Une éducatrice d’un service social français m’écrit

Bonjour,

J'ai récemment aidé une famille qui rencontrait des problèmes d'éducation avec leur petit garçon de 3 ans et demi (Mattéo), qui a  un petit frère de 6 mois. J'ai réussi à travailler avec ces parents bon nombre de difficultés et aujourd'hui tout va très bien.

En revanche un problème alimentaire subsiste. Mattéo mange seul devant la TV et se nourrit uniquement de petits pots de couscous. Il refuse. Il mange aussi des petits suisses et  des tas de biscuits et de barres de chocolat (jusqu'à 16 par jour!), mais refuse de manger autre chose.

J'ai donc demandé aux parents de faire des repas en famille, à table. Cela a très bien fonctionné car Mattéo a accepté sans sourciller, mais une fois à table il refuse catégoriquement de goûter ce que ses parents ont cuisiné.

Il est capable de rester plusieurs jours sans manger jusqu'à ce que sa maman finisse par lui donner à nouveau un petit pot de couscous car on ne peut évidemment pas le laisser mourir de faim... Ils ont également arrêtés de lui donner les biscuits et les barres de chocolat. Il n'y a droit que de temps en temps.

Etant éducatrice, je ne peux pas me permettre de donner d'avantages de conseils concernant ce problème car je ne suis ni médecin, nutritionniste ni pédopsychiatre. En revanche je ne veux pas laisser ces parents tomber et c'est pour cela que je viens vers vous pour vous demander conseil.

Dans l'attente d'une réponse de votre part, je vous remercie d'avoir pris le temps de me lire. 

Je lui répond

 

Chère madame,

 

L’alimentation sélective des tout petits enfants peut en effet constituer un problème rebelle et durable, qui demande beaucoup de patience. Tout petit, l’enfant ici concerné n’ose pas prendre le risque d’une alimentation nouvelle, car il a horriblement peur de l’inconnu que constitue quasi toute nouvelle substance. Peut-être a-t-il existé un traumatisme objectivement petit, parfois inaperçu des parents, mais néanmoins très angoissant pour lui ( par exemple, vers 6 mois, aliment nouveau trop chaud, trop salé, ou qu’on a un peu trop voulu faire entrer de force) C’est seulement autour de cinq-six ans que souvent le progrès arrive lentement, car alors l’enfant, plus intelligent,  a moins peur : il se hasarde une fois à expérimenter une petite cuiller de neuf, constate que ça ne fait pas mal et que ça a bon goût, essaie alors une deuxième fois une plus grande cuiller, etc.. 

Vous avez très bien fait d’obtenir que l’enfant vienne à table et qu’on lui interdise de s’alimenter de « crasses » entre les repas ( ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut pas recevoir un petit chocolat de loin en loin, comme les parents de Mattéo ont l’air de l’avoir compris

Le plus important, et de loin, c’est que les parents ne s’énervent pas : chaque moment d’emportement, c’est probablement payé par une semaine en plus de résistance, car on a fait augmenter l’angoisse et le besoin de montrer qu’on est fort, et le refus d’alimentation a toujours une base anxieuse, même si ce n’est pas apparent ! 

Que boit-il, ce petit Mattéo ? A-t-il encore un biberon ? Boit-il du lait ? Ce n’est pas le moment de supprimer cet éventuel biberon : Au plus tard vers six-sept ans, c’est lui qui n’en voudra plus, croyez-moi, car il voudra devenir grand, comme ses copains de la cour de récré. 

Il ne faut pas démissionner non plus. Donc, mettre sur son assiette une petite cuiller d’un aliment nouveau, préparé par les parents. Lui dire doucement, gentiment que c’est bon, ce n’est pas dangereux, ça fait du bien au corps et papa et maman préféreraient qu’il y goûte, comme le font les autres petits enfants … Le lui redire une ou deux fois, mais sans mendier ni s’énerver. Et après 2,3 minutes, lui donner sans commentaires son pot de couscous ou/et un petit suisse, en ajoutant que « c’est bien ainsi maintenant et un jour, tu mangeras comme les grands » 

Surveiller sa courbe de poids aussi, car je ne suis pas sûr qu’il y a là un apport nutritif équilibré mais … pendant très longtemps, il n’y a rien d’autre à faire. 

Courage donc et patience. Amicalement.