu'ils ne fassent pas la différence.
Comment apprendre ce qu'est le consentement à un enfant?
C'est une énorme question dans l'éducation. Il faut être clair. Il y a toute une série de gestes ou d'actes pour lesquels on se passe du consentement de l'enfant. On espère que ce n'est pas tyrannique pour autant, que cela a du sens. Mais, l'enfant est prié d'obéir. On peut éventuellement expliquer pourquoi il n'a pas le choix si c'est important. Mais là où c'est du consentement, il ne faut pas revenir par derrière, par de la séduction. Si on pense que l'enfant peut donner son consentement, cela ne doit pas être piégé. Et les adultes sont parfois un peu de trop entre les deux. Si on veut un enfant qui dialogue, qui donne son opinion, il faut être clair avec lui.