Facteurs de mise en place

Nous décrirons quatre catégories de facteurs susceptibles soit de favoriser l’éveil de la sexualité, soit de l’entraver. Nous appellerons le premier : « Force endogène de la vie ». Second facteur : les autres humains, témoins, commentateurs, répresseurs ou partenaires del’éclosion et de la croissance de la sexualité. 

Nous aimons comparer le développement de la sexualité à celui d’un arbre fruitier au devenir assez imprévisible. Au-delà d’un symbole de fécondité, l’image nous plaît, parce que la complexité de l’organisation des branchages, leurs chemins tortueux, les branches maîtresses qui finissent par se dégager plus ou moins clairement rendent bien compte du développement multiforme de nos intérêts sexuels ; il finit par se constituer des chemins plus mûrs et plus forts, mais aussi une foison de « branches basses » ( Stoller R., 1985 )    
 Eh bien pour l’arbre-sexualité, les autres humains, c’est comme la chaleur du soleil ou le froid, la qualité de la terre et de l’eau nourricières … 

Troisième facteur, ce sont quelques Instances intrapsychiques réalisant leurs objectifs spécifiques en se servant de l’activité sexuelle, sans pour autant concourir aux finalités les plus fondamentales de celle-ci. Néanmoins, pour « satisfaire » ces facteurs, l’enfant apprend à entretenir et à amplifier  sa vie sexuelle. 

Enfin, l’être humain est doté d’intelligence et de liberté : ce sont ces Instances ultimes qui le conduisent dans la majorité des cas à des choix réfléchis par lui et à des décisions personnelles, en matière sexuelle comme dans bien d’autres domaines de la vie. 

La force endogène de la vie

 

 

de nos vies biologiques et intrapsychiques. Même si sa nature et sa composition plus précise et les processus de son fonctionnement restent passablement mystérieux !  A vouloir trop l’expliquer, on entre vite dans le langage de la médecine de Molière ! Nous nous limiterons à constater que : 

►- le phénotype de l’enfant se déploie progressivement, en ce inclus son appareil sexuel et, au moins pour une part, ses dispositions d’esprit autour de la sexualité. L’arrivée à maturité de ce phénotype amènera tôt ou tard le grand nombre à s’assurer une descendance, c’est à dire à participer à la continuation de l’aventure génétique ainsi qu’aux joies de la relation et de la transmission spirituelles. Nous verrons dans l’alinéa suivant que la présence et les attitudes des autres humains, contribuent largement à l’épanouissement ou à l’étiolement du développement sexuel : ainsi, par exemple, l’adolescent ou le jeune adulte demeurant significativement autiste n’a pas de vraie vie sexuelle – hormis quelques masturbations erratiques – vraisemblablement parce qu’il est incapable de « capter l’autre » dans sa globalité et d’entrer en relation avec lui.

►- Le déploiement de notre être, c’est celui d’un corps, mais aussi d’un « monde intrapsychique » (pensées, projets, intelligence, valeurs, exercice de la liberté, etc.). Certaines réalités en nous sont d’ailleurs mixtes, corporelles et psychiques (les affects, les pulsions, les désirs …). Une question fondamentale est de savoir si notre déploiement psychique est entièrement subordonné à notre cerveau et à d’autres  signaux qui viennent de notre corps, ou s’il existe et une subordination partielle à la matière cérébrale et une dimension de transcendance de l’Esprit. Cette dernière hypothèse renvoie in fine au Surnaturel et à l’existence de cette entité que nous appelons Dieu. 

Cette question essentielle ne sera pourtant pas discutée ni tranchée dans ce texte ; toutes les considérations qui suivent, qui se veulent des descriptions et des hypothèses scientifiques, conviennent tant aux lecteurs matérialistes que spiritualistes, dont nous sommes. 

L’influence des autres humains sur la sexualité de l’enfant 

Nous répertorierons schématiquement les êtres humains qui entourent l’enfant en trois catégories : 

►- Les parents, ceux qui en tiennent lieu et celles et ceux, le plus souvent adultes, qui ont une responsabilité éducative forte et directe (par exemple : les enseignants)

►- Les pairs, celles et ceux qui appartiennent à la même génération que l’enfant et notamment ses camarades, amis, voire celui ou celle qu’il aime ou aimera tôt ou tard d’amour. 

►- La société dans son ensemble : personne morale qui influence l’enfant à partir de son organisation, ses rites, sa culture, ses lois, etc. 

Tous ces humains sont susceptibles d’influencer le devenir sexuel de l’enfant en référence à leur témoignage de vie ou  à des attitudes ou commentaires directement destinés à celui-ci. En outre, certains d’entre eux sont vécus directement par l’enfant  comme objets de désir ou de répulsion sexuelle.

Plus radicalement, les autres n’influencent pas que par leur extériorité : nous introjectons « quelque chose » de ce qu’ils sont, disent et font, avec quelques remodelages liées à notre subjectivité. Ils constituent dans notre mémoire consciente ou inconsciente comme un album de photos mouvant, qui exerce un pouvoir sur nos réflexions, questions, projets et décisions. En quelque sorte, les autres habitent en nous, de façon continue, même lorsqu’ils ne sont pas présents en chair et en os. ils n’arrêtent pas de nous parler pour nous faire des suggestions internes plus ou moins contraignantes. Pour autant, notre liberté ne vole pas en éclats.

Néanmoins, dans le cadre limité de cet écrit, nous nous limiterons à détailler les principales fonctions via lesquelles ils mobilisent la vie sexuelle de l’enfant, à partir de leur extériorité.

Le témoignage de vie spontané 

C’est un facteur d’influence fondamental. L’enfant s’imprègne de la manière d’être spontanée de l’autre, surtout lorsqu’il est plus âgé, proche affectivement et accessible à l’observation ; alors, cet autre est susceptible de constituer un modèle de référence. Les personnes les plus concernées ici sont donc les parents et quelques aînés à l’identité moins prévisible, mais que tel enfant en particulier investit très fort. Bien sûr l’enfant n’est pas le témoin usuel de la vie sexuelle de ces adultes ; il doit donc trouver tout seul ou avec l’aide de ses pairs quelle forme prendra son propre itinéraire sexuel. Mais il est témoin de bien des « corollaires et accompagnements » de cette vie sexuelle stricto sensu : Comment les adultes, et surtout ses parents, manient-ils leurs sentiments d’amour et d’amitié ? Quelle place donnent-ils au plaisir ? Quel équilibre trouvent-ils entre plaisir et travail ? Comment gèrent-ils la relation avec leur partenaire : dominer, négocier, se laisser faire ? C’est cette spontanéité que l’enfant observe et qui  le « marque », au sens le plus fort du terme.

Eveiller l’enfant à la joie d’avoir un corps sexué ou le frigorifier 

  • Le rôle des parents pendant les premières années de la vie est fondateur (++++) : à travers leurs gestes et paroles de tendresse, leurs sourires, la douceur de leur nursing, ils donnent non seulement directement du plaisir au bébé, mais ils reconnaissent aussi implicitement la valeur de tous ces petits investissements corporels et  apprennent donc à l’enfant comment aimer son corps et se faire du bien. Et c’est tout le corps qu’ils parcourent : la tête, la bouche, les membres, le derrière et les parties génitales, sans donner à ces dernières ni plus ni moins d’importance qu’au reste. Ils se réjouissent aussi lorsque le bébé joue tout seul avec son corps : comme c’est mignon, ses orteils qu’il suce … tout comme la concentration et les premiers efforts volontaires qu’il fait pour déféquer … Bref, lorsque l’ambiance est positive, ils contribuent puissamment à installer la sensualité de l’enfant.
     Plus tard, lorsque celui-ci a quatre, cinq ans, leurs attitudes doivent se transformer : l’enfant plus âgé s’aventure seul dans la vie sociale et ne cherche plus chez ses parents  les sources uniques ni même principale de tendresse physique : à ceux-ci alors, de donner les coups de pouce qui confirment ce premier envol vers le monde extérieur : ils remplaceront une bonne partie de la tendresse physique par une autre dimension de leur sollicitude, davantage spirituelle - ils diront à l’enfant leur fierté de lui plutôt que le faire sauter sur les genoux ! - ; ils l ‘encourageront à ce qu’il se lie à des vrai(e) s ami(e) s de son âge, etc. 
  • Une minorité des parents rate en tout ou en partie ce mouvement « cajoler-lâcher » : 

►- En référence à leur histoire de vie, certains sont incapables de traiter les zones génitales du tout petit avec le même naturel que le reste. Ils les ignorent ou tournent autour avec gêne et culpabilité ; par la suite ce seront les plus répresseurs de la sexualité infantile naissante. C’est très précocement qu’ils peuvent introduire chez leur tout petit l’idée d’un mystère insécurisant et peut-être mauvais autour de cette partie du corps. 

►- Parce qu’ils sont déprimés, non disponibles ou qu’ils n’aiment pas l’enfant, d’autres parents ne parviennent pas à créer cet éveil de la sensualité et de l’amour de soi. Alors leur enfant n’habite pas vraiment un corps « proche et amical » mais plutôt un  espace inconnu plus ou moins glacé ; sa sexualité est contrôlée, liée à quelques besoins physiques irréguliers, non à même de s’épanouir et de s’intégrer à leur affectivité ! 

►- D’autres enfin ne parviennent pas à faire évoluer leurs premiers échanges sensuels : certains enfants acceptent alors de rester comme les objets – peluches de ces parents immatures si pas pervers et se montrent peu aptes à développer une sexualité génitale conquérante. 

  • Dans ce premier champ, les pairs jouent souvent un rôle complémentaire plus modeste  (++) : quand ils aiment bien un(e) camarade ou un(e) ami(e), ils apprécient aussi son corps et comparent les mérites respectifs de leur corps à chacun ; des gestes de tendresse physique discrète et quelques explorations sexuelles occasionnelles ne leur déplaisent pas, et donc l’ami reçoit des renforçants positifs de son ami.  Mais si tel enfant a quelques défauts physiques et, pire encore, s’il manque de confiance en soi et ne sait pas se vendre sur le marché des autres, alors, bonjour les dégâts : le groupe des pairs peut se montrer  cruel, pointer les failles et contribuer à créer la honte d’avoir un corps tel qu’il est, en ce inclus ses parties sexuelles.  
  • Quant à la société, son rôle dans ce premier champ est également d’appoint (+). Si elle vante l’attractivité physique et les plaisirs du corps, les influences qu’elle exerce par ce truchement sont plus fortes chez l’adolescent que chez l’enfant et n’amènent pas toujours ni l’un ni l’autre à aimer son corps tel qu’il est (voir par exemple l’idéalisation de la maigreur, qui contribue à un certain nombre d’anorexies chez les jeunes filles). Par ailleurs, la société de consommation est une source abondante d’excitations sexuelles, par ses stimuli très variés qui mettent en place le plaisir physique … ici aussi les préadolescents et les ados y sont davantage sensibles que les plus jeunes
  •  La fonction d’information 

  • n’est pas celle que les parents gèrent le mieux (+-). Constatation qui peut les choquer, vu leur souhait contemporain habituel de parler clairement à l’enfant de sexualité et de ne pas le culpabiliser, et vu la montagne d’informations écrites ou orales qui existent sur l’éducation sexuelle. Néanmoins, la  résultante reste souvent ambiguë et décevante : 

►- D’une part, c’est vrai que les parents contemporains entrent davantage que les générations précédentes dans un processus d’information plus ou moins habile. Mais ils restent surtout centrés sur le champ biologique. Ils peuvent ajouter qu’un jour, quand les enfants seront grands, leur sexualité sera une bonne chose et qu’elle gagnera à se lier à l’amour. Par les temps qui courent, ils parlent même des  dangers inhérents : les pédophiles quand on est petit et ne pas se protéger quand on est ado ! 

►- Ceci laisse néanmoins de nombreuses zones d’ombre : il reste rare que les parents partagent ce qui serait davantage de l’ordre du témoignage, en faisant part – en réponse aux interrogations les plus profondes de l’enfant – de leur itinéraire par rapport à la sexualité, de leurs propres questions et incertitudes, ainsi que du sens qu’ils lui attribuent personnellement. 

Il reste rare aussi qu’ils reconnaissent l’existence de la sexualité telle qu’elle se construit dans « l’aujourd’hui » de leur enfant, et qu’ils fassent des commentaires nuancés à son propos. Et s’ils tombent sur un exercice pratique, il s’en suivra  souvent un certain bouleversement émotionnel et une répression sans trop de nuances : nous en reparlerons dans l’alinéa suivant. Parties tronquées et doubles messages donc dans leurs informations ! 

  • Les informations les plus pertinentes, l’enfant se les construit tout seul, par le jeu de sa curiosité et de son esprit scientifique (++). Non sans passer par des moments d’angoisse autour de ses droits, autour de la normalité de ses organes, avec parfois  l’idée archaïque qu’il pourrait bien les avoir abîmés en les utilisant comme il le fait déjà : le feu que Prométhée a dérobé au monde des dieux ne lui a-t-il pas valu d’avoir son corps martyrisé pour l’éternité ?

 

Extrait du « Petit Spirou » de Tome et Janry. Le petit Spirou, Suzette et leurs potes, délurés et maladroits, inépuisable mine d’impertinence infantile bon enfant 

  • Il existe une autre source d’informations de grande valeur, ce sont les pairs (+++) : les autres semblables à soi, qui marchent sur le même chemin de découvertes progressives, d’angoisses et d’incertitudes. C’est donc dans les cours de récréation des écoles et des collèges ou dans les cabanes plus ou moins dissimulées que se fait la vraie information sexuelle, via le partage d’un savoir qui se conquiert progressivement – non sans erreurs ! – et via expérimentations en commun en tous genres. Chez les ados, les forums Internet viennent compléter ces moments de réflexion scientifico-érotique : en parcourant les échanges consacrés à la sexualité sur les sites web qui leur sont familiers, nous avons toujours été frappé de constater, au-delà de leur langage cru évoquant leurs pratiques soi-disant libres et variées, combien ils étaient avides de s’informer mutuellement, de se soutenir les uns les autres par le partage de leurs expériences et de leurs incertitudes. Et encore comment ils s’échangent non seulement des informations concrètes, mais aussi  leurs questions et leurs convictions sur le sens de la sexualité : la valeur « partage » (partage du plaisir et de l‘affectivité), y est toujours puissamment présente. C’est également en observant et en écoutant la vie spontanée du monde social  que l’enfant complète son information sur la sexualité (+). Aujourd’hui on n’y dissimule plus grand chose : il ne doit plus épier ni conquérir un savoir, il n’a qu’à le ramasser à la pelle, notamment dans l’univers des médias et d’Internet. Hélas, le paradigme des connaissances qu’il engrange reste l’image de Bill Clinton et de Monica Lewinski : le plus grand des pères sociaux s’investissant dans une pure affaire de sexe physique, et commençant par le nier  comme un gamin pris en faute. Le message de la société de consommation officielle est majoritairement : Vive le sexe physique, le sexe que l’on achète ou que l’on consomme, en respectant un minimum d’interdits (pas de vraie violence sur autrui, pas de pédophilie … mais à part cela : you like it, just do it)
  • Encouragements, tolérance ou répression 
  • Beaucoup de parents restent spontanément plus répressifs que ce qu’ils s’en représentent consciemment : ils découragent la curiosité de l’enfant, en ne répondant à ses questions les plus embarrassantes que par des idées générales ou par le silence ; entre autres, il n’existe guère de communication sur la nature et le sens de sa sexualité d’aujourd’hui. Ils s’opposent à ce que, au-delà de ses quatre, cinq ans, l’enfant s’exhibe nu 7, manipule ses organes sexuels en public ou s’intéresse de trop près aux leurs à la salle de bain - interdiction non inutile au demeurant, qui encourage l’enfant à développer de la pudeur et de la discrétion -.

Et s’ils surprennent un exercice pratique ? Quelques parents « branchés » peuvent s’excuser et refermer doucement la porte derrière laquelle officie un jeune masturbateur inattentif aux serrures ; dans les heures qui suivent, il leur arrive même de lui commenter, un peu gênés, que c’est naturel et qu’ils l’ont fait aussi … Mais plus souvent, ils profèrent l’interdiction de continuer, avec des émotions plutôt négatives. C’est quasi la règle lorsque l’activité sexuelle n’est pas solitaire : les joyeux lurons se font  tancer avec plus ou moins de dramatisation.         

Bien sûr des répressions sévères, effrayantes, culpabilisantes et souvent injustes   nuisent à l’épanouissement de l’enfant ( névrotisation de sa sexualité ) Néanmoins, la répression peut être plus « douce »et ne porter que sur la continuation de l’acte, sans évaluation morale ; elle peut même se coupler à des moments de tolérance où les parents ferment les yeux sur l’exercice débutant de la sexualité, en partie parce qu’ils veulent faire coïncider la théorie et leurs attitudes concrètes, en partie parce qu’ils pensent que la sexualité de leurs enfants ne les regarde pas, pour autant qu’elle ne se manifeste pas par des signes préoccupants ( Werbrouck D., 2001 )      
Cette ambiance où alternent répression modérée et tolérance est probablement la plus intéressante pour le développement sexuel de l’enfant (++) : elle l’incite à mélanger moments d’obéissance et de défis. N’est-il pas bon qu’il en soit ainsi ? On ne « donne » pas à l’enfant le droit et les moyens de sa sexualité, pas plus qu’on ne lui « donne » l’indépendance. La sexualité est un territoire qui se conquiert, parfois face à la jalousie et à l’insécurité provoquées dans la génération des aînés ! 

L’attitude inverse, totalement permissive, est le fait de parents « jeunistes », qui se sentent davantage copains des pulsions de leurs enfants qu’éducateurs. Et il y a aussi les parents « matteurs » qui ne respectent pas les territoires intimes de leur enfant, et ceux qui font carrément régner un climat incestuel, où une sensualité trouble et possessive envahit les relations parents-enfants, avec au passage des « clins d’œil » sexuels inconvenants (par exemple : allusions salaces à la poitrine naissante d’une préadolescente …) Souvent, l’enfant n’aime pas trop ces attitudes, qu’il ressent comme menaces à son indépendance ; plus rarement, il s’abandonne au jeu un peu pervers de partager trop de territoire et de plaisir sexuel avec son parent … à la fin, peut surgir le vrai inceste. 

  • Les pairs exercent souvent une fonction positive d’encouragement, modérée par de la répression sans fioritures lorsque l’enfant risque de contrevenir aux Lois naturelles (++). Dans les meilleurs des cas, ils se proposent entre eux : curiosité, désirs et défis partagés et encouragements mutuels ; acceptation occasionnelle de se constituer en « objets » sur lesquels la sexualité d’un copain ou d’un amoureux se dirige et donc moments de sexualité partagée ; capacité de se faire respecter, c’est à dire de faire savoir à celui qui sollicite, le cas échéant, qu’une activité sexuelle saine ne s’impose pas : il faut négocier le consentement de l’autre ; capacité de séduire, et de mettre en œuvre des jeux préliminaires de séduction.

 

 

Extrait du film-culte «  La guerre des boutons » (Y. Robert, 1963) … Rien de sexuel, pourtant, dans cette attaque, in naturalibus, du groupe ennemi de toujours : on savait encore vivre, à l‘époque. Aujourd’hui, ils se retrouveraient tous en garde à vue. D’ailleurs, dans la dernière version du film, le réalisateur les a tous gardé en slip….

A l’occasion, des aînés initient également des cadets de façon saine, c’est à dire dans la perspective de rendre ces plus jeunes compétents dans l’exercice d’une activité sexuelle, estimée ici comme une acquisition positive.

Les pairs énoncent également la prohibition de ce qui est vraiment déviant, du moins quand « ça pourrait devenir sérieux » c’est à dire à partir de l’adolescence. En faisant l’hypothèse que les forums d’Internet reflètent bien la spontanéité de leurs communications, on y voit que, s’ils se donnent le droit d’une sexualité libre sous ses principales formes contemporaines, ils se montrent par contre sans pitié pour l’inceste, la pédophilie, les violences en matière sexuelle ou les perversions.  Face à la lecture de leurs pairs, et quelle que soit la protection de l’anonymat, ils déclarent même qu’ils ne sont pas de grands amateurs de pornographie ... 

Certes, il n’est pas fréquent que la relation aux autres pairs combine harmonieusement toutes ces fonctions, chaque fois en réponse agréable aux besoins du moment de l’enfant ; mais le résultat est bien plus souvent majoritairement positif que l’inverse. Dans le plateau négatif de la balance, rappelons-nous que les pairs eux aussi peuvent commettre occasionnellement des violences sexuelles, qui angoissent l’enfant et lui font vivre la sexualité comme un monde globalement négatif. Toutefois, les plus légères de ces agressions, rares et isolées, constituent comme des « épines » sexuelles sur lesquelles l’angélisme de l’enfant s’écorche : ce n’est pas drôle d’avoir son pantalon baissé par des plus grands qui se moquent et s’enfuient, que l’on ait cinq ans ou onze. Cela, ou quelque chose de proche, fait néanmoins souvent partie de la vie et l’enfant apprend tout seul à s’endurcir un peu et à être plus prudent : pas besoin d’ameuter le Procureur de la République pour autant ! D’autres  jeunes peuvent s’avérer hyper érotisés et entraîner un compagnon ou une compagne dans des expériences répétées de pure excitation physique, qui ne contribuent pas vraiment à ce qu’il jouisse de sa sexualité tout en la maîtrisant.

 

  • La société dans son ensemble n’encourage ni ne décourage pas directement la sexualité des enfants ni celle des jeunes adolescents : à part vendre à leurs parents d‘innombrables manuels d‘éducation sexuelle, elle leur est assez indifférente ; au-delà de déclarations de principe et de campagnes de prévention vite récupérées par les hommes politiques, elle ne regarde pas non plus en face ce qui se donne à voir ou à deviner  comme souffrance sexuelle chez certains de ces petits et donc, elle manque de solidarité. Par ailleurs, les sources d’excitation sexuelle y foisonnent, théoriquement destinées aux adultes 11, mais venant régulièrement frapper l’enfant de plein fouet : au début, cela peut être traumatisant ; petit à petit, la grande majorité des enfants se mithridatise, mais doit gérer le message social disant que la sexualité se résume au plaisir physique (Hayez, 2002)

L’on peut se demander enfin si la société contemporaine est permissive et laxiste face à la sexualité des plus âgés, concernés à partir de leurs quatorze, quinze ans ? Ce n‘est peut-être qu’une apparence ! Plus subtilement, nous pensons qu’il n‘existe toujours pas de véritable « démocratie sexuelle », et que la société est toute aussi normative qu’à l’époque victorienne. Seules les applications ont fait un virage à 180 degrés : On disait jadis «  Tu te touches ? Tu iras en enfer !  » Et aujourd’hui, on n’est pas loin de dire : «  Tu te branles pas dix fois par semaine ? Tu ne jettes pas ta copine alors que votre couple est un peu usé ? T’es pas bi ? T’aimes pas la sodo ? T’es vraiment naze … » Les grand-messes sont toujours célébrées, avec musique et plusieurs officiants excités à la fois, non plus dans les églises mais sur les médias dont sont friands grands adolescents et jeunes adultes en recherche de nouveaux repères ; elles ont pour nom Fun Radio, NRJ, MTV,  etc.      

 Pour conclure : une brève synthèse 

La moyenne des enfants de culture francophone vivant dans les sociétés industrialisées trouve chez leurs parents des attitudes précoces positives qui leur donnent envie d’habiter leur corps sexué. Lorsqu’ils grandissent, ces parents et leurs proches leur donnent un certain nombre d’informations sur la sexualité, mais tronquées ; confrontés à la réalisation directe de la sexualité infantile, ils mélangent souvent moments de tolérance et de répression modérée. Attitude que nous trouvons intéressante, car elle incite l’enfant à continuer une conquête où il faut parfois arracher à la génération du dessus des éléments de savoir et de territoire. C’est auprès de ses pairs que l’enfant trouve les informations les plus pertinentes, les encouragements,  et des « objets » directs pour sa  sexualité naissante. Ce n’est pas toujours angélique, il y a parfois quelques épines, mais c’est largement positif, en ce inclus la prohibition des transgressions les plus fondamentales : au besoin, les jeunes se les énoncent clairement entre eux, au fur et à mesure que leur sexualité s’approche des formes adultes. 

Quant à la société en général, elle est plutôt indifférente aux pratiques sexuelles des enfants et des adolescents ; elle ne décourage pas, elle n’encourage pas directement non plus et elle n’aide guère l’enfant en difficulté. Par contre, elle véhicule sur un mode normatif et séducteur un très grand nombre de stimuli autour de la sexualité-plaisir, sources d’excitations sexuelles pour les jeunes davantage que d’un vrai savoir et d’une aide à la maturation de leur sexualité.

 

 Les facteurs intrapsychiques d’éveil

 

A. Chercher à satisfaire la curiosité 

La curiosité constitue une disposition fondamentale du psychisme humain : l'enfant observe, lit, pose des questions puis réfléchit pour grappiller, élaborer et engranger le savoir de l'humanité. Il expérimente et, de façon dialectique, élabore des théories (synthèse de son « savoir » et de spécula­tions pour réduire les lacunes restantes) Ensuite, il met ses théories à l'épreuve sur le terrain, via de nouvelles observations et de nouvelles expériences. Plus il grandit, plus il pro­cède à un travail « inter juges » en comparant ses idées avec celles de ses copains et copines. 

Appliqués à la sexualité, les objectifs de sa curiosité varient au cours du développement (Plummer K., 1991) Schématiquement : 

►- Entre trois ans et demi et cinq-six ans, le comment et le pourquoi de la constitution sexuée de son corps et de celui de l’autre sexe, enfants et adultes, ainsi que la saga des bébés. Cette quête est activée non seulement par les lacunes de ses connaissances, à combler pour devenir « grand », mais également par des angoisses parfois très fortes : permanence ou non de ses organes génitaux; possibles transformations de son corps; risques posés par l'arrivée d'un autre enfant (Ne chasse-t-il pas ceux qui étaient là avant ?) ; nature des bruits bizarres parfois surpris la nuit dans la chambre des adultes, etc. 

►- Entre sept et dix ans, une curiosité concrète, scientifique, portant sur le fonctionnement du sexe, avec des discussions et des expériences de groupe ( le plus souvent homosexué – mépris pour l’autre sexe et défis pour l’approcher ) Il arrive que ces expériences prennent des formes très rudes, pour vraiment en avoir le cœur net : ainsi la mise d’un zizi en bouche dans les toilettes d’une école primaire constitue-t-elle souvent une expérience scientifique, qui n ‘a rien à voir avec une fellation érotique, ni avec un vrai abus sexuel, même si le cobaye est un peu pressé par les autres, comme dans bien des laboratoires …

 

Des petits enfants discutent de l'origine de la vie

Prenez connaissance de la vidéo ci-jointe, que je trouve fabuleuse : En 1979, des enfants de 5, 6 ans, dans une école qui ne semble pas « upper class » se posent la question des origines, et la résolvent très intelligemment, au-delà des apparentes fantaisies inhérentes à leurs théories : de façon tout à fait existentielle, ils s’interrogent : « Qu’est-ce qui était premier ? D’où vient-on ? »…et tout naturellement , ils intègrent le concept de l’évolution des espèces...

L’un ou l’autre esprit attentif et grincheux voudra rectifier : « le papa met une graine…et celle-ci doit rejoindre la graine de la maman ». certes, certes, mais cette toute petite pousse de machisme était fréquente à l’époque, même dans les (rares) livres d’éducation sexuelle…et il faudra donc leur faire intégrer, sans difficulté majeure l’égal engagement procréateur de l’homme et de la femme.

Pour accéder à la vidéo, cliquez ici.

 

►- A la préadolescence (onze-douze ans) et lors de la première adolescence : Comment est faite la cour sexuelle ses grands ? Comment se donner du plaisir, tout seul, à deux ou en petit groupe ? Premières plongées dans le monde de l’érotisme et des activités sexuelles « sérieuses » et partagées. L’adolescent plus âgé s’essaiera, lui aussi, à des manières variées de se masturber, à engranger les techniques des adultes, puis à « le  faire » La psychologie et la réactivité sexuelle de l’autre sexe l’intriguent également beaucoup : c’est qu’il s’agit d’être un amoureux et un amant compétents … et  de se faire aimer !

B. Imiter les aînés et s’identifier à eux 

  • out comme ils jouent à la poupée ou à être des guerriers, les enfants, surtout jeunes, s’aventurent parfois du côté de jeux de rôle sexuels et reproduisent ce qu’ils croient que les adultes font : («  Tu es le papa et moi la maman … tu te couches sur moi » ; et s’ils sont surpris : « On ne fait rien de mal, on joue »). Ici également peuvent prendre leur source les mises en bouche déjà évoquées, qui n’ont rien à voir avec un érotisme lewinskien ! 
  • L’enfant qui va bien a envie de devenir grand, en faisant sien le comportement de ses modèles aînés. Dans le champ social, ce sont surtout les préadolescents et les adolescents qui s’identifient à des aînés accessibles et à la sexualité apparemment très libre : si le Père fait l’amour sur la place publique (celle des écrans), les plus délurés de ses fils, pour se sentir grandir, passeront aussi précocement à l’action.
  • C. S’affirmer, jusqu’à défier les règles

     
  • L’enfant aime affirmer la puissance de la vie en lui : s'intéresser au sexe, c'est ne plus croire au père Noël ; c'est vivre que l'on est devenu grand, que l'on a reconnu les vibrations de la force sexuelle en soi et le sex-appeal des autres. Dès le banal « jeu du docteur », ne règne-t-il pas implicitement une affirmation de pouvoir et de savoir, d'appa­rence sociable et altruiste, faite sur un patient manipulé comme un bébé ? 

Une surenchère de prétendues compétences est souvent de règle dans les groupes de pairs : c'est à qui dira le plus gros mot, racontera la blague la plus salace, même sans rien y comprendre, ou se vantera de l'exploit le plus sulfureux. Les défis y sont nombreux : « T'oserais pas lui mettre un doigt... »

On peut ranger ici aussi les comportements d'initiation, à la demande de l'ignorant ou sur proposition spontanée de l'initia­teur : nous avons déjà dit qu’ils pouvaient être sains ou vicieux.

Et il y a encore les comportements « dominants-normaux » où l'enfant dominant prend l'initiative de proposer une activité sexuelle, insiste si son partenaire poten­tiel est d'abord réticent, mais sans violence ni tromperie, propose le scénario, etc. 

  • Il arrive souvent que l’enfant transgresse les règles pour le plaisir de se sentir fort. Conscient des interdits que les adultes installent autour de son expansion sexuelle (« Tu es encore trop petit pour ... »), le voici qui monte au créneau : puisque c'est interdit, il va montrer qu’il ose le faire, avec excitation et un zeste d’angoisse (prescience du risque et de la rétorsion pos­sible), voire de culpabilité (« Braver l'interdit me fait plai­sir et me rend coupable à la fois ») Chez les enfants qui vont bien, ces défis portent généralement sur des règles mineures ou sur celles qu'ils vivent eux-mêmes comme abusives. Habituellement, ils restent guidés de l'intérieur par le désir de respecter les Lois humaines universelles qui interdisent la destruction d’autrui, ou l’étouffement de soi et de l’autre dans l’inceste et ses équivalents (sexualité intergénérationnelle) Un dérapage transitoire n’est cependant jamais impossible, comme je l’ai décrit dans l’article consacré aux généralités. 

Le désir de défier peut néanmoins relever de la patho­logie, comme chez certains enfants très opposants ou très « négativistes » Les premiers peuvent s'engager dans une sexualité sans retenue. Les seconds peuvent s'abîmer dans des activités dégradantes, solitaires ou non.

D. La fierté et l’exercice d’un pouvoir de séduction

 

                    

L’enfant qui va bien pense qu’il a un pouvoir de charme et même, au fur et à mesure qu’il grandit,  un pouvoir de séduction sexuelle au sens strict du terme, et  a envie d'expérimenter ceux-ci sur un public autorisé. De façon générale, toute proposition d'activité sexuelle partagée peut en partie ressortir de la fierté : fierté de se sentir beau, bien doté, attirant ; fierté de posséder un savoir et une compétence techniques ; fierté à l'idée de faire du bien à l'autre, etc. En retour, l'activité sexuelle consommée peut encore accroître l'estime de soi de l'enfant chaque fois qu'il la vit comme réussie.

E. La camaraderie, l’amitié et l’amour 

Parce qu'il aime, l'enfant a parfois envie de partager une expérience sexuelle concrète avec un élu de son cœur : c'est d'ailleurs un  indicateur de santé sexuelle qu'il le choisisse, lui ou elle, plutôt qu’un étranger. Le jeu sexuel partagé entre copains ou copines en est la forme la plus courante. Des «  joyeuses paires » ou des petits groupes en quête d'affirma­tion de leur soi sexuel poussent à la créativité impertinente.

Et avec le (la) meilleur(e) ami(e) ? La réponse est variable. Beaucoup de vraies amitiés sont chastes et prudes. 

Dans d'autres cas, le partage de l’intimité des corps sera plus présent, sans toutefois que l'on se touche. Deux amis aimeront se mettre nus et s'observer discrètement à l'occasion d'un bain, d'un désha­billage, histoire de se signifier sans mots qu'ils partagent beau­coup d'intimité ! Dans une minorité de cas, après des manœuvres d'approche hésitantes, des amis peuvent néanmoins s'engager dans une activité sexuelle  claire et nette, 

Quant aux adolescents, la majorité est envahie tôt ou tard par l’idée d’aimer et d’être aimé, et adjoint à un moment variable de cet éveil amoureux le projet de « faire l’amour » avec l’être aimé : l’expression prend ici tout son poids ! Non sans angoisse et manque de confiance transitoire en soi pour beaucoup ! Est-ce leur génome qui commence à faire vibrer leur corps et leurs sentiments parce qu’il est pressé de poursuivre l’aventure de la transmission ? Est-ce au moins autant leur esprit qui veut vivre l’intimité, le bonheur, un moment de symbiose baigné de tendresse ? A moins que le plaisir, tout banalement, ne soit des plus attractifs …

F. La quête du plaisir physique 

  • Chez l'enfant jeune et en bonne santé émotionnelle, le plaisir érotique ressenti localement via l’activation des organes génitaux est modeste. Ce n'est donc pas prioritairement pour le retrouver qu'il persévère dans ses activités sexuelles, même s'il apprécie sa présence d'appoint.

Une petite minorité est néanmoins hyper excitable (très) précocement et a toutes chances de se retrouver parmi les enfants sans retenue sexuelle ou de vivre une aventure secrète de longue durée, par exemple avec un frère ou une sœur plus âgée, un adolescent voire un adulte : c’est des années plus tard qu’il en parlera sur un forum Internet, souvent sans regrets, Cette hyperréactivité sexuelle semble innée pour quelques-uns ; plus souvent, elle est liée à une ambiance très laxiste de la vie quotidienne et/ou à des expériences précises d’initiation « douce », érogène et répétée émanant d’aînés ou d’adultes. 

  • A la préadolescence, sous le jeu conjugué des transforma­tions pubertaires et de l'accroissement de la fantasmatique éro­tique, le plaisir physique local s'amplifie. Le jeune a donc envie de le reproduire et la recherche de plaisir devient un détermi­nant de plus en plus important de l'activité sexuelle. Par ailleurs, il n'est pas impossible que, par rétroaction, la fonction crée l'organe : la pratique abondante pourrait ainsi engendrer un effet amplificateur sur la vascularisation et l'innervation locales.
  • G. Les angoisses ou la culpabilité relative à la sexualité 

Une partie des vécus d’angoisse ou de culpabilité opérant chez l’enfant ont leur origine dans des événements ou des préoccupations sexuelles et pourtant, paradoxalement, ce sont ces mêmes pratiques sexuelles qu’il va reproduire pour tenter de s'apaiser (Clerget S., 2001) !

 

Par exemple chez les petits, jusque vers sept ans, l’imagination, qui vise à colmater l’ignorance engendre parfois des « explications » plutôt menaçantes. Alors, « Le zizi des garçons peut tomber, sur­tout quand on joue avec ... c'est peut-être ce qui est arrivé aux filles qui en ont eu un avant »… Et le petit d’opérer des vérifications sur son corps, sur celui d’enfants proches, voire d’enfants au statut plus faible qui ne lui résistent pas. 

Par exemple aussi, l’enfant qui a été agressé sexuellement dans une ambiance de peur, ou qui a été confronté à de la sexualité qui l’a effrayé peut se libérer de son trauma psychique par une activité sexuelle compulsive, brutale, où il retourne la situation et reprend le pouvoir en molestant à son tour un plus faible.

De même, des enfants que l’on a intensément culpabilisés à propos de leur sexualité naissante sont traumatisés, eux aussi, mais d’une autre manière, intérieure (névrotisation de la sexualité) Ils peuvent se livrer aux décharges brutales qui viennent d’être évoquées ou vérifier compulsivement leur intégrité sexuelle (par exemple : masturbations répétées et parfois impossibles à dissimuler)

H. Se calmer ou se consoler par le sexe 

Lors des petits chagrins qui émaillent sa vie, l'enfant peut recourir à la masturbation comme à une sucette consolatrice. Elle se pratique alors sans rêveries, pour le simple bien-être physique qu'elle procure, ou accompagnée de fantasmes de plénitude ou d'amour parfait. Plus tard dans leur vie, certains hommes ne vont-ils pas « voir les filles » dans la même perspective : plaisir-nirvana, retour à la plénitude des débuts, et un peu de consolation dispensée par la putain-maman ?

Le lien entre un vécu de frustration ou d'humiliation et l'utilisation de la sexualité à titre compensatoire existe lui aussi à tous les âges de la vie. Ici hélas, il arrive que l’on abuse d’un plus faible, voire que l’on viole, pour se venger des humiliations infligées par autrui

 

La place ultime de la réflexion personnelle et de la liberté

A. Il demeure rare que l’enfant soit envahi de pulsions sexuelles, automatismes psychophysiologiques à l’instar du besoin de manger, que celles-ci s’avèrent intenses et envahissantes et qu’il les décharge brutalement dans le décours d’impulsions (quasi) irrésistibles, sans « penser » sa sexualité ni la décider !

Rare, mais pas impossible : des enfants non-socialisés, sans modèle de référence interne, vivant dans des familles chaotiques, peuvent connaître de telles impulsions.

Les enfants fortement traumatisés ou souffrant d’une névrose grave, que nous avons évoqués dans l’alinéa consacré à l’angoisse et à la culpabilité, ne résistent pas non plus toujours aux tensions qui montent et s’accumulent dans leur psychisme : on les voit alors parfois décharger soudainement une sexualité qu’ils ne peuvent plus retenir et qui s’exerce sans joie : masturbations, exhibitions et quelques brutalités sexuelles  dirigées vers des plus faibles, pour faire des vérifications ou pour rejouer leur traumatisme, mais cette fois en inversant les rôles, histoire de bien le comprendre et de ne plus avoir peur : dans tous ces exemples, l’agir sexuel n’a pas été pensé ou décidé, ou à peine !

B. Mais ces cas de figure sont rares. Bien plus souvent l’enfant réfléchit, accepte de se conformer aux idées et aux valeurs que lui suggèrent les sources d’influence opérantes à chaque instant en lui ou use de sa créativité pour modeler un projet sexuel davantage personnel ( Ménès M., 1995 ) Ce projet, il se contente de le vivre dans ses fantasmes, ou il l’agit concrètement : dans toutes ces opérations c’est sa mémoire, son intelligence, sa capacité d’anticipation et de programmation et sa liberté de choix qui sont à l’œuvre.

 

 

  

Quelques exemples : 

►- Tel préadolescent décide de laisser s’exprimer sa curiosité et l’envie de défier les adultes et se livre à des expériences sexuelles aventureuses, qu’il a entrevues sur Internet : le voici donc transitoirement zoophile ! 

►- Face à la proposition d’un jeu sexuel ou d’une activité plus érotique partagée, un tel accepte avec enthousiasme et en remet, alors qu’un autre refuse plus ou moins véhémentement. Face au partenaire, certains se conduisent de façon dominante ou égocentrique, d’autres négocient un « donnant-donnant », d’autres aiment beaucoup « donner » (de la connaissance, du plaisir …), d’autres enfin se soumettent sans pourtant être violentés … 

►- A la préadolescence et au début de l’adolescence, il n’est pas rare que le jeune soit habité par des fantasmes et des désirs homo- et hétérosexuels : il désire les personnes de l’autre sexe, mais elles  lui font  aussi un peu peur ; les gens de son propre sexe sont plus rassurants et plus familiers. Face à cette indécision, certains jeunes trouvent une solution très simple : se déclarer « bi » et le démontrer sur le terrain, au moins jusqu’à la fin de l’adolescence. Plus nombreux cependant sont ceux qui s’efforcent de faire des sélections dans leur imaginaire et dans leurs désirs, et de chasser de leur esprit une des deux catégories sexuelles : accélérer le mouvement vers l’hétérosexualité ou, au contraire, se déclarer précocement « gay » ou « lesbienne » ; pour certains, aujourd’hui, cette dernière affirmation permet de « frimer », leur vaut davantage de renforcements sociaux positifs que d’opprobre … mais, une fois l‘apprentissage fait, ils ont toutes chances de s’y fixer ! 

►- Et il en va de même sur le plan quantitatif. Lors d’une psychothérapie, un adolescent de quinze ans, confiant en lui et porteur d’un langage rude et direct,  nous a dit : « C’est moi qui dois commander à ma b…, et pas ma b… qui va me commander ». Il a reçu comme réponse : « T’as tout compris, pépère ! Vaste programme, quand même ». Et en effet, face à l’expérience du plaisir - quel qu’il soit - certains choisissent de se laisser aller sans limite, d’autres cherchent davantage à se discipliner en équilibrant, selon leur projet à eux, hédonisme et autres objectifs de vie, d’autres enfin souhaitent vivre dans l’ascèse. 

Il faut remarquer que, lorsque quelqu’un s’adonne au plaisir sans se limiter, il en devient souvent dépendant et alors, l’exercice de sa liberté est beaucoup plus difficile. A l’opposé, même en ce début de troisième millénaire, on rencontre encore quelques adolescents, filles et garçons qui disent ces mots : « Moi, je ne me masturbe jamais » Pas toujours des grands névrosés. Peut-être des jeunes qui cherchent une autre manière de s’affirmer et de (se) démontrer leur puissance en domptant leur corps. 

 La sexualité des enfants et des adolescents qui vont bien 

Synthèse générale 

Entre trois ans et demi et six, sept ans, l’enfant découvre son corps sexuel et celui de l’autre, parfois semblable, parfois tellement différent, avec un mélange d’excitation joyeuse et d’angoisse ( Meyfroet M., Vander Linden R., 1999 ) Seul ou avec un pair qu’il affectionne - homo- ou hétérosexué, sans discrimination -, il procède à des manipulations qui sont des prises de possession et à des vérifications à propos de la normalité et de la « permanence de l’objet » et de l’inéluctabilité de chaque sexuation ; ses angoisses à ce propos vont en décroissant. 

En évoquant la curiosité, nous avons déjà dit que l’enfant de sept à dix ans était un scientifique contemporain : le sexe l’intéresse, en vrac et sans tabou, mais surtout à titre d’objet d’études. Il en discute volontiers avec ses copains de toujours. A l’occasion, ils font l’un ou l’autre exercice pratique, suivi de discussions inter juges et d’élaboration d’un savoir, davantage dans cette perspective de maîtrise intellectuelle  que pour prendre leur pied. 

Le préadolescent, lui, entrouvre la porte de la chambre sexuelle des ados et des adultes, puis s’y aventure pour son propre compte : il a envie d’essayer ses compétences ; le plaisir physique l’intrigue d’abord puis l’intéresse beaucoup, en théorie et en pratique. 

Forme des activités sexuelles habituelles avant la puberté 

Elles sont très variées (Cavanagh Johnson T., 1999 ; Larrson I., 2000) Citons pêle-mêle :

A. Regarder et montrer; toucher ; inspecter ; se livrer à des expériences sur des pièces précises d’anatomie : « Que se passe-t-il quand on met un crayon dans ces orifices si fascinants du corps ? Quand on retient son pipi sous le prépuce ? Quand on fait entrer son zizi dans le derrière d’un copain ? » Ces activités s’intègrent éventuellement dans de brefs jeux de rôle, comme le  jeu du docteur (Lamb S., Coakley M., 1993)

B. Manier avec de plus en plus de maîtrise le vocabulaire et le discours sexuels. Dès sept-huit ans, une partie des échanges en cour de récréation porte sur les connaissances sexuelles. Au fur et à mesure de l’avancement en âge, le vocabulaire quotidien s’émaille d’interjections osées par lesquelles l’enfant affirme son appartenance au monde des grands : « Enculé ; PD sexuel ! » Les blagues salaces se multiplient, de plus en plus crues. Bien des échanges verbaux sont centrés sur le sexe, et pas seulement de façon générale : on y parle aussi des proches, d’images vues sur Internet, de la grande sœur et son copain dont on observe ou imagine les pratiques, ou encore  des images des multimédias.

C. Se masturber seul. Souvent ostensiblement et occasionnellement jusqu’environ cinq ans. Puis discrètement, parce que l’on a été semoncé ; mais jusque neuf-dix ans, on peut encore s’oublier et le faire sous les vêtements, par exemple dans un moment d’angoisse ou lors d’une rêverie excitante ; l’on est alors rapidement rappelé à l’ordre pour « sales manières en public » A partir de la préadolescence, le sex for one se confirme et s’amplifie comme  l’activité sexuelle principale. 

 

... touchez à vos risques ...

Vers seize-dix-sept ans, la fréquence de la masturbation commence à diminuer, parce que le corps est un peu moins excitable et que le grand adolescent préfère des activités sexuelles partagées … Ou tout simplement se reposer le soir dans son lit …

La masturbation infanto-juvénile agite encore et toujours les émotions de bien des adultes. A l’opposé d’une minorité qui continue à la condamner fortement, une minorité inverse plus importante se montre intrusivement prosélyte, répondant à l’infini et sans même écouter « Tu es parfaitement normal, même si tu le fais dix fois par jour. Le sexe, c’est bon pour la santé » 

Les variétés de gestes, d’accessoires et de scénarios masturbatoires sont très nombreuses et la frontière entre ce qui est normal et les activités bizarres, perverses ou non, reste parfois bien floue. Beaucoup d’enfants tiennent à vivre progressivement  la vie sexuelle commune, et y entrent à partir de la masturbation. C’est un état de fait plutôt positif, davantage que le déni de l’existence de son corps sexuel ou que la fuite. Au-delà du plaisir ressenti, la masturbation aide à prendre possession de son corps sexuel et à l’aimer : un sain amour de soi – qui n’est pas l’idolâtrie – est une disposition intéressante pour réussir sa vie … et sa relation aux autres ! Les prépare-t-elle à la rencontre de l‘autre, à réussir sa vie, en ce inclus les relations sociales ? Les prépare-t-elle à la rencontre amoureuse et sexuelle d’un partenaire, via les fantasmes qui l’accompagnent ? Oui et non ! Les fantasmes masturbatoires mettent occasionnellement en scène les gestes d’une rencontre intime avec l’autre, mais c’est une rencontre imaginaire, dont le processus est entièrement programmé par l’enfant, sans négociation avec le partenaire, ici des plus virtuels : au moment de la  rencontre sexuelle concrète, tout restera encore à faire pour trouver en quoi consiste la coopération sexuelle Cependant, la masturbation ne constitue pas une obligation. Une minorité d’enfants réalise son projet de vie personnel autrement, sans souffrir pour autant de phobie ni de culpabilité indue face au sexe : ils ont aussi droit à la reconnaissance positive du déploiement chaste de leurs ressources.

D. Se masturber avec d’autres : parmi les activités sexuelles partagées, surtout entre onze et quatorze ans, les plus fréquentes restent les expériences de masturbation « côte à côte », à deux ou en petit groupe, ou celles de vraie masturbation mutuelle qui ouvrent déjà à l‘apprentissage du partage du plaisir.

E. Goûter au plaisir des yeux : l’enfant cherche à voir ce qu’il ne peut pas, précisément parce que c’est interdit, pour faire comme les aînés qui parlent tellement de ce genre de paysages là, et puis progressivement parce que ça l’excite sexuellement. Aujourd’hui, au-delà des coups d’œil incarnés qui restent bien prisés - ouvrir brutalement la porte du cabinet des filles ou regarder par la serrure -, il n’a qu’à se baisser, même à un âge très tendre pour cueillir une manne incroyablement abondante d’informations sexuelles et de pornographie. Plus l’enfant est jeune, et plus c’est sans sa volonté active qu’il y est confronté, plus il risque cependant d’être choqué si pas traumatisé par elles (Hayez, 2005) 

F. S’adonner précocement aux activités sexuelles adultes : chez les plus délurés des préados, les activités sexuelles imitent de plus en plus celle des aînés, puis, pour quelques-uns, s’y conforment totalement, avec toutes les sortes de pénétrations. Toutefois, il persiste un hiatus important entre leur capacité de performance physique - qui peut être très « au point » - et leur maturité affective et relationnelle. 

G. Expérimenter de franches bizarreries : à partir de la pré adolescence surtout, nombre de jeunes en bonne santé mentale se révèlent de temps à autre particulièrement audacieux ; ils cherchent à affirmer leur puissance en explorant avec créativité les moyens de parcourir le territoire sexuel et de goûter à ses plaisirs, même les plus étranges. Ils peuvent donc faire des expériences sexuelles « bizarres » : se faire lécher par leur petit chien, boire du pipi, se masturber dans les culottes de leur grande sœur, etc. La frontière entre normal, pathologique transitoire, voire pathologique destiné à se chroniciser demeure parfois bien floue, même pour un sexologue expérimenté qui aurait à statuer ! 

 Contexte des activités sexuelles normo-développementales avant la puberté

A. En son for intérieur, l’enfant qui va bien reconnaît ses pratiques sexuelles comme voulues et programmées par lui, au moins intuitivement et dans son for intérieur : « Oui, je le sais, j’étais d’accord de le faire avec Florence » Si les adultes les découvrent, il est  embarrassé, gêné, mais pas vraiment catastrophé. Ceci dit, les reconnaître ouvertement face à tel adulte réputé sévère ou imprévisible, c’est une autre paire de manches !     

B. L’ambiance affective qui imprègne ces activités est centrée sur la joie,  l’amusement ; s’y ajoute souvent, surtout au début, un frisson d’excitation, de fébrilité (satisfaire sa curiosité et savoir … prendre des risques … défier les adultes !) D’abord modeste, la place du plaisir érotique devient progressivement de plus en plus prégnante. Quant à l’angoisse (et éventuellement à la culpabilité), il est courant qu’il en persiste une « pointe », même si l’enfant se développe positivement. Nous avons déjà dit que la sexualité, ce n’est pas un gâteau offert, mais un territoire à conquérir !

C. L’activité sexuelle est souvent spontanée, déclenchée par le hasard ou par un stimulus imprévu ; elle ne s’exerce pas à haute fréquence et reste récréative : quelques copains se réunissent pour faire toutes sortes  de choses : discuter, jouer, chahuter, faire du sport … et à l’occasion un peu de sexe. Les activités explorées et pratiquées sont diversifiées, avec une progression vers les formes plus adultes de la sexualité. L’enfant pratique sa sexualité discrètement, loin de la génération des adultes et même des autres de son âge non concernés ;

D. L’enfant qui va bien pratique souvent une partie de sa sexualité en compagnie, et même quand il exerce seul, ses fantasmes peuvent rendre l’autre présent, tendre, excitant ou désiré.

 

 

Lorsque celui-ci participe concrètement, il existe très souvent une parité de statut : les enfants qui se développent bien et s’engagent dans une activité sexuelle partagée  ont la conviction intuitive qu’ils ont le même statut. Les activités d’initiation saine déjà évoquées constituent la seule exception à cette règle.

 

Extrait du « Petit Spirou » de Tome et Janry. Le petit Spirou, Suzette et leurs potes, délurés et maladroits, inépuisable mine d’impertinence infantile bon enfant 

F. La sexualité partagée positive présente encore les caractéristiques suivantes : 

►- le consentement de chacun ;

►- la mutualité : coopération à un scénario, négociations sur le programme ;

►- très souvent, le dépassement d’une simple dimension d’« éclate » : on s’amuse ensemble, on rit, on se parle.    

Le fichier « Sexualité-indicateurs (Dias) » reprend en diapositives les principaux critères de la sexualité saine et les compare à ceux des différentes formes de sexualité préoccupante. (il s'ouvre dans votre programme PPT)


 La sexualité des adolescents qui vont bien 

Le fichier « Sexualité-ados (Dias) » complète et résume de façon synthétique les lignes qui vont suivre.

  Un long et constant voyage vers le couple 

Avec la puberté, les adolescents qui vont bien voient grandir de plus en plus le désir d’aimer quelqu’un de leur groupe d’âge et d’être aimé par lui. Au début, c’est encore un peu théorique, pour faire comme les autres ; mais tôt ou tard, ils tombent vraiment amoureux et, au désir de partager amour et confidences, au désir aussi d’être reconnu par l’élu du cœur, il se mélange un désir de rencontre physique intime, de communion des corps, et jusqu’à un certain point un « désir de plaisir » plus ou moins partagé à deux. La  chronologie et les proportions  des composantes affective et physique du désir varient d’un adolescent à l’autre. 

Le mouvement vers l’autre, le partenaire de rêve, est donc essentiel, définitoire du cœur de  l’adolescence qui va bien. Chez beaucoup, il ne se fait pas sans angoisse. A l’avant-plan, l’ado invoque des angoisses « techniques » (« Saurai-je m’y prendre, la première fois ? ») Mais, bien plus fondamentalement, il s’agit d’une insécurité autour de sa propre valeur (« Vais-je lui plaire ? Etre capable d’aimer ? Etre assez bien pour être aimé ? » Donc beaucoup prennent le temps de « tourner prudemment autour » pour ne pas « se ramasser un râteau » Alors, on va marivauder  et parfois un peu plus sur MSN. Dans la cour du lycée, on s’arrange pour passer devant le possible élu, en espérant qu’il va regarder furtivement ; si l’on est un garçon, on affirme bruyamment aux copains qu’elle est nulle ; si l’on est une fille, on fait partager le délice de sa quête à l’une ou l’autre grande amie, qui jurent le secret. Si l’on se sent homosexuel, il s‘y ajoute encore la difficulté du regard parental et social ! 

Un certain nombre vit la première fois de la rencontre des corps comme un symbole, un rite initiatique, le seuil de passage d’un statut à l’autre « Tu l’as déjà fé ? Oui, alors, t un vrai homme, une vraie femme » Même si, aujourd’hui comme hier, la première fois est loin de laisser toujours un souvenir transcendant. Un sondage sur un site web pour ados très fréquente indique 25% d’insatisfaction, 50% de « Bof », plutôt moyen et 25% de grande satisfaction. Décidément, si les temps changent, tout n’y change pas !

Ce que je viens de décrire vaut pour la moyenne des ados qui vont bien. Aux extrêmes, on trouve les précoces déjà en couple amoureux, voire sexuel, à treize-quatorze ans. A l’opposé, on trouve les provisoirement ou définitivement peu intéressés par l’amour, qui s’adonnent d’abord aux études – oui, parfois, cela arrive ! -, au sport, a leur groupe de musique, aux mouvements de jeunesse, etc.

Pour la moyenne des jeunes, en Europe occidentale, c’est vers seize ans que se vit le premier vrai grand amour, vite enrichi ou non de relations sexuelles. L’âge moyen de la première relation n’a pas beaucoup varié, entre quinze ans et demi et seize ans.

Il s’en suivra des liens très fidèles ou, plus souvent des amours à l’essai – ce qui ne veut pas dire qu’ils soient superficiels et papillonnants – suivis de ruptures douloureuses, de moments de célibat et de nouveaux essais.

La masturbation tient toujours la pêche. 

La masturbation, demeure une activité très fréquente chez les garçons et juste un peu moins chez les filles. Elle précède puis accompagne la mise en place du lien amoureux, pour décliner lentement ensuite : pour un garçon de quatorze ans, c’est une fois par jour, avec des sommets encore normaux qui montent à trois-quatre ; à dix-huit ans, c’est deux fois par semaine. Je redis rapidement ses principales fonctions, au-delà d’une visée de plaisir : se démontrer qu’on s’aime et qu’on peut se chouchouter ; se consoler ; apaiser des tensions ; apprivoiser des techniques et des variations du plaisir dans la sexualité. Elle pose parfois problème, mais alors, on quitte les rives de la bonne santé mentale : par exemple, elle devient une addiction chez certains ; chez d’autres,  mal dans leur peau, la masturbation, tout comme la fréquentation excessive d’Internet, entretient le cercle vicieux de la coupure des contacts sociaux. 

Deux questions connexes

A. Un mot  sur l’orientation sexuelle. 

Si l’on s’en réfère à un sondage de 4.000 ados sur le site qui nous sert de référence, il montre, que cette orientation n'est clairement hétérosexuelle que pour 70% des jeunes. 15% des ados se déclarent homo, et les autres ne savent pas encore bien. Même s’il existe dans ce sondage des biais qui accroissent artificiellement les chiffres de l’homosexualité, ces chiffres affichés sont nettement supérieurs à ce qui existait il y a vingt ans.

 

Comment le comprendre ? Certes, il existe un sous-groupe de très jeunes adolescents, voire de préadolescents, qui se découvre tout de suite très différent des autres dans le champ de l‘amour. Vraiment amoureux à douze ans de quelqu’un de leur sexe, - peu importe son âge ! - ces tout jeunes ne mettent pas longtemps à découvrir et à assumer en secret d’abord leur homosexualité.

D’autres le découvrent à quatorze-quinze ans, confrontés dans les vestiaires sportifs à l‘attrait fumant et irrésistible d’un beau corps, le même que le leur, ici idéalisé. Pour d’autres, c’est encore plus tard …

Mais il existe aussi des raisons sociologiques à cette croissance,  du côté de l’ouverture sociale en Occident, du prosélytisme et de la contagion et du côté de la recherche d’une affirmation de soi à la fois originale et peu dangereuse socialement. Des adolescents à la sexualité encore indéterminée, « bi » comme ils disent, se laissent prendre par ce type de facilitateurs sociaux et commencent eux aussi à se déclarer gay ou lesbiennes ; un certain nombre le restera, parce qu’il aura facilement accédé à des relations affectives et sexuelles homo agréables qui le satisferont. Donc, dans ce domaine-là, l’Europe 2026, ce sera San Francisco.

B. Sexualité dans la fratrie 

Le fait d’être frères et sœurs n’arrête spontanément de pratiques sexuelle partagées qu’une partie des enfants,  souvent au fur et à mesure qu’ils grandissent. D’autres ne voient dans leur frère ou sœur qu’un partenaire facilement accessible.  j'ai développé en détails cette application dans l'article :

Activités sexuelles dans les fratries de mineurs : I. Synthèse 

 

Néanmoins, « Rien n’est jamais acquis à l’homme … »                     

 

Aucun être humain n’est en mesure de vivre en permanence au cœur de la normalité, avec une santé mentale éclatante … ou affreusement étale. Chez l’enfant qui se développe bien, des excursions occasionnelles dans le monde de la pathologie ou du Mal demeurent possibles.  Elles se limitent néanmoins alors à un acte isolé ou à quelques-uns qui se répètent lors d’une phase de brève durée : trip d’un jour ou « vacances » de quelques semaines dans un club contestable. Cela peut aller loin : torturer un animal, ne pas dire « Non » si la petite bande dont on est membre filme sur portable une scène de molestation sexuelle d’un « naze », manipuler ou terroriser un plus petit et abuser de son corps. 

ILL. Un jour, Juan (huit ans) me dessine une fille nue avec quelques poils et un gros clitoris surchargé au crayon noir. Avec beaucoup de gêne, il m’expliquera que sa grande sœur ( quatorze ans ) lui a montré et expliqué son sexe en détail, puis a exigé qu’il le touche et le lèche … Après, elle lui a demandé pardon et lui a fait jurer de se taire … 

Lorsque ce sont des enfants ou des adolescents fondamentalement en bonne santé mentale qui dérapent de la sorte, on constate que : 

►- Ils ne vont qu’exceptionnellement au bout de l’horreur (par exemple : prolonger dans la durée un abus sexuel patent …) : leur conscience morale reprend le dessus et les en dissuade. 

►- Ils font spontanément marche arrière : ils regrettent leurs actes et prennent des dispositions personnelles pour ne pas récidiver ; ils s’efforcent même parfois de réparer leur faute tout seuls.

L’admettront-ils publiquement, spontanément ou s’ils sont soupçonnés ? Pas facilement ! Ils souhaiteraient que leurs exactions demeurent secrètes comme l’ont été les nôtres à leur âge. S’ils sont pris, c’est le drame, car leurs parents, sincèrement, ne comprennent pas : c’est comme si un seul acte détruisait tout ce qu’ils ont donné de positif à l’enfant.

A noter que ces considérations valent également pour les adultes. 

Lorsque la sexualité s’avère vraiment préoccupante 

Je décrirai les principales activités sexuelles préoccupantes par ordre d’incidence décroissante. 

Chacune d’elle est susceptible d’être transitoire ou de longue durée  parce que les problèmes psychologiques qui en sont la source continuent à peser ou que l’activité apporte à l’enfant beaucoup de plaisir physique ou de prestige au point qu’il en devient accro. Chacune d’elle occupe une extension variable dans le paysage d’ensemble des activités sexuelles de l’enfant, à un moment donné de sa vie : à un extrême, la catégorie « préoccupante » ne constitue qu’une petite zone parmi bien d’autres activités plus épanouies ; à l’extrême opposé, sa vie sexuelle se résume à une seule catégorie préoccupante, par exemple une quête intense d’amour sexualisé. 

 Activités sexuelles plus ou moins compulsives, déterminées par l’angoisse ou la culpabilité

A; Chez les enfants 

►- C’est notamment le cas de certains enfants très jeunes dont l’imagination fertile construit des théories sexuelles aussi fantaisistes qu’inquiétantes. Alors, pour en avoir le cœur net et se rassurer, il faut bien vérifier. 

►- C’est le cas aussi d’enfants qui ont vécu ou vivent encore des agressions sexuelles lourdes, principalement celles où on leur fait peur et qui se répètent. 

Agressions lourdes ? Par exemple, la vision d’images pornographiques beaucoup trop hard pour leur âge ; par exemple, certains types d’abus. 

Dans de tels contextes, les enfants peuvent être persécutés de l’intérieur par des images et des souvenirs sexuels traumatiques. Sur le terrain de la vie, ils montrent souvent un état de mal-être diffus ( stress, mauvaise image de soi …)  Dans le domaine sexuel, sur fond de pudeur excessive et d’inhibition, ils peuvent tenter de se libérer de loin en loin d’une image traumatique en renversant les rôles et en s’identifiant à leurs agresseurs : alors, c’est eux qui s’adressent impulsivement et sans beaucoup de respect à de potentiels partenaires sexuels : parfois des adultes, plus souvent des  plus faibles qu’eux en statut. Ils vérifient aussi compulsivement l’intégrité de leur corps sexuel par des masturbations sans joie (Heuly N., Fitzpatrick C., Fitzgerald E., 1991) 

►- La sexualité compulsive peut encore être le fait d’enfants souffrant de névrose. L’enfant refoule un désir – ici sexuel – qu’il croit mauvais, et son refoulement est loin de tenir  la route. Le désir refoulé refait donc surface d‘une manière plus ou moins travestie Le tableau clinique qui s’en suit est fort proche de celui de l’enfant traumatisé. Peut-être observe-t-on-on un plus grand nombre d’activités sexuelles compulsives et solitaires, que l’enfant ne réussit pas toujours à dissimuler.

B. Chez les adolescents 

Cette infiltration de l’angoisse dans la pratique et la sexualité marque-t-elle également les adolescents ? Dans une proportion moindre que les enfants, quoique les raisons restent identiques : 

►-  Un imaginaire assez puéril peut ré envahir transitoirement quelques-uns d’entre eux essentiellement  en début d’adolescence; ils se mettent alors à craindre les conséquences de leurs nouvelles pratiques sexuelles comme Prométhée aurait pu se reprocher d’avoir  volé le feu des dieux. Alors, par exemple, ils redoutent le SIDA bien qu’ils soient puceaux, la stérilisation de leurs organes génitaux ou l’exclusion de la communauté humaine, tant ils seraient jugés horriblement anormaux si l’on savait qu’ils s’étaient fait lécher le sexe par leur chien. 

►-  D’autres encore subissent en silence d’horribles abus sexuels qui les mortifient, les blessent et les culpabilisent. C’est mieux s’ils peuvent en parler par la suite. Mais nous connaissons tous de ces contrecoups terribles comme la toxicomanie, les TS ou l’anorexie entre seize et vingt ans, ou l’évitement sexuel de très longue durée. 

►- Il y a moins de névroses que chez les enfants puisque nombre d’ados ont dégonflé, remis à leur place les Voix infantiles de leur Sur moi, de l’autre-en-eux-devenu-eux, qui montrait du doigt leurs désirs sexuels. Les fois où elles persistent, il s’ensuit des signes de refoulement comme la frigidité, l’impuissance ou certains types d’éjaculation précoce. Ou des signes d’échec du refoulement, comme je les ai décrits tantôt pour les enfants. 

Le fichie« Sexualité-indicateurs (Dias) » reprend en diapositives les principaux critères de la sexualité anxieuse et les compare à ceux de la sexualité saine et des autres formes de sexualité préoccupante.

 

 Une vie sexuelle sans retenue

 

 

A; Pas loin de 10 % des enfants pré pubères pratiquent transitoirement ou longuement une sexualité que la majorité des observateurs sereins considèrent comme trop abondante ou trop précoce : elle approche et rejoint trop vite celle des adultes (Gila E., Cavanagh Johnson T., 1993) Pour ces enfants,  la pratique sexuelle ne revêt plus un aspect récréatif, mais devient une part significative de leur projet de vie. Le nombre  de ces petits gourmands du sexe va en croissant avec l’âge. Souvent, leur entourage est lui-même laxiste – « sexe » pour parler familièrement -, sans vraiment être incestuel ni pervers. D’autres ont été initiés aux joies du sexe par des plus âgés, adolescents et adultes, sur un mode soft et prosélyte et cela les a « allumés » 

L’enfant goûte donc aux plats sexuels des grands dès que l’occasion se présente. A dix ans, il fait une fellation à son copain, en imitant ce qu’ils viennent de voir à l’écran. En classe, il fait passer des photos ou des dessins sexuels. A douze ans, il a des relations complètes avec une copine de son âge, voire des plus âgés, jusqu’à des adultes pédophiles. L’ambiance de ses pratiques sexuelles se centre sur l’exploit, le plaisir physique et, s’il y a des partenaires engagés, ce sont plutôt de paillards copains de virée, de son âge ou  aînés, plutôt que des plus petits qu’il chercherait à déstabiliser (Yates A. 1997) 

B. A l’adolescence, le nombre de ceux et celles qui s’éclatent à longueur de temps dans le stupre n’est pas en croissance explosive : à l’instar de ce que l’on prétend pour les soi-disant violents, l’affirmer constitue bel et bien une projection d’adultes. 

Ce qui a radicalement changé, en référence à notre adolescence à nous, c’est la liberté de s’exprimer et de se reconnaître sexuels, la dédramatisation de la masturbation, la fréquentation de la pornographie, qui chez beaucoup passe d’une phase de découverte avide à une phase modérée, et la connaissance précoce de toutes les techniques sexuelles.

Ceci dit, c’est vrai qu’un sous-groupe plus important que chez les enfants relève probablement d’une sexualité sans retenue. Je l’estime à 15 à 20%, à un moment donné du temps. La frontière est floue avec la sexualité normo-développementale : 

►- Il y a d’abord ceux qui ont une sexualité libre et précoce, avec leur partenaire privilégié du moment mais avec davantage d’instabilité de liens que la moyenne. 

►- Vient ensuite le phénomène un peu différent du « One night shot » et,  dans le même genre, du « fucking friend » : ici, ce n’est pas avec son amoureux que l’on baise  excusez la trivialité de l’expression, c’est la seule appropriée – mais avec tel ou tel camarade du moment. C’est ici aussi que déclarer sa bisexualité constitue un phénomène en hausse. 

►- Vient enfin le petit sous-groupe des authentiques partouzeurs ou partouzeuses, qui ne demande pas de commentaire. 

Le fichier « Sexualité-indicateurs (Dias) » reprend en diapositives les principaux critères de la sexualité sans retenue et les compare à ceux de la sexualité saine et des autres formes de sexualité préoccupante.

 

Les enfants et les adolescents auteurs d’abus sexuels 

Dans la majorité des cas, il s’agit d’actes isolés ou qui ne se répètent que la durée d’une mauvaise passe. Des jeunes immatures, peu socialisés, et même des jeunes habituellement sains peuvent y céder.

Plus rarement, pour moins d’un pour cent  de la population infanto juvénile, ce sont des activités répétitives qui occupent une place significative dans le « projet sexuel » de ceux qui les génèrent. 

Deux motivations principales et non exclusives mutuellement sont à l’origine de ces abus répétés : 

►- La découverte et la quête du plaisir érotique peuvent devenir intenses, jusqu’à en rendre esclaves. Véritable accros du sexe, à l’instar des toxicomanes avérés, ces jeunes ne choisissent plus toujours de respecter leurs partenaires : si ceux-ci consentent, tant mieux, sinon tant pis !

ILL. Sammy (onze ans) a des relations sexuelles complètes avec sa sœur Samantha (douze ans). Les deux enfants se sont d’abord bien entendu à ce propos et se sont « arrangés » pour donner le change aux parents et ne pas se faire prendre. Après quinze mois, Samantha commence à se rétracter (peur liée à l’approche de sa puberté ? Prise de conscience de la transgression incestueuse ?) Mais Sammy ne peut pas entendre le « non » de sa sœur : il insiste et même si les relations sexuelles s’espacent, il finit toujours par « l’avoir à l’usure ». Longtemps après, de guerre lasse, Samantha ira toute seule le dénoncer à la police, après avoir vu une pièce de théâtre sur l’abus sexuel. Les faits découverts, Sammy s’effondre, demande pardon pour ce qui s’était transformé en abus et qu’il n’a pas pu regarder en face. Il trouve qu’il a été un salaud … et nous avons l’impression que son discours est sincère. 

►- Pour d’autres, le plaisir de l’emprise sur la victime constitue la motivation essentielle. Il ne fait souvent que concrétiser une volonté plus diffuse de pouvoir sur les lois de la vie, une recherche de toute-puissance, manifestée ici par l’audace à abuser. Cette démarche concerne des jeunes au tempérament dominateur que des adultes mous, voire démissionnaires, ne parviennent jamais à socialiser. Elle concerne aussi des enfants au tempérament fort, que des adultes eux-mêmes tout-puissants ont essayé de mater et qui leur résistent indirectement ; ces derniers vivent souvent dans un climat perpétuel de violence (conflits conjugaux bruyants, conflits avec les lois de la cité, cris, bagarres …) ; non seulement témoins, ces enfants futurs auteurs d‘abus sont eux-mêmes tant et plus agressés physiquement, moralement ou sexuellement.               

Le fichier « Sexualité-indicateurs (Dias) » reprend en diapositives les principaux critères de la sexualité abusive et les compare à ceux de la sexualité saine et des autres formes de sexualité préoccupante.

 

 Un intense besoin d’amour à travers la pratique de la sexualité 

Un petit pourcentage de jeunes (2 % ? 3 % ?) recourent de façon durable à des pratiques sexuelles partagées pour obtenir, voire mendier de l’amour. On peut les répartir en deux catégories

►- Il y a d’abord ce qui se passe dans une petite  minorité des incestes. Ici, après des manœuvres d’approche uni – ou bilatérales, voici l’enfant ou l’ado petit amant ou « maîtresse » d’un parent, fier de l’être, heureux de recevoir une affection spéciale, allant parfois jusqu’à triompher d’avoir pris la place de l’autre parent  ou de la fratrie et, cerise sur le gâteau, prenant son pied dans le champ sexuel. Ces lignes peuvent choquer, mais de tels jeunes existent néanmoins, garçons et filles, en alliance dite perverse avec un parent. Pour une minorité, c’est clair et simple : ils le veulent intensément. Beaucoup, en revanche, sont plus ambivalents. 

►- Par ailleurs, certains enfants carencés affectifs ne se laissent pas étioler par le froid qui les entoure. Plutôt résilients, ils se mettent en chasse d’affection tous azimuts et principalement à l’extérieur de leur milieu naturel dont ils n’attendent plus rien.

Au fil de leur errance, pour être aimés et parce que le sexe est un des rares plaisirs consolateurs qu’ils connaissent (sous sa forme autoérotique), ils prennent l’initiative de « draguer » un partenaire potentiel de n’importe quel âge de la vie.

Et la suite ? Parfois, c’est le râteau ou la seule rencontre de pervers qui n’en ont que faire de leur être. Mais ailleurs, un lien se noue  et une relation affective s’installe, ostensible ou secrète, avec une sexualité partagée qui vient la compléter.

Malheureusement, la qualité de la relation se dégrade souvent au fil du temps. D’abord, chacun veut recevoir un amour parfait de l’élu de son choix, origine d’une grande vulnérabilité. Ensuite, la société supporte généralement mal leur lien fusionnel lorsqu’elle le repère, même si, jusqu’à présent, elle n’a pu leur offrir aucune alternative ressourçant. 

 La recherche de bizarreries et les franches perversions .

A. « Rien n’est acquis à l’homme », une fois encore. Chacun, à chaque âge de la vie, est susceptible de se dévoyer dans la pratique d’un plaisir dégradant. Un peu par hasard, par suggestion des autres ou parce qu’il traverse une mauvaise passe. Ou aussi, parce qu’il y a chez chacun, plus ou moins fort, un goût pour le fruit radicalement interdit et pour le défi que cela représente que d’oser y mordre.  D’autres encore ont peur de l’intimité de la relation complète, en refoulent l‘idée et satisfont leurs besoins sexuels par des compensations très partielles : la masturbation dans une culotte plutôt que négocier avec une fille et s‘abandonner à la relation …

B. Tous ne succombent pas à ces tentations. Beaucoup de ceux qui y succombent ne font qu’un aller-retour : c’est ainsi, je crois, qu’il faut interpréter la statistique qui prétend que 5 à 10% des jeunes ont pratiqué la zoophilie, maintenant qu’Internet leur montre très précisément ce que c’est.  

ILL. Autour des quatorze ans  Pierre  redouble d’activités exploratoires qui sentent parfois le soufre. Etonnant, chez ce jeune ado qui est et reste très bien élevé et à qui l’on donnerait le bon dieu sans confession. Un jour, il m’envoie un courriel demandant un rendez-vous en grande urgence. C’est la deuxième fois qu’il le fait ; la première, il était littéralement traumatisé – au sens du PTSD – par la vision d’images pornographiques d’une hardiesse imprévue. Je le reçois rapidement pour m’entendre raconter, avec infiniment d’embarras que, quelques mois plus tôt, il s’est fait lécher le sexe par son chien et qu’il a éjaculé. Il vient, au fond, pour se soulager de sa honte, pour vérifier si nous allons encore pouvoir nous regarder les yeux dans les yeux et s’il va continuer à m’entendre dire : « J’ai de l’estime pour toi »

C. Une minorité s’accroche néanmoins aux pratiques très déviantes expérimentées, vécues comme très plaisantes et répondant  dans l’agir à des angoisses et à des besoins affectifs insatisfaits ( Bokanowski T., 1995 ) C’est le domaine des perversions structurées ; il faut se souvenir que leur noyau le plus dur, comme le grain de sable qui constitue le centre d’une perle, ici bien noir, se met souvent en place bien avant dix-huit ans ! Mais les enfants et les adolescents ne s’en vantent pas et, lorsqu’on les débusque, ils jurent toujours que c’était la première fois, qu’un autre les y a entraînés et qu’ils ne recommenceront plus. Va savoir ! Rien n’est moins sûr, quand le plaisir vécu est ressenti comme vraiment exquis ! Dans ce champ, on peut trouver les underground incroyables : par exemple, il existe des dizaines de milliers d’infantilistes dans le monde, il y a même des psychologues infantilistes prosélytes, qui prétendent qu’on a le droit de faire à peu près tout ce qu’on veut de sa sexualité. Et l’on estime que 15% d’entre eux commencent avant la puberté, par exemple pour gérer dans des agirs secrets la douleur que leur fait vivre la naissance d’un puîné Ah, c’est quoi l’infantilisme ? Perversion sexuelle en référence à laquelle, après l’école ou le travail, seul ou en couple complémentaire, une personne suce à  nouveau des « tu-tuttes », se nourrit de biberons et de panades, se met des langes dans lesquels elle fait ses besoins, en les agrémentant parfois du produit d’une masturbation. Dans un ordre d’idées analogue, il y a le panties poop (faire exprès caca dans sa culotte, l‘odeur et la sensation sont tellement délicieuses !) Et Internet néo-libéralise tout cela : Jamie (dix-sept ans), lui, se posait quelques questions sur l‘intégrité de ses gonades suite à sa longue pratique d‘électrostimulation masturbatoire testiculaire (Recette ? Une trentaine de pages au moins sur Google) 

D. Officiellement, les ados n‘aiment guère les franches perversions durables, les officielles bien répertoriées qui finissent par invalider la vie et par couper des autres. C’est ce qu’ils déclarent massivement sur les forums lorsqu’un des leurs hasarde une question dans ce champ … De là à dire que beaucoup n‘ont pas expérimenté ou ne pratiquent pas encore l‘une ou l‘autre petite bizarrerie bien vicieuse pour mieux se faire jouir, il y a un pas que je ne franchirais pas … mais, discrétion oblige, ils ne s‘en vantent guère, même entre cops sur les forums.

 

Le fichier « Sexualité-indicateurs (Dias) » reprend en diapositives les principaux critères de la sexualité perverse et les compare à ceux de la sexualité saine et des autres formes de sexualité préoccupante.

Comment l’adulte peut-il accompagner ce cheminement sexuel ? 

Repérer ses émotions 

L’adulte peut d’abord et avant tout essayer de voir clair dans le mélange d’idées irrationnelles et d’émotions qui montent souvent en lui lorsqu’il est confronté à l’improviste à l’évocation et encore plus à la pratique de la sexualité infanto-juvénile. En voici quelques exemples, parmi d’autres : 

►- Lorsque l’enfant passe la porte de la sexualité, il pénètre un patrimoine gardé par les adultes. Et voici que des novices y débarquent et prétendent s’y exercer ! Leur entrée dans le domaine sexuel, irruption parfois sauvage, peut donc angoisser comme lorsque, à peine adolescents, certains jeunes veulent apprendre à conduire la voiture familiale ! Ici, c’est encore pire : ils prétendent se débrouiller tout de suite seuls ou entre eux ! 

►- Et si, sans en être bien conscients, les adultes se sentaient parfois jaloux, eux qui détiennent le feu ? Tous ces petits Prométhée, que viennent-ils donc faire sur le territoire de leur sexualité ? Si on laisse les enfants, puis les ados s’exercer à n’importe quoi, c’est peut-être bien ceux-ci qui s’empareront sexuellement des « spécimens » les plus beaux, les plus vigoureux et donc les plus désirables de la communauté ! Même les scientifiques n’échappent pas à ce vécu de jalousie, qu’ils expriment dans des affirmations contestables. Pensez par exemple à tous ces brillants esprits qui affirment sans autocritique qu’il faut donner de la castration (!) à l’enfant, pour qu’il assume ses manques alors que les parents castrateurs apparaissent si détestables aux mêmes auteurs ! 

►- Une pointe d’envie se mélange parfois à la jalousie de l’adulte, se mêlant alors un peu trop de ce qui ne le regarde pas. L’adulte aussi colle parfois son oreille à la porte de la chambre de l’enfant, pour y retrouver le charme un rien sulfureux de ses dix ans. 

►- Dans d’autres contextes, un voile de tristesse s’abat sur les parents : l’enfant n’est plus l’oisillon qui se laisse bercer au nid … il est allé regarder des sites porno sur le Net. Voici donc leur petit intéressé à son tour par le plaisir physique, la transgression, l’excursion du côté de l’Interdit et parfois du Mal. Son itinéraire de vie ne sera pas plus épargné que le leur par ces intérêts et acquisitions, inhérents au grandissement et à la perte d’innocence chez tous. 

Evidemment, l’éducation idéale ne se déroule pas dans une ambiance neutre, plate, sans le tumulte de la vie que sont les émotions ; ce serait pire encore si les adultes n’y manifestaient que des émotions sélectionnées à fin d’orthopédagogie.

Illusoire d’imaginer que les choses seraient plus faciles si nous parvenions à repérer à l’avance ces « bonnes » émotions, et si nous nous en servions comme les piliers d’un système éducatif autant vécu que pensé. Hélas, ce repérage préventif s’avère impossible et l’on ne sait jamais présager à coup sûr l’impact final de l’expression des émotions.

S’il en est ainsi et si nous en avons l’humilité, il nous est toujours loisible de réparer les dégâts que nous causons : nous pouvons vraiment essayer de « rattraper » une réaction blessante, injuste ou que l’enfant n’a pas comprise et qui l’a laissé dans l’angoisse. 

Installer l’enfant dans la joie d’être sexué et sexuel 

Au début de la vie commune avec le bébé, par leur investissement charnel, les parents « sexualisent » littéralement le corps de celui-ci. C’est une mission fondatrice positive, du moins si ce mouvement est gratuit chez les parents, c’est-à-dire si ce petit enfant n’est pas l‘objet nécessaire de leur excitation et de leur jouissance sexuelles à eux, ni d’une volonté de possession affective. Alors il leur revient de toucher et de caresser le corps de ces tout petits, de les étreindre, de leur faire ces petits câlins qu’ils affectionnent, de les faire danser sur les genoux. Et leur tendresse peut porter sur toutes les parties du corps, y inclus les parties sexuelles : elles aussi peuvent parfois être l’objet d’un clin d’œil amusé, d’un commentaire souriant, d’une petite chatouille fugace au sortir du bain …

Au fur et à mesure que l’enfant grandit, les parents se sentent spontanément invités à rendre moins charnels leurs signes d’amour. Ils les remplacent par des gestes de tendresse plus discrète, plus délicate et par une reconnaissance verbale positive de son corps et de son être.

A l’adolescence, la discrétion, la pudeur des gestes seront de mise plus que jamais. N’empêche que, en dehors des périodes de grandes tensions relationnelles, la plupart des adolescents apprécient sans commentaires en retour des reconnaissances verbales brèves et sobres de leur physique, même lorsqu'elles émanent de leurs parents : « Quel super look ! » « Quel mec ! » « Comme tu es jolie ! » « Tu cvhoisis vraiment bien tes vêtements », etc. 

 Le témoignage de vie spontané des adultes 

Voici bien une dimension fondamentale, la plus irremplaçable de l’éducation. C’est ce qui éduque sans qu’on veuille éduquer.

Concernant la sexualité infanto-juvénile, nous gagnerions à nous interroger plus particulièrement sur : 

►-  La place que nous accordons à notre propre sexualité dans notre vie et le sens que nous lui attribuons. 

►-  La place réservée aux plaisirs de la vie, la proportion plaisir-travail que nous mettons en actes et le sens que nous lui attribuons.

►-  La manière dont nous vivons les liens affectifs. 

►- La considération que nous portons aux intérêts d’autrui et à ceux de notre personne ; notre manière de résoudre les conflits d’intérêts. 

 L’ambiance de vie quotidienne : entre discrétion et présence

A. La discrétion ? 

Face à cette majorité de jeunes dont le développement général et sexuel apparaît suffisamment bon, une excellente façon d’accompagner l’installation de leur sexualité consiste à leur laisser très largement la paix : en ne répondant pas à l’avance à des questions qu’ils ne (se) posent même pas, en ne nous immisçant pas dans des tâtonnements voulus privés par eux, ou pour lesquels ils cherchent de l’aide auprès de leur génération, en les laissant juges de ce qu’ils se hasarderont peut-être à venir demander chez nous … 

Lorsque les activités sexuelles deviennent préoccupantes, il faut procéder à des adaptations réalistes en fonction de la nature et du comportement de l’enfant. Ainsi, un anxieux a souvent besoin d’une réassurance plus active, qui précède certaines questions qu’il n’ose pas poser clairement. On peut, sans lui faire violence, lui montrer délicatement qu’il est possible de dialoguer au sujet de la sexualité et que ces échanges peuvent être libérateurs. Par ailleurs, certaines catégories de fonctionnement sexuel demandent une vigilance lucide : les jeunes sans retenue sexuelle ou ceux qui sont susceptibles de dériver vers la perversion. De même, si un jeune a vraiment commis un abus, il faut le surveiller davantage, jusqu’à ce que l’on redevienne suffisamment rassuré sur son évolution.

B. La présence ? 

Ceci nous introduit à la question de la valeur plus générale de la présence de l’adulte aux côtés de l’enfant. Bien conçue en qualité et en quantité, la présence a des effets bénéfiques qui retentissent sur la socialisation de celui-ci et sur l’intégration de sa sexualité dans l’ensemble de son projet de vie. Elle est d’évidence une condition nécessaire à la mise en place du lien affectif. Elle est l’occasion concrète pour l’adulte de parler, de transmettre ses idées et ses valeurs ; l’occasion d’être aux côtés du jeune pour encourager ses efforts, le soutenir, lui donner un coup de main, féliciter ses réussites. Elle a une connotation de force : de l’adulte présent devrait émaner une atmosphère de saine autorité. Elle agit enfin comme une présence qui surveille discrètement. Sans soupçonner tout et n’importe quoi, par le simple fait d’arpenter le territoire commun, l’adulte limite de facto le temps et l’espace libres pour les seules décharges pulsionnelles, les plus impulsives et les plus crades.

Il faut donc pouvoir manier habilement les deux nécessités paradoxales de la présence et de la discrétion. Plus l’enfant avance en âge, plus l’adulte-parent doit pouvoir se retirer matériellement, tout en restant disponible spirituellement. 

Monologues et dialogues sur le sexe 

 

Ces moments d’engagement verbal de l’adulte, de l’enfant ou des deux ne sont pas toujours faciles.

Notre marge de manœuvre y est assez étroite : d’une part, nous devons veiller à ne pas étouffer l’enfant sous la masse de nos paroles ; de l’autre, celui-ci apprécie notre engagement personnel.

Dans les moments où l’information est de mise, elle gagne à être transmise sobrement, brièvement, en réponse à une interrogation vivante chez l’enfant. Elle doit être énoncée en termes accessibles et son contenu ne doit pas dépasser les capacités émotionnelles de l’enfant à l’intégrer. Après l’avoir proposée, il est utile de vérifier ce qu’il en a compris et ce qu’il en pense. Enfin, je rappelle le grand intérêt qu’il y a à  corriger à l’occasion une première réaction verbale ou comportementale négative, faite sous le poids des émotions irrationnelles du moment.

A d’autres moments, nous gagnerions à reconnaître notre ignorance ou notre incertitude. Cet aveu serein n’a rien de commun avec le silence pesant qui donne à l’enfant l’impression que sa préoccupation ou son action du moment sont inadmissibles.

Il peut s’agir aussi d’une incertitude sur la dimension saine ou préoccupante d’un comportement. Une masturbation anale occasionnelle avec le goulot d’une bouteille, à dix ans, est-ce un tâtonnement sans autre signification que la curiosité et le défi, ou l’indicateur d’une structuration perverse en passe de se fixer ?

L’incertitude peut également porter sur les codes sociaux. Quels sont ceux qui s’appliquent vraiment à l’enfant à tel moment de la vie ?

Il peut s’agir enfin d’une incertitude sur la valeur plus profonde d’un acte posé : Que penser de ces préados qui regardent de la pornographie ? Et de cette grande sœur dominante qui initie à la masturbation sa docile sœur, plus jeune de trois ans ? 

Le jeune a toujours besoin d’authenticité … nous aussi nous sommes des êtres de chair, qui avons à dominer la gestion de notre sexualité pour qu’elle reste sociable … sans entrer dans les détails de notre privé, l’enfant ou l’adolescent doit savoir qu’il en est ainsi … et après tout, avec les aînés, pourquoi ne pas être plus concrets et évoquer l’un ou l’autre avatar de notre propre itinéraire, sans exhibitionnisme, plutôt pour le rassurer. Un exemple pourrait être notre propre rapport à la pornographie … 

Enfin, nous pouvons discuter avec l’enfant et encore plus avec l’adolescent sur le sens de la sexualité et sur les valeurs qu’on peut lui attribuer. A titre indicatif, voici ceux qu’il m’est arrivé de proposer à mes enfants et à mes jeunes clients :

 

►- La sexualité est un dynamisme vital positif, souvent destiné à se réaliser dans le cadre de liens affectifs de camaraderie ou d’amour, en apportant enrichissement humain et plaisir à celui qui la pratique. 

►- La sexualité sert à transmettre la vie et le génome humain. L’évolution de l’histoire de la vie sur terre indique la nécessité qu’il continue à naître des petits humains, dans le cadre d’une parentalité responsable. Cette finalité biologique doit continuer à être promue par la communauté. Chacun n’a pas l’obligation d’y participer directement, mais personne ne peut s’opposer à ce dynamisme d’une transmission de la vie autour de lui, qui doit être responsable. 

►- La sexualité donne du plaisir et spécifiquement un plaisir érotique. Comme tous les autres plaisirs corporels et matériels, c’est notre être qui doit le gérer et non l’inverse.

La modération sexuelle conserve tout son sens : les groupes qui ne vivent que pour la sexualité-plaisir ne construisent pas de civilisation. 

►- Pratiquer une sexualité épanouie connote la reconnaissance d’une place positive pour l’autre, le(s) partenaire(s) et les témoins potentiels. C’est donc dire que les enfants ont non seulement, le droit, mais aussi le devoir de se protéger directement de demandes sexuelles abusives et de demander de l’aide s’ils n’y arrivent pas seuls. Autant pour celles dont tout simplement ils n ‘ont pas envie !

L’exercice de la sexualité ne peut pas faire souffrir autrui (pas de violence sexuelle, pas d’égocentrisme forcené où l’autre n’est vécu que comme objet de jouissance, sans la moindre considération pour ses sentiments) 

►- Chacun doit respecter les frontières Trans générationnelles et  pratiquer sa sexualité de façon discrète (même les partouzeurs ou les spectateurs de live-shows se retirent pour pratiquer  dans des endroits clos, à l’abri des regards  étrangers …) 

►- Tout groupe (famille, école …) a des attentes sur une formalisation de la sexualité de ses membres. Il faut distinguer les attentes majeures (ou essentielles, fondamentales) qui portent sur le respect des « Lois naturelles » et sur la partie des codes sociaux qui les concrétisent et des attentes mineures (ou ordinaires) qui portent sur l’autre partie des codes sociaux, partie élaborée de façon plus conjoncturelle en fonction de la culture de chaque groupe. 

La régulation de la sexualité des mineurs

A. A tous les âges de la vie, certaines pratiques sexuelles sont susceptibles de contrevenir aux Lois naturelles. Elles font violence sur l’autre, le détruisent ou veulent prendre possession de tout son être, comme c’est le cas dans l’inceste. Parfois, c’est la personne qui pratique qui est elle-même détruite, comme dans certaines perversions dégradantes. Ces pratiques sont totalement inacceptables et doivent être interdites.

B. Plus souvent, néanmoins, via ses pratiques sexuelles, l’enfant ne fait que contrevenir aux règles de vie et à la culture de son groupe. Ces règles sont faites pour veiller à l’harmonie du moment et indiquent les formalisations de la sexualité acceptables aux yeux du groupe considéré. En particulier, il existe quasi toujours des formalisations autour de l’âge auquel certaines pratiques deviennent admises.

L’enfant qui y désobéit avec suffisamment d’intentionnalité commet une transgression mineure. On ne devrait pas lui reprocher d’avoir « mal fait », mais plutôt admettre qu’il est « difficile, désobéissant, imprudent, défiant » Lorsque l’adulte s’emploie à faire respecter ces règles, il veille à ce que l’enfant reste dans l’ordre et, si celui-ci les transgresse, il le rappelle à l’ordre. 

Il existe néanmoins un groupe de règles mineures qui apparaissent comme chargées de beaucoup de bon sens aux yeux de la majorité des adultes. Elles leur semblent garantir des aspects  importants pour le statut des uns et des autres. Ce sont des règles (mineures) puissantes. Le terme me semble justifié, même s’il peut paraître paradoxal qu’une règle encore mineure soit déjà puissante : l’enfant qui la transgresse reste un enfant défiant, pas mauvais, car il ne va toujours pas à l’encontre d’une Loi naturelle, mais il devrait rencontrer une forte détermination pour être rappelé au cœur de l’ordre. 

Voici, me semble-t-il, quelles en sont les principales dans nos sociétés occidentales au début de ce troisième millénaire : 

  • Pas d’activités sexuelles complètes (avec tout type de pénétration) avant la puberté achevée. Autant pour les activités qui en ont l’apparence, sans en avoir l’intention érotique (« mises en bouche … ou en derrière » exploratoires) 
  • Pas d’activités sexuelles entre un jeune pubère et un enfant tout à fait impubère. 
  • Pas d’activités sexuelles si la différence  d’âge est trop importante. 
  • Plus d’activités sexuelles partagées dans la fratrie à partir de la préadolescence (onze ans) 
  • Pas d’activités sexuelles franchement bizarres (activité avec un animal, tranvestissement, etc.) 

Prise en charge spécifique de la sexualité préoccupante 

Lorsque la sexualité s’avère préoccupante, des composantes spécifiques s’ajoutent aux attitudes décrites jusqu’à présent. Celles-ci consistent en attitudes éducatives particulières qui visent le quotidien et en activités de soins, chacune également importante et complémentaire aux autres. L’espace me manque néanmoins pour développer cette importante question et je vous renvoie à mon ouvrage  « La sexualité des enfants », Paris, Odile Jacob, 2004, p. 245  et suivantes.

Je me limiterai maintenant à esquisser un programme global qui peut favoriser la maturation sexuelle d’un enfant ou d’un ado surpris à des bizarreries. Vous devinerez tout de suite les analogies dans la prise en charge avec les autres catégories d’activités préoccupantes.

A. Ce programme implique les parents (P), d'autres membres adultes de la communauté, en position informelle d'éducation ou d'enseignement (A), ainsi que les psy dans leur fonction de diagnostic (D) ou de psychothérapie (T) Ces personnes sont impliquées en ordre principal (+++), au même titre d'autres (++) ou accessoirement, en surcroît d'autres fonctions plus centrales (+) :

Observer le comportement de l'enfant, avec vigilance et discrétion, sans dramatisation, sans paranoïa, mais également sans ingénuité ni effritement (P+++ ; A+ ; D et T ++)  
B. Faire retour sur soi en tant qu'adulte ; vérifier, entre autres, si l'on n'a pas véhiculé une image trop angoissante de la rencontre sexuée, si l'on ne pousse pas l'enfant au défi des lois ou si l'on n'est pas trop ambivalent dans la régulation de ses comportements sexuels (P+++ ; A+ ; D et T ++)  

C. Dialoguer avec l'enfant, à propos de son comportement problématique et de la sexualité en général; dialoguer aussi à propos de lui, de ses richesses, questions et problèmes (P+++ ; A+ ; D+++ ; S’il s'ensuit une psychothérapie, T+++).

 Encourager la parole de l'enfant et commencer par accueillir sans critiques ce qu'il dira éventuellement. On n'y arrive pas sans art de l'apprivoisement et rarement en une fois... mais l’on n'a pas le choix et l'on doit donc viser à ce qu'il parle de : 

►- son activité sexuelle problématique : Peut-il la raconter brièvement ? Comment l'idée lui en est-elle venue (rôle éventuel d'autres, d'Internet, etc.) ? L'a-t-il déjà fait auparavant ? Si un ou des autres y étai(en)t impliqué(s), quelles interactions y a-t-il eu avec lui (eux) ? Qu'y trouve-t-il de bon pour lui ? Qu'en pense-t-il ? Etc. 

►- d'autres dimensions éventuelles de sa vie sexuelle, à faire préciser dans le même état d'esprit ;   
►- d'autres dimensions de sa personne, ses richesses, problèmes, joies, soucis, intérêts, etc. … 

Lui donner du répondant sur ces terres parfois bien torturées de son vécu sexuel : tant mieux si tous les adultes y parviennent ;  entre autres, l'engagement verbal du thérapeute, à la fois précis, sincère et délicat n'est ni facile ni impossible ; Il éveillera d’autant plus d’intérêt et de réciprocité chez son jeune interlocuteur qu'il s'y montrera porteur d'idées personnelles, ni « coincé » ni agent d'un prosélytisme ni d'un voyeurisme troubles ; S’il est thérapeute, il doit également respecter la confidentialité entre son jeune client et lui [2], sans tout de suite avoir mal au ventre parce que les parents ou le système judiciaires ne sont pas informés !

Alors, souvent l'enfant ou l'ado commencera par des coups de sonde et finira par partager ses vraies préoccupations sexuelles, qui le rongent parfois intensément ... Et sans le brusquer, on connaîtra alors la joie de le faire réfléchir et de l'amener à décider par lui-même de formes bien sociables de sa vie sexuelle.

En parlant passablement beaucoup de sexe avec moi, Julien ( dix-sept  ans ) a fini par se convaincre de ne plus agrémenter ses masturbations grâce à des plaisirs « électriques-basse tension » inspirés par des dizaines de sites web pervers ... un jour, entre deux entretiens, j'ai la joie de recevoir l'e-mail suivant : « Savez-vous que j'ai failli craquer et reprendre mes exp. électro ? Après une journée chiante à la boîte (N.B. son école) j'avais besoin de sensations fortes (il explique les déboires et l'ennui de sa journée) ... et j'ai eu envie d'un petit montage hard ... que je me suis interdit, donc j'ai été me défouler en soulevant de la fonte ... j'ai été à la muscu ! »

Quelle joie j’ai eu à lire ce mail ! Julien s'interdit tout seul de s'auto dégrader; il vise à cultiver positivement son corps plutôt que de mettre ses spermatogonies en péril … et il a trouvé tout seul l'idée de s'épuiser dans la musculation là où certains manuels de sexologie béhavioristes se limitent à proposer une masturbation à toute allure et sans fantasmes pour oublier une envie perverse. 

 S'efforcer de convenir avec le jeune d'engagements concrets à propos de ses pratiques sexuelles à venir (et parfois, d'autres dimensions de sa vie)
Si l'on constate une souffrance sexuelle ou une souffrance morale plus générale, on peut lui proposer de continuer ces entretiens par une psychothérapie : à l'intérieur de celle-ci, on veillera à questionner de temps en temps son évolution sexuelle, sans pourtant le réduire à sa sexualité et donc en s'intéressant à lui en général.    
S'il n'y a pas souffrance ou que l'enfant ne souhaite pas de psychothérapie, on lui demandera de se présenter à des entretiens d'évaluation espacés (par exemple tous les deux mois), un certain temps (par exemple deux ans)

E.  Interdire clairement et sereinement toute récidive de la pratique sexuelle préoccupante.

C'est essentiellement l'affaire des parents ( P+++ et A+ ) si la pratique ne portait que sur une transgression des normes socio-familiales ou de prescrits culturels : " Chez nous, personne ne réalise  sa sexualité de cette manière-là ; si tu veux faire du sexe, tu peux ..."       
Si, en plus, il y a eu transgression des Lois Naturelles ( par exemple, violence sur autrui; entraînement d'un tout petit ), l'interdiction doit émaner de tous, et se formuler de façon plus radicale (" Un être humain ne fait pas ce que tu as fait là ") ; elle gagne même à s'accompagner d'une exigence de réparation concrète ou d'autres sanctions si elle s'est accompagnée de la destruction morale d'autrui.

(P+++ ; A++) Il reste à veiller à ce que : 

►- la présence concrète et spirituelle des adultes soit plus " forte " dans la vie de l'enfant ;
►- l'attractivité de son quotidien soit bien réelle : Présence de sources variées de plaisir et de possibilités de réalisation de soi qui intéressent l'enfant ; soutien de leur réalisation. 

 culpabilité infantile, sexualité sans retenue.