IMPLICATION DES PARENTS DANS LE PROGRAMME THÉRAPEUTIQUE
§I. Se donner le temps de comprendre.
Lorsque les parents se décident à consulter (2) ils le font souvent dans un grand sentiment d'urgence : ils sont épuisés, ils « n'en peuvent plus » face à un enfant qu'ils décrivent comme infernal.
Il est très important de ne pas s'immerger avec eux dans ce sentiment d'urgence, qui exigerait de notre part une réponse, soi-disant thérapeutique, trop immédiate : pour bien aider, il nous faut le temps de comprendre, au moins quelque peu, et ceci nécessite souvent plusieurs consultations destinées au groupe familial, aux parents, et/ou à l'enfant seul. Illes visent à obtenir plusieurs catégories de renseignements :
- élaboration de « photos de famille » ( ou, plutôt de « clips-vidéo de famille ») (4) qui permettent de saisir les interactions et les sentiments de tous autour d'événements très précis ( par exemple, le moment où l'enfant commence à faire des bêtises au repas du soir ) ;
- reconstitution de l'histoire de vie de l'enfant : anamnèse médicale générale ; événements ; première approche des représentations mentales qui le désignent, qui le définissent : Quelle image a-t-on de lui ? Quel avenir lui prédit-on ? Comment le rattache-t-on à d'autres membres ou événements de la famille ?
- reconstitution de l'histoire de son problème : Comment l'a-t-on remarqué et a-t-il évolué? Comment se le représente-t-on? Comment se l'explique-t-on? Qu'a-t-on fait, déjà, pour y remédier?
- mise en oeuvre, avec l'enfant seul, d'entretiens complémentaires, de tests et d'épreuves projectives, d'examens organiques cliniques et paracliniques.
Cette démarche à visée compréhensive, outre les informations qu'elle apporte et les spéculations raisonnables qu'elle permet, a déjà une fonction thérapeutique, à partir de la bienveillance des intervenants qui écoutent et demandent des précisions mais ne critiquent pas : ils prennent connaissance, simplement, amicalement, d'un ensemble de phénomènes et d'interactions qui a du sens pour leurs interlocuteurs, qui représente pour eux la moins mauvaise forme d'équilibre interactionnel qu'ils ont trouvée.
§II. Proposer une modélisation, partielle et partiellement spéculative, du problème de l'enfant ( et de la famille ...) aujourd'hui, et une esquisse de ce que pourrait être la prise en charge; les inviter à un pari sur le traitement.
A. Il faudra souvent invoquer des hypothèses multiples,
- une composante organique : une différence dans l'équipement ou/et la fonctionnalité du cerveau de l'enfant, qui le fragilise dans certains domaines et pour une durée indéterminée ;
- un tempérament anxieux ... dépressif ... un suréquipement en pulsions ;
- l'épuisement progressif des ressources éducatives de la famille ( et peut-être d'autres milieux de vie ), et donc la mise en oeuvre d'attitudes progressivement maladroites, incohérentes, hostiles, désespérées ;
- par ailleurs, il arrive que l'on soupçonne également l'existence de facteurs familiaux « primaires » ( par exemple : enfant mal accepté depuis toujours ; enfant objet de représentations mentales très anxiogènes, etc. ).
A leur propos, nous sommes moins sûrs qu'il faille les évoquer explicitement et immédiatement dans cette première modélisation du problème. Il faut en tout cas faire preuve de délicatesse. Mieux vaut parfois se limiter à enregistrer qu'ils opèrent et prévoir que, au fil des conversations ultérieures, on aidera les parents à mieux les préciser encore et à en comprendre le sens vécu pour eux.
B. Après avoir écouté la réaction des parents
- le premier de ceux-ci, c'est l'enfant, sujet, agent de son propre destin, porteur d'une liberté, tout imparfaite qu'elle soit, et qui doit donc être écouté, informé de ce que l'on se propose de faire à son sujet, encouragé à s'y associer activement. En fin de compte si, après première expérimentation et évaluation, il disait « non » aux invitations qui l'impliquent le plus centralement ( par exemple, prise de médicaments, rééducation ), il faudrait le respecter ; quitte à le réinterpeller de temps en temps à ce propos. Nos traitements ne constituent jamais des sortes de « dressages » de jeunes chiens fous ; Dans un premier temps, il faudra donc ne travailler qu'avec les seuls parents
- les deux parents gagnent a s'impliquer dans l'accompagnement, pour se compléter et se renforcer mutuellement : la participation active du père, aux côtés de la mère, dans la programmation éducative spécifique est quasi-indispensable. On doit mettre beaucoup d'énergie à l'obtenir ! ...
- les parents gagnent également à demander l'aide de la fratrie et de la famille élargie, afin que les objectifs mis en route deviennent l'oeuvre de tous, dans la mesure du possible ... il s'agit néanmoins d'inviter; sans culpabiliser ceux qui refuseraient.
Frères et soeurs collaborent plus volontiers si, par ailleurs, ils reçoivent également leur part d'attention et s'ils constatent que les parents les protègent parfois des débordements de l'enfant hyperkinétique qui bousculent leur propre territoire. Au minimum, on doit exiger d'eux qu'ils s'abstiennent de provoquer négativement l'enfant, et de saboter le travail des parents ;
- enfin, d'autres systèmes de vie de l'enfant, et surtout le milieu scolaire, sont invités eux aussi à s'impliquer dans l'accompagnement, selon une dynamique très proche de la guidance parentale, et en s'accordant avec les parents sur des objectifs communs (5).
C. Comme on le voit, le prix à payer en investissement de soi est important
§III. Réaliser un programme de prise en charge global, tel qu'il est discuté avec ceux qui font le pari de s'y engager.
En voici les constituants les plus habituels :
A. Prise en charge directe de l'enfant
Se référer à l'article : TDAH chez l'enfant et l'adolescent; enfants hyperkinétiques; enfants hyperactifs
B. Prise en charge des parents
- Le « cœur » de cette prise en charge, c'est une guidance parentale : séances régulières, par exemple, deux fois par mois, centrées sur l'amélioration de la relation parents-enfant, et sur celle de l'efficacité sociale de l'enfant ; mélange d'écoute, de psychothérapie de soutien, et de composantes cognitivo-behavioristes.
Cette guidance parentale se prolonge par des entretiens occasionnels parents-enfant problématique, parents-fratrie, et par des réunions de coordination parents-enseignants.
- Lorsque certaines représentations mentales des parents semblent enserrer depuis toujours l'enfant dans un carcan d'angoisse et de dépression, ou/et lorsque son éducation réavive chez l'un d'entre eux d'importants conflits psychiques, ou/et lorsque existent de sérieux conflits conjugaux, on gagne à compléter la guidance des parents par une psychothérapie individuelle de l'un des parents ou par une psychothérapie de couple.
Parfois, on le fait sans le déclarer explicitement, en intensifiant les moments de rencontre avec les parents, et en consacrant une partie du temps à une centration plus personnelle ( ou conjugale ) du discours. Parfois, on annonce clairement le projet, et l'on dissocie les moments de guidance et ceux de thérapie.
C. La guidance des enseignants
Elle est très analogue à celle des parents, et inclut des moments de rencontre et de concertation parents-enseignants.(3)
§IV. Schématisation du déroulement d'une guidance parentale.
On peut se référer à l'article : La guidance des parents : une méthodologie
§V. Etude détaillée des informations susceptibles d'être proposées aux parents.
A. Le cas échéant, une partie des informations porte sur les attitudes parentales susceptibles de réduire l'angoisse de l'enfant hyperkinétique.
Nous nous limiterons à indiquer quelques attitudes qui peuvent réduire les angoisses secondaires ( celles qui sont liées à la perception, par l'enfant, de son problème et des tensions qu'il a entraînées dans sa famille et son entourage ) :
- cadre de vie bien organisé ; retour très prévisible des activités : rites et horaires réguliers ; stabilité dans l'organisation matérielle de la maison ; stabilité dans les décisions prises par les parents, et les directions de vie qu'ils donnent ;
- abstention stricte de messages menaçants liés à l'hyperkinésie ( menaces par la forme, par exemple, cris et colères des parents ; et menaces sur le fond, par exemple, « Tu vas aller en internat »).
Même s'il arrive que certains enfants, vécus comme très problématiques, doivent séjourner en internat spécialisé, la décision de les y envoyer ne devrait pas succéder à une longue suite de menaces ; d'ailleurs, fondamentalement, l'institution n'est pas un lieu de punition mais un lieu d'aération, de socialisation, de meilleur traitement; les adultes pourraient donc en envisager l'éventualité dans la discrétion ;
- abstention de punitions qui soient des agressions du corps ou des sources d'effroi.
B. Le cas échéant, d'autres informations portent sur la réduction de la dimension dépressive, de l'image négative de soi élaborée par l'enfant.
Ici aussi, nous nous limiterons à considérer la remédiation aux composantes chronologiquement secondaires de ces dépressions :
- s'abstenir de disqualifier l'enfant ; se réhabituer à le considérer globalement, avec sa part de ressources physiques et mentales, et attirer l'attention de tous - lui inclus ... - sur l'existence de celles-ci ;
- faire appel à l'enfant ( aide matérielle ; interlocuteur valable dans une conversation etc. ) ;
- de façon plus générale, lui donner chaque jour; gratuitement ( donc, même les « mauvais » jours ) au moins un signe tangible d'amitié ou/et d'estime ;
- l'encourager à fréquenter des gens qui l'aiment et l'estiment ( par exemple, des amis, un grand-parent aux yeux de qui il trouve grâce ...).
C. Systématiquement, on peut proposer des informations portant sur l'éducation des pulsions et d'un meilleur contrôle psychomoteur.
1. Le cadre de l'action éducative.
Nous avons déjà évoqué l'importance de l'implication de tous, notamment du père ; la fratrie doit au moins s'abstenir de provocations négatives.
L'on peut encore encourager les parents à persévérer lorsqu'ils expérimentent une nouvelle attitude : s'habituer à l'expérimenter au moins trois mois avant d'introduire une modification significative, sauf les très rares fois où, manifestement, son effet est destructeur ; lutter contre l'instabilité et les découragements rapides qui se sont installés au fil du temps.
A ce propos, l'on doit prévenir les parents que souvent, en début de modification d'attitudes, il existe un « effet rebond » : l'enfant teste leur force, leur solidité et se bat pour maintenir l'équilibre antérieur ; il faut pouvoir passer à travers cette protestation transitoire.
2. Attitudes qui visent à prévenir les débordements.
- Cfr ce qui a été proposé pour réduire l'angoisse : ordre; organisation stable de la vie ; prévisibilité ; rites.
- Calme autour de l'enfant ; ne pas l'entraîner dans des situations trop excitantes ( par exemple, courses au supermarché ; repas trop longs et trop animés ; sources de distraction autour de l'endroit de ses devoirs, etc.).
- Ne pas lui demander de gérer des situations trop compliquées ( par exemple, prévoir des chaussures sans lacets, des vêtements faciles à enfiler ; les lui préparer ; bien accessibles, à un endroit rituellement convenu ).
- Le préparer à assumer des expériences nouvelles, surtout si on les prévoit stressantes ouexcitantes ( par exemple, avant de le faire aller chez le dentiste, parcourir à l'avance avec lui l'une ou l'autre composante de l'expérience et de ce que l'on souhaite de lui ... être à ses côtés au moment de l'expérience ... convenir avec lui d'un petit « signe secret » - mimique, geste du doigt - s'il commence à décompenser; pour l'aider à maintenir son adaptation ... sinon - et si c'est possible - le sortir de la situation expérientielle et accompagner sa sortie ).
3. Attitudes qui fixent l'organisation basale de sa vie.
- Cfr ce qui a déjà été dit sur l'importance de l'ordre, de la stabilité, du calme et sur celle des signes d'amitié et d'estime.
- Lui donner un territoire, bien à lui, où il puisse faire ce qu'il veut ( s'il respecte néanmoins les « règles sacrées » : cfr infra ), et où l'on vérifie régulièrement qu'il n'introduise pas de sources de danger physique.
- Veiller à ce qu'il ait l'occasion de dépenser son énergie dans des activités ludiques, sportives, qui engagent intensément sa musculature.
- Réagir dès qu'il commence à décompenser ( lors de situations excitantes, frustran ...) : être à côté de lui, l'aider en prenant sur soi une partie de la tâche ( avec modération néanmoins : il pourrait finir par en abuser ) ... l'encourager; utiliser « le signe secret » souriant qui lui indique l'amitié de l'adulte, sa confiance, son désir d'aider ( clin d'oeil encourageant ).
- Fixer quelques ( pas plus de quatre, cinq pour un enfant de huit, neuf ans ) « règles sacrées », concrètes, de type « oui » ou « non », variables pour chaque famille ( exemple : « Personne ne pousse des cris dans la maison ... personne n'insulte les parents ... tu restes toujours à plus de deux mètres de la stéréo ... ») ; sanctionner l'observance des règles ; s'abstenir d'alourdir leur nombre et d'en changer ; aussi longtemps que l'observance de ce qui est déjà demandé n'est pas devenu automatique.
Se souvenir néanmoins que l'enfant a du mal à généraliser le sens des règles : par exemple, il finira par ne plus pousser de cris dans la maison, mais il ne comprendra pas ipso facto que, mettre sa radio à tue-tête, c'est une nuisance équivalente : il faudra donc le lui expliquer patiemment, et ajouter des applications à la règle, concrètement, une à une ...
4. Inviter l'enfant à « s'améliorer » ?
S'améliorer est un concept imprécis : il renvoie à l'idée de comportements estimés plus mûrs, plus sociables, plus « sublimés » que l'enfant finit par poser ; et parce qu'il le désire, et en « faisant des efforts » pour y arriver ( qui veut la fin veut les moyens ).
Cette invitation à donner le meilleur de soi-même peut s'adresser à l'enfant hyperkinétique comme à tous les autres, en signe du désir et de l'espérance de ses parents sur lui. Elle se dit dans le dialogue et ne constitue pas un ordre : à un certain moment, l'enfant doit être intéressé par elle et la reprendre à son compte ... sinon, il faut en changer ; sans s'obstiner.
Sur quoi peut-elle porter ?
a) inviter l'enfant à améliorer certains comportements ( performances quotidiennes, par exemple, s'habiller seul, ou actes conviviaux, par exemple, rendre un service ) :
- Lui donner un cadre stable, sans sources de distractions.
- Si c'est possible, partir de ce qu'il sait déjà produire : le lui faire remarquer ; l'en féliciter ; l'y stabiliser.
- L'intéresser aux étapes supplémentaires ; les décomposer en petites sous-étapes précises ; en faire la liste écrite et le chronogramme pour lui.
- Lui rappeler rituellement le projet ; l'encourager ; ne pas sanctionner négativement la stagnation, mais sanctionner positivement le progrès ( cfr infra ).
b) inviter l'enfant à penser avant d'agir, à programmer ses comportements ( en fonction de la réaction prévisible des parents ou de l'entourage ... en fonction d'objectifs personnels ) :
- L'intéresser à ce projet ( peu probable avant huit - neufs ans ).
- « Modeling » : le faire soi-même à haute voix devant lui ( c'est-à-dire commenter l'idée de l'action, le plan de l'action avant de la faire ... et ne la faire - « j'y vais » - que si l'effet escompté est favorable ).
- Proposer des expériences fictives où il s'entraîne à penser avant d'agir.
- Mettre au point avec lui une comptine rituelle de postposition de l'action immédiate et de réflexion sur la valeur de l'action projetée. Par exemple, « Stop - sera-t-on content ? - j'agis ... ou je n'agis pas ( selon la réponse à la question ) » ; par exemple, compter jusque 5 ... puis se poser la question : « Si je le fais, sera-t-on content de moi ? Y a-t- il une manière de le faire pour que l'on soit content de moi ? », puis agir ou renoncer.
- S'il est plus âgé, lui apprendre à écrire des « problem-solving plans », et à en tenir compte.
- L'encourager répétitivement à utiliser ces rites dans la vie concrète ; le féliciter et le récompenser positivement s'il y parvient ...
5. Les sanctions et l'indifférence.
- Dans la vie de l'enfant hyperkinétique, si distractible, les sanctions positives ( lors de l'observance des règles, lors de ses efforts vers l'amélioration, lors de certains de ses comportements spontanés ) devraient être abondantes, et l'aider à fixer son attention sur quelques attentes-clé d'autrui.
Si l'on souhaite qu'elles « renforcent » l'apprentissage d'un nouveau comportement, elles doivent se répéter systématiquement au début de l'installation de celui-ci, et suivre rapidement l'effectuation. Il faut faire preuve d'imagination pour qu'elles apparaissent comme « signifiantes » à l'enfant ( par exemple, faire le grand dessin d'un beau jouet attendu, le décomposer en un puzzle, et coller progressivement les pièces du puzzle ... ce qui peut s'avérer intéressant pour un grand enfant ; un plus jeune aura plus probablement besoin de récompenses moins abstraites, plus immédiatement tangibles bonbons, petits jouets, pièces de Lego ...)
- L'indifférence devrait s'appliquer largement, elle aussi, et « répondre » à tout ce qui est inapproprié, mais non dangereux, non menaçant pour soi et pour autrui ou/et non exigé dans « les règles sacrées ».
Ce n'est néanmoins pas une indifférence désespérée : c'est l'attente silencieuse de celui qui espère que, à terme, les dysfonctions s'améliorent ... et qui sait qu'il ne faut pas brusquer le rythme de l'enfant. Ce doit être une indifférence totale ( grommeler ; soupirer ; exprimer sa déception par un gros mot susurré entre ses dents ... c'est déjà sortir de l'indifférence et sanctionner négativement ! ).
- Les punitions ne devraient s'appliquer qu'à la non- observance des règles sacrées, ou/et à la production spontanée des comportements réellement dangereux ou destructeurs d'autrui.
Alors, elles devraient être systématiques elles aussi, et suivre rapidement l'acte litigieux.
Avant la punition, l'interdiction et sa raison d'être devrait être rappelée chaque fois, éventuellement avec la même phrase rituelle qui l'introduit : « Non, ... tu ne peux pas ... ( pour telle raison ) ... ». Puis l'adulte devrait rester près de l'enfant, dans une assez large mesure, pour l'encourager à accepter la punition comme un mal inéluctable mais constructif.
Selon les circonstances, les punitions peuvent consister en : frustrations matérielles ... moments de « time-out » ( mise à l'écart de l'enfant dans un endroit pauvre en distractions plaisantes, non dangereux, non effrayant ) ... « grèves » de l'adulte ( l'adulte ne preste pas tel acte agréable attendu ; attention à ce que l'enfant ne le confonde pas avec un retrait d'amour diffus ! ...).
Elles ne devraient jamais consister en insultes, ni en retrait d'amour.
- Dans une certaine mesure - ni nulle, ni totale ! - on peut également ne pas épargner à l'enfant les conséquences désagréables des actes négatifs qu'il a posés ( par exemple, affrontement coléreux avec un voisin dont il a piétiné le potager ... avec un plus grand qu'il a taquiné ) : si ces affrontements sont mesurés, ils peuvent l'aider à respecter l'autre.
Quelques remarques connexes :
- On peut promettre à l'enfant une sanction positive s'il réussit une nouvelle prestation (6) ... mieux vaut cependant ne jamais rien promettre pour qu'il cesse de produire un comportement jugé mauvais : cette « promesse » de l'adulte est vécue comme un acte de chantage et de mendicité, et l'enfant se ressent en une position de force, culpabilisante pour lui.
- Lorsque l'enfant commence un effort, puis rate ou ne persévère pas, mieux vaut ne pas accompagner cette séquence comportementale par des attitudes de sanction positive suivies de sanction négative ( grommeler ... susurrer sa déception ... le disqualifier ). Dans un tel contexte, le seul accompagnement structurant est un encouragement, l'expression d'une espérance : « Ça ira bien un jour ».
- On peut enfin vérifier si, dans la vie quotidienne, involontairement, on ne donne pas de sanction positive au comportement problématique, et de sanction négative à la réussite ( par exemple, être très présent aussi longtemps que l'enfant ne mange pas correctement ... et le laisser seul, en retournant à ses propres occupations, dès qu'il a réussi à bien se tenir à table ! ).
Remarquons donc bien, à ce propos, que la présence encourageante auprès de l'enfant au moment de sa difficulté, attitude que nous avons recommandée à l'une ou l'autre reprise, doit être conçue avec prudence : il faut évaluer le risque d'abus par l'enfant, qui « séduirait » de la sorte l'adulte ... et il ne faut en tout cas pas le « laisser tomber » quand il se met à aller mieux.
Conclusions
Sans qu'il soit possible d'entrer dans tous les détails de la démonstration, cet article a esquissé combien peut être multifactorielle l'étiopathogénie sous-jacente au comportement hyperkinétique de l'enfant.
Corollairement, la prise en charge elle aussi gagne énormément à être multifactorielle : une médicamentation de l'enfant s'indique essentiellement lorsque l'on est raisonnablement certain de l'existence d'une composante organique à son problème. Elle doit être couplée à d'autres mesures comme : rééducation de ses difficultés d'apprentissage, réorientation scolaire, psychothérapie centrée sur ses éventuels conflits affectifs, ou à visée cognitivo-behavioriste.
Dans tous les cas, la guidance des parents, et, dans toute la mesure du possible, celle des enseignants, constituent une dimension-clé du traitement : nous avons montré combien les tâches qui attendent ceux-ci étaient exigeantes, et demandaient coordination de tous. A ce prix, l'on peut espérer enrayer des complications trop souvent évoquées dans la littérature tels l'échec scolaire massif, les troubles majeurs du comportement et la mauvaise image de soi et la dépression.
Notes
(2). En référence à ce qu'il nous a été demandé d'exposer dans cet article, nous nous limiterons donc à décrire l'implication des parents dans le traitement. Nous ne parlerons presque pas de ce qui se programme directement avec l'enfant ( médicamentations surtout s'il y a composante organique ; rééducations, psychothérapies de types divers ...). Ceci ne signifie évidemment pas que nous n'y attachons pas d'importance !
(3). L'espace nous manque pour développer ce thème de l'implication des enseignants, mais celle-ci est essentielle. On peut notamment se centrer sur : la circulation des informations entre parents et enseignants l'accord entre eux sur quelques objectifs qui concernent le comportement quotidien ; l'adaptation de la demande de l'école aux capacités de l'enfant, tant dans le champ des apprentissages que dans celui de la discipline. Cette coopération n'est pas toujours possible dans le cadre d'une classe surchargée ! Parfois, il faudra réorienter l'enfant vers l'enseignement spécial ( e.a. type VIII lors de la scolarité primaire ).
(6). Il peut arriver néanmoins que certains enfants, surtout jeunes, soient trop excités par la perspective de la récompense matérielle immédiate, par le bonbon, et ne pensent plus qu'à se le procurer ; ... il ne faut donc pas sous-estimer l'impact des récompenses morales répétées : s'intéresser ostensiblement à ce qu'il produit et l'en féliciter.