L'énurésie : catégories et prise en charge
Pr. Jean-Yves Hayez
avec la collaboration du Dr. Marie-Agnès Hayez
Remake 2021 d’un article paru dans la revue Percentile, 2011, 16-1, 29-33.
Résumé : Comprendre et gérer l'énurésie de l'enfant implique d’assumer la nature bio-psycho-sociale du problème. Toute énurésie est en effet un phénomène dans la genèse et l'entretien duquel peuvent jouer des causes organiques, intrapsychiques (cognitives et affectives) et sociales.
L'auteur passe en revue diverses catégories d'énurésie
Il décrit leur mode de prise en charge, en détaillant davantage ce qu’il en est dans l’énurésie primaire nocturne
Summary: Understanding and managing enuresis in children implies assuming the bio-psycho-social nature of the problem. Any enuresis is indeed a phenomenon in the genesis and maintenance of which organic, intrapsychic (cognitive and affective) and social causes can play a role.
The author reviews various categories of enuresis.
He describes their mode of management, by detailing more what it is in primary nocturnal enuresis
Préambule : Comme la grande majorité des auteurs, je pense qu'il ne faudrait pas parler d'énurésie avant l'âge de 6 ans, âge auquel encore environ 15% des enfants sont affectés. IL EST PLUS SAGE DE CONTINUER A UTILISER LE TERME "INCONTINENCE" jusqu'à 6ans, terme qui fait penser que la part d'incapacité physiologique est encore prépondérante. Ce n'est pas toujours vrai, c'est un peu arbitraire mais ceci procède sagement de l'idée qu'il y a des "early" et des "late" developers! |
Comprendre et gérer l'énurésie de l’enfant implique d'assumer une incertitude quant à la nature bio-psycho-sociale du problème. Toute énurésie est en effet un phénomène dans la genèse et l'entretien duquel peuvent jouer des causes organiques, intrapsychiques (cognitives et affectives) et sociales, soit de façon anarchique et dispersée, soit en « résonance » les unes avec les autres. On gagne dès lors à planifier la prise en charge en se référant à plusieurs paramètres.
-
§I. Catégories et formes cliniques principales
L'énurésie primaire exclusivement nocturne, sans autres symptômes.
L’énurésie primaire nocturne, c’est une miction involontaire chez un enfant, qui n’a jamais ou pratiquement jamais été propre, pendant son sommeil. Elle est quotidienne ou proche de l’être. A partir de quel âge ? Le moment où l’on déclare qu'il y a problème est variable selon la subjectivité des familles. Ce ne peut être qu’à partir d’un âge – nous l’avons fixé un rien arbitrairement à 6 ans - où le développement corporel et cognitif de l’enfant devrait lui permettre de se contrôler. La persistance de cette énurésie est variable…elle peut s’arrêter après un an ou deux, ou persister jusqu’au début de l’adolescence, et même, dans de rares cas, jusqu’à l’âge adulte !
Au début, il est probable qu'il s'agit d'un phénomène purement somatique, physique, du moins au sens large du terme : pas vraiment une maladie, mais une maturation de fonctions plus lente que la normale (corticales, nerveuses, liées à l'appareil urinaire lui-même) amenant le contrôle de la miction. L’ultime responsable est bien sûr l’équipement génétique. Appelons-la « immaturité du système urinaire », à l’œuvre chez un enfant qui, dans ce champ est un « late developer »
Il existe un (petit) sous-groupe d’enfants où le facteur organique n’est pas l’immaturité de développement : pendant la nuit, le rein ne concentre pas la production de liquide urinaire comme il le devrait. Alors, les urines nocturnes sont très abondantes et l’on peut observer que l’enfant urine beaucoup deux, trois fois la nuit. Si l’on a un doute à ce sujet, mieux vaut consulter un pédiatre. Il existe un médicament spécifique qui compense la défection rénale. Rassurez-vous : c’est une pathologie sans vraie gravité. |
Il existe un autre tout-petit sous-groupe où l’énurésie persiste très longtemps, si pas toujours, même à l’âge adulte…ici, l’équipement génétique est particulièrement défavorable
Au fil du temps, s'y ajoutent souvent des facteurs défavorables intrapsychiques
- Ils sont de type cognitif : l'enfant ne pense pas qu'il pourrait contrôler sa miction. Il ne se donne donc pas de consignes mentales précises et stables visant cet objectif.
- Interviennent aussi des facteurs intrapsychiques affectifs:
- Par exemple, l’enfant se déprime, il ressent un sentiment d'infériorité, de la honte voire de la culpabilité (« c’est nul, c’est mal, ce que je fais…je déçois mes parents»)
-Victor (10 ans) exprime ici tout son sentiment d’injustice et sa douleur morale face aux retours épisodiques de son énurésie, dans des moments d’humiliation ou de crainte d’être abandonné par ses parents
- L’enfant devient secrètement anxieux, à propos des réactions des parents et à propos de sa santé (« Mes organes sont-ils malades ?»), à propos de son avenir (« ),
- Souvent aussi, et même si cela semble paradoxal, il connaît des bénéfices secondaires de son statut qui l'invitent à rester passif (par exemple, beaucoup de nursing par une gentille maman ; être au centre de l’intérêt de la famille ; mettre le pouvoir des parents en échec ; jouir d’un bon liquide chaud qui enveloppe, etc.)
Quant aux parents et à l'entourage, à la longue, il leur est très difficile de ne pas « dysfonctionner » (fluctuations maladroites autour de la gestion de l'énurésie, de la promesse à la colère et à l’humiliation ; succession chaotique de méthodes d’aide ; regard « autre » sur cet enfant identifié comme « bébé, handicapé, décevant ... »).
Ces facteurs intrapsychiques et environnementaux interviennent dans une proportion variable dans l'entretien du problème ; corollairement, l'évolution du facteur physiologique initial est, elle aussi, variable et somme toute assez mystérieuse, mais va dans l’immense majorité des cas dans le sens d’une maturation progressive : le vieil adage « l’énurésie disparaît à la puberté » n’est pas tout à fait faux : c’est une époque où la musculature du bas-ventre se renforce significativement. Chaque année de vie, 15% des enfants jusqu’alors énurétiques primaire cessent de l’être.
L’énurésie secondaire exclusivement nocturne « Il refait pipi au lit »
L’énurésie secondaire nocturne, c’est celle qui surgit après l’âge de six ans et après au moins trois mois de propreté nocturne réussie. Avant six ans, il faudrait parler d’une incontinence secondaire, d’un retour d’incontinence Son évolution dans la durée est plus fluctuante : il n’est pas rare qu’il existe des « crises » de quelques semaines ou quelques mois, suivies de reprise de la propreté. On peut alors souvent mettre le début des crises en relation avec des événements relationnels pénibles, ou avec des tensions intrapsychiques pénibles[1].
Néanmoins, on se limite alors parfois de façon trop simpliste à réduire l’explication à un problème affectif (dans l'acception large du terme) Et ce n’est pas toujours exact : dans nombre des cas, la maturation de l'équipement organique présidant à la miction reste fragile, un peu fluctuante elle aussi .Un événement affectif mineur suffit alors à faire décompenser un appareil déjà précaire, et l'énurésie, ici aussi, est bien bio-psycho-sociale.
Les énurésies diurnes, ou diurnes et nocturnes
Ici, un examen pédiatrique sérieux est très important, surtout si la réapparition est secondaire. Facteur affectif peut-être, mais l’enfant pourrait présenter une infection, une atteinte rénale, un diabète débutant, sucré voire insipide, un problème cérébral etc. … dont il faut d’abord vérifier la présence ou l’absence. Ce type d’énurésie est plus rare.
En voici les trois applications principales :
- Vers l’âge de cinq, six ans, on finit par remarquer une énurésie diurne inconstante, chez des enfants par ailleurs souvent nerveux, impulsifs, qui vont souvent à la toilette faire des petits pipis. Quand ils sentent le besoin, c’est impérieux. Ils « se lâchent » notamment quand ils sont excités (film enthousiasmant) ou quand ils oublient (captivés par un jeu) C’est une autre forme d’immaturité : on parle chez eux de syndrome d’hyperexcitabilité ou d’instabilité vésicale. Si l’on consulte un pédiatre, il existe des médicaments anticholinergiques pour améliorer la maîtrise vésicale. Attention toutefois à ce que des facteurs affectifs ne se soient surajoutés !
- Une énurésie diurne d’installation précoce et tenace se rencontre chez des enfants en dehors de toute excitabilité vésicale. Elle est assez souvent liée à de la constipation, voire à de l’encoprésie sur rétention de selles. Il est plus rare qu’elle s’accompagne d’énurésie nocturne. Dans ces cas, le contexte affectif est souvent très chargé : enfants qui ont eu très peur lors de l’apprentissage de la propreté ou des toilettes de l’école ou de la crèche ; anxiété et opposition à la volonté des parents ; un parent entre souvent dans une escalade « folle » et la résistance énurétique (et parfois celle dès les selles) devient le centre du mode …
- Phases de durée plus brève, souvent chez des enfants assez jeunes, lors de grands stress, lors de traumatismes, lors de dépressions, etc. … l’enfant régresse et se laisse aller, au point de mouiller ses pantalons ou sous-vêtements de jour. Assez souvent, association d’énurésie nocturne.
Une fois, une nuit … ou un jour … ou avec de larges intermittences.
Surtout s’il s’agit d’un grand enfant qui avait bien acquis la propreté, ce doit être pris au sérieux. Bien sûr, on trouve parfois des explications assez évidentes ( grande fatigue ; prise de psychotropes sédatifs ; fièvre ; ne plus pouvoir se retenir dans une circonstance sociale particulière … ) Mais s’il n’y en a pas, on ne peut pas exclure un processus somatique, parfois même cérébral ( épilepsie, tumeur … ) Donc consulter un (neuro) pédiatre.
-
§II. La prise en charge de l’énurésie primaire nocturne
Voici une check-list d’attitudes souhaitables, présentée « dans le désordre »:
Partager une information sur le corps :
Ce type d’information peut être faite par les parents ou/et un médecin ou/et un psy, en présence ou hors présence des parents, selon les cas. Il ne s'agit pas pour l’adulte d’asséner tout ce qu’il sait, mais plutôt de construire un savoir en commun :
- d'écouter ce que les enfants connaissent déjà et imaginent ;
- de leur demander leurs éventuelles questions et préoccupations ;
- de leur proposer délicatement des informations complémentaires et de combattre les fausses croyances. Sans jamais disqualifier leurs jeunes interlocuteurs pour leurs éventuelles fausses croyances
Dans cet état d'esprit, et selon les circonstances, on peut passer en revue :
- comment l'enfant se représente le corps, l’intérieur du ventre, le fonctionnement normal de la miction et celui de l'énurésie ; les fonctions sexuelles connexes ...
- les différences filles-garçons autour du bas-ventre ;
- comment l'enfant se représente son énurésie et le devenir de celle-ci.
Un jour ou l'autre, l'enfant aura vraiment envie et sera vraiment capable de prendre le dessus, au plus tard avec les remaniements physiques et psychiques de la puberté. Il me paraît juste de donner cet espoir avec tranquillité, en laissant dans l'ombre le petit pourcentage d'adultes chez qui le problème persiste (1 sur 500 semble-t-il) Attirer à l'avance l'attention sur ces cas revient en effet souvent à faire flamber l'angoisse et le désespoir de l’enfant, ce qui me semble être de la caricature d'information. C’est ce que j’appelle la construction d’un savoir simplifié[2]
Mesures proposées aux parents pour gérer le quotidien de l’enfant.
Elles visent à ce que les parents contrarient moins et/ou à ce qu’ils stimulent positivement avec plus d'intensité, certains " besoins profonds « présents chez leur enfant : on espère que, si ces besoins sont mieux rencontrés, la personnalité de l'enfant mûrira, et que certains facteurs psycho-sociaux qui entretenaient son énurésie pourront décroître :
- Aider l'enfant à avoir davantage confiance en soi, entre autres en son « soi-sexué » (joie d'être fille ou garçon).
- Lui permettre d'exprimer son agressivité à l’occasion ; en tenir compte si elle est justifiée ; accepter son affirmation de soi.
- L'encourager à grandir ; ne pas l’élever comme un bébé attardé (Aah, le petit biberon du soir, qui contribue parfois à de bons gros pipis) Veiller néanmoins à ce qu’il ne confonde pas autogestion progressive et abandon de lui par ses parents.
- Être conscient de la fréquente insécurité de l’aîné, se sentant menacé d’une manière ou l’autre par le puiné.
- L'aider à bien gérer sa sexualité ; rencontrer ses éventuelles préoccupations sexuelles ;
- Lutter contre la dépression, l’insécurité ;
- Etant donné que l’énurésie finit parfois par prendre une dimension d'assuétude, explorer les sources de plaisir présentes dans la vie de l'enfant ; au besoin, les intensifier ou lui proposer discrètement de nouvelles sources de plaisir acceptables pour tous…changer ses idées, en quelques sorte, mais sans lui annoncer bruyamment que c’est ce qu’on veut faire.
Mesures proposées aux parents et centrées sur la gestion de l'énurésie
Le plus important est de créer un état d'esprit :
---- La famille, le cas échéant, arrête de faire de l’énurésie le centre des préoccupations : ce n’est, après tout, qu’un petit problème latéral qui finira bien par disparaître ; et donc ne pas identifier, étiqueter l’enfant comme « celui qui fait encore pipi au lit »
----les parents font preuve de constance dans leur méthode d’approche : on ne change éventuellement qu’une fois tous les 6 mois, et pas tous les 15 jours parce que ça ne semble pas marcher. On ne court pas d’un gourou à l’autre ;
--- ils gèrent le problème sans trop d'implication affective (surprotection, colère, escalade et bras de fer, fascination) ; qu’ils se montrent plutôt patients, neutres, un peu lointains. Qu’ils visent à ce que l'enfant (ré) devienne propriétaire de son corps et de l’éventuel désir de changer. S'ils n’y arrivent pas, c'est-à-dire si l’enfant semble rester passif, indifférent, découragé les parents peuvent veiller à ce que l’énurésie soit quand même nommée à l’occasion, par ex. lors d’une séance de réflexion comme « son (petit) problème (du moment) » en mettant en place quelques mesures visant à en réduire les inconvénients pour eux-mêmes, mais sans trop s’y impliquer affectivement !
- -- Les parents restent des semeurs d’espérance « C’est là aujourd’hui, mais ton corps finira par se renforcer et alors, tu commanderas bien à ton pipi »
-
Et les gestes concrets ?
En s’adaptant aux circonstances, les parents peuvent négocier avec l’enfant les mesures que voici, et les maintenir de préférence avec sa participation active, voire à eux seuls, à condition, redisons-le, de ne pas les transformer en escalades insensées ou en violences ni d’accroître le fait que l’enfant soit le centre du monde, ni de traîner l’enfant là où il s’en fiche, en vivant sa vie à sa place.
- Restriction de l'ingestion hydrique du soir, surtout les boissons excitantes (sodas, notamment ceux d’une célèbre marque d4atlanta ...) (N.B. pas par principe : seulement s'il y a vraiment excès !) ; ambiance calme le soir ; abstention d'excitation-TV et autres jeux vidéo excitants.
- Vérifier si, tout simplement, l’enfant n'a pas peur d'aller aux toilettes dans le noir (seau de toilette !).
- Vérifier que l'enfant va bien à la toilette juste avant de s’endormir et l’habituer à y penser seul; si l’on a remarqué qu’il urine plus ou moins à la même période de la nuit, veiller à ce qu’il se réveille un peu avant et aille à la toilette ( réveille-matin si possible, ou/et éveil par un parent [ pas celui pour qui l’attachement œdipien serait le plus fort ] … ne pas insister au-delà de 2,3 semaines si ça n’empêche pas un deuxième pipi au lit : donc, présenter l’idée comme un essai, et pas comme une obligation de résultat !!! ).
- Le mettre au lit sans pantalon de pyjama (éviter les sensations prolongées provoquées par le linge mouillé) ; le faire dormir sur un drap-éponge bien absorbant ; utiliser éventuellement un sous-vêtement ample voire une « protection » d’adulte, si possible mise par lui-même dans une ambiance neutre ; veiller à parler de « protection d’adulte » et pas de « lange »
- Si l’enfant a fait pipi au lit, lui en faire gérer (une partie de) la charge le lendemain matin, selon ses capacités : porter les draps lui-même à un endroit convenu, se laver tout seul, (ce n’est donc pas maman qui vient tendrement le savonner) etc. … toutefois, à la mesure de ses forces et sans que ça tourne à une vengeance non-avouée !
- Patience.
-Ajouter une médicamentation ? ? Pratiquement, pas avant sept ans !!! Il faut bien sûr un accord de principe des parents et de l’enfant à ce propos. Cette médication entre dans la philosophie des « essais » exposée un peu plus haut :
- Il faut donc expliquer qu’un médicament aide certains enfants, qu’on ne sait pas dire à l’avance lesquels.
- Les médicaments seront choisis avec le médecin généraliste ou pédiatre
- Si pas d’effet, on peut enfin abandonner pendant six mois l’idée d’une médicamentation, puis refaire un essai.
Associer l’enfant à la prise en charge
Explorer la motivation de l'enfant et en tenir compte
C'est un paramètre essentiel, qu'il s'agit d'évaluer et de réévaluer régulièrement et à partir duquel nous devrions moduler largement les propositions venant des parents à la maison et l’éventuelle offre de traitement spécifique faite à l’enfant.
- Si l'enfant est vraiment intéressé par l'idée de résoudre son problème, nous pouvons lui proposer, à lui directement comme à ses parents, à la foisdes mesures générales (souvent indiquées) et des mesures ciblées (centrées sur la gestion de son symptôme)
Mais ici aussi, il faut faire passer subtilement l’idée qu’il s’agit d’essais. ils méritent investissement de soi et persévérance, mais le résultat n’est pas garanti et l’on (les parents. Le médecin…le psy) observera avec lui ce qui se passe. verra ce que ça donne … Si le problème persiste malgré tout la seule attitude sage peut finir par être de s’incliner devant le rythme de la nature.
|
- Inversement, moins l’enfant est motivé, moins il répond à des mesures ciblées qui engagent son énergie : elles lui apparaissent ici comme des contraintes s'imposant à lui avec ruse ou violence : il faut donc y renoncer largement, voire totalement. Et à propos des mesures générales, la réaction est imprévisible : l'enfant non motivé à dépasser son problème les accepte parfois mieux, et parfois pas du tout: il faut en tout cas s'adapter à sa réponse.
Une règle d'or est de ne pas prendre sur soi, à la place d'un enfant , indifférent voire opposant, les efforts nécessaires à l'amélioration du symptôme. Si dans un tel contexte, l’idée de gestes directs à demander à l'enfant a été suspendue, on peut refaire régulièrement le point avec lui (tous les trois mois ... tous les six mois) et relancer la question de sa motivation et des mesures ciblées. |
- En outre, Les motivations « fort désir » et « indifférence-passivité » ne sont que deux pôles opposés…entre les deux, il y a l’enfant ambivalent, indécis. Avec lui, il faudra travailler encore plus prudemment : proposer. .écouter ce qu’il en pense…ne pas vouloir suggestionner, aller trop vite…savoir renoncer, du moins pour le moment, etc. en tout cas ne pas « trafiquer » sa liberté.
Mesures générales proposées éventuellement à l'enfant suffisamment bien motivé
Ces mesures sont l’application, côté enfants, de celles que nous avons proposées plus haut (B) pour être mises en œuvre par les parents. Elles se réalisent dans nombre de cas simples via la seule créativité des parents.
Mesures centrées sur la gestion directe de l’énurésie et proposées éventuellement à l'enfant suffisamment bien motivé
Ces mesures sont mises au point par le médecin (généraliste, pédiatre ou psy) et l’enfant, avec la collaboration des parents, parfois présents au colloque « singulier », parfois non.
- Il s’agit d’abord de la participation active de l’enfant aux mesures énoncées plus haut à l’intention des parents.
- Mais avec des enfants vraiment motivés et intéressés, et tout en restant dans l’ambiance de l’essai, il m’arrive d’aller plus loin dans l’appel à leur « mental ». Voice comment
--- Lui faire programmer des activités de soirée et d'endormissement qui pourraient prévenir l'énurésie (calme, pas de boissons excitantes ; aller à la toilette juste avant d'éteindre la lampe …
--- dès qu’il se met au lit, elles se terminent par un rituel, une activité mentale destinés à montrer symboliquement à l'enfant que sa volonté et sa programmation psychique finiront par avoir une puissance sur son corps. Cette activité mentale, c’est une « phrase rituelle » que l’enfant se répétera à voix haute (hors présence des parents) ou mentalement, lentement, par exemple trois fois de suite. Et ceci sans se décourager, mem s’il n’y a pas d’effet immédiat Le contenu de cette phrase varie selon les circonstances. Par exemple : « Mon zizi ( ma vessie, mon anneau de muscles – N.B. le sphincter - ), tu dois rester bien fermé(e) cette nuit » ... « Si je sens que j'ai besoin, je me réveille, je me lève, je vais à la toilette ... » ; ou encore, s'il avait été décidé de le réveiller à une heure précise, parce que le moment de sa miction est plus ou moins repérable : « J’entends mon réveil, je m’éveille ... » ou « J'entends papa qui me réveille, je m’éveille ... »
--- Viser à un optimum de gestion des conséquences de l’énurésie qui persisterait, le lendemain matin.
--- Jouer sur le lien positif dirigé vers le médecin ou le psychothérapeute : à celui-ci de s’intéresser aux efforts accomplis, au devenir du rite ; il peut demander à l'enfant de remplir un tableau indiquant s'il a bien pensé à souscrire aux rites convenus (colonnes « J'ai pensé à ... je n'ai pas pensé à ... ») et plus accessoirement, indiquant les résultats (colonne pluie-soleil)
Encourager les efforts et, dans une moindre mesure, les résultats. Toujours maintenir l'espérance, même si ça ne vient pas tout de suite !
---Proposer aux parents une attitude analogue, mais en montrant bien à l'enfant que, s’ils ont du plaisir à ses éventuels progrès, c'est d'abord pour lui ... et qu’ils peuvent assumer le non-changement avec philosophie.
Une psychothérapie individuelle ?
Pour les enfants plus perturbés émotionnellement, on gagne à mettre en place une psychothérapie « classique ». Elle a pour but-but à bien expliquer et négocier !-, non pas d’améliorer l’énurésie, mais d’améliorer le bien-être intérieur de l’enfant concerné.
Pas de double message donc, le psychothérapeute ne devrait pas s’occuper de tout ce qui précède, mais en laisser le soins à un autre professionnel !!!
Pour conclure : la non-obstination.
Les mesures exposées jusqu'à présent ne permettent pas toujours de supprimer l’énurésie primaire, loin de là ! Chez pas mal d’enfants, seul le temps fait son œuvre. La question du deuil du changement rapide se pose alors. Eventuellement, l'enfant ou/et ses parents poursuivront une psychothérapie, de soutien ou plus profonde, ou une guidance parentale en mettant entre parenthèses l'objectif de changement rapide du symptôme et en mettant en avant l’idée du maintien de la confiance en soi. D’humbles mesures comme la protection (« la protection adulte ») si elles sont acceptées de l’intérieur, facilitent alors parfois les choses.
UNE ILLUSTRATION : Je travaille avec Pierre (presque quatorze ans) depuis ses sept ans, dans le cadre d’une thérapie de soutien, couplée à une guidance de ses parents. Pierre est le cadet d’une fratrie de cinq, avec une grande différence d’âge entre lui et ses aînés. Il a donc beaucoup de difficultés pour trouver sa place, être pris au sérieux sans devoir frimer ni se montrer plus adulte qu’il n’est et, à d’autres moments, revenir dans le principe de plaisir comme on peut encore le faire au début de l’adolescence.
C’est son comportement assez nerveux en famille et quelques problèmes d’adaptation sociale qui nous valent de travailler ensemble. En outre, Pierre a présenté une énurésie primaire très tenace. Elle vient juste de disparaître à treize ans et huit mois.
C’est de cette l’énurésie que je veux discuter. Ni lui, ni sa famille, ni moi, n’avons jamais compris pourquoi elle se maintenait, autrement que via de hasardeuses spéculations.
Peut-être, très inconsciemment, un rien d’insécurité et un appel–à-la Mère : la maman de Pierre, en effet, cache une vague fatigue de la vie derrière un syndrome de fatigue chronique. Vers ses dix ans, Pierre me racontera un jour, qu’il ne veut pas se marier, mais adopter mille enfants ; comme ça, ceux-ci n’auront jamais à affronter la douleur de savoir leur vraie maman malade.
Peut-être très inconsciemment Pierre est-il aussi habité par un tout petit Pierre qui ne s’exprime pas pendant la journée, et se donne le droit de faire son bébé la nuit. A noter cependant que le vrai Pierre ne reçoit aucun nursing familial pour son problème, qu’il gère entièrement seul.
Alors, n’est-il pas raisonnable d’évoquer aussi une immaturité, une lenteur de développement anormale du phénotype, dont le point d’impact plus précis est indéterminable : trouble de la qualité du sommeil, circuits cérébraux, faiblesse des sphincters vésicaux, excès de production d’urine la nuit … A raisonner ainsi s’est posée la question du renoncement, que Pierre a bien dû finir par assumer, tout comme sa famille et moi !
Renoncement pas immédiat, et pas démissionnaire : Pierre a essayé toutes sortes de mesures d’hygiène, de médicaments, de sonneries de réveil à différentes heures de la nuit ; nous avons travaillé en thérapie et lors d’entretiens familiaux sur les hypothèses affectives précitées ; vers ses douze ans et demi, nous avons évoqué le réflexe conditionné que pouvait représenter le port du lange, bien qu’il se le mettait lui-même, et l’on est revenu à des expérimentations avec puis sans pantalon de pyjama.
Négatif, négatif, négatif. Et donc, petit à petit, l’énurésie n’est plus devenue ni un thème central, ni un thème tabou. Nous l’avons positionnée ensemble comme un handicap lié à la lenteur de développement d’une partie précise des fonctions de la vie, et très probablement destinée à disparaître vers treize-quatorze ans. Tant mieux si ça arrivait avant. Et nous avons parlé de beaucoup d’autres sujets …
-
III. Et les autres énurésies ?
-
En majeure partie, l’état d’esprit et les gestes suggérés pour l’énurésie primaire restent d’application. En plus, ici, il existe une ou plusieurs causes affectives concomitantes.
Les parents peuvent essayer de se transformer en détectives bienveillants et chercher avec l’enfant s’il lui est arrivé quelque chose de désagréable ou s’il a un préoccupation secrète qui pourrait peser sur sa miction. Tous les enfants ne répondent pas à cette interpellation, par peur ou par ignorance. Le cas échéant, consulter un psychothérapeute d’enfants non pas « pour guérir ton pipi au lit , mais plutôt ‘pour chercher avec toi comment être cool, sans trop de soucis ».
L’énurésie diurne bénigne (la famille n’est pas empêtrée dans un bras de fer)
S’il s’agit d'énurésie diurne avec des signes d’ hyperexcitabilité vésicale, on peut s’inspirer de l’état d’esprit décrit à propos de l’énurésie primaire…En outre, veiller à la régularité des moments où l’enfant se présente aux toilettes pour « essayer de faire pipi » : 4 fois par jour, moments à choisir en famille…si « ça ne vient pas », il y reste une minute, ni plus, ni moins…après, on le libère en ajoutant « pas grave, ce sera pour une prochaine fois ; NE PAS LE SURVEILLER ET LE TRAQUER PENDANT SES JEUX, même si on voit qu’il se trémousse….bref commentaire neutre après « l’accident » « J’avais bien vu que ça pressait, mais c’est toi qui dois apprendre à sentir ton besoin… » ensuite, veiller à ce que l’enfant se change et se lave seul ; éventuellement « protection » d’adulte en journée, si ça ne progresse guère et que les inondations sont trop fréquentes.
S’il existe des signes d’hyperactivité vésicale, un médicament peut aider, le Ditropan ®, si l’enfant est suffisamment motivé pour le prendre….je ne recommande cependant pas nécessairement que ce soit à lui à y penser
Des retours d’énurésie diurne sont parfois liés des traumatismes. Elles doivent être gérés comme les énurésies secondaires (par ex., peur et dégoût d’utiliser les toilettes à l’école ; harcèlement ou agressions sexuelles.)
Les énurésies diurnes (plus parfois nocturnes) graves parce qu’il y a un enlisement rigide de la famille
Dans ces cas, l’histoire et le contexte affectif sont souvent très chargés : enfants qui ont eu très peur et beaucoup de ratés lors de l’apprentissage de la propreté ou des toilettes de l’école ou de la crèche ; envenimement rapide de la situation en famille et anxiété et opposition à la volonté des parents ; au moins un parent entre souvent dans une escalade « folle » et la résistance énurétique (et parfois celle dès les selles) devient le centre du monde. Dans de rares cas, l'existence de l'énurésie amène dans la famille, des comportements destructeurs majeurs ( par exemple escalade de sadisme, avec sondages vésicaux de l'enfant toutes les deux heures, où se mélange volonté d'emprise devenue folle dans le chef d'au moins un parent, si pas franche perversion, et ce souvent avec le silence de l'autre parent ) Il n'est malheureusement pas impossible que, parfois, un médecin se laisse piéger dans cette ambiance d'angoisse et de volonté de toute-puissance, et recommande ces pratiques toxiques. Sans oublier notre souci de comprendre ce qui meut ces parents, nous devons interdire la poursuite de comportements aussi aliénants.
Il faudrait en revenir à l’état d’esprit décrit pour l’énurésie primaire, mais les parents y arrivent rarement tous seuls et une prise en charge psy spécialisée s’impose quasiment…pas comme nième stratégie pour guérir vite l’énurésie, mais comme chemin pour retrouver la paix…
Notes.
[1] Sauf pour les enfants les plus jeunes autour de trois, quatre ans, chez qui la simple maturation physiologique peut être fluctuante.
[2] Voir ce que j’en dis en détails sur mon site web www.jeanyveshayez.net, dans l’article Les tout-petits, l’école maternelle et le covid -19.