3.2.1 Enfants&ados "normaux" ou préoccupants; fonctionnements psychiques

Articles qui décrivent des aspects normaux ou préoccupants  du "fonctionnement psychique" des enfants et des adolescents . Description de quelque situations familiales ou sociales difficiles pour eux. 

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ARTICLES PLUS ANCIENS : Ils faisaient partie de mon enseignement universitaire jusqu'en 2007-2008 ;leur aspect est parfois un peu vintage mais j'assume toujours l'essentiel des descriptions qui y sont faites:  Anorexie mentale de l'adolescent ; Carence affective (ou trouble de l'attachement) / Causes et signes ;  Carence affective (ou trouble de l'attachement)/ Les soins; restaurer la confiance de base) Crise d'adolescence "normale" ;  Enfant de 0 à 6 ans: développementy affectif ;  Imag ination de l'enfant ;Névrose ou troubles névrotiques chez l'enfant et le préadolescent (lire note 1) ; Psychoses de l' adolescent ; Psychoses de l' enfant et du préadolescent 

Note 1: Les anglo-saxons ont voulu faire disparaître le concept et le terme "Névrose", de la nomenclature..pourtant, des conflits intra-psychiques insolubles continuent à habiter l'enfant, avec leur cortège de refoulement, de mécanismes de défenses et de symptômes invalidants... Modéliser la névrose permet de planifier un traitement adapté....

 

Définition et épidémiologie 

Le syndrome anorexique  consiste en une crainte intense et irrationnelle de grossir, une volonté excessive de rester ou de devenir très mince, un refus alimentaire important et parfois des comportements annexes qui amènent une perte de poids significative.

L'anorexie mentale apparaît presqu'exclusivement dans les sociétés industrialisées (abondance de la nourriture ; culture contemporaine de la minceur), 9 fois sur 10 chez les filles.

L'âge moyen d'apparition, c'est 17 ans : c'est un trouble typique de la seconde partie de l'adolescence et du début de l'âge adulte. (Dans cette tranche d'âge, chez les femmes, la prévalence serait de 0,5 à 1 %) 

Il existe néanmoins une petite minorité de cas qui commence avant la puberté, et un premier « pic » (moins élevé que celui de 17 ans) vers 14 ans : ici, c'est plus souvent réactionnel à un événement identifiable, et souvent plus bénin. L'installation après 35 ans est très rare et de mauvais pronostic (complication d'une mélancolie ou d'une schizophrénie) 

 Etiopathogénie

 

Dans une minorité de cas, surtout chez les plus jeunes, les anorexiques avouent clairement (ou montrent à l'évidence, via d'autres symptômes !) leur peur de grandir, leur volonté de rester dépendantes de leurs parents, leur peur de mourir un jour et leur volonté que le temps soit suspendu, leur angoisse diffuse face à la vie et à la société. 

Plus fréquemment, ce sont d'autres dynamismes vitaux qui sont opérants. Ils varient quelque peu d'une personne à l'autre mais néanmoins, grosso modo, on retrouve toujours plusieurs composantes que voici : 

- Réinvestissement narcissique de la libido : si l'anorexique n'est pas fière de la forme de son corps, elle l'est par contre de la manière dont elle le dompte et le maîtrise elle se sent soit exceptionnelle, comme un pur esprit qui serait parvenu à se désincarner ... soit comme réalisant l'Idéal d'une culture de la minceur. 

 

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- Parfois même, jouissances auto-érotiques plus précises, via les sensations qu'elle se donne (« cfr. le concept de « psychosomatique perverse ») 

- Les plaisirs narcissiques ou/et auto-érotiques ressentis peuvent devenir des esclavages (dimension d'assuétude, d'obligation de maintien ou de reconduction des sensations éprouvées) 

- Chez certains, à l'inverse, auto-agressivité, haine de soi via l'anorexie. 

- Non renoncement aux pulsions agressives dirigées vers la famille d'origine (fratrie, parents autoritaires) ou vers le conjoint rival. 

- Dans certains cas, leur réalisation ne fait l'objet d'aucun conflit névrotique et s'exprime ici de façon détournée (on peut parler alors d'un trouble de la personnalité) 

- Dans d'autres cas, il y a conflit névrotique ; les désirs agressifs se refoulent plus ou moins et se ré expriment indirectement par un symptôme-compromis, l'anorexie, qui blesse autrui et le réduit à l'impuissance (névrose de type plutôt hystérique) 

- On peut raisonner exactement de la même manière à propos des pulsions sexuelles oedipiennes dirigées vers un parent, ou de certaines pulsions libidinales plus archaïques (être dorloté, pris en charge ...) 

- Dans certains cas, on a l'impression qu'il ne s'agit pas de défier ni de séduire, mais plutôt d'offrir aux parents « un os à ronger », c'est-à-dire une zone de fonctionnement qu'ils vont investir avec leur dimension protectrice/autoritaire. Ils se centrent là-dessus, ce qui permet à la personne anorexique de développer des zones de fonctionnement autonome ...

Ou alors, l'anorexique ne veut rien d'autre que d'adhérer au souhait (secret, préconscient) de sa famille, qui a besoin de ce symptôme pour maintenir son homéostasie.

On parle ici parfois d'anorexie sacrificielle, ou conformiste, ou de « psychosomatique psychotique » (au sens très large du terme, redisons-le : il y a aliénation de ce que l'on veut le plus personnellement, dans le désir de l’autre)

 

 Clinique 

 

A - Symptômes individuels

 

- Classiquement caractérisée par les 3 A : Anorexie, Amaigrissement, Aménorrhée. 

- Refus de maintenir un poids corporel normal au vu de l'âge et de la taille [5] ; crainte intense de grossir ; perception inexacte de son propre corps (trop grand, trop gros) ... Donc : lutte contre la sensation de faim ; se nourrit très peu (ou erratiquement) ; éventuellement se purge ou/et se fait vomir, se dépense en exercices physiques épuisants ...

Donc : perte significative de poids ; après la puberté : aménorrhée, atténuation des caractères sexuels secondaires (avant la puberté : peu ou pas de croissance pubertaires) ; éventuellement complications somatiques.

Donc, éventuellement, symptômes psychiques conséquents de la faible estime de soi, et de la fatigue déniée : humeur dépressive, irritabilité, isolement.

 

B - Examens para cliniques biologiques 

 

 

Dans les cas graves, la perte de poids et certains comportements aberrants (par exemple purgation) peuvent altérer certains paramètres : par exemple, anémie, leucopénie, hvpochlorémie, hypokaliémie, abaissement des taux hormonaux (thyroïde, hormones sexuelles)

 

C - Contexte  relationnel

 

- Beaucoup de personnes anorexiques « offrent » spectaculairement ou subtilement leur problématique à leur famille, et pourtant, dénient être anormales, dissimulent aux soignants ce qu'elles font, et refusent de consulter des psy, ou se rendent passivement chez ceux-ci, soit disant pour obéir à leur famille. Elles tentent d'expliquer rationnellement leur conduite, en faisant référence à un événement qui les a choquées ou aux impératifs de la culture. 

- On a décrit, probablement de façon trop rigide, des « familles types » d'anorexiques, quelque peu caricaturales ; on peut retenir néanmoins, surtout à propos des adolescents, que : 

  • Assez souvent, la question du pouvoir est mal négociée dans la famille. Au moins un des parent, plus souvent la mère, est manifestement ou subtilement très autoritaire ... ou couve trop ses enfants et notamment l'anorexique, au nom de ses propres angoisses de mort ... et on a l'impression qu'un « bras de fer » souvent non avoué comme tel, est engagé entre l'anorexique et ce parent, notamment autour du contrôle de l'alimentation. Mais ce jeu relationnel est néanmoins plus compliqué qu'il n'en a l'air, car bien des anorexiques revendiquent à la fois sincèrement et leur indépendance (par exemple, droit à gérer leur corps) et son contraire, c'est-à-dire que l'on s'occupe beaucoup d'elles, mais ceci, sans l'avouer. 
  • Parfois, le lien affectif est excessif entre un anorexique et un de ses parents : dyade fusionnelle Mère-Grand bébé ... ou attraction oedipienne réciproque que père et fille réalisent, et dont ils se défendent, à travers le chipotage alimentaire (qui prévient d'autres chipotages ... Dans ce cas, on voit parfois que la fille « tape dans l'œil » du père dans d'autres domaines encore (par exemple, brillance intellectuelle) 
  • Rivalité fraternelle discrète on déclarée ; exaspération fréquente des autres membres de la fratrie ; l'anorexie, qui sollicite beaucoup les parents, est une manière de les « moucher » ! 

D. Évolution 

 

Elle est variable : pour certains, restitution ad integrum après un épisode unique (par exemple, 3 mois à 8 mois) ; pour d'autres, alternance de décompensation et d'améliorations, ou encore alternance, en ordre dispersé anorexie-boulimie (!) - normalité ; pour d'autres encore, stagnation de l'état, voire détérioration progressive au fil du temps. Un « accident organique » mortel ne peut jamais être exclu, pas plus que le suicide. 

Diagnostics différentiels 

Installation insidieuse d'une maladie organique grave ; dépression majeure ; mélancolie ou pré-mélancolie (dont l'anorexie n'est alors qu'un symptôme) ; schizophrénie (idem), phobies sévères

autour de l'alimentation.

Donc un examen organique clinique et para clinique soigneux est toujours indispensable. Par ailleurs, lorsqu'on écoute attentivement, l'anorexique est le seul à avoir des craintes excessives quant à son grossissement, et à avoir de son corps une image perturbée de façon aussi spécifique

 

Traitement

 

Nous nous limiterons à en exposer les principes généraux, à partir de ce qui serait un cas-type.

 A. Plus de la moitié des personnes anorexiques ne sont pas spontanément motivées pour réfléchir sur elles-mêmes, en tant que sujets problématiques, ni avec un psy, ni même avec un autre médecin qui voudrait les « réadapter »

On doit donc accepter le fait que beaucoup de consultations, du moins au début, se fassent en présence d'un ou de plusieurs membres de leur famille, et que ce soit d'abord ceux-ci qui expriment leur inconfort. A cette occasion, on entre en contact avec la personne anorexique et, avec elle et avec les autres, on parle relations familiales, projets sociaux, etc. ... il est toujours possible qu'il en sorte quelque amélioration apaisante...

On écoute aussi cette personne anorexique, sans la menacer ni la critiquer, exposer l'image qu'elle a de son corps et son projet à propos de celui-ci ; les membres de sa famille en font autant ; quant au soignant ( généraliste, interniste, pédiatre ou psy ) c'est pour lui l'occasion et d'écouter et de signaler au passage ses différences de perception ( sans obliger ses vis-à-vis à penser comme lui ) et donc aussi pourquoi il refuse d'entrer dans des demandes de régime supplémentaire, etc. ...

Avec les membres de la famille, on essaie aussi de mettre au point des attitudes plus sereines d'accompagnement de l'alimentation et, en général, du grandissement de l'anorexique

B.  Sur base de cette première plate-forme de rencontres :

 a) Dans certains cas, il se crée suffisamment d'intérêt, chez l'anorexique et chez tous. pour que l'on puisse organiser des entretiens scindés : entretiens individuels avec l'anorexique, entretiens avec sa famille d'origine, voire son conjoint, et moments de mise en commun. Si l'alliance est bonne, c'est peut-être seulement maintenant que le soignant non-psy réussira à faire accepter la co-présence d'un psy, et qu'ensemble, il mettront au point ce programme : les entretiens individuels sont plus ou moins investis par l'anorexique : parfois, ils demeurent une simple thérapie de soutien (qui permet peut-être déjà des réorientations sociales) ; dans d'autres cas, il y a investissement d'une thérapie beaucoup plus profonde. Parfois, dans ce contexte, l'anorexique demande même à être séparé de sa famille (en « kot » ... en appartement protégé ... à l'hôpital psychiatrique), mouvement que l'on doit s'efforcer de soutenir avec réalisme, en en comprenant les enjeux, sans se précipiter. 

b) Dans d'autres cas, plus défavorables, on doit s'en tenir à des rencontres de groupe familial, parfois même l'anorexique ne veut plus y venir et on doit travailler à travers sa famille d'origine ou/et actuelle.

C. Quelle que soit l'évolution de ces entretiens de réflexion, un anorexique est toujours susceptible de se mettre en danger, par une perte dramatique de poids entraînant un risque vital. 

Il doit donc toujours rester sous contrôle d'un médecin ( de préférence son généraliste ) Si le poids descend en dessous d'une limite dangereuse, il faut l'hospitaliser ( en pédiatrie ou médecine interne s'il y a consentement ; sinon, s'en référer à la loi de protection du malade mental ) A l'hôpital, outre l'ambiance de dédramatisation et de vie sociale avec les autres malades, et outre l'intensification des thérapies de soutien et autres, on prend, sans discuter, les mesures nécessaires pour que le corps redevienne en sécurité ( en recourant éventuellement à l'alimentation parentérale )

D.Bien que notre position fondamentale soit accueillante vis-à-vis du béhaviorisme, à des éléments duquel nous recourons à l'occasion, nous sommes sceptiques quant à l'efficacité de son utilisation dans le domaine de l'anorexie : ici, le « désir » de « ne pas » est tellement fort que nous ne croyons pas qu'il puisse rapidement, profondément et stablement, se transformer en un accord de principe sur un programme comportemental de meilleure alimentation. Par contre, le béhaviorisme, peut rendre service à propos de chapitres connexes de la vie (meilleure socialisation, sortie progressive de la famille)

E. On propose parfois des antidépresseurs (surtout les Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, sauf le Prozac ® qui est anorexigène) surtout si la composante dépressive est importante. Dans les cas graves, avec épuisement, il faut vérifier préalablement qu'il ne se soit pas installé de troubles de la conduction cardiaque (surtout si on envisage de prescrire des tricycliques)

 

Chapitre I : Définir la sexualité 

La sexualité est un dynamisme interne, une force d’union qui opère dans la globalité de notre être ( corporel, intra psychique, social ) ; d’abord pulsion, elle se déploie chez une très grande majorité d’individus en désirs, fantasmes, projets et activités.

 

 

 

Elle vise essentiellement à la reproduction de l’espèce, c’est à dire à la transmission et à et à la lente évolution du génome, dans sa dimension davantage spirituelle, elle vise aussi à la création de liens affectifs positifs de différents ordres ; sa pratique entraîne un plaisir corporel qui devient, pour un grand nombre, une troisième visée autonome ou jointe aux précédentes.

 

I. La reproduction de l’espèce, en ce inclus l’élevage des petits

 

On ne rencontre évidemment pas cette première finalité dans la sexualité des enfants ni des jeunes adolescents. Tout au plus peut-on supposer qu’ils s’y préparent de loin (?) via connaissances et familiarisation avec le corps sexuel de soi et de l’autre sexe.

Quant aux adolescents plus âgés et aux adultes, la grande majorité d’entre eux adhère tôt ou tard au projet de se donner une descendance et ceci, non plus en fonction d’un instinct, mais dans le cadre d’un projet humain réfléchi ( parentalité responsable ) : nous y reviendrons dans le deuxième article. 

II. La création de liens affectifs positifs

 

Une autre finalité de la sexualité réside dans la réalisation d’une union affective positive avec l’autre ou avec soi-même. Ceci peut déjà se passer lors des activités sexuelles physiques : quand partenaire il y a, celui-ci représente souvent davantage qu’une source de plaisir physique : chacun vit de la réciprocité dans l’échange du plaisir ; le partenaire est un camarade, un ami et finalement celui ou celle que l’on aime d’amour. 

Mais l’énergie sexuelle est également apte à se sublimer, c’est-à-dire à se détacher de l’activité sexuelle physique et à se transformer en sentiments, en projets et en actes affectifs positifs de tous ordres, depuis la tendresse jusqu’au dévouement. Cette capacité et cette richesse affectives se manifestent très précocement dans la vie de l’enfant, qui montre à l’envi son désir d’aimer et d’être aimé.

 

 

Qu’est ce que la sublimation, au sens psychanalytique du terme ? Julien ( neuf  ans ) aime beaucoup sa maman. Pour la fête des mères il lui dessine une machine ( d’allure à peine phallique …) qui transforme toute son énergie et la lui donne pour qu’elle soit heureuse. 

Et il y a aussi l’union positive à soi-même, vers qui se dirige une partie de l’énergie sexuelle. Grâce à quoi, dès son tout jeune âge, l’enfant peut apprécier son corps de fille ou de garçon, veiller sur lui, le prendre en charge personnellement en étant sa propre « bonne mère »,  lui procurer un bien-être et des plaisirs physiques de tous ordres.

Il peut aussi apprécier son être, avoir de la tendresse, de l’estime et de la fierté à propos de soi.

 

III. La recherche du plaisir érotique 

 

La recherche du plaisir érotique est une finalité non plus de la sexualité, mais poursuivie via l’exercice de la sexualité. Les êtres humains ont une appétence plus ou moins intense pour le plaisir et donc entre autres, pour le plaisir érotique. Ils ont vite appris à dissocier la recherche du plaisir des finalités naturelles de la sexualité et à s’y adonner pour lui-même, parfois de façon intensive.

Il arrive même au sujet humain de rechercher le plaisir contre une finalité naturelle : alors, son partenaire ne fait plus le poids, puisque l’on va parfois jusqu’à nuire à sa personne pour trouver davantage de plaisir … ou c’est soi-même qu’on malmène, parfois au-delà de l’entendement.

 

 

CHAPITRE II - Sexualité, liberté et contrainte

 1. Définitions 

A.  La sexualité que nous voulons

 

 Nombre de nos activités sexuelles sont voulues par nous, à tous les âges de la vie. C’est ce que j’appelle la sexualité « consentie, voulue, agie ou désirée (2) », qui constitue un des pôles de tout ce qui est possible.

Et déjà à son propos, il ne faut pas simplifier : le seul critère qui définit ce pôle, c’est que personne, de l’extérieur, de façon immédiate ou différée, n’a fait pression sur l’auteur de l’acte pour qu’il produise celui-ci. 

On constate alors qu’une bonne partie de ces actes consentis témoigne de la bonne évolution psychoaffective de l’enfant. Ce sont des activités que j’appellerai par la suite « normo-développementales » D’autres au contraire témoignent d’une évolution préoccupante, voire franchement pathologique de la personnalité, transitoire ou non : par exemple des activités perverses, des abus commis sur autrui, une vie sexuelle gourmande qui s’exprimerait sans la moindre retenue … 

Quelques activités préoccupantes semblent ne se commettre qu’une fois ou l’autre, isolément, chez une personne  - adulte ou enfant - qui retrouvera bien vite sa bonne conduite coutumière : C’est ce que j’appelle des dérapages ; ils seront étudiés au second paragraphe du présent chapitre, les fois où ils conduisent à abuser d’autrui. 

 

Par ailleurs, si l’on considère le degré de préparation intérieure de ces actes commis sans pression externe, on constate qu’ils se répartissent sur une courbe de Gauss : A un extrême, la préparation est excessivement longue, sorte de rumination qui aboutit alors souvent à un acte posé avec beaucoup d’angoisse et de culpabilité. 

Au centre la séquence préparation => réalisation apparaît comme raisonnable aux observateurs externes. 

A l’autre extrême, il s’agit d’actes impulsifs : 

- soit par manque de socialisation, par prépondérance de « besoin de plaisir immédiat » chez la personne ( Cfr l’alinéa consacré à la sexualité sans retenue ) ; 

- soit au terme d’une pression et d’une lutte intense qui finissent par échouer : l’enfant décharge alors plus ou moins brutalement ses pulsions sexuelles, tout en n’étant pas fier de ce qu’il fait : j’en reparlerai à propos de la sexualité effectuée sous l’égide de l’angoisse et de la culpabilité.

 

Enfin, le fait que l’acte commis ait été voulu par l’enfant, n’exclut pas que, par la suite, parfois, il puisse avoir peur de ce qu’il a osé faire ou s’en sentir coupable. Il peut aussi regretter d’avoir perdu son enfance, son innocence, et vouloir revenir en arrière. En référence à quoi, il lui arrive de se dénoncer et même alors d’accuser son ex-partenaire de l’y avoir entraîné. 

Cette accusation fallacieuse, il lui arrive d’y procéder aussi s’il est simplement attrapé et accusé après coup : alors, pour ne pas être punis, certains jouent sur certains paramètres de leur statut – ils sont les cadets, par exemple – et en profitent pour accuser l'autre. 

 B.La sexualité que nous subissons


A l’opposé de la sexualité consentie, je parle de sexualité « subie ou contrainte » chaque fois que c’est sous la pression d’un tiers que l’enfant exécute une activité sexuelle que, fondamentalement, il ne veut pas.

Il existe cependant un gradient de gravité quant à ces activités subies. Il est bon de se le rappeler car nos sociétés ont trop tendance à tout mettre dans le même sac : 

----- A l’extrême favorable du gradient on a à faire à des « épines sexuelles ». Elles sont communes. Le pourcentage de mineurs qui s’y est frotté l’une ou l’autre fois dans sa vie d’enfant ou d’adolescent est difficile à affirmer avec certitude, mais il ne m’étonnerait pas qu’il dépasse 50 % de la population : la normalité statistique, en quelque sorte.

 

« l’enfant à l’épine »

 

---- A l’autre extrême, ce sont les abus les plus graves, les plus vicieux, les plus blessants. Épines et abus graves seront décrits dans la troisième partie. A chacun d’imaginer ce que peuvent être les actes de gravité intermédiaires. 

 C. Et l’entre-deux

 

Rien n’est cependant simple. Pour un certain nombre d’activités sexuelles, il est malaisé, sinon impossible, de déterminer s’il s’agissait d’activités consenties ou contraintes. On est véritablement et parfois définitivement « entre les deux ».

 ---- C’est le cas par exemple lorsque l’enfant sollicité est ambivalent à l’idée d’une activité sexuelle et donc, que sa réponse manque de clarté; Une dimension de lui a envie (3), et une autre en rejette l’idée ( par angoisse (4), par culpabilité, en référence à des valeurs, etc. …) Face à la sollicitation, cet enfant se montre hésitant, ambigu, incapable  de se prononcer de façon stable dans un sens ou l‘autre. Celui qui invite en profite pour insister : s’ils sont attrapés, ce dernier soulignera avec plus ou moins de bonne foi  le fait que l’invité ambivalent était d’accord et celui-ci prétendra qu’il ne l’était pas. Nous verrons néanmoins dans la partie consacrée à l’accompagnement, qu’il est possible alors d‘acter que nous nous trouvons dans une situation de doute sans que le dialogue ni l’action éducatifs ne soient paralysées pour autant. 

---- C’est encore le cas lorsqu’un enfant ou qu’un adolescent a dit clairement oui et puis que, en plein décours de l’activité sexuelle, il crie soudainement « Non, je ne veux plus »Une autre manière de gérer son ambivalence ! Pas facile du tout néanmoins - sinon pratiquement impossible - pour le partenaire en pleine excitation sexuelle de s’arrêter : on n’a pas toujours un seau de glace à sa disposition ! Je pense que si l’on était tout à fait certain du déroulement  des faits, de telles situations ne devraient pas être qualifiées en soi d’abus ( sous réserve de différences d’âges acceptables entre partenaires ) 

Il en va autrement si une personne change d’avis au fil du temps, et dit « Non » à un moment donné, suffisamment longtemps avant l’activité sexuelle suivante. Ici, on abuse d’elle si on ne tient pas compte de son refus nouveau.

----  Ce pourrait encore être le cas dans les situations que voici et qui ont lieu entre mineurs sans différence d’âge excessive (5): l’un d'eux a secrètement peur de l’autre(6), ou est habituellement très passif, et il ne laisse entrevoir en rien qu’il n‘est pas d‘accord : il se soumet, habituellement sans beaucoup de créativité participative. Entraîné par son excitation ou par son désir d‘aimer, l‘autre ne remarque pas cette réticence … s’ils sont attrapés, le premier en fera le plus souvent état, mais il n’avait rien énoncé !

 

 D. Situations d’appréciation délicate 

 

◊ - En voici au moins une : c'es tce que j'appelle les touchers exploratoires d'adolescents, faits très dlicatement sur le corps d'un enfant beaucoup plus jeune, sans vraiment d'activité érotique : Formellement parlant, ce sont des abus isolés, qui peuvent même parfois fort culpabiliser l'auteur, mais plus fondamentalement, il s'agit dans son chef d'angoisse, de curiosité et d'une première prise de contact avec le corps sexué de l'autre; la "victime " n'en n'est pas toujours consciente 'elle dort ou est observée à son insu ou très furtivement "touchée" Elle n'en ressent nul traumatisme, ce que l'auteur ne voudrait surtout pas. l'article ci-joint traite d'un cas à ce propos: Touchers exploratoires

 

◊ - En voici une autre:ce sont les amours, incluant des activités sexuelles, qui se vivent réciproquement entre de jeunes adolescents, pubères, n’ayant pas encore atteint l’âge de la majorité sexuelle légale dans leur pays, et des partenaires nettement plus âgés : grands adolescents ou adultes. Légalement parlant, ce sont des abus. Psychologiquement, ce peut être autre chose. Comme on ne prête qu'aux riches, il faut remarquer que les amours macronesques n'en sont pas vraiement pas très loin. emmanuel avait-il vraiement 16 ans, comme le veut la telling story offcielle, quand il a déclaré sa flamme à Brigitte qui a fondu de se savoir encore désiré par cet Apollon irrésistible

Extrait du film « For a lost soldier » (J. Kerbosch, 1992)… dans la confusion de la 2de guerre mondiale, deux êtres à la dérive se sont rencontrés et aimés

La société admet, avec un sourire entendu, qu’une fille de dix-huit ans se « mette » avec un amant de cinquante ans ….ou que l'ado Macron séduise Brigitte. Pourquoi les amours d’un(e) jeune de quatorze, quinze ans et d’un adulte de trente ans seraient-ils, ipso facto, eux, destructeurs ? Certes, il est bon que des points de repères et des limites existent dans des sociétés, pour maintenir l’ordre. Mais tous ceux et celles qui les transgressent ne sont pas de ce seul fait des démons, et il faut pouvoir fermer les yeux et entériner certains mystères réciproques des désirs humains.

 

◊ - En voici une autre : dans une institution, un préadolescent de douze ans, réputé caractériel -, est surpris se livrant à un jeu d’attouchements sexuels avec une autiste de onze ans, connue dans le groupe pour ses masturbations compulsives.  Macroscopiquement, il jure qu’il ne lui a pas fait violence, et d’un certain point de vue, c’est vrai. Mais, n’a-t-il pas « joué » sur la docilité passive de cette compagne de groupe qui aurait laissé faire beaucoup de chose ! Ou avait-elle vraiment envie et en a-t-il eu l’intuition ? 

Dans les deux parties qui suivent, je n’aurai pas l’occasion d’étudier en détails toutes les situations intermédiaires. Au lecteur donc de faire preuve de créativité pour les gérer.

 

 Chapitre 3. les dérapages sexuels

 

Dans le livre La sexualité des enfants[1], j’ai développé la notion de « dérapage sexuel ». En résumé :

L'adulte ou l’adolescent ici concerné a une sexualité sociable où, entre autres, il respecte habituellement les limites sexuelles intergénérationnelles .

Pourtant, il se dévoie (au sens le plus étymologique du terme et entraîne l'enfant dans une expérience sexuelle (ou quasi). Habituellement un seul enfant pour une seule fois ou un nombre très limité de fois. Il cède donc à une tentation transgénérationnelle, sous la pression d'un ensemble de facteurs. Parmi ceux-ci, il existe parfois un certain degré de provoca­tion émanant de l'enfant.

Ensuite, et cela s'avère définitoire de la notion de dérapage, l’auteur se reprend rapidement et spontanément. Après une ou quelques fois espacées sur un laps de temps court, il va mettre fin à sa divagation et ne récidivera plus jamais (ou, au pire, une ou deux fois, du même type, sur la durée d'une vie) C'est la peur d'avoir de sérieux ennuis, la voix de sa conscience ou parfois aussi la résistance et la désapprobation immédiates ou différées émanant de l'enfant qui le poussent à arrêter.

Dans les meilleurs cas, adulte et enfant en reparlent ensemble, le premier pour s'expliquer comme il le peut et présenter ses excuses. Dans les cas moins favorables, un silence plus ou moins gêné et définitif fait suite aux événements.

Plutôt rarement, les dérapages sont des accidents graves, sortes de collisions frontales, comme une violence ou une relation sexuelle complète apparemment consentie avec un enfant ou un ado jeune.

 

 

 

Extrait du film « Le souffle au cœur » (L. Malle, 1971) Après une soirée de 14 juillet bien arrosée, Lorenzo se retrouve au lit avec sa jolie maman. Le grand inceste, qui n’aura lieu qu’une fois. 

Il existe plus souvent des formes plus légères ou plus troubles de dérapages sexuels, comme quand un père commence par se lais­ser toucher au bain, s’y excite et finit par demander à sa fillette de huit ans de le masturber, en évitant qu’elle regarde son éjaculation … Ici, il a honte après deux ou trois fois et ne va pas plus loin. 

Comment faire face ? 

Dans la mesure où les fait sont connus, il faut distinguer les intérêts humains de l'enfant et ceux de l'adulte qui dérape. Si l’enfant ne se guérit pas tout seul de l'« allumage » précoce ou du traumatisme subi, il a droit aux soins nécessités par son état.  Nous n’en dirons pas plus dans ce texte qui s’intéresse essentiellement aux auteurs.

Comment traiter justement les adolescents ou les adultes auteurs d'un dérapage ? 

◊ - Désapprouver l'acte et rappeler la Loi : c’est une vraie faute qui été commise !

◊ - Comprendre les éventuels problèmes de la personne et les soigner.

◊ - L'encourager à utiliser ses ressources positives à l'avenir.

◊ - Veiller sur la non-récidive.

◊ - S'efforcer qu'existe un dialogue avec l'enfant entraîné dans le dérapage, sans faire pression sur celui-ci pour qu’il l’accepte Ce dialogue, s'il a lieu, doit aboutir à des excuses présentées et à des actes de réparation. 

◊ - Veiller à ce que l'adulte prenne en charge le dommage éventuel causé, notamment sur le plan financier causé.

◊ - Sur le plan de la mise en œuvre institutionnelle, il ne me sem­ble pas absolument nécessaire de déclencher des processus socio-judiciaires officiels très pesants là où il y a possibilité de dialogue, présence de bonne volonté et vigilance du tissu social informel. 

 

Mais il n’est pas rare que le dérapage reste secret, ou ne se révèle que très tardivement !Ce sont deux situations de ce type qui vont être évoquées ici. Elles émanent chaque fois de deux adolescents, qui, bien des années plus tard, se trouvent torturés par la culpabilité

 

[1] J.-Y. Hayez, "La sexualité des enfants» , Odile Jacob, 2004, pages 167-172.

 

 

 

Chapitre IV : Méditations sur un constat 

§ I. Premiers signes autour de quatre ans 

 

Dans nos sociétés occidentales, de la vie sexuelle commence à s’observer chez l’enfant autour de ses quatre ans. « Vie sexuelle » doit s’entendre au sens usuel du terme : intérêt pour les zones génitales du corps et comportements engageant sciemment celle-ci. 

Avant quatre ans, l’enfant peut déjà toucher son sexe à l’occasion, l’agripper  en cas de stress ou  désigner le sexe d’autrui, mais par hasard ou dans le décours d’une exploration générale des corps, sans intentionnalité plus ciblée.

Cette vie sexuelle visible s’accompagne probablement très rapidement d’activités mentales ( élaboration d’images, idées, questions, théories, projets … de nature sexuelle )

 

 

Plus l’enfant est jeune, plus il y mélange des activités d’autres parties du corps, en référence à des processus et avec des objectifs identiques : intérêt pour la miction, la défécation, l’anus, la bouche, voire d’autres zones inattendues auxquelles l’enfant attribue les mêmes pouvoirs qu’à ses organes génitaux. Au fur et à mesure qu’il vieillit, et pour peu qu’il soit en bonne santé mentale, l’enfant désinvestit largement ces zones connexes d’intérêt [8], pour s’adonner principalement à la vie sexuelle liée à la génitalité. Nous n’en dirons pas davantage sur ces compagnons archaïques et transitoires de la vie génitale. 

§ II. Pourquoi cet intérêt précoce et souvent soutenu ? 

 

Pourquoi des explorations sexuelles, voire des activités à connotation érotique commencent-elles si tôt et s’amplifient-elles chez beaucoup, le plus souvent à l’insu des adultes ? 

---- Le développement des organes et des fonctions du corps humain est habituellement très bien organisé et synchronisé.  Une extraordinaire « intelligence de la vie » l’a prévu ainsi : les fonctions semblent s’activer au moment où elles deviennent utiles à la progression de la vie de l’individu et à celle de l’espèce, c’est à dire sur le plan biologique, à la transmission à la génération suivante du génome dont nous sommes dépositaires.

 « Logiquement », il devrait en être ainsi, plus que jamais, pour l’appareil sexuel, situé au cœur de ce processus de transmission. Eh bien non ! Il existe un hiatus temporel assez incroyable : l’enfant peut découvrir ses organes génitaux, jouer avec voire les abîmer, ou plus fréquemment les habituer à des usages déviants par rapport à la logique de la vie ( la recherche voire le culte du plaisir ) Et il peut s’y exercer des années, avant qu’il n’ait la maturité physiologique pour procréer et encore davantage avant que sa culture d’appartenance ne l’y invite ou avant que son intelligence et ses valeurs ne lui conseillent de programmer ce qu’il considère constituer une parentalité responsable.

 ---- Pourquoi ? Un certain nombre de pédagogues affirment que c’est « pour se préparer » : en quelque sorte, roder ses organes génitaux et tâtonner dans les actes de rencontre de l’autre, jusqu’à trouver comment réussir « la totale ». Bah, cette hypothèse téléologique nous fait sourire : ce n’est pas si compliqué pour une femelle de se laisser pénétrer par un mâle, tout de même … et des centaines de jeux sexuels ou de masturbations préalables ne changent rien à l’angoisse de la première fois et aux maladresses qu’elle connote et qui, pour beaucoup, n’en font pas le meilleur souvenir du monde. 

---- Et s’il n’existait pas de réponse rationnelle à la question ? Nous décrirons bientôt une liste des facteurs biologiques, intra psychiques et externes qui contribuent à l’éveil de la sexualité. Mais les invoquer n’explique pas fondamentalement pourquoi la nature ( ou l’Esprit ) a mis si précocement à la disposition de l’enfant des parties si précieuses de son corps, pour se livrer dessus à nombre d’expériences qu’il choisit de faire ( souvent ) ou qu’on l’oblige à faire ( plus rarement : c’est le sinistre domaine de l’abus sexuel ( Furniss T., 1993 ; Hayez J.-Y., de Becker E., 1997 ) 

§ III. Qu’en résulte-t-il ? 

---- En accédant à l’adolescence, puis à l’âge adulte, le grand nombre reste porteur du projet de transmission et veut le concrétiser par la procréation. De ce grand nombre, dans nos sociétés occidentales, beaucoup veulent le faire de manière « responsable » en programmant, judicieusement à leurs yeux, le nombre et les modalités de leur descendance. Au moins autant qu’à la transmission génétique, c’est à la transmission spirituelle qu’ils sont attachés : on peut l’illustrer via tous ces couples ( voire ces individus ) où il existe des obstacles biologiques à la procréation naturelle, et qui passent par la procréation assistée ou par l’adoption. 

Ce même groupe intègre quasi systématiquement sa sexualité à visée procréative à la création et au maintien du lien amoureux ; lien dont l’existence sera célébrée réciproquement par la sexualité à visée non procréative, habituellement bien plus abondante ! 

En ce troisième millénaire, lien amoureux n’est plus synonyme de fidélité pour la vie, comme on le voit dans quelques autres espèces de mammifères. Les liens se font et se défont ! En outre, pour beaucoup d’humains, la recherche du plaisir, au sens large du terme, devient une visée « artificielle » de leur sexualité, susceptible d’être dissociée de tout le reste. Ce plaisir, ils le trouvent soit dans les relations menées avec leur partenaire amoureux, soit au dehors : c’est particulièrement patent à l’adolescence où coexistent longtemps dans le désordre masturbations et autres activités plaisantes solitaires, jeux sexuels  et autres moments « d’éclate » partagés avec d’autres, liens amoureux plutôt instables et répétés au début, où s’intègre tôt ou tard la sexualité physique.

 ---- Un sous-groupe minoritaire n‘adhère pas au projet de transmission de la vie, soit en raison de difficultés physiques finalement acceptées ( par exemple : couple stérile sans enfant adopté ), soit parce qu’ils ne le veulent pas ( par exemple : des célibataires dans l’âme, la majorité des couples homosexuels ). Comme les membres du premier groupe, ils s’engagent dans des proportions et avec des mélanges variables dans le lien amoureux et dans la sexualité-plaisir, jusqu’à parfois n’investir que celle-ci : ce peut encore être normal et transitoire chez une partie des adolescents, avant création du lien.

 

 Harry Potter et Malavoy : double vie ou image apocryphe ???

 

 

 

Notes  

 

2.   C’est par simplification que je fais des synonymes de tous ces termes. Etymologiquement, il y a des nuances que je ne reprends pas ici. Finalement, l’enfant est l’agent, l’auteur volontaire des actes qu’il pose. 

3.   Envie susceptible d’avoir des motivations multiples : entrer dans le monde du sexe, bien sûr, mais aussi : se montrer grand, se démontrer qu’on l’est ; rester l’ami de celui qui invite … 

4.   Angoisse notamment présente « la première fois ». 

5.     S’il y a un majeur et un enfant ou un jeune adolescent, ou un grand adolescent et un enfant impubère, on est toujours dans le contexte d‘un abus, même si les formes sont soft et séductrices, et même s’il y a consentement de la part du cadet.

6.   Peur de l’autre ? Peur de l’agressivité, parfois, mais aussi peur de perdre un ami, peur de passer pour un naze, etc. … 

7.   Je raisonnerai en référence à un adulte ou à un grand adolescent …. Mais finalement, moyennant quelques transpositions liées au degré de maturité de la personne, le phénomène peut s’observer à tous les âges de la vie. Il peut s’appliquer aussi à d’autres transgressions destructrices non-sexuelles. 

8.   Largement, mais rarement totalement ! Chez nombre d’entre nous, il persiste l’une ou l’autre « fixation » à une zone ou une activité du corps qui a été « chargée » de beaucoup de plaisir, voire d’autres émotions fortes, à une époque précoce de la vie : par exemple, intérêt persistant pour les jeux urinaires. Cette « fixation » s’active occasionnellement dans les fantasmes ou les  jeux préliminaires ou accompagnateurs d’activités sexuelles plus mûres.  Plus un être humain reste immature, plus cette zone peut conserver de l’importance,  jusqu’à la fixation perverse à laquelle se réduit alors le plus important de son projet sexuel. 

 


Sur la longue période de vie qui nous intéresse ici, plusieurs grandes motivations se chevauchent et se succèdent à l'instar des vagues de la mer, sans jamais vraiment mourir.

... 2011-19 ...

 


  - L'enfant de six-sept ans termine la découverte de son corps sexuel et de celui de l'autre sexe. Seul ou avec un pair qu'il affectionne, il procède aux dernières vérifications à propos de la « permanence de l'objet » et de l'inéluctabilité de chaque sexuation; ses dernières angoisses à ce propos n'ont pas disparu ...
  - L'enfant de huit à dix ans est un scientifique contemporain : le sexe l'intéresse, en vrac et sans tabou, mais à titre d'objet d'études. Il discute beaucoup de ces choses avec ses copains de toujours. Ils font même l'un ou l'autre exercice pratique, davantage pour savoir que pour prendre leur pied.
  - Le préadolescent lui, entrouvre la porte de la chambre sexuelle des ados et des adultes, puis s'y aventure pour son propre compte : il a envie d'essayer ses compétences et le plaisir physique l'intrigue d'abord puis l'intéresse beaucoup, en théorie et en pratique.

ACTIVITES SEXUELLES HABITUELLES


Les activités ici décrites ont pour fondement d'être des activités ( suffisamment ) épanouies ( saines ), ou normo-développementales. Elles s'intéressent préférentiellement aux zones génitales du corps, avec des modes de fonctionnement qui progressent en accord avec l'âge développemental de l'enfant.



Regarder et inspecter 

 



Entre cinq et sept-huit ans surtout, les enfants aiment dévoiler leurs parties sexuelles et celles d'autres enfants; observer leur constitution et leur fonctionnement; toucher, manipuler, inspecter. Ce sont surtout la curiosité et le désir de compréhension intellectuelle qui les meuvent. S'il y a partenaire, ces activités entrent souvent dans un jeu de rôle sexuel, type « jeu du docteur », mais l'enfant va vite au but et ne s'invente pas des scénarios tarabiscotés qui retarderaient les ultimes découvertes et explorations.

Dans la caravane ... Lilly ( douze ans ), qui craint de devenir lesbienne, confie au forum Elysa quelques souvenirs qui la préoccupent : « Quand j'avais six ans, ma cousine ( huit ans ) me dit d'aller avec elle dans sa caravane ( NB : dans le jardin ), [...] puis elle dit qu'on va enlever nos vêtements [...]. On s'est mises toutes nues, mais il ne s'est rien passé [...]. On s'est regardées deux minutes en riant et j'ai dit qu'on se rhabille. »

A la prépuberté, des activités d'inspection- expérimentation peuvent reprendre. Elles visent alors surtout à s'initier à la pratique sexuelle et aux acquisitions érotiques des aînés. L'anatomie et la physiologie intimes de l'autre sexe sont notamment des centres d'intérêt fascinants. Pourtant, beaucoup de préados n'osent pas encore s'en approcher trop concrètement : ils se contentent de la parole, d'une image porno ou de la vision furtive d'un(e) plus grand(e) au bain.



La masturbation

 

C'est l'activité sexuelle majeure de cette période de la vie. Les garçons ont découvert leur pénis depuis bien longtemps, vers six-sept mois, parfois par hasard, par exemple au cours d'un change, et ont commencé à le manipuler par curiosité comme d'autres parties de leur corps ( orteils, doigts, etc.). Les bébés filles découvrent, elles, leur vulve un peu plus tard, vers dix-onze mois; entre l'âge de un et trois ans, elles peuvent s'introduire une graine de haricot, un petit jouet dans le vagin, par curiosité, comme elles le feraient dans d'autres orifices ( www.umich.edu ). Entre l'âge de deux ans et demi et cinq ans, la plupart des enfants touchent, manipulent ou frottent leurs organes génitaux occasionnellement avec l'intention de se donner du plaisir. Beaucoup aussi les agrippent quand ils se sentent anxieux. Environ 10 à 15 % des enfants connaissent déjà les gestes classiques de la masturbation.
A partir de six ans, le caractère ostensible de la masturbation-plaisir diminue vite. Tout au plus certains enfants jouent-ils occasionnellement avec leur sexe à travers leurs habits, en igno- rant ou en oubliant que des témoins peuvent comprendre ce qu'ils font. Rappel à l'ordre rapide par leurs parents, voire par les frères et soeurs aînés, honteux de leur « sales manières devant tout le monde ». En revanche, les manipulations et vérifications sexuelles dictées surtout par l'angoisse, elles peuvent rester relativement publiques jusqu'à environ huit ans.
A l'adolescence ( vers treize-quatorze ans ) quasi tous les garçons se masturbent, une minorité occasionnellement, une majorité entre trois fois par semaine et quotidiennement, voire plus pour une petite minorité ( autour de 5 % ). Entre 50 et 60 % des filles le font également. ( A supposer que ces chiffres, souvent issus de questionnaires présentés à des étudiants d'école supérieure ou à des jeunes adultes, soient vraiment fiables.)



Quand on est deux 

 

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Pour les plus délurés des préados, les activités sexuelles imitent de plus en plus celles des aînés, puis, pour quelques-uns, s'y conforment totalement (1) . Toutefois, il existe un hiatus important entre leur capacité de performance physique - qui peut être très « au point » - et leur maturité affective et relationnelle : elle reste celle d'enfants de onze-douze ans qui mesurent mal les conséquences possibles de leurs actions. Hélas, ils n'osent guère parler aux adultes de leurs « exploits » ni de leurs éventuelles préoccupations à ce propos et ils constituent donc un groupe à haut risque ( pas de précaution contraceptive, MST, grossesses très précoces dramatiques !). Exemple de cette progression : jeunes voisins, fille et garçon de douze ans, attirés sexuellement; parents peu présents; des rencontres assez régulières à domicile qui sont l'occasion de passer par les étapes suivantes de sexualisation : baiser et étreintes du corps, baiser profond et petting ( c'est-à-dire caresses érotiques à travers les vêtements ), masturbation, « doigtage », sexe oral et pénétration vaginale.

Précision importante : A l'heure actuelle, une discussion s'imposerait au sujet du sexe oral. Les médias et le discours sexuel au quotidien l'ont beaucoup banalisé, du moins dans sa polarité « pénis dans une bouche ». Donc, de loin en loin, des enfants, même petits ( six-sept ans ), intelligents, curieux et bien documentés, peuvent tenter l'expérience, sans en comprendre la dimension érotique : ça n'a rien d'une fellation! A huit-neuf ans, ils peuvent se lancer des défis à ce sujet. C'est seulement à la préadolescence que quelques-uns l'intègrent à leur répertoire érotique homo- ou hétérosexué et que l'on peut parler de vraie fellation. Pour celle raison, je préfère réserver l'expression «  ( relations ) activités sexuelles complètes » ou « ( relations ) activités sexuelles adult- like » pour désigner celles, non solitaires, où il y a pénétration ( orale, anale, vaginale ) avec l'intention de faire comme les grands pour en tirer le même bénéfice érotique qu'ils en retirent. Inversement, toute introduction d'un pénis ( ou d'un autre objet ) dans un orifice ad hoc du partenaire lors d'un jeu sexuel ne peut pas être assimilée ipso facto à une activité sexuelle complète, au sens de ma définition, même si son apparencer peut choquer

 

Le vocabulaire et le discours sexuels

 

Dès sept-huit ans, une partie des échanges en cour de récréation porte sur les connaissances sexuelles. Quelqu'un rapporte une blague glanée on ne sait où, de celles qui circulent dans le vent des rumeurs enfantines, aussi souvent scatologique ou sadique que sexuelle; tout le monde dans le groupe ne comprend pas, mais tout le monde rit d'un air entendu. Au fur et à mesure de l'avancement en âge, le vocabulaire quotidien s'émaille d'interjections osées par lesquelles l'enfant affine son appartenance au monde des grands : « Putain, c'est vrai quoi; faites pas chier! » Lâchées pour un oui ou pour un non entre pairs, elles se hasardent même parfois en présence de l'adulte témoin ou dans sa direction lorsque l'enfant est très énervé ou fâché. Les blagues salaces se multiplient, de plus en plus crues. Bien des échanges sont centrés sur le sexe, et pas seulement de façon générale : on y parle aussi des proches que l'on connaît bien ou des images des multimédias; à un certain moment, beaucoup se vantent dans leur petit groupe de leurs exploits réels ou mensongers. Dans les familles tolérantes, les enfants grandissants se plaisent même à raconter devant leurs parents ou toute la famille telle blague ou anecdote sexuelle, histoire de montrer qu'ils sont « au parfum ». Avides d'écouter les adultes en faire autant, ils enragent lorsqu'ils sont écartés « parce que c'est pas pour vous, ça ... »



Le plaisir des yeux 



Le plaisir de voir succède rapidement aux inspections visuelles passablement anxieuses des six-sept ans. Au-delà, l'enfant cherche à voir ce qu'il ne peut pas, précisément, parce que c'est interdit, pour faire comme les aînés qui parlent tellement de ce genre de paysages-là et puis progressivement parce que ça l'excite sexuellement. Plus il grandit, plus il va lorgner sur des corps et des activités sexuelles d'ados et d'adultes : la grande soeur matée (2) dans la salle de bain et surtout ce qu'il trouve dans la manne providentielle des multimédias, de la télévision à Internet. 

 

Un adolescent de quatorze ans pose au forum Elysa une question inquiète sur sa sexualité : « Suis-je pédophile? » Il gardait en baby-sitting une fillette de dix ans « plutôt développée pour son âge [...] avec qui je m'entendais bien [...]. Elle s'approche de moi et me dit : " Tu peux me toucher si tu me montres ton zizi."» Et le garçon d'ajouter : « Je me suis laissé tenter et j'ai apprécié le jeu.» D'où sa question.

Que répondre? On ne peut rien déduire de la normalité ni de la pédophilie potentielle d'un aussi jeune adolescent racontant avoir cédé une fois à une tentation, émanant d'une fille « bien développée ». Le féliciter de se poser une question aussi grave et lui recommander de s'abstenir à l'avenir d'activités sexuelles avec des enfants jeunes ( même bien développés ) semble constituer la bonne démarche. Quant à la fillette, difficile également d'affirmer s'il s'agit d'un désir de voir encore normal pour son âge ou si elle fonctionne « sans retenue ». Quand elle parle comme elle le fait, s'occupe-t-elle du plaisir potentiel de son partenaire, ou se conduit-elle en petit stratège qui monnaie ses charmes, sans vraie considération pour l'autre?
 

 

LES ACTIVITES MOINS SYSTEMATIQUES


L'exhibition occasionnelle

 

Certains enfants aiment s'exposer nus, avec leurs parties sexuelles bien visibles ( voire en érection pour les garçons ), en se tortillant parfois comme une strip-teaseuse chevronnée ou en gambadant comme de jeunes faunes. Ou alors, ils baissent leur pantalon sans crier gare et invitent le témoin, souvent de leur âge ou un peu plus jeune, à admirer leur « anatomie ». Leur intention est bien de provoquer un trouble sexuel. Leur exhibition peut être spontanée et vécue avec beaucoup d'excitation joyeuse, et d'interprétation indubitable.

D'autres enfants procèdent plus subtilement et plus indirectement ( ne pas fermer la porte de la salle de bain; s'arranger pour que l'ami qui vient dormir à la maison puisse saisir l'intégrale d'un déshabillage, etc. (3) ). Cette seconde catégorie d'exhibitions peut constituer un jeu préliminaire de séduction, auquel se livrent des enfants réfléchis et stratèges. Elle peut aussi constituer un signal ( un rien ) plus préoccupant ( petit jeu pervers pour troubler sans assumer la responsabilité directe de le faire ...). D'autres motivations s'ajoutent parfois à la provocation sexuelle ou la remplacent : montrer fièrement son propre degré de développement sexuel ( voire sa compétence à la masturbation ou à d'autres techniques sexuelles ); jouer à effrayer, surtout les enfants de l'autre sexe ( et parfois dénier ses propres peurs résiduelles, comme quand on joue au fantôme ), etc.

Denis ( dix ans ) fait occasionnellement irruption dans la chambre de sa soeur aînée ( douze ans) et parfois même de ses parents, sans pantalon de pyjama, en courant et en criant joyeusement. Il esquisse quelques gestes masturbatoires, puis se sauve toujours en criant, comme après une bonne farce. Est-ce une sorte de protestation virile face à des membres de sa famille vécus comme plus puissants que lui? Ne peut-on pas imaginer que cet enfant résilient gère son angoisse à l'inverse de ce que font certains énurétiques dans le même contexte?

Le maniement des interjections, des blagues et des gestes obscènes, voilà qui est proche de l'exhibition; c'en est le mode mi-sublimé, très accepté si pas valorisé entre pairs. Un petit groupe pousse parfois la provocation assez loin et débite ses obscénités ou ses fausses questions sexuelles au téléphone. Ces enfants cherchent alors particulièrement à contester la fonction maternante d'aide des « téléphones verts » qui leur sont destinés.

Des dessins et graffitis obscènes occasionnels ont la même intention; la psychanalyse y relève une composante « anale » associée ( l'enfant «  fait » une production, oeuvre d'art et déchet à la fois, destinée à s'effriter lentement comme l'excrément dans la nature ).

Il y a nu et nu : Il existe une série de sauts quantitatifs et qualitatifs entre les activités suivantes qui ont toutes en commun de mettre en valeur la nudité du corps, mais qui ne sont pas toutes pour autant liées à une excitation sexuelle :
  - Le naturisme, pratiqué spontanément par quelques enfants jeunes et le plus souvent en famille : plaisir d'une communion naturelle harmonieuse entre le corps nu et l'environnement, vécu sans excitation sexuelle.
  - Le plaisir d'être nu pour exposer toute la beauté et la puissance physique et sexuelle que l'on ressent en soi : ici, un vécu sexuel existe déjà, presque érotique, mais pas l'intention d'exciter sexuellement quelqu'un d'autre. Ce type de nudité est assez souvent réalisé « pour soi» et peut se limiter au temps d'une masturbation ou exister indépendamment de celle-ci. Certains préadolescents goûtent à ce plaisir en grand secret, quand ils sont seuls à la maison. Ce plaisir peut également être recherché en public, mais discrètement, quasi sans l'avouer et sans le lier à une excitation sexuelle ( plaisir des douches collectives dans les vestiaires sportifs ...).
  - Le plaisir d'exhibitions occasionnelles.
  - L'exhibitionnisme, rare chez l'enfant. La forme extrême des exhibitions est identique, mais d'autres critères les distinguent fondamentalement des simples activités ludiques et les incluent dans le cadre des activités perverses


Quelques activités sexuelles « archaïques »



Les activités et les plaisirs sexuels plus archaïques de la petite enfance sont désinvestis, mais pas vraiment abandonnés. Ils peuvent resurgir occasionnellement comme distractions alternatives claires et nettes : jeux urinaires, solitaires ou en petit groupe; goût pour les expressions et les blagues scatologiques; plaisir particulier à embrasser sur la bouche ou/et à lécher le corps, etc.

On constate surtout des dimensions archaïques minoritaires, tels les courants qui se mêlent dans un fleuve, qui peuvent infiltrer et colorer la sexualité génitale de l'enfant, pour persister probablement à l'adolescence et à l'âge adulte. Ainsi certains enfants, dans le décours de leurs activités génitales, sont particulièrement avides de donner ou de recevoir des câlins, comme à l'époque où ils étaient bébés; d'autres ont une certaine prédilection pour le « sexe oral »; d'autres, tout-puissants et dominateurs dans leur vie, vivent une sexualité conquérante et brutale et recherchent des partenaires qui aiment se soumettre, etc.



Les franches bizarreries 



Autour de la préadolescence surtout, les enfants se révèlent particulièrement audacieux; ils cherchent à affirmer leur puissance en explorant avec créativité les moyens de goûter au plaisir sexuel. Ils peuvent donc se montrer très inventifs et faire des expériences sexuelles « bizarres » : se faire lécher par leur petit chien, boire du pipi, se masturber dans les culottes de leur grande soeur, etc. La frontière entre normal et pathologique transitoire - type pervers - reste floue ( voir chapitre 4 pour le diagnostic différentiel avec les activités perverses ). Quand les adultes tombent sur le laboratoire sexuel de ces petits docteurs Mabuse, ils en sortent souvent très choqués. Pourtant, ces situations mériteraient une analyse sereine; ils comprendraient alors que leur forme est souvent beaucoup plus inquiétante que leur signification profonde dans les aléas du développement psychosexuel du jeune expérimentateur!

 

DU COTE DES FANTASMES

 

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La fantasmatisation qui accompagne les activités sexuelles enfantines est un domaine qui reste assez peu exploré et peu connu. Les enfants ne parlent guère spontanément (4) des fantasmes directement couplés à leur vie sexuelle et les adultes, psychothérapeutes inclus, ont quelque scrupule à les interroger à ce sujet en dehors de généralités (5) . Cela étant, l'enfant élabore souvent autour de ses activités sexuelles une vie fantasmatique qui est loin d'être triste. Ses fantasmes conscients côtoient mystérieusement des fantasmes inconscients, analogues ou différents. Ces derniers sont à l'origine d'autres productions de l'enfant, purement mentales ( rêves érotiques ou proches de l'être ) ou exprimées dans des dessins, des jeux, etc., au symbolisme tantôt très lisible, tantôt difficilement déchiffrable.



Un besoin de mise en scène 



Réminiscences, images, pensées ou scénarios conscients accompagnent une bonne partie des masturbations pratiquées par l'enfant. Même chez les plus petits ( six-huit ans ), il peut déjà s'agir de souvenirs captés à propos des corps et des organes génitaux, mais, plus souvent, ce sont des fantasmes de félicité non sexuelle ( souvenirs ou créations personnelles ). Au début, quand les sentiments oedipiens sont encore assez présents, le parent préféré peut y dispenser beaucoup de tendresse, et d'autres moments heureux de la vie familiale y être évoqués également. Plus l'enfant grandit, plus ses fantasmes prennent la forme de ceux de l'âge adolescent ou adulte : souvenirs d'expé- riences sexuelles agréables, éventuellement remaniées; images sexuelles souvent captées via les multimédias; pures créations érotiques de l'imagination, qui mettent parfois en scène tel copain ou l'élu du coeur, qu'il commence à aimer d'amour ... 

A titre de répétition . :Sur un forum, Gaëlle ( treize ans ) raconte comment elle a été surprise par sa mère à onze ans dans une activité masturbatoire proche d'une anticipation de la relation sexuelle : « J'avais mis deux coussins sous moi et je me frottais contre, [...] j'imaginais que c'était le meilleur copain de mon frère, Marc ( treize ans ); je l'aimais à mort. » ( N.B. : on peut saluer au passage l'hétéro- sexualité déjà bien affirmée de Gaëlle, et aussi ses désirs exogamiques, au-delà du groupe fraternel !)


N.B. : des productions mentales du même type peuvent également surgir en dehors de toute manipulation sexuelle, lors des moments de rêverie. Ils sont mélangés aux autres fantasmes de la vie, et le plus souvent de façon minoritaire.



Quand l'activité sexuelle est menée avec partenaire(s),

 

 des fantasmes conscients sont également susceptibles de l'accompagner, avec de nombreuses variations :
  - Pris dans « le feu de l'action », les partenaires ne fantasment rien; ils imitent tout au plus ce qu'ils ont vu sur une image pornographique.
  - Un rite, un scénario sexuel commun existe. il est mis en situation et guide les préliminaires, voire le coeur de l'activité sexuelle ( par exemple, faire semblant d'être les vedettes de Loft Story au moment où elles flirtent et passent à l'acte ), mais le script peut tout aussi bien être désinvesti en cours de route ...
  - Un jeu de rôle plus relationnel peut légitimer et pimenter la composante sexuelle qui s'y inclut ( le jeu du docteur des petits )
  - Il existe également des fantasmes intimes que l'enfant ne partage pas avec son partenaire du moment; ils concernent ou non celui-ci et se rapportent ou non à l'activité en cours : fantasmes très « perso », surgis de l'album intrapsychique érotique de l'enfant, qui se dédouble au cours de son activité sexuelle, jusqu'à être absent d'esprit dans ce qu'il fait! Ce processus se poursuit chez un certain nombre dans la suite de leur vie sexuelle; il n'est pas rare qu'il ne soit jamais communiqué au(x) partenaire(s) futur(s), même aimé(s).



Des scénarios préoccupants? 

 

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Pour autant qu'on puisse l'approcher, on peut s'interroger sur la vie fantasmatique de l'enfant quand :
  - Les fantasmes semblent totalement absents, la sexualité de l'enfant ne se déchargeant alors que par l'action.
  - L'enfant, surtout préadolescent, incapable de création personnelle, alimente exclusivement et plus ou moins avidement son imaginaire érotique en captant des images pornographiques et en se les rappelant passivement par la suite.
  - L'enfant cultive des fantasmes d'une seule catégorie ( très ) déviante, intensément et durablement.

  - Quoique diversifiés, les fantasmes sont très envahissants et pressent trop l'enfant de pratiquer une sexualité sans retenue adult-like et centrée sur le plaisir. A l'inverse, des fantasmes diversifiés et envahissants, couplés souvent avec le visionnage d'images pornographiques, retranchent certains grands enfants peu sûrs d'eux dans une sexualité solitaire, ne leur apportant que des satisfactions compensatoires.

 Fantasmes et déviances :Délicat d'apprécier quelle est le seuil de quantification au-delà duquel le critère « déviance » devient pathologique. En effet, les fantasmes servent aussi à éventer les scories de notre sexualité archaïque, sans que nous désirions passer à l'acte. Il est donc inéluctable et souhaitable que parfois, dans notre imagerie mentale, défilent images et scénarios « horribles » et inavouables. Ainsi peut-il déjà en aller pour l'enfant, le plus souvent à partir de dix-onze ans. Néanmoins, certaines personnes se fixent intensément sur tel type de fantasme déviant, sadique par exemple, cherchent de la documentation pour l'enrichir - vive Internet! - et n'excluent d'ailleurs pas de passer à l'acte si l'opportunité devait se présenter : elles s'installent alors dans un champ très trouble entre normalité et perversion.

 

LE CONTEXTE GENERAL


La prise de responsabilité par l'enfant et son rapport aux adultes 

 

garçon et fleurs



En son for intérieur, l'enfant qui va bien reconnaît au moins intuitivement comme siennes ses pratiques sexuelles : « C'était gai et instructif … Je l'ai voulu tout seul ... J'étais d'accord de le faire avec Maud ... » Si les adultes l'apprennent, l'enfant est souvent embarrassé, gêné, mais il n'est pas vraiment catastrophé. Par la suite, si l'adulte demande à l'enfant de prévoir un autre cadre pour son activité ou s'il en interdit la récidive, ce dernier se montrera à tout le moins prudent et s'abs- tiendra de s'opposer ouvertement. Plus souvent d'ailleurs, il s'efforcera d'obéir à la consigne reçue et même d'en intégrer le sens, ce dont seront incapables certaines catégories d'enfants préoccupants.

Selon les familles :Il existe une corrélation entre la reconnaissance ou la négation verbalisée de ces activités par l'enfant et les intentions d'accueil ou de désapprobation qu'il prête aux adultes :
  - Dans les situations les plus tendues, où l'enfant se sait en conflit avec un ordre adulte répresseur ou culpabilisant, il commence souvent par nier les faits, voire par accuser son ( ses ) partenaire(s) de l'avoir entraîné à son corps défendant; mais il ne s'entête pas farouchement à nier, à la différence d'autres types d'enfants conscients d'avoir fait des choses vraiment inacceptables.
  - A l'autre extrême, dans des familles accueillantes et détendues, la découverte d'une activité sexuelle infantile d'allure banale s'accompagne de discrétion et de tolérance et autorise à vivre des expériences positives.
  - Subsistent quelques familles où, sans doute pour régler leurs comptes avec le passé, les parents sont un peu trop curieux ou encourageants pour la sexualité infantile, sans aller jusqu'à créer un climat incestuel trouble. Ici, la découverte d'une pratique sexuelle infantile pourrait déclencher un sourire entendu. Pour l'enfant qui le reçoit, c'est parfois compliqué à vivre : il ne se sent pas coupable, non, mais il n'est pas certain qu'il apprécie entièrement l'indiscrétion de ses parents.

 

L'ambiance affective 



Le coeur de l'ambiance affective, c'est une joie, un amusement spontané. S'y ajoute souvent, surtout au début, un frisson d'excitation, de fébrilité ( satisfaire sa curiosité et savoir ... prendre des risques ... défier les adultes!). D'abord modeste, la place du plaisir érotique devient de plus en plus prégnante. Quant à l'angoisse ( et éventuellement à la culpabilité ), il est courant qu'il en persiste une « pointe », même si l'enfant se développe positivement. Elle n'est pas liée essentiellement à la crainte réaliste des doubles messages souvent présents dans le discours adulte. Elle signe aussi la persistance de résidus d'un conflit intrapsychique fondamental autour de la sexualité.



Autres caractéristiques circonstancielles 



L'activité est souvent spontanée, déclenchée par le hasard ou par un stimulus imprévu : ennui, rêveries précédant le sommeil, surf sur l'ordinateur, besoin de faire pipi à deux au même moment, etc. Elle n'en est pas pour autant impulsive, au sens de la soudaineté irrésistible. Il est plus rare qu'elle s'inscrive dans un programme bien organisé à l'avance (6) .

Un imprévu :C'est parce qu'ils viennent de voir le petit frère de Marion tout nu, que celle-ci ( six ans ) a l'idée de prendre par la main son ami Lucas ( six ans ) et de le conduire dans sa chambre. Elle lui propose qu'ils se déshabillent; ils le font, se regardent et se touchent ... La maman entre et les surprend; les enfants se justifient : « C'est parce qu'on a vu le zizi de Mathieu!»
Cette activité sexuelle ne s'exerce pas à haute fréquence et reste récréative : quelques copains se réunissent pour faire toute sorte de choses : discuter, jouer, chahuter, faire du sport ... et à l'occasion un peu de sexe. Il en va de même pour la partie de la sexualité pratiquée seul : comme une détente, un moment de création alternative et de récréation dans une vie bien occupée.


Les activités explorées et pratiquées sont diversifiées, avec une progression vers les formes plus adultes de la sexualité. L'enfant pratique sa sexualité discrètement, loin de la génération des adultes et même des autres de son âge non concernés. Néanmoins il ne cherche pas à se barricader comme le font ceux conscients d'entreprendre des choses très répréhensibles ( par exemple, enfants pervers ). 

LA PLACE DE L'AUTRE


L'enfant qui va bien pratique souvent une partie de sa sexualité en compagnie, et même quand il exerce seul, ses fantasmes peuvent rendre l'autre présent, tendre, excitant ou désiré.



Le statut de l'enfant partenaire 



Il y a très souvent parité de statut. Dans la majorité de leurs activités sexuelles partagées, les enfants qui se développent bien ont le même statut ou, plus essentiellement, ils ont le sentiment qu'ils l'ont. Cette conviction fondamentale s'impose naturellement et précocement, assortie de quelques approximations dans les trois critères suivants qui définissent les statuts:

1. Un enfant ne s'adresse pas sexuellement à quelqu'un ressenti significativement plus faible sur le plan affectif ou cognitif (7) .
2. La taille physique est un autre critère clé aussi longtemps que l'enfant vit sous l'égide principale d'une intelligence centrée sur le concret. En son nom, il dédaigne les enfants physiquement beaucoup plus petits. En revanche, un garçon de douze ans ( pas trop développé ) peut considérer une cousine de huit ans futée et déjà en croissance comme une partenaire égale à lui.
3. La similitude ou la différence d'âge est un repère social qui, pour l'enfant, a une moindre valeur en soi que les deux précédents. Certes, de facto, les « plus grands » dédaignent et protègent même un peu les plus jeunes, ceux des classes maternelles ou du début des primaires (8) , mais il ne faudrait pourtant pas conclure trop rapidement que serait nécessairement pathologique un jeu de docteur entre un frère de sept ans et sa soeur de quatre ans avec qui il s'entend bien ...

Dans nombre de cas, ces trois critères s'accordent et la fourchette des âges engagés est de l'ordre de deux ou trois ans. Néanmoins, si les deux premiers critères sont respectés ( maturité développementale et taille ), elle peut s'élargir jusqu'à cinq ans sans quitter pour autant les rives de la bonne santé sexuelle. En cas de différence d'âge, un réflexe classique consiste à considérer l'aîné comme le plus responsable ( le dominant, celui qui a entraîné l'autre, etc. ). C'est souvent vrai, mais pas toujours! Des cadets peuvent être très entreprenants, dominateurs et déstabiliser des aînés plus passifs ou plus faibles. Il faut s'en souvenir. De même, ce ne sont pas toujours les garçons qui prennent l'initiative d'entraîner les filles.



Le fait d'être frères et soeurs n'arrête spontanément qu'une partie des enfants,

 

et souvent au fur et à mesure qu'ils grandissent. D'autres ne voient dans leur frère ou soeur qu'un partenaire facilement accessible. Les activités sexuelles qui s'ensuivent sont susceptibles de rester acceptables, sinon épanouissantes; elles sont toutefois moins nombreuses que celles pratiquées hors de la fratrie et décroissent au fur et à mesure de l'approche de la puberté. (

C'est pas moi, c'est elle ! Robert ( quinze ans) demande de l'aide aux sexologues du forum Elysa parce qu'il s'est « bêtement laissé faire [...] et je crois que c'est mal : on jouait à cache-cache avec ma cousine de neuf ans; on était dans la même cachette; elle a attrapé mon pénis et l'a frotté; puis, elle a pris ma main et m'a fait baisser son short et sa culotte; elle a voulu que je la caresse et j'ai pas résisté. [...] Après cette première fois, c'est encore arrivé deux ou trois fois; c'est toujours elle qui demande et sur le moment ça me plaît. Mais j'ai peur d'être pédophile.»

 


Et quand un jeune devient pubère? 

 


Supposons qu'il le soit devenu après son douzième anniversaire : je considère, un peu arbitrairement, que c'est une frontière d'âge où ce jeune est susceptible de se vivre comme à l'aube de son adolescence. Outre le fait que, assez souvent, c'est une période où ils n'aiment pas trop montrer leur corps sexuel dénudé, dont ils ont une image ambivalente, certains de ces jeunes ont donc l'intuition qu'ils accèdent à un statut nouveau. Ils peuvent alors décider spontanément de cesser les activités sexuelles avec des enfants impubères et même avec des préadolescents en développement, mais pas encore pubères. C'est l'issue la plus simple!

D'autres ne changent pas de projet sexuel au seul motif du déclenchement de leur production séminale : ils l'espéraient avec une intensité variable, mais elle ne modifie d'abord en rien leurs attentes sexuelles ni leur psychologie du moment. Ou plutôt, cela stimule leur fierté, leur désir de séduire, en qualité de ( jeune ) homme ou ( jeune ) femme, leur désir de faire des démonstrations pratiques aux cadets ... en même temps que s'accroissent leurs besoins érotiques.

Lorsqu'un grand entreprend de séduire un ( trop ) petit, la communauté adulte peut faire face à cette difficulté de la façon suivante :
  - Prévenir les accidents, notamment par une information et une sensibilisation concrètes et précoces : si on parle aux enfants de la puberté, il faut aussi évoquer les risques liés aux relations sexuelles à cette période de la vie et les précautions à prendre (9) .
  - Accepter l'idée qu'une activité sexuelle qui a eu lieu entre jeune pubère et non pubère est susceptible d'être vécue positivement si elle correspond aux autres critères développés plus haut
  - Pour l'avenir, discuter avec les jeunes concernés et essayer de les convaincre que la puberté - réalité physique - devrait entraîner des rites et des choix nouveaux de partenaire - réalité psychologique et sociale. Les pubères avec les pubères ( ou avec ceux qui sont en fort développement pubertaire ) voilà un des chemins par lesquels on finit par se ressentir comme jeune adolescent!
  - Même s'ils n'en acceptent pas l'idée, instaurer cette dernière affirmation au titre de règle puissante 


Que se passe-t-il si la puberté est beaucoup plus précoce? Un peu arbitrairement, imaginons qu'elle se soit produite avant le onzième anniversaire (10) . Beaucoup de jeunes concernés se sentent plutôt souvent encombrés psychologiquement que joyeux de ce qui leur arrive. Ils ont donc tendance à se replier, au moins transitoirement, vers une sexualité solitaire. Il faut d'abord et avant tout les aider à garder ou à retrouver confiance en eux et en leur « soi sexuel et sexué », leur donner les informations biologiques nécessaires, y compris sur leur fécondité potentielle et la raison d'être de la contraception.

S'ils ont des activités sexuelles partagées répondant aux autres critères énoncés plus haut, il faut pouvoir admettre qu'elles puissent d'abord rester vécues comme positives, émanant de filles ou de garçons qui se sentent encore comme des enfants dans un corps grandi trop vite. Ils relèvent donc dans un premier temps de la même politique éducative que pour les autres préadolescents, encore prépubères. Puis, au douzième anniversaire par exemple, on veillera à ce qu'ils se sentent porteurs d'un autre statut.



Les exceptions à la règle de la parité des statuts 

 

 
Lorsque j'ai décrit les activités d'initiation normales, j'ai signalé que l'initié avait souvent un statut un peu plus faible que l'initiateur; celui-ci estime néanmoins que son apport est intégrable psychologiquement, avec un résultat globalement positif. L'autre cas d'espèce est plus rare : il concerne des enfants jeunes ( à partir de huit ans ), intelligents, délurés, sans beaucoup de scrupules sexuels, qui sollicitent ouvertement un adolescent ( jusqu'à quatorze- quinze ans ) pour une initiation ou une activité déjà connue ( j'en ai déjà proposé deux illustrations, version vécue par l'adolescent qui craignait du coup d'être pédophile ). il s'agit le plus souvent d'une demande improvisée, souriante et décidée que d'une longue manoeuvre de séduction. Ces enfants proposent une activité plus typique de leur âge développemental que de celui de l'adolescent sollicité : voir, montrer, toucher ... Leur art réside à interpeller un jeune qu'ils devinent gentil, suggestible ou intéressé par le sexe (11) . Ils n'essuient donc pas toujours un refus.

Si l'aîné sollicité n'est pas un frère ou une soeur et qu'il accepte, l'activité sexuelle restera vraisemblablement sporadique et de brève durée (12) : l'enfant s'en lasse vite ou l'adolescent se reprend et désinvestit son manège avec une certaine honte. Au sein de la fratrie, il est possible que l'activité persiste plus longtemps, un an ou deux, occasionnellement, sans que les partenaires engagés ne deviennent affectivement et sexuellement dépendants.

En soi, ces activités pourraient donc toujours entrer dans le cadre « suffisamment positif » du présent chapitre, Si elles correspondent aux autres critères évoqués. Néanmoins, connues par l'adulte, il est souhaitable qu'elles fassent l'objet d'une règle puissante d'interdiction à cause de la différence d'âge importante.



Avec le partenaire élu

 



Entre six et environ huit ans, le partenaire est du même sexe ou de l'autre : l'ami, la petite voisine qui vient jouer à la maison et à qui, le coeur un peu battant, il montre sa trousse de docteur dans l'intimité de sa chambre, mais aussi la soeur préférée, le cousin venu loger et avec qui il partage le bain et quelques petites autres choses de la vie ...

Entre sept ans et demi et neuf ans, l'intérêt pour les jeux sexuels semble tomber à son niveau le plus bas (13) : se montrer son anatomie, c'est plutôt pour les bébés (14) . En outre, les angoisses de la période précédente sont largement apaisées et davantage de pudeur s'est mise en place, tant comme valeur que comme contrainte. Enfin, aucune poussée hormonale ne se manifeste déjà pour accroître l'excitabilité sexuelle du groupe. On s'adonne donc plutôt à la science et on joue avec le vocabulaire, plus quelques extensions occasionnelles : défis, voire investigation policière ( on rampe jusque tout près du buisson où les grands ados s'ébattent ...). Tout se passe maintenant en groupe homosexué, question de bien s'identifier comme fille ou garçon, notamment dans le mépris de l'autre sexe.

Autour de onze ans, il y a une réactivation de l'activité sexuelle pratique. Une bonne partie des préadolescents normaux garde beaucoup de pudeur ou de timidité et ne s'y exerce qu'en solitaire. D'autres font le chemin inverse et s'ouvrent maintenant à des activités sexuelles partagées, souvent avec un pair de leur sexe ou avec la petite bande homosexuée de toujours, plus rarement avec leur meilleur ami. C'est l'époque où l'on joue à se chatouiller et à se battre « pour de rire », mais en en profitant pour s'effleurer quand ce n'est pas pour s'empoigner franchement les parties intimes à travers les vêtements ... C'est aussi l'époque où le plus hardi des deux montrera impulsivement son sexe en érection, en baissant puis en remontant vite son pyjama, au bon copain venu dormir à la maison ... C'est enfin l'époque où trois ou quatre camarades ont un lieu de rendez-vous secret, où ils vont parler de leurs parents difficiles, épancher leur amertume sur les injustices sociales, fumer et s'initier aux activités vraiment érotiques : en ces temps de nouvelles insécurités internes, peut-être leurs similitudes masturbatoires et celles de leur psychologie sexuelle les rassurent-elles comme l'enfant de six ans se rassurait à travers ses vérifications! Certains enfants pressentent l'orientation homosexuelle de leur vie future dès leurs onze-douze ans et l'identifient même parfois conceptuellement.

A la rencontre de l'autre : Outre les trois critères de choix que sont la maturité développementale, la taille et l'âge, une sexualité partagée positive présente encore les caractéristiques suivantes :
  - Le consentement de chacun : initiative et proposition faite par le plus déluré, réponse positive immédiate de l'autre ( des autres ... ; parfois, la réponse est plus lente à venir, plus passive, plus infiltrée d'ambivalence, mais, en fin de compte, l'autre donne un accord, même si c'est avec quelques réserves.
  - La mutualité : coopération à un scénario, négociations sur le programme et concessions à l'autre, sollicitude pour ce qui fait plaisir à l'autre.
  - Le dépassement, très souvent, d'une simple dimension d'« éclate » : on s'amuse ensemble, on rit, on se parle. Les jeux ou activités en cours engagent le sexe et le dépassent à la fois : ce sont des rencontres entre personnes.

 


A propos des « petits couples » précoces 



Chez une petite minorité des préadolescents qui se livrent à des activités sexuelles partagées, il peut s'installer une sorte de prématurité sexuelle, amenant à investir plus exclusivement un partenaire de la même nature et grosso modo du même âge, plus souvent de l'autre sexe que du leur (15) .

Ces vrais couples précoces vivent un lien affectif positif - camaraderie? amour? - et ils réalisent la progression sexuelle décrite jusqu'aux pénétrations en tout genre. Ils ne sont pas légion, mais ne crient pas nécessairement leurs exploits sur tous les toits : ils se dissimulent très bien ou alors l'un ou l'autre confident de leur âge le sait, qui en fait souvent autant de son côté (16) .

Les couples-spectacles :Il existe aussi des couples de façade, assez fréquents, propulsés sur le devant de la scène par le besoin de paraître de chaque partenaire, les provocations du groupe des pairs et même, moins fréquemment, celles des familles! Les jeux publics de mise en place, puis de rupture de ces couples peuvent commencer dès huit-neuf ans ou plus tard, sous le regard et avec la participation des petites bandes homosexuées d'appartenance respective. A leurs débuts, il n'est pas sûr que les deux partenaires éprouvent vraiment des sentiments pour l'autre, sinon le désir de s'affirmer sexué, voire sexuel grâce à cet autre. Observe-t-on, dans ce cas, davantage d'engagement personnel quand ils arrivent à la préadolescence? Probablement, mais il s'agit encore de jouer un rôle : les filles s'habillent très sexy pour provoquer les garçons; des billets d'amour transitent par les bancs de la classe (17) ; les garçons échangent mille grossièretés sur celle qu'ils convoitent le plus et s'envoient des défis (« T'oserais pas te faire sucer ...»). Des intermédiaires sont dépêché(e)s à l'élu potentiel, avec des messages clairs et nets (« X demande si tu veux sortir avec »). Sur cette base semi-publique, des couples se font et se défont, à grands renforts de colère et de souffrance-spectacle; quand ils sont actifs, marivaudage et « drague » s'arrêtent souvent juste au-dessus de la ceinture (18) .
Beaucoup plus rares, les vraies amours enfantines commencent parfois très tôt. Les Roméo et Juliette en herbe éprouvent des sentiments positifs mutuels très profonds et très stables, à l'instar de ce qui se vit dans les couples adultes les plus chanceux. Ils sont parfois bien timides et, quoique pressentant leur attraction mutuelle, ils restent d'abord à distance, de peur de briser l'enchantement. Quand ils finissent par se rapprocher, il est rare qu'ils se fassent des déclarations langoureuses. Leur relation se vit dans la discrétion, avec beaucoup de délicatesse, de tendresse et de pudeur. Ils détestent qu'on les « charrie » à propos de leurs sentiments, voire qu'on les dérange quand ils font ce qu'ils aiment le plus : être ensemble, côte à côte; ils adorent se regarder, se prendre la main en promenade ou se donner un petit bisou chaste. Ce n'est pas nécessairement ensemble qu'ils jouent le plus, mais bien ensemble qu'ils ont les discussions les plus profondes. ils s'offrent des cadeaux, mille petites attentions et se protègent mutuellement. Habituellement, ils ne désirent pas de contact sexuel direct ((19) : seuls des adultes nostalgiques du « paradis terrestre naturiste perdu » fantasment l'inverse. Si un hasard matériel met fin à leur relation, leur chagrin peut être profond et durable.
Il n'est néanmoins pas fréquent que ces petits couples restent aussi unis et amoureux à partir de la seconde adolescence. Même si c'est bien de l'amour qu'ils vivaient jusqu'alors, le fait de n'avoir pas désiré engager leurs corps dans l'aventure devient progressivement un obstacle irréversible. Alors, ils s'adressent à un autre, de commun accord implicite ou pas, pour une nouvelle étape de leur vie. Mais ils peuvent rester de grands et tendres amis, même si la vie les sépare trente ou quarante ans. 

 

 POUR METTRE UN BEMOL


Aucun être humain n'est en mesure de vivre en permanence au coeur de la normalité, avec une santé mentale éclatante ... ou affreusement étale. Chez l'enfant qui se développe bien, les excursions occasionnelles dans le monde de la pathologie se limitent à un acte isolé ou à quelques-uns qui se répètent lors d'une phase de brève durée : trip d'un jour ou « vacances » de quelques semaines dans un club contestable. Il ne rachète jamais de billet ou alors, au pire, deux, trois fois sur la durée d'une vie.

Personne n'est parfait La grande majorité des enfants sont concernés par ces écarts, dont le déterminisme est plurivoque: des circonstances extérieures ou les aléas de ses élaborations mentales personnelles font que l'enfant traverse une « mauvaise passe » ( par exemple, un épisode dépressif ). L'enfant est transitoirement sous l'influence d'un mauvais copain ou d'une petite bande; il a envie - sans raison - d'expérimenter son pouvoir de transgresser ou de faire le mal, etc.

Certaines fois, l'enfant s'égare du côté de la pathologie, sans intention de commettre une transgression majeure. On assiste alors à une exacerbation, surtout chez les plus jeunes, de l'angoisse et des vérifications sexuelles brutales ( par exemple, introduction de thermomètres, de crayons, de pailles par les orifices intimes - vagin, anus, si pas urètre ) ou bien à une exacerbation de la culpabilité sexuelle et de l'inhibition ( fuite du groupe des autres quand ils parlent de sexe, pudeurs excessives, punitions secrètes infligées aux organes génitaux, etc.). Parfois aussi, on constate, lors de phases de tristesse ou d'échec, un hyperinvestissement de la masturbation-refuge ou encore un entraînement transitoire dans de la sexualité sans retenue, suite au hasard d'expériences particulièrement plaisantes.

D'autres fois, l'enfant assume commettre une transgression majeure, mais, habité par ses émotions du moment, il s'y abandonne, voire le désire activement. Son acte est à la fois mauvais et pathologique (20) . Cela peut aller très loin : torturer un animal, ne pas dire « non » si sa petite bande procède à un viol collectif, terroriser et molester un plus petit (21) ... Dans le cercle familial, un enfant aîné, fille ou garçon, peut ainsi se livrer à une initiation ou à une activité sexuelle violente et passagère sur un cadet, en le trompant grossièrement ou en le terrorisant afin qu'il se taise. Cela dure une, deux, trois fois, le temps d'une mauvaise passe. Quelle mouche peut bien piquer cet aîné, habituellement correct? Le besoin de marquer son droit d'aînesse et son emprise, via une sorte de droit de cuissage? Une grosse frustration qu'il vit et qu'il éponge sur le premier punching-ball venu? Une jalousie mal liquidée, avec le besoin de nuire au petit et de le salir? Un jour, Juan ( huit ans ) me dessine une fille nue avec quelques poils et un gros clitoris surchargé au crayon noir. Avec beaucoup de gêne, il m'expliquera que sa grande soeur ( quatorze ans ) lui a montré et expliqué son sexe en détail, puis a exigé qu'il le touche et le lèche ... Après, elle lui a demandé pardon et lui a fait jurer de se taire ... Un an après, c'est Jean- Baptiste ( neuf ans ) qui réalise un dessin obscène ( ce qui ne lui est pas coutumier ). J'insiste pour savoir en quoi un tel dessin pourrait le concerner, lui, et il finit par me raconter que son grand frère, Benoît ( seize ans ), a tenu à lui montrer son sexe en érection, les techniques de la masturbation et l'éjaculation. Ce serait arrivé une fois, Benoît ne lui aurait rien demandé à lui, sinon de regarder. Ensuite, il serait parti gêné et n'en aurait plus jamais parlé.

Dans tous les cas, lorsque ce sont bien des enfants fondamentalement en bonne santé mentale qui se livrent à ces exactions, on constate néanmoins que :
  - Ils ne vont qu'exceptionnellement au bout de l'horreur ( tuer, prolonger dans la durée un abus sexuel patent ...). Leur conscience morale reprend le dessus et les en dissuade.
  - ils font spontanément marche arrière: ils regrettent leurs actes et prennent des dispositions personnelles pour ne pas récidiver; ils s'efforcent même parfois de réparer leur faute tout seuls.

L'admettront-ils publiquement, spontanément ou s'ils sont soupçonnés? Pas facilement! Ils souhaiteraient que leurs exactions demeurent secrètes comme l'ont été les nôtres à leur âge. S'ils sont pris, c'est le drame, car leurs parents, sincèrement, ne comprennent pas : c'est comme si un seul acte détruisait tout ce qu'ils ont donné de positif à l'enfant.

Réagir, mais comment? Reconnaissons-le humblement : une expérience professionnelle confirmée ne suffit pas toujours pour statuer aisément sur la dimension saine ou maladive, acceptable ou mauvaise d'un acte sexuel infantile, pas plus que sur son pronostic. Et ceci à supposer que l'on puisse faire abstraction de la subjectivité de l'évaluateur, qui constitue une première difficulté sur le chemin!

Pour évaluer correctement, il faut disposer d'une description précise et sereine de l'activité et une observation dans la durée de son caractère isolé, rare ou répétitif. Que de fois, en réunion d'équipe, des rumeurs portant sur de dangereux satyres des deux sexes ne se sont- elles pas dégonflées et transformées en un « touche-pipi » mutuel lorsque l'on exige tranquillement des précisions ... il faut aussi pouvoir pratiquer une mise en perspective en référence à l'âge développemental de l'enfant, à ses fréquentations, à sa culture, au fonctionnement de sa famille, à la violence ou non qui règne à l'école, etc.

Même ainsi, pourtant, les difficultés peuvent persister! Pensons, par exemple, à des comportements sexuels qui commencent à s'exprimer sans retenue. A partir de quelle intensité entrent-ils dans la catégorie des comportements « préoccupants »? Et si l'enfant pose des comportements sexuels très dominateurs, quand dépasse-t-il vraiment la frontière de l'abus? Et que penser de certaines bizarreries sexuelles? Où s'arrête une curiosité, une créativité encore acceptable? Et que répondre à Pierre ( onze ans) qui écrit sur un forum : « Eh, les gars, moi avant (... ?) quand je me masturbais, je mettais toujours le lange de mon petit frère; parfois, quand y avait personne, je me promenais dans la maison avec ... c'est cool de savoir qu'il y en a d'autres qui le font aussi. »

 

Les enfants mosaïques 

 


Les difficultés d'évaluation sont particulièrement nettes dans le cas des enfants « mosaïques ». Je nomme ainsi les enfants qui, sur de longues durées, sont mi- satisfaisants, mi-préoccupants. Ils développent une partie de leur potentiel positif, mais ils sont aussi « trop ceci ou cela » : trop nerveux, trop dépendants, trop anxieux, trop intolérants à la frustration ou tout-puissants. Cela se révèle pénible à vivre pour eux-mêmes et leur entourage. Pour ces enfants à la santé mentale «  intermédiaire », les comportements sexuels posent parfois question, eux aussi : un peu trop de culpabilisation et d'angoisse autour de la sexualité, avec les comportements inhibés ou compulsifs qui s'ensuivent, une sexualité un peu trop « sauvage », trop impulsive, etc.


Pour autant, ces incertitudes ne doivent pas arrêter le processus éducatif. Parents, éducateurs ou psychothérapeutes concernés peuvent toujours penser et commenter : « Ce que tu as fait, nous ne savons pas si c'est bien ou mal, normal ou maladif, mais nous voulons que tu t'arrêtes parce que nous n'aimons pas ( pour telle raison ...) et tu dois obéir, parce que c'est ainsi dans notre maison ... 

NOTES



1. En 1993, T. Cavanagh Jonhson estimait à 4 % le nombre de preteens américains en bonne santé mentale qui avaient déjà pratiqué une pénétration sexuelle sous l'une ou l'autre forme. Dix ans plus tard, le pourcentage doit s 'être élevé d'une ou deux unités ...
2. Mat(t)er : examiner quelqu'un en le déshabillant des yeux.
3. A partir de la préadolescence on y joue même parfois à plusieurs, via imitations de strip-tease et autres strip-pokers.
4. Et lorsque quelques-uns, devenus adultes, en parlent dans des biographies romancées, il est tout aussi difficile d'évaluer la part de ce qui est souvenir fidèle, pure fiction ou reconstruction de bonne foi après coup ! Il en va de même lorsqu'ils en parlent à un psychothérapeute ...
5. Par exemple, quand un préadolescent est inquiet pour son orientation sexuelle, le thérapeute peut l'interroger sur le contenu général de ses fantasmes masturbatoires sans lui faire raconter des scénarios dans les détails
6. Il faut distinguer néanmoins l'organisation rendue nécessaire par les circonstances ( par exemple, programmer de se retrouver à trois vers telle heure, parce qu'on sait que les parents ne sont pas là ) et celle qui n'est mise en place que pour amplifier le plaisir sexuel, et qui fait déjà partie de celui-ci ( activité perverse ).
7. En revanche, et bien que ce soient des occasions rares, le seul handicap physique de l'autre ne constitue pas un obstacle de principe: sans endoctrinement politique, l'enfant reconnaît l'égalité de leurs droits à une catégorie de pairs handicapés ..
8. Dans le dessin animé South Park ( T. Parker, 1997 ), des enfants de neuf-dix ans regardent par hasard de la pornographie sur Internet ( ils faisaient une recherche sur le mot « clitoris ») mais quand le petit frère de cinq-six ans essaie de se joindre à eux, ils le rabrouent immédiatement.
9. Discuter avec les enfants du fait qu'il est préférable de ne pas entamer des relations sexuelles trop précocement; ceux et celles qui prendront quand même la responsabilité de le faire doivent savoir qu'existent des risques physiologiques ( première éjaculation imprévue et déjà fécondante; première ovulation en cours avant les premières règles ). Dès qu'on commence à se développer, il faut donc agir de façon responsable si l'on décide envers et contre tout d'avoir une relation : se débrouiller pour se procurer un préservatif, pas de pénétration vaginale, etc.

10. En ce qui concerne les filles, ce peut être encore physiologique. Pour les garçons, les pubertés très précoces sont souvent liées à des affections somatiques.
11. Nord-américains et Canadiens semblent avoir pas mal d'expériences de ce type avec des jeunes baby-sitters de quatorze-quinze ans.
12. Du moins quand il s'agit d'enfants sains, qui ne sont donc ni carencés affectifs ni pervers.
13. Semble ? Il y a un déclin réel, pour les raisons exposées dans le texte, mais il y a aussi le fait que l'enfant est plus avisé et plus prudent, et se fait moins attraper naïvement par l'adulte que l'enfant de six ans.
14. A part quelques coups d'oeil comparatifs, chez les garçons, quand on fait pipi - pardon, qu'on pisse - en compagnie.
15. Lorsque ce petit couple se constitue entre copain du même sexe, qui, ici ont une pratique décidée et hard, ce n'est pas entièrement déterminant pour l'orientation sexuelle future. Nous en reparlerons en décrivant les prémices de l'homosexualité.
16. Au pire, il peut exister des partouzes très précoces, mais il s'agit alors de la catégorie plus préoccupante du fonctionnement sexuel sans retenue, que je décrirai par la suite
17. Ou plutôt, aujourd'hui, des SMS sont envoyés, mais à proximité de pairs-témoins.
18. Souvent mais pas toujours : une minorité de ces couples de façade vont jusqu'aux activités sexuelles adult-like
19. Les activités à finalité sexuelle n'existent guère. En revanche, plus ils sont jeunes, plus il peut se produire qu'ils se trouvent nus ensemble ( par exemple, lors d'un bain ), le plus naturellement et le plus chastement du monde. Parmi les nombreux livres pour enfants qui traitent le sujet avec délicatesse, on peut lire le joli Ben est amoureux d'Anna ( Hartiing, 1981 ) : à une occasion précise, Ben et Anna approchent une expérience sexuelle ( se baigner nus dans la rivière et se regarder ) et s'en trouvent considérablement gênés.
20. A mes yeux, toute transgression majeure est et mauvaise et pathologique. La normalité inclut parmi ses critères le respect des Lois naturelles. Y contrevenir sciemment, c'est mal et l'on sort de la normalité. Le fait que l'acte soit pathologique ne change pas ipso facto quelque chose à la responsabilité et à la culpabilité de son auteur.
21. Exemple d'un autre ordre, commun, apparemment plus soft mais pourtant bien destructeur pour celui qui en fait les frais. Si des enfants sont surpris à un jeu sexuel, le plus passif, le plus suiveur, laisse souvent accuser l'enfant dominant-initiateur d'être un abuseur ... or, au fond, c'est une stigmatisation injuste et grave, que le premier tolère néanmoins sans broncher pour sauver sa peau.

 

 

 

Facteurs de mise en place

Nous décrirons quatre catégories de facteurs susceptibles soit de favoriser l’éveil de la sexualité, soit de l’entraver. Nous appellerons le premier : « Force endogène de la vie ». Second facteur : les autres humains, témoins, commentateurs, répresseurs ou partenaires del’éclosion et de la croissance de la sexualité. 

Nous aimons comparer le développement de la sexualité à celui d’un arbre fruitier au devenir assez imprévisible. Au-delà d’un symbole de fécondité, l’image nous plaît, parce que la complexité de l’organisation des branchages, leurs chemins tortueux, les branches maîtresses qui finissent par se dégager plus ou moins clairement rendent bien compte du développement multiforme de nos intérêts sexuels ; il finit par se constituer des chemins plus mûrs et plus forts, mais aussi une foison de « branches basses » ( Stoller R., 1985 )    
 Eh bien pour l’arbre-sexualité, les autres humains, c’est comme la chaleur du soleil ou le froid, la qualité de la terre et de l’eau nourricières … 

Troisième facteur, ce sont quelques Instances intrapsychiques réalisant leurs objectifs spécifiques en se servant de l’activité sexuelle, sans pour autant concourir aux finalités les plus fondamentales de celle-ci. Néanmoins, pour « satisfaire » ces facteurs, l’enfant apprend à entretenir et à amplifier  sa vie sexuelle. 

Enfin, l’être humain est doté d’intelligence et de liberté : ce sont ces Instances ultimes qui le conduisent dans la majorité des cas à des choix réfléchis par lui et à des décisions personnelles, en matière sexuelle comme dans bien d’autres domaines de la vie. 

La force endogène de la vie

 

 

de nos vies biologiques et intrapsychiques. Même si sa nature et sa composition plus précise et les processus de son fonctionnement restent passablement mystérieux !  A vouloir trop l’expliquer, on entre vite dans le langage de la médecine de Molière ! Nous nous limiterons à constater que : 

►- le phénotype de l’enfant se déploie progressivement, en ce inclus son appareil sexuel et, au moins pour une part, ses dispositions d’esprit autour de la sexualité. L’arrivée à maturité de ce phénotype amènera tôt ou tard le grand nombre à s’assurer une descendance, c’est à dire à participer à la continuation de l’aventure génétique ainsi qu’aux joies de la relation et de la transmission spirituelles. Nous verrons dans l’alinéa suivant que la présence et les attitudes des autres humains, contribuent largement à l’épanouissement ou à l’étiolement du développement sexuel : ainsi, par exemple, l’adolescent ou le jeune adulte demeurant significativement autiste n’a pas de vraie vie sexuelle – hormis quelques masturbations erratiques – vraisemblablement parce qu’il est incapable de « capter l’autre » dans sa globalité et d’entrer en relation avec lui.

►- Le déploiement de notre être, c’est celui d’un corps, mais aussi d’un « monde intrapsychique » (pensées, projets, intelligence, valeurs, exercice de la liberté, etc.). Certaines réalités en nous sont d’ailleurs mixtes, corporelles et psychiques (les affects, les pulsions, les désirs …). Une question fondamentale est de savoir si notre déploiement psychique est entièrement subordonné à notre cerveau et à d’autres  signaux qui viennent de notre corps, ou s’il existe et une subordination partielle à la matière cérébrale et une dimension de transcendance de l’Esprit. Cette dernière hypothèse renvoie in fine au Surnaturel et à l’existence de cette entité que nous appelons Dieu. 

Cette question essentielle ne sera pourtant pas discutée ni tranchée dans ce texte ; toutes les considérations qui suivent, qui se veulent des descriptions et des hypothèses scientifiques, conviennent tant aux lecteurs matérialistes que spiritualistes, dont nous sommes. 

L’influence des autres humains sur la sexualité de l’enfant 

Nous répertorierons schématiquement les êtres humains qui entourent l’enfant en trois catégories : 

►- Les parents, ceux qui en tiennent lieu et celles et ceux, le plus souvent adultes, qui ont une responsabilité éducative forte et directe (par exemple : les enseignants)

►- Les pairs, celles et ceux qui appartiennent à la même génération que l’enfant et notamment ses camarades, amis, voire celui ou celle qu’il aime ou aimera tôt ou tard d’amour. 

►- La société dans son ensemble : personne morale qui influence l’enfant à partir de son organisation, ses rites, sa culture, ses lois, etc. 

Tous ces humains sont susceptibles d’influencer le devenir sexuel de l’enfant en référence à leur témoignage de vie ou  à des attitudes ou commentaires directement destinés à celui-ci. En outre, certains d’entre eux sont vécus directement par l’enfant  comme objets de désir ou de répulsion sexuelle.

Plus radicalement, les autres n’influencent pas que par leur extériorité : nous introjectons « quelque chose » de ce qu’ils sont, disent et font, avec quelques remodelages liées à notre subjectivité. Ils constituent dans notre mémoire consciente ou inconsciente comme un album de photos mouvant, qui exerce un pouvoir sur nos réflexions, questions, projets et décisions. En quelque sorte, les autres habitent en nous, de façon continue, même lorsqu’ils ne sont pas présents en chair et en os. ils n’arrêtent pas de nous parler pour nous faire des suggestions internes plus ou moins contraignantes. Pour autant, notre liberté ne vole pas en éclats.

Néanmoins, dans le cadre limité de cet écrit, nous nous limiterons à détailler les principales fonctions via lesquelles ils mobilisent la vie sexuelle de l’enfant, à partir de leur extériorité.

Le témoignage de vie spontané 

C’est un facteur d’influence fondamental. L’enfant s’imprègne de la manière d’être spontanée de l’autre, surtout lorsqu’il est plus âgé, proche affectivement et accessible à l’observation ; alors, cet autre est susceptible de constituer un modèle de référence. Les personnes les plus concernées ici sont donc les parents et quelques aînés à l’identité moins prévisible, mais que tel enfant en particulier investit très fort. Bien sûr l’enfant n’est pas le témoin usuel de la vie sexuelle de ces adultes ; il doit donc trouver tout seul ou avec l’aide de ses pairs quelle forme prendra son propre itinéraire sexuel. Mais il est témoin de bien des « corollaires et accompagnements » de cette vie sexuelle stricto sensu : Comment les adultes, et surtout ses parents, manient-ils leurs sentiments d’amour et d’amitié ? Quelle place donnent-ils au plaisir ? Quel équilibre trouvent-ils entre plaisir et travail ? Comment gèrent-ils la relation avec leur partenaire : dominer, négocier, se laisser faire ? C’est cette spontanéité que l’enfant observe et qui  le « marque », au sens le plus fort du terme.

Eveiller l’enfant à la joie d’avoir un corps sexué ou le frigorifier 

  • Le rôle des parents pendant les premières années de la vie est fondateur (++++) : à travers leurs gestes et paroles de tendresse, leurs sourires, la douceur de leur nursing, ils donnent non seulement directement du plaisir au bébé, mais ils reconnaissent aussi implicitement la valeur de tous ces petits investissements corporels et  apprennent donc à l’enfant comment aimer son corps et se faire du bien. Et c’est tout le corps qu’ils parcourent : la tête, la bouche, les membres, le derrière et les parties génitales, sans donner à ces dernières ni plus ni moins d’importance qu’au reste. Ils se réjouissent aussi lorsque le bébé joue tout seul avec son corps : comme c’est mignon, ses orteils qu’il suce … tout comme la concentration et les premiers efforts volontaires qu’il fait pour déféquer … Bref, lorsque l’ambiance est positive, ils contribuent puissamment à installer la sensualité de l’enfant.
     Plus tard, lorsque celui-ci a quatre, cinq ans, leurs attitudes doivent se transformer : l’enfant plus âgé s’aventure seul dans la vie sociale et ne cherche plus chez ses parents  les sources uniques ni même principale de tendresse physique : à ceux-ci alors, de donner les coups de pouce qui confirment ce premier envol vers le monde extérieur : ils remplaceront une bonne partie de la tendresse physique par une autre dimension de leur sollicitude, davantage spirituelle - ils diront à l’enfant leur fierté de lui plutôt que le faire sauter sur les genoux ! - ; ils l ‘encourageront à ce qu’il se lie à des vrai(e) s ami(e) s de son âge, etc. 
  • Une minorité des parents rate en tout ou en partie ce mouvement « cajoler-lâcher » : 

►- En référence à leur histoire de vie, certains sont incapables de traiter les zones génitales du tout petit avec le même naturel que le reste. Ils les ignorent ou tournent autour avec gêne et culpabilité ; par la suite ce seront les plus répresseurs de la sexualité infantile naissante. C’est très précocement qu’ils peuvent introduire chez leur tout petit l’idée d’un mystère insécurisant et peut-être mauvais autour de cette partie du corps. 

►- Parce qu’ils sont déprimés, non disponibles ou qu’ils n’aiment pas l’enfant, d’autres parents ne parviennent pas à créer cet éveil de la sensualité et de l’amour de soi. Alors leur enfant n’habite pas vraiment un corps « proche et amical » mais plutôt un  espace inconnu plus ou moins glacé ; sa sexualité est contrôlée, liée à quelques besoins physiques irréguliers, non à même de s’épanouir et de s’intégrer à leur affectivité ! 

►- D’autres enfin ne parviennent pas à faire évoluer leurs premiers échanges sensuels : certains enfants acceptent alors de rester comme les objets – peluches de ces parents immatures si pas pervers et se montrent peu aptes à développer une sexualité génitale conquérante. 

  • Dans ce premier champ, les pairs jouent souvent un rôle complémentaire plus modeste  (++) : quand ils aiment bien un(e) camarade ou un(e) ami(e), ils apprécient aussi son corps et comparent les mérites respectifs de leur corps à chacun ; des gestes de tendresse physique discrète et quelques explorations sexuelles occasionnelles ne leur déplaisent pas, et donc l’ami reçoit des renforçants positifs de son ami.  Mais si tel enfant a quelques défauts physiques et, pire encore, s’il manque de confiance en soi et ne sait pas se vendre sur le marché des autres, alors, bonjour les dégâts : le groupe des pairs peut se montrer  cruel, pointer les failles et contribuer à créer la honte d’avoir un corps tel qu’il est, en ce inclus ses parties sexuelles.  
  • Quant à la société, son rôle dans ce premier champ est également d’appoint (+). Si elle vante l’attractivité physique et les plaisirs du corps, les influences qu’elle exerce par ce truchement sont plus fortes chez l’adolescent que chez l’enfant et n’amènent pas toujours ni l’un ni l’autre à aimer son corps tel qu’il est (voir par exemple l’idéalisation de la maigreur, qui contribue à un certain nombre d’anorexies chez les jeunes filles). Par ailleurs, la société de consommation est une source abondante d’excitations sexuelles, par ses stimuli très variés qui mettent en place le plaisir physique … ici aussi les préadolescents et les ados y sont davantage sensibles que les plus jeunes
  •  La fonction d’information 

  • n’est pas celle que les parents gèrent le mieux (+-). Constatation qui peut les choquer, vu leur souhait contemporain habituel de parler clairement à l’enfant de sexualité et de ne pas le culpabiliser, et vu la montagne d’informations écrites ou orales qui existent sur l’éducation sexuelle. Néanmoins, la  résultante reste souvent ambiguë et décevante : 

►- D’une part, c’est vrai que les parents contemporains entrent davantage que les générations précédentes dans un processus d’information plus ou moins habile. Mais ils restent surtout centrés sur le champ biologique. Ils peuvent ajouter qu’un jour, quand les enfants seront grands, leur sexualité sera une bonne chose et qu’elle gagnera à se lier à l’amour. Par les temps qui courent, ils parlent même des  dangers inhérents : les pédophiles quand on est petit et ne pas se protéger quand on est ado ! 

►- Ceci laisse néanmoins de nombreuses zones d’ombre : il reste rare que les parents partagent ce qui serait davantage de l’ordre du témoignage, en faisant part – en réponse aux interrogations les plus profondes de l’enfant – de leur itinéraire par rapport à la sexualité, de leurs propres questions et incertitudes, ainsi que du sens qu’ils lui attribuent personnellement. 

Il reste rare aussi qu’ils reconnaissent l’existence de la sexualité telle qu’elle se construit dans « l’aujourd’hui » de leur enfant, et qu’ils fassent des commentaires nuancés à son propos. Et s’ils tombent sur un exercice pratique, il s’en suivra  souvent un certain bouleversement émotionnel et une répression sans trop de nuances : nous en reparlerons dans l’alinéa suivant. Parties tronquées et doubles messages donc dans leurs informations ! 

  • Les informations les plus pertinentes, l’enfant se les construit tout seul, par le jeu de sa curiosité et de son esprit scientifique (++). Non sans passer par des moments d’angoisse autour de ses droits, autour de la normalité de ses organes, avec parfois  l’idée archaïque qu’il pourrait bien les avoir abîmés en les utilisant comme il le fait déjà : le feu que Prométhée a dérobé au monde des dieux ne lui a-t-il pas valu d’avoir son corps martyrisé pour l’éternité ?

 

Extrait du « Petit Spirou » de Tome et Janry. Le petit Spirou, Suzette et leurs potes, délurés et maladroits, inépuisable mine d’impertinence infantile bon enfant 

  • Il existe une autre source d’informations de grande valeur, ce sont les pairs (+++) : les autres semblables à soi, qui marchent sur le même chemin de découvertes progressives, d’angoisses et d’incertitudes. C’est donc dans les cours de récréation des écoles et des collèges ou dans les cabanes plus ou moins dissimulées que se fait la vraie information sexuelle, via le partage d’un savoir qui se conquiert progressivement – non sans erreurs ! – et via expérimentations en commun en tous genres. Chez les ados, les forums Internet viennent compléter ces moments de réflexion scientifico-érotique : en parcourant les échanges consacrés à la sexualité sur les sites web qui leur sont familiers, nous avons toujours été frappé de constater, au-delà de leur langage cru évoquant leurs pratiques soi-disant libres et variées, combien ils étaient avides de s’informer mutuellement, de se soutenir les uns les autres par le partage de leurs expériences et de leurs incertitudes. Et encore comment ils s’échangent non seulement des informations concrètes, mais aussi  leurs questions et leurs convictions sur le sens de la sexualité : la valeur « partage » (partage du plaisir et de l‘affectivité), y est toujours puissamment présente. C’est également en observant et en écoutant la vie spontanée du monde social  que l’enfant complète son information sur la sexualité (+). Aujourd’hui on n’y dissimule plus grand chose : il ne doit plus épier ni conquérir un savoir, il n’a qu’à le ramasser à la pelle, notamment dans l’univers des médias et d’Internet. Hélas, le paradigme des connaissances qu’il engrange reste l’image de Bill Clinton et de Monica Lewinski : le plus grand des pères sociaux s’investissant dans une pure affaire de sexe physique, et commençant par le nier  comme un gamin pris en faute. Le message de la société de consommation officielle est majoritairement : Vive le sexe physique, le sexe que l’on achète ou que l’on consomme, en respectant un minimum d’interdits (pas de vraie violence sur autrui, pas de pédophilie … mais à part cela : you like it, just do it)
  • Encouragements, tolérance ou répression 
  • Beaucoup de parents restent spontanément plus répressifs que ce qu’ils s’en représentent consciemment : ils découragent la curiosité de l’enfant, en ne répondant à ses questions les plus embarrassantes que par des idées générales ou par le silence ; entre autres, il n’existe guère de communication sur la nature et le sens de sa sexualité d’aujourd’hui. Ils s’opposent à ce que, au-delà de ses quatre, cinq ans, l’enfant s’exhibe nu 7, manipule ses organes sexuels en public ou s’intéresse de trop près aux leurs à la salle de bain - interdiction non inutile au demeurant, qui encourage l’enfant à développer de la pudeur et de la discrétion -.

Et s’ils surprennent un exercice pratique ? Quelques parents « branchés » peuvent s’excuser et refermer doucement la porte derrière laquelle officie un jeune masturbateur inattentif aux serrures ; dans les heures qui suivent, il leur arrive même de lui commenter, un peu gênés, que c’est naturel et qu’ils l’ont fait aussi … Mais plus souvent, ils profèrent l’interdiction de continuer, avec des émotions plutôt négatives. C’est quasi la règle lorsque l’activité sexuelle n’est pas solitaire : les joyeux lurons se font  tancer avec plus ou moins de dramatisation.         

Bien sûr des répressions sévères, effrayantes, culpabilisantes et souvent injustes   nuisent à l’épanouissement de l’enfant ( névrotisation de sa sexualité ) Néanmoins, la répression peut être plus « douce »et ne porter que sur la continuation de l’acte, sans évaluation morale ; elle peut même se coupler à des moments de tolérance où les parents ferment les yeux sur l’exercice débutant de la sexualité, en partie parce qu’ils veulent faire coïncider la théorie et leurs attitudes concrètes, en partie parce qu’ils pensent que la sexualité de leurs enfants ne les regarde pas, pour autant qu’elle ne se manifeste pas par des signes préoccupants ( Werbrouck D., 2001 )      
Cette ambiance où alternent répression modérée et tolérance est probablement la plus intéressante pour le développement sexuel de l’enfant (++) : elle l’incite à mélanger moments d’obéissance et de défis. N’est-il pas bon qu’il en soit ainsi ? On ne « donne » pas à l’enfant le droit et les moyens de sa sexualité, pas plus qu’on ne lui « donne » l’indépendance. La sexualité est un territoire qui se conquiert, parfois face à la jalousie et à l’insécurité provoquées dans la génération des aînés ! 

L’attitude inverse, totalement permissive, est le fait de parents « jeunistes », qui se sentent davantage copains des pulsions de leurs enfants qu’éducateurs. Et il y a aussi les parents « matteurs » qui ne respectent pas les territoires intimes de leur enfant, et ceux qui font carrément régner un climat incestuel, où une sensualité trouble et possessive envahit les relations parents-enfants, avec au passage des « clins d’œil » sexuels inconvenants (par exemple : allusions salaces à la poitrine naissante d’une préadolescente …) Souvent, l’enfant n’aime pas trop ces attitudes, qu’il ressent comme menaces à son indépendance ; plus rarement, il s’abandonne au jeu un peu pervers de partager trop de territoire et de plaisir sexuel avec son parent … à la fin, peut surgir le vrai inceste. 

  • Les pairs exercent souvent une fonction positive d’encouragement, modérée par de la répression sans fioritures lorsque l’enfant risque de contrevenir aux Lois naturelles (++). Dans les meilleurs des cas, ils se proposent entre eux : curiosité, désirs et défis partagés et encouragements mutuels ; acceptation occasionnelle de se constituer en « objets » sur lesquels la sexualité d’un copain ou d’un amoureux se dirige et donc moments de sexualité partagée ; capacité de se faire respecter, c’est à dire de faire savoir à celui qui sollicite, le cas échéant, qu’une activité sexuelle saine ne s’impose pas : il faut négocier le consentement de l’autre ; capacité de séduire, et de mettre en œuvre des jeux préliminaires de séduction.

 

 

Extrait du film-culte «  La guerre des boutons » (Y. Robert, 1963) … Rien de sexuel, pourtant, dans cette attaque, in naturalibus, du groupe ennemi de toujours : on savait encore vivre, à l‘époque. Aujourd’hui, ils se retrouveraient tous en garde à vue. D’ailleurs, dans la dernière version du film, le réalisateur les a tous gardé en slip….

A l’occasion, des aînés initient également des cadets de façon saine, c’est à dire dans la perspective de rendre ces plus jeunes compétents dans l’exercice d’une activité sexuelle, estimée ici comme une acquisition positive.

Les pairs énoncent également la prohibition de ce qui est vraiment déviant, du moins quand « ça pourrait devenir sérieux » c’est à dire à partir de l’adolescence. En faisant l’hypothèse que les forums d’Internet reflètent bien la spontanéité de leurs communications, on y voit que, s’ils se donnent le droit d’une sexualité libre sous ses principales formes contemporaines, ils se montrent par contre sans pitié pour l’inceste, la pédophilie, les violences en matière sexuelle ou les perversions.  Face à la lecture de leurs pairs, et quelle que soit la protection de l’anonymat, ils déclarent même qu’ils ne sont pas de grands amateurs de pornographie ... 

Certes, il n’est pas fréquent que la relation aux autres pairs combine harmonieusement toutes ces fonctions, chaque fois en réponse agréable aux besoins du moment de l’enfant ; mais le résultat est bien plus souvent majoritairement positif que l’inverse. Dans le plateau négatif de la balance, rappelons-nous que les pairs eux aussi peuvent commettre occasionnellement des violences sexuelles, qui angoissent l’enfant et lui font vivre la sexualité comme un monde globalement négatif. Toutefois, les plus légères de ces agressions, rares et isolées, constituent comme des « épines » sexuelles sur lesquelles l’angélisme de l’enfant s’écorche : ce n’est pas drôle d’avoir son pantalon baissé par des plus grands qui se moquent et s’enfuient, que l’on ait cinq ans ou onze. Cela, ou quelque chose de proche, fait néanmoins souvent partie de la vie et l’enfant apprend tout seul à s’endurcir un peu et à être plus prudent : pas besoin d’ameuter le Procureur de la République pour autant ! D’autres  jeunes peuvent s’avérer hyper érotisés et entraîner un compagnon ou une compagne dans des expériences répétées de pure excitation physique, qui ne contribuent pas vraiment à ce qu’il jouisse de sa sexualité tout en la maîtrisant.

 

  • La société dans son ensemble n’encourage ni ne décourage pas directement la sexualité des enfants ni celle des jeunes adolescents : à part vendre à leurs parents d‘innombrables manuels d‘éducation sexuelle, elle leur est assez indifférente ; au-delà de déclarations de principe et de campagnes de prévention vite récupérées par les hommes politiques, elle ne regarde pas non plus en face ce qui se donne à voir ou à deviner  comme souffrance sexuelle chez certains de ces petits et donc, elle manque de solidarité. Par ailleurs, les sources d’excitation sexuelle y foisonnent, théoriquement destinées aux adultes 11, mais venant régulièrement frapper l’enfant de plein fouet : au début, cela peut être traumatisant ; petit à petit, la grande majorité des enfants se mithridatise, mais doit gérer le message social disant que la sexualité se résume au plaisir physique (Hayez, 2002)

L’on peut se demander enfin si la société contemporaine est permissive et laxiste face à la sexualité des plus âgés, concernés à partir de leurs quatorze, quinze ans ? Ce n‘est peut-être qu’une apparence ! Plus subtilement, nous pensons qu’il n‘existe toujours pas de véritable « démocratie sexuelle », et que la société est toute aussi normative qu’à l’époque victorienne. Seules les applications ont fait un virage à 180 degrés : On disait jadis «  Tu te touches ? Tu iras en enfer !  » Et aujourd’hui, on n’est pas loin de dire : «  Tu te branles pas dix fois par semaine ? Tu ne jettes pas ta copine alors que votre couple est un peu usé ? T’es pas bi ? T’aimes pas la sodo ? T’es vraiment naze … » Les grand-messes sont toujours célébrées, avec musique et plusieurs officiants excités à la fois, non plus dans les églises mais sur les médias dont sont friands grands adolescents et jeunes adultes en recherche de nouveaux repères ; elles ont pour nom Fun Radio, NRJ, MTV,  etc.      

 Pour conclure : une brève synthèse 

La moyenne des enfants de culture francophone vivant dans les sociétés industrialisées trouve chez leurs parents des attitudes précoces positives qui leur donnent envie d’habiter leur corps sexué. Lorsqu’ils grandissent, ces parents et leurs proches leur donnent un certain nombre d’informations sur la sexualité, mais tronquées ; confrontés à la réalisation directe de la sexualité infantile, ils mélangent souvent moments de tolérance et de répression modérée. Attitude que nous trouvons intéressante, car elle incite l’enfant à continuer une conquête où il faut parfois arracher à la génération du dessus des éléments de savoir et de territoire. C’est auprès de ses pairs que l’enfant trouve les informations les plus pertinentes, les encouragements,  et des « objets » directs pour sa  sexualité naissante. Ce n’est pas toujours angélique, il y a parfois quelques épines, mais c’est largement positif, en ce inclus la prohibition des transgressions les plus fondamentales : au besoin, les jeunes se les énoncent clairement entre eux, au fur et à mesure que leur sexualité s’approche des formes adultes. 

Quant à la société en général, elle est plutôt indifférente aux pratiques sexuelles des enfants et des adolescents ; elle ne décourage pas, elle n’encourage pas directement non plus et elle n’aide guère l’enfant en difficulté. Par contre, elle véhicule sur un mode normatif et séducteur un très grand nombre de stimuli autour de la sexualité-plaisir, sources d’excitations sexuelles pour les jeunes davantage que d’un vrai savoir et d’une aide à la maturation de leur sexualité.

 

 Les facteurs intrapsychiques d’éveil

 

A. Chercher à satisfaire la curiosité 

La curiosité constitue une disposition fondamentale du psychisme humain : l'enfant observe, lit, pose des questions puis réfléchit pour grappiller, élaborer et engranger le savoir de l'humanité. Il expérimente et, de façon dialectique, élabore des théories (synthèse de son « savoir » et de spécula­tions pour réduire les lacunes restantes) Ensuite, il met ses théories à l'épreuve sur le terrain, via de nouvelles observations et de nouvelles expériences. Plus il grandit, plus il pro­cède à un travail « inter juges » en comparant ses idées avec celles de ses copains et copines. 

Appliqués à la sexualité, les objectifs de sa curiosité varient au cours du développement (Plummer K., 1991) Schématiquement : 

►- Entre trois ans et demi et cinq-six ans, le comment et le pourquoi de la constitution sexuée de son corps et de celui de l’autre sexe, enfants et adultes, ainsi que la saga des bébés. Cette quête est activée non seulement par les lacunes de ses connaissances, à combler pour devenir « grand », mais également par des angoisses parfois très fortes : permanence ou non de ses organes génitaux; possibles transformations de son corps; risques posés par l'arrivée d'un autre enfant (Ne chasse-t-il pas ceux qui étaient là avant ?) ; nature des bruits bizarres parfois surpris la nuit dans la chambre des adultes, etc. 

►- Entre sept et dix ans, une curiosité concrète, scientifique, portant sur le fonctionnement du sexe, avec des discussions et des expériences de groupe ( le plus souvent homosexué – mépris pour l’autre sexe et défis pour l’approcher ) Il arrive que ces expériences prennent des formes très rudes, pour vraiment en avoir le cœur net : ainsi la mise d’un zizi en bouche dans les toilettes d’une école primaire constitue-t-elle souvent une expérience scientifique, qui n ‘a rien à voir avec une fellation érotique, ni avec un vrai abus sexuel, même si le cobaye est un peu pressé par les autres, comme dans bien des laboratoires …

 

Des petits enfants discutent de l'origine de la vie

Prenez connaissance de la vidéo ci-jointe, que je trouve fabuleuse : En 1979, des enfants de 5, 6 ans, dans une école qui ne semble pas « upper class » se posent la question des origines, et la résolvent très intelligemment, au-delà des apparentes fantaisies inhérentes à leurs théories : de façon tout à fait existentielle, ils s’interrogent : « Qu’est-ce qui était premier ? D’où vient-on ? »…et tout naturellement , ils intègrent le concept de l’évolution des espèces...

L’un ou l’autre esprit attentif et grincheux voudra rectifier : « le papa met une graine…et celle-ci doit rejoindre la graine de la maman ». certes, certes, mais cette toute petite pousse de machisme était fréquente à l’époque, même dans les (rares) livres d’éducation sexuelle…et il faudra donc leur faire intégrer, sans difficulté majeure l’égal engagement procréateur de l’homme et de la femme.

Pour accéder à la vidéo, cliquez ici.

 

►- A la préadolescence (onze-douze ans) et lors de la première adolescence : Comment est faite la cour sexuelle ses grands ? Comment se donner du plaisir, tout seul, à deux ou en petit groupe ? Premières plongées dans le monde de l’érotisme et des activités sexuelles « sérieuses » et partagées. L’adolescent plus âgé s’essaiera, lui aussi, à des manières variées de se masturber, à engranger les techniques des adultes, puis à « le  faire » La psychologie et la réactivité sexuelle de l’autre sexe l’intriguent également beaucoup : c’est qu’il s’agit d’être un amoureux et un amant compétents … et  de se faire aimer !

B. Imiter les aînés et s’identifier à eux 

  • out comme ils jouent à la poupée ou à être des guerriers, les enfants, surtout jeunes, s’aventurent parfois du côté de jeux de rôle sexuels et reproduisent ce qu’ils croient que les adultes font : («  Tu es le papa et moi la maman … tu te couches sur moi » ; et s’ils sont surpris : « On ne fait rien de mal, on joue »). Ici également peuvent prendre leur source les mises en bouche déjà évoquées, qui n’ont rien à voir avec un érotisme lewinskien ! 
  • L’enfant qui va bien a envie de devenir grand, en faisant sien le comportement de ses modèles aînés. Dans le champ social, ce sont surtout les préadolescents et les adolescents qui s’identifient à des aînés accessibles et à la sexualité apparemment très libre : si le Père fait l’amour sur la place publique (celle des écrans), les plus délurés de ses fils, pour se sentir grandir, passeront aussi précocement à l’action.
  • C. S’affirmer, jusqu’à défier les règles

     
  • L’enfant aime affirmer la puissance de la vie en lui : s'intéresser au sexe, c'est ne plus croire au père Noël ; c'est vivre que l'on est devenu grand, que l'on a reconnu les vibrations de la force sexuelle en soi et le sex-appeal des autres. Dès le banal « jeu du docteur », ne règne-t-il pas implicitement une affirmation de pouvoir et de savoir, d'appa­rence sociable et altruiste, faite sur un patient manipulé comme un bébé ? 

Une surenchère de prétendues compétences est souvent de règle dans les groupes de pairs : c'est à qui dira le plus gros mot, racontera la blague la plus salace, même sans rien y comprendre, ou se vantera de l'exploit le plus sulfureux. Les défis y sont nombreux : « T'oserais pas lui mettre un doigt... »

On peut ranger ici aussi les comportements d'initiation, à la demande de l'ignorant ou sur proposition spontanée de l'initia­teur : nous avons déjà dit qu’ils pouvaient être sains ou vicieux.

Et il y a encore les comportements « dominants-normaux » où l'enfant dominant prend l'initiative de proposer une activité sexuelle, insiste si son partenaire poten­tiel est d'abord réticent, mais sans violence ni tromperie, propose le scénario, etc. 

  • Il arrive souvent que l’enfant transgresse les règles pour le plaisir de se sentir fort. Conscient des interdits que les adultes installent autour de son expansion sexuelle (« Tu es encore trop petit pour ... »), le voici qui monte au créneau : puisque c'est interdit, il va montrer qu’il ose le faire, avec excitation et un zeste d’angoisse (prescience du risque et de la rétorsion pos­sible), voire de culpabilité (« Braver l'interdit me fait plai­sir et me rend coupable à la fois ») Chez les enfants qui vont bien, ces défis portent généralement sur des règles mineures ou sur celles qu'ils vivent eux-mêmes comme abusives. Habituellement, ils restent guidés de l'intérieur par le désir de respecter les Lois humaines universelles qui interdisent la destruction d’autrui, ou l’étouffement de soi et de l’autre dans l’inceste et ses équivalents (sexualité intergénérationnelle) Un dérapage transitoire n’est cependant jamais impossible, comme je l’ai décrit dans l’article consacré aux généralités. 

Le désir de défier peut néanmoins relever de la patho­logie, comme chez certains enfants très opposants ou très « négativistes » Les premiers peuvent s'engager dans une sexualité sans retenue. Les seconds peuvent s'abîmer dans des activités dégradantes, solitaires ou non.

D. La fierté et l’exercice d’un pouvoir de séduction

 

                    

L’enfant qui va bien pense qu’il a un pouvoir de charme et même, au fur et à mesure qu’il grandit,  un pouvoir de séduction sexuelle au sens strict du terme, et  a envie d'expérimenter ceux-ci sur un public autorisé. De façon générale, toute proposition d'activité sexuelle partagée peut en partie ressortir de la fierté : fierté de se sentir beau, bien doté, attirant ; fierté de posséder un savoir et une compétence techniques ; fierté à l'idée de faire du bien à l'autre, etc. En retour, l'activité sexuelle consommée peut encore accroître l'estime de soi de l'enfant chaque fois qu'il la vit comme réussie.

E. La camaraderie, l’amitié et l’amour 

Parce qu'il aime, l'enfant a parfois envie de partager une expérience sexuelle concrète avec un élu de son cœur : c'est d'ailleurs un  indicateur de santé sexuelle qu'il le choisisse, lui ou elle, plutôt qu’un étranger. Le jeu sexuel partagé entre copains ou copines en est la forme la plus courante. Des «  joyeuses paires » ou des petits groupes en quête d'affirma­tion de leur soi sexuel poussent à la créativité impertinente.

Et avec le (la) meilleur(e) ami(e) ? La réponse est variable. Beaucoup de vraies amitiés sont chastes et prudes. 

Dans d'autres cas, le partage de l’intimité des corps sera plus présent, sans toutefois que l'on se touche. Deux amis aimeront se mettre nus et s'observer discrètement à l'occasion d'un bain, d'un désha­billage, histoire de se signifier sans mots qu'ils partagent beau­coup d'intimité ! Dans une minorité de cas, après des manœuvres d'approche hésitantes, des amis peuvent néanmoins s'engager dans une activité sexuelle  claire et nette, 

Quant aux adolescents, la majorité est envahie tôt ou tard par l’idée d’aimer et d’être aimé, et adjoint à un moment variable de cet éveil amoureux le projet de « faire l’amour » avec l’être aimé : l’expression prend ici tout son poids ! Non sans angoisse et manque de confiance transitoire en soi pour beaucoup ! Est-ce leur génome qui commence à faire vibrer leur corps et leurs sentiments parce qu’il est pressé de poursuivre l’aventure de la transmission ? Est-ce au moins autant leur esprit qui veut vivre l’intimité, le bonheur, un moment de symbiose baigné de tendresse ? A moins que le plaisir, tout banalement, ne soit des plus attractifs …

F. La quête du plaisir physique 

  • Chez l'enfant jeune et en bonne santé émotionnelle, le plaisir érotique ressenti localement via l’activation des organes génitaux est modeste. Ce n'est donc pas prioritairement pour le retrouver qu'il persévère dans ses activités sexuelles, même s'il apprécie sa présence d'appoint.

Une petite minorité est néanmoins hyper excitable (très) précocement et a toutes chances de se retrouver parmi les enfants sans retenue sexuelle ou de vivre une aventure secrète de longue durée, par exemple avec un frère ou une sœur plus âgée, un adolescent voire un adulte : c’est des années plus tard qu’il en parlera sur un forum Internet, souvent sans regrets, Cette hyperréactivité sexuelle semble innée pour quelques-uns ; plus souvent, elle est liée à une ambiance très laxiste de la vie quotidienne et/ou à des expériences précises d’initiation « douce », érogène et répétée émanant d’aînés ou d’adultes. 

  • A la préadolescence, sous le jeu conjugué des transforma­tions pubertaires et de l'accroissement de la fantasmatique éro­tique, le plaisir physique local s'amplifie. Le jeune a donc envie de le reproduire et la recherche de plaisir devient un détermi­nant de plus en plus important de l'activité sexuelle. Par ailleurs, il n'est pas impossible que, par rétroaction, la fonction crée l'organe : la pratique abondante pourrait ainsi engendrer un effet amplificateur sur la vascularisation et l'innervation locales.
  • G. Les angoisses ou la culpabilité relative à la sexualité 

Une partie des vécus d’angoisse ou de culpabilité opérant chez l’enfant ont leur origine dans des événements ou des préoccupations sexuelles et pourtant, paradoxalement, ce sont ces mêmes pratiques sexuelles qu’il va reproduire pour tenter de s'apaiser (Clerget S., 2001) !

 

Par exemple chez les petits, jusque vers sept ans, l’imagination, qui vise à colmater l’ignorance engendre parfois des « explications » plutôt menaçantes. Alors, « Le zizi des garçons peut tomber, sur­tout quand on joue avec ... c'est peut-être ce qui est arrivé aux filles qui en ont eu un avant »… Et le petit d’opérer des vérifications sur son corps, sur celui d’enfants proches, voire d’enfants au statut plus faible qui ne lui résistent pas. 

Par exemple aussi, l’enfant qui a été agressé sexuellement dans une ambiance de peur, ou qui a été confronté à de la sexualité qui l’a effrayé peut se libérer de son trauma psychique par une activité sexuelle compulsive, brutale, où il retourne la situation et reprend le pouvoir en molestant à son tour un plus faible.

De même, des enfants que l’on a intensément culpabilisés à propos de leur sexualité naissante sont traumatisés, eux aussi, mais d’une autre manière, intérieure (névrotisation de la sexualité) Ils peuvent se livrer aux décharges brutales qui viennent d’être évoquées ou vérifier compulsivement leur intégrité sexuelle (par exemple : masturbations répétées et parfois impossibles à dissimuler)

H. Se calmer ou se consoler par le sexe 

Lors des petits chagrins qui émaillent sa vie, l'enfant peut recourir à la masturbation comme à une sucette consolatrice. Elle se pratique alors sans rêveries, pour le simple bien-être physique qu'elle procure, ou accompagnée de fantasmes de plénitude ou d'amour parfait. Plus tard dans leur vie, certains hommes ne vont-ils pas « voir les filles » dans la même perspective : plaisir-nirvana, retour à la plénitude des débuts, et un peu de consolation dispensée par la putain-maman ?

Le lien entre un vécu de frustration ou d'humiliation et l'utilisation de la sexualité à titre compensatoire existe lui aussi à tous les âges de la vie. Ici hélas, il arrive que l’on abuse d’un plus faible, voire que l’on viole, pour se venger des humiliations infligées par autrui

 

La place ultime de la réflexion personnelle et de la liberté

A. Il demeure rare que l’enfant soit envahi de pulsions sexuelles, automatismes psychophysiologiques à l’instar du besoin de manger, que celles-ci s’avèrent intenses et envahissantes et qu’il les décharge brutalement dans le décours d’impulsions (quasi) irrésistibles, sans « penser » sa sexualité ni la décider !

Rare, mais pas impossible : des enfants non-socialisés, sans modèle de référence interne, vivant dans des familles chaotiques, peuvent connaître de telles impulsions.

Les enfants fortement traumatisés ou souffrant d’une névrose grave, que nous avons évoqués dans l’alinéa consacré à l’angoisse et à la culpabilité, ne résistent pas non plus toujours aux tensions qui montent et s’accumulent dans leur psychisme : on les voit alors parfois décharger soudainement une sexualité qu’ils ne peuvent plus retenir et qui s’exerce sans joie : masturbations, exhibitions et quelques brutalités sexuelles  dirigées vers des plus faibles, pour faire des vérifications ou pour rejouer leur traumatisme, mais cette fois en inversant les rôles, histoire de bien le comprendre et de ne plus avoir peur : dans tous ces exemples, l’agir sexuel n’a pas été pensé ou décidé, ou à peine !

B. Mais ces cas de figure sont rares. Bien plus souvent l’enfant réfléchit, accepte de se conformer aux idées et aux valeurs que lui suggèrent les sources d’influence opérantes à chaque instant en lui ou use de sa créativité pour modeler un projet sexuel davantage personnel ( Ménès M., 1995 ) Ce projet, il se contente de le vivre dans ses fantasmes, ou il l’agit concrètement : dans toutes ces opérations c’est sa mémoire, son intelligence, sa capacité d’anticipation et de programmation et sa liberté de choix qui sont à l’œuvre.

 

 

  

Quelques exemples : 

►- Tel préadolescent décide de laisser s’exprimer sa curiosité et l’envie de défier les adultes et se livre à des expériences sexuelles aventureuses, qu’il a entrevues sur Internet : le voici donc transitoirement zoophile ! 

►- Face à la proposition d’un jeu sexuel ou d’une activité plus érotique partagée, un tel accepte avec enthousiasme et en remet, alors qu’un autre refuse plus ou moins véhémentement. Face au partenaire, certains se conduisent de façon dominante ou égocentrique, d’autres négocient un « donnant-donnant », d’autres aiment beaucoup « donner » (de la connaissance, du plaisir …), d’autres enfin se soumettent sans pourtant être violentés … 

►- A la préadolescence et au début de l’adolescence, il n’est pas rare que le jeune soit habité par des fantasmes et des désirs homo- et hétérosexuels : il désire les personnes de l’autre sexe, mais elles  lui font  aussi un peu peur ; les gens de son propre sexe sont plus rassurants et plus familiers. Face à cette indécision, certains jeunes trouvent une solution très simple : se déclarer « bi » et le démontrer sur le terrain, au moins jusqu’à la fin de l’adolescence. Plus nombreux cependant sont ceux qui s’efforcent de faire des sélections dans leur imaginaire et dans leurs désirs, et de chasser de leur esprit une des deux catégories sexuelles : accélérer le mouvement vers l’hétérosexualité ou, au contraire, se déclarer précocement « gay » ou « lesbienne » ; pour certains, aujourd’hui, cette dernière affirmation permet de « frimer », leur vaut davantage de renforcements sociaux positifs que d’opprobre … mais, une fois l‘apprentissage fait, ils ont toutes chances de s’y fixer ! 

►- Et il en va de même sur le plan quantitatif. Lors d’une psychothérapie, un adolescent de quinze ans, confiant en lui et porteur d’un langage rude et direct,  nous a dit : « C’est moi qui dois commander à ma b…, et pas ma b… qui va me commander ». Il a reçu comme réponse : « T’as tout compris, pépère ! Vaste programme, quand même ». Et en effet, face à l’expérience du plaisir - quel qu’il soit - certains choisissent de se laisser aller sans limite, d’autres cherchent davantage à se discipliner en équilibrant, selon leur projet à eux, hédonisme et autres objectifs de vie, d’autres enfin souhaitent vivre dans l’ascèse. 

Il faut remarquer que, lorsque quelqu’un s’adonne au plaisir sans se limiter, il en devient souvent dépendant et alors, l’exercice de sa liberté est beaucoup plus difficile. A l’opposé, même en ce début de troisième millénaire, on rencontre encore quelques adolescents, filles et garçons qui disent ces mots : « Moi, je ne me masturbe jamais » Pas toujours des grands névrosés. Peut-être des jeunes qui cherchent une autre manière de s’affirmer et de (se) démontrer leur puissance en domptant leur corps. 

 La sexualité des enfants et des adolescents qui vont bien 

Synthèse générale 

Entre trois ans et demi et six, sept ans, l’enfant découvre son corps sexuel et celui de l’autre, parfois semblable, parfois tellement différent, avec un mélange d’excitation joyeuse et d’angoisse ( Meyfroet M., Vander Linden R., 1999 ) Seul ou avec un pair qu’il affectionne - homo- ou hétérosexué, sans discrimination -, il procède à des manipulations qui sont des prises de possession et à des vérifications à propos de la normalité et de la « permanence de l’objet » et de l’inéluctabilité de chaque sexuation ; ses angoisses à ce propos vont en décroissant. 

En évoquant la curiosité, nous avons déjà dit que l’enfant de sept à dix ans était un scientifique contemporain : le sexe l’intéresse, en vrac et sans tabou, mais surtout à titre d’objet d’études. Il en discute volontiers avec ses copains de toujours. A l’occasion, ils font l’un ou l’autre exercice pratique, suivi de discussions inter juges et d’élaboration d’un savoir, davantage dans cette perspective de maîtrise intellectuelle  que pour prendre leur pied. 

Le préadolescent, lui, entrouvre la porte de la chambre sexuelle des ados et des adultes, puis s’y aventure pour son propre compte : il a envie d’essayer ses compétences ; le plaisir physique l’intrigue d’abord puis l’intéresse beaucoup, en théorie et en pratique. 

Forme des activités sexuelles habituelles avant la puberté 

Elles sont très variées (Cavanagh Johnson T., 1999 ; Larrson I., 2000) Citons pêle-mêle :

A. Regarder et montrer; toucher ; inspecter ; se livrer à des expériences sur des pièces précises d’anatomie : « Que se passe-t-il quand on met un crayon dans ces orifices si fascinants du corps ? Quand on retient son pipi sous le prépuce ? Quand on fait entrer son zizi dans le derrière d’un copain ? » Ces activités s’intègrent éventuellement dans de brefs jeux de rôle, comme le  jeu du docteur (Lamb S., Coakley M., 1993)

B. Manier avec de plus en plus de maîtrise le vocabulaire et le discours sexuels. Dès sept-huit ans, une partie des échanges en cour de récréation porte sur les connaissances sexuelles. Au fur et à mesure de l’avancement en âge, le vocabulaire quotidien s’émaille d’interjections osées par lesquelles l’enfant affirme son appartenance au monde des grands : « Enculé ; PD sexuel ! » Les blagues salaces se multiplient, de plus en plus crues. Bien des échanges verbaux sont centrés sur le sexe, et pas seulement de façon générale : on y parle aussi des proches, d’images vues sur Internet, de la grande sœur et son copain dont on observe ou imagine les pratiques, ou encore  des images des multimédias.

C. Se masturber seul. Souvent ostensiblement et occasionnellement jusqu’environ cinq ans. Puis discrètement, parce que l’on a été semoncé ; mais jusque neuf-dix ans, on peut encore s’oublier et le faire sous les vêtements, par exemple dans un moment d’angoisse ou lors d’une rêverie excitante ; l’on est alors rapidement rappelé à l’ordre pour « sales manières en public » A partir de la préadolescence, le sex for one se confirme et s’amplifie comme  l’activité sexuelle principale. 

 

... touchez à vos risques ...

Vers seize-dix-sept ans, la fréquence de la masturbation commence à diminuer, parce que le corps est un peu moins excitable et que le grand adolescent préfère des activités sexuelles partagées … Ou tout simplement se reposer le soir dans son lit …

La masturbation infanto-juvénile agite encore et toujours les émotions de bien des adultes. A l’opposé d’une minorité qui continue à la condamner fortement, une minorité inverse plus importante se montre intrusivement prosélyte, répondant à l’infini et sans même écouter « Tu es parfaitement normal, même si tu le fais dix fois par jour. Le sexe, c’est bon pour la santé » 

Les variétés de gestes, d’accessoires et de scénarios masturbatoires sont très nombreuses et la frontière entre ce qui est normal et les activités bizarres, perverses ou non, reste parfois bien floue. Beaucoup d’enfants tiennent à vivre progressivement  la vie sexuelle commune, et y entrent à partir de la masturbation. C’est un état de fait plutôt positif, davantage que le déni de l’existence de son corps sexuel ou que la fuite. Au-delà du plaisir ressenti, la masturbation aide à prendre possession de son corps sexuel et à l’aimer : un sain amour de soi – qui n’est pas l’idolâtrie – est une disposition intéressante pour réussir sa vie … et sa relation aux autres ! Les prépare-t-elle à la rencontre de l‘autre, à réussir sa vie, en ce inclus les relations sociales ? Les prépare-t-elle à la rencontre amoureuse et sexuelle d’un partenaire, via les fantasmes qui l’accompagnent ? Oui et non ! Les fantasmes masturbatoires mettent occasionnellement en scène les gestes d’une rencontre intime avec l’autre, mais c’est une rencontre imaginaire, dont le processus est entièrement programmé par l’enfant, sans négociation avec le partenaire, ici des plus virtuels : au moment de la  rencontre sexuelle concrète, tout restera encore à faire pour trouver en quoi consiste la coopération sexuelle Cependant, la masturbation ne constitue pas une obligation. Une minorité d’enfants réalise son projet de vie personnel autrement, sans souffrir pour autant de phobie ni de culpabilité indue face au sexe : ils ont aussi droit à la reconnaissance positive du déploiement chaste de leurs ressources.

D. Se masturber avec d’autres : parmi les activités sexuelles partagées, surtout entre onze et quatorze ans, les plus fréquentes restent les expériences de masturbation « côte à côte », à deux ou en petit groupe, ou celles de vraie masturbation mutuelle qui ouvrent déjà à l‘apprentissage du partage du plaisir.

E. Goûter au plaisir des yeux : l’enfant cherche à voir ce qu’il ne peut pas, précisément parce que c’est interdit, pour faire comme les aînés qui parlent tellement de ce genre de paysages là, et puis progressivement parce que ça l’excite sexuellement. Aujourd’hui, au-delà des coups d’œil incarnés qui restent bien prisés - ouvrir brutalement la porte du cabinet des filles ou regarder par la serrure -, il n’a qu’à se baisser, même à un âge très tendre pour cueillir une manne incroyablement abondante d’informations sexuelles et de pornographie. Plus l’enfant est jeune, et plus c’est sans sa volonté active qu’il y est confronté, plus il risque cependant d’être choqué si pas traumatisé par elles (Hayez, 2005) 

F. S’adonner précocement aux activités sexuelles adultes : chez les plus délurés des préados, les activités sexuelles imitent de plus en plus celle des aînés, puis, pour quelques-uns, s’y conforment totalement, avec toutes les sortes de pénétrations. Toutefois, il persiste un hiatus important entre leur capacité de performance physique - qui peut être très « au point » - et leur maturité affective et relationnelle. 

G. Expérimenter de franches bizarreries : à partir de la pré adolescence surtout, nombre de jeunes en bonne santé mentale se révèlent de temps à autre particulièrement audacieux ; ils cherchent à affirmer leur puissance en explorant avec créativité les moyens de parcourir le territoire sexuel et de goûter à ses plaisirs, même les plus étranges. Ils peuvent donc faire des expériences sexuelles « bizarres » : se faire lécher par leur petit chien, boire du pipi, se masturber dans les culottes de leur grande sœur, etc. La frontière entre normal, pathologique transitoire, voire pathologique destiné à se chroniciser demeure parfois bien floue, même pour un sexologue expérimenté qui aurait à statuer ! 

 Contexte des activités sexuelles normo-développementales avant la puberté

A. En son for intérieur, l’enfant qui va bien reconnaît ses pratiques sexuelles comme voulues et programmées par lui, au moins intuitivement et dans son for intérieur : « Oui, je le sais, j’étais d’accord de le faire avec Florence » Si les adultes les découvrent, il est  embarrassé, gêné, mais pas vraiment catastrophé. Ceci dit, les reconnaître ouvertement face à tel adulte réputé sévère ou imprévisible, c’est une autre paire de manches !     

B. L’ambiance affective qui imprègne ces activités est centrée sur la joie,  l’amusement ; s’y ajoute souvent, surtout au début, un frisson d’excitation, de fébrilité (satisfaire sa curiosité et savoir … prendre des risques … défier les adultes !) D’abord modeste, la place du plaisir érotique devient progressivement de plus en plus prégnante. Quant à l’angoisse (et éventuellement à la culpabilité), il est courant qu’il en persiste une « pointe », même si l’enfant se développe positivement. Nous avons déjà dit que la sexualité, ce n’est pas un gâteau offert, mais un territoire à conquérir !

C. L’activité sexuelle est souvent spontanée, déclenchée par le hasard ou par un stimulus imprévu ; elle ne s’exerce pas à haute fréquence et reste récréative : quelques copains se réunissent pour faire toutes sortes  de choses : discuter, jouer, chahuter, faire du sport … et à l’occasion un peu de sexe. Les activités explorées et pratiquées sont diversifiées, avec une progression vers les formes plus adultes de la sexualité. L’enfant pratique sa sexualité discrètement, loin de la génération des adultes et même des autres de son âge non concernés ;

D. L’enfant qui va bien pratique souvent une partie de sa sexualité en compagnie, et même quand il exerce seul, ses fantasmes peuvent rendre l’autre présent, tendre, excitant ou désiré.

 

 

Lorsque celui-ci participe concrètement, il existe très souvent une parité de statut : les enfants qui se développent bien et s’engagent dans une activité sexuelle partagée  ont la conviction intuitive qu’ils ont le même statut. Les activités d’initiation saine déjà évoquées constituent la seule exception à cette règle.

 

Extrait du « Petit Spirou » de Tome et Janry. Le petit Spirou, Suzette et leurs potes, délurés et maladroits, inépuisable mine d’impertinence infantile bon enfant 

F. La sexualité partagée positive présente encore les caractéristiques suivantes : 

►- le consentement de chacun ;

►- la mutualité : coopération à un scénario, négociations sur le programme ;

►- très souvent, le dépassement d’une simple dimension d’« éclate » : on s’amuse ensemble, on rit, on se parle.    

Le fichier « Sexualité-indicateurs (Dias) » reprend en diapositives les principaux critères de la sexualité saine et les compare à ceux des différentes formes de sexualité préoccupante. (il s'ouvre dans votre programme PPT)


 La sexualité des adolescents qui vont bien 

Le fichier « Sexualité-ados (Dias) » complète et résume de façon synthétique les lignes qui vont suivre.

  Un long et constant voyage vers le couple 

Avec la puberté, les adolescents qui vont bien voient grandir de plus en plus le désir d’aimer quelqu’un de leur groupe d’âge et d’être aimé par lui. Au début, c’est encore un peu théorique, pour faire comme les autres ; mais tôt ou tard, ils tombent vraiment amoureux et, au désir de partager amour et confidences, au désir aussi d’être reconnu par l’élu du cœur, il se mélange un désir de rencontre physique intime, de communion des corps, et jusqu’à un certain point un « désir de plaisir » plus ou moins partagé à deux. La  chronologie et les proportions  des composantes affective et physique du désir varient d’un adolescent à l’autre. 

Le mouvement vers l’autre, le partenaire de rêve, est donc essentiel, définitoire du cœur de  l’adolescence qui va bien. Chez beaucoup, il ne se fait pas sans angoisse. A l’avant-plan, l’ado invoque des angoisses « techniques » (« Saurai-je m’y prendre, la première fois ? ») Mais, bien plus fondamentalement, il s’agit d’une insécurité autour de sa propre valeur (« Vais-je lui plaire ? Etre capable d’aimer ? Etre assez bien pour être aimé ? » Donc beaucoup prennent le temps de « tourner prudemment autour » pour ne pas « se ramasser un râteau » Alors, on va marivauder  et parfois un peu plus sur MSN. Dans la cour du lycée, on s’arrange pour passer devant le possible élu, en espérant qu’il va regarder furtivement ; si l’on est un garçon, on affirme bruyamment aux copains qu’elle est nulle ; si l’on est une fille, on fait partager le délice de sa quête à l’une ou l’autre grande amie, qui jurent le secret. Si l’on se sent homosexuel, il s‘y ajoute encore la difficulté du regard parental et social ! 

Un certain nombre vit la première fois de la rencontre des corps comme un symbole, un rite initiatique, le seuil de passage d’un statut à l’autre « Tu l’as déjà fé ? Oui, alors, t un vrai homme, une vraie femme » Même si, aujourd’hui comme hier, la première fois est loin de laisser toujours un souvenir transcendant. Un sondage sur un site web pour ados très fréquente indique 25% d’insatisfaction, 50% de « Bof », plutôt moyen et 25% de grande satisfaction. Décidément, si les temps changent, tout n’y change pas !

Ce que je viens de décrire vaut pour la moyenne des ados qui vont bien. Aux extrêmes, on trouve les précoces déjà en couple amoureux, voire sexuel, à treize-quatorze ans. A l’opposé, on trouve les provisoirement ou définitivement peu intéressés par l’amour, qui s’adonnent d’abord aux études – oui, parfois, cela arrive ! -, au sport, a leur groupe de musique, aux mouvements de jeunesse, etc.

Pour la moyenne des jeunes, en Europe occidentale, c’est vers seize ans que se vit le premier vrai grand amour, vite enrichi ou non de relations sexuelles. L’âge moyen de la première relation n’a pas beaucoup varié, entre quinze ans et demi et seize ans.

Il s’en suivra des liens très fidèles ou, plus souvent des amours à l’essai – ce qui ne veut pas dire qu’ils soient superficiels et papillonnants – suivis de ruptures douloureuses, de moments de célibat et de nouveaux essais.

La masturbation tient toujours la pêche. 

La masturbation, demeure une activité très fréquente chez les garçons et juste un peu moins chez les filles. Elle précède puis accompagne la mise en place du lien amoureux, pour décliner lentement ensuite : pour un garçon de quatorze ans, c’est une fois par jour, avec des sommets encore normaux qui montent à trois-quatre ; à dix-huit ans, c’est deux fois par semaine. Je redis rapidement ses principales fonctions, au-delà d’une visée de plaisir : se démontrer qu’on s’aime et qu’on peut se chouchouter ; se consoler ; apaiser des tensions ; apprivoiser des techniques et des variations du plaisir dans la sexualité. Elle pose parfois problème, mais alors, on quitte les rives de la bonne santé mentale : par exemple, elle devient une addiction chez certains ; chez d’autres,  mal dans leur peau, la masturbation, tout comme la fréquentation excessive d’Internet, entretient le cercle vicieux de la coupure des contacts sociaux. 

Deux questions connexes

A. Un mot  sur l’orientation sexuelle. 

Si l’on s’en réfère à un sondage de 4.000 ados sur le site qui nous sert de référence, il montre, que cette orientation n'est clairement hétérosexuelle que pour 70% des jeunes. 15% des ados se déclarent homo, et les autres ne savent pas encore bien. Même s’il existe dans ce sondage des biais qui accroissent artificiellement les chiffres de l’homosexualité, ces chiffres affichés sont nettement supérieurs à ce qui existait il y a vingt ans.

 

Comment le comprendre ? Certes, il existe un sous-groupe de très jeunes adolescents, voire de préadolescents, qui se découvre tout de suite très différent des autres dans le champ de l‘amour. Vraiment amoureux à douze ans de quelqu’un de leur sexe, - peu importe son âge ! - ces tout jeunes ne mettent pas longtemps à découvrir et à assumer en secret d’abord leur homosexualité.

D’autres le découvrent à quatorze-quinze ans, confrontés dans les vestiaires sportifs à l‘attrait fumant et irrésistible d’un beau corps, le même que le leur, ici idéalisé. Pour d’autres, c’est encore plus tard …

Mais il existe aussi des raisons sociologiques à cette croissance,  du côté de l’ouverture sociale en Occident, du prosélytisme et de la contagion et du côté de la recherche d’une affirmation de soi à la fois originale et peu dangereuse socialement. Des adolescents à la sexualité encore indéterminée, « bi » comme ils disent, se laissent prendre par ce type de facilitateurs sociaux et commencent eux aussi à se déclarer gay ou lesbiennes ; un certain nombre le restera, parce qu’il aura facilement accédé à des relations affectives et sexuelles homo agréables qui le satisferont. Donc, dans ce domaine-là, l’Europe 2026, ce sera San Francisco.

B. Sexualité dans la fratrie 

Le fait d’être frères et sœurs n’arrête spontanément de pratiques sexuelle partagées qu’une partie des enfants,  souvent au fur et à mesure qu’ils grandissent. D’autres ne voient dans leur frère ou sœur qu’un partenaire facilement accessible.  j'ai développé en détails cette application dans l'article :

Activités sexuelles dans les fratries de mineurs : I. Synthèse 

 

Néanmoins, « Rien n’est jamais acquis à l’homme … »                     

 

Aucun être humain n’est en mesure de vivre en permanence au cœur de la normalité, avec une santé mentale éclatante … ou affreusement étale. Chez l’enfant qui se développe bien, des excursions occasionnelles dans le monde de la pathologie ou du Mal demeurent possibles.  Elles se limitent néanmoins alors à un acte isolé ou à quelques-uns qui se répètent lors d’une phase de brève durée : trip d’un jour ou « vacances » de quelques semaines dans un club contestable. Cela peut aller loin : torturer un animal, ne pas dire « Non » si la petite bande dont on est membre filme sur portable une scène de molestation sexuelle d’un « naze », manipuler ou terroriser un plus petit et abuser de son corps. 

ILL. Un jour, Juan (huit ans) me dessine une fille nue avec quelques poils et un gros clitoris surchargé au crayon noir. Avec beaucoup de gêne, il m’expliquera que sa grande sœur ( quatorze ans ) lui a montré et expliqué son sexe en détail, puis a exigé qu’il le touche et le lèche … Après, elle lui a demandé pardon et lui a fait jurer de se taire … 

Lorsque ce sont des enfants ou des adolescents fondamentalement en bonne santé mentale qui dérapent de la sorte, on constate que : 

►- Ils ne vont qu’exceptionnellement au bout de l’horreur (par exemple : prolonger dans la durée un abus sexuel patent …) : leur conscience morale reprend le dessus et les en dissuade. 

►- Ils font spontanément marche arrière : ils regrettent leurs actes et prennent des dispositions personnelles pour ne pas récidiver ; ils s’efforcent même parfois de réparer leur faute tout seuls.

L’admettront-ils publiquement, spontanément ou s’ils sont soupçonnés ? Pas facilement ! Ils souhaiteraient que leurs exactions demeurent secrètes comme l’ont été les nôtres à leur âge. S’ils sont pris, c’est le drame, car leurs parents, sincèrement, ne comprennent pas : c’est comme si un seul acte détruisait tout ce qu’ils ont donné de positif à l’enfant.

A noter que ces considérations valent également pour les adultes. 

Lorsque la sexualité s’avère vraiment préoccupante 

Je décrirai les principales activités sexuelles préoccupantes par ordre d’incidence décroissante. 

Chacune d’elle est susceptible d’être transitoire ou de longue durée  parce que les problèmes psychologiques qui en sont la source continuent à peser ou que l’activité apporte à l’enfant beaucoup de plaisir physique ou de prestige au point qu’il en devient accro. Chacune d’elle occupe une extension variable dans le paysage d’ensemble des activités sexuelles de l’enfant, à un moment donné de sa vie : à un extrême, la catégorie « préoccupante » ne constitue qu’une petite zone parmi bien d’autres activités plus épanouies ; à l’extrême opposé, sa vie sexuelle se résume à une seule catégorie préoccupante, par exemple une quête intense d’amour sexualisé. 

 Activités sexuelles plus ou moins compulsives, déterminées par l’angoisse ou la culpabilité

A; Chez les enfants 

►- C’est notamment le cas de certains enfants très jeunes dont l’imagination fertile construit des théories sexuelles aussi fantaisistes qu’inquiétantes. Alors, pour en avoir le cœur net et se rassurer, il faut bien vérifier. 

►- C’est le cas aussi d’enfants qui ont vécu ou vivent encore des agressions sexuelles lourdes, principalement celles où on leur fait peur et qui se répètent. 

Agressions lourdes ? Par exemple, la vision d’images pornographiques beaucoup trop hard pour leur âge ; par exemple, certains types d’abus. 

Dans de tels contextes, les enfants peuvent être persécutés de l’intérieur par des images et des souvenirs sexuels traumatiques. Sur le terrain de la vie, ils montrent souvent un état de mal-être diffus ( stress, mauvaise image de soi …)  Dans le domaine sexuel, sur fond de pudeur excessive et d’inhibition, ils peuvent tenter de se libérer de loin en loin d’une image traumatique en renversant les rôles et en s’identifiant à leurs agresseurs : alors, c’est eux qui s’adressent impulsivement et sans beaucoup de respect à de potentiels partenaires sexuels : parfois des adultes, plus souvent des  plus faibles qu’eux en statut. Ils vérifient aussi compulsivement l’intégrité de leur corps sexuel par des masturbations sans joie (Heuly N., Fitzpatrick C., Fitzgerald E., 1991) 

►- La sexualité compulsive peut encore être le fait d’enfants souffrant de névrose. L’enfant refoule un désir – ici sexuel – qu’il croit mauvais, et son refoulement est loin de tenir  la route. Le désir refoulé refait donc surface d‘une manière plus ou moins travestie Le tableau clinique qui s’en suit est fort proche de celui de l’enfant traumatisé. Peut-être observe-t-on-on un plus grand nombre d’activités sexuelles compulsives et solitaires, que l’enfant ne réussit pas toujours à dissimuler.

B. Chez les adolescents 

Cette infiltration de l’angoisse dans la pratique et la sexualité marque-t-elle également les adolescents ? Dans une proportion moindre que les enfants, quoique les raisons restent identiques : 

►-  Un imaginaire assez puéril peut ré envahir transitoirement quelques-uns d’entre eux essentiellement  en début d’adolescence; ils se mettent alors à craindre les conséquences de leurs nouvelles pratiques sexuelles comme Prométhée aurait pu se reprocher d’avoir  volé le feu des dieux. Alors, par exemple, ils redoutent le SIDA bien qu’ils soient puceaux, la stérilisation de leurs organes génitaux ou l’exclusion de la communauté humaine, tant ils seraient jugés horriblement anormaux si l’on savait qu’ils s’étaient fait lécher le sexe par leur chien. 

►-  D’autres encore subissent en silence d’horribles abus sexuels qui les mortifient, les blessent et les culpabilisent. C’est mieux s’ils peuvent en parler par la suite. Mais nous connaissons tous de ces contrecoups terribles comme la toxicomanie, les TS ou l’anorexie entre seize et vingt ans, ou l’évitement sexuel de très longue durée. 

►- Il y a moins de névroses que chez les enfants puisque nombre d’ados ont dégonflé, remis à leur place les Voix infantiles de leur Sur moi, de l’autre-en-eux-devenu-eux, qui montrait du doigt leurs désirs sexuels. Les fois où elles persistent, il s’ensuit des signes de refoulement comme la frigidité, l’impuissance ou certains types d’éjaculation précoce. Ou des signes d’échec du refoulement, comme je les ai décrits tantôt pour les enfants. 

Le fichie« Sexualité-indicateurs (Dias) » reprend en diapositives les principaux critères de la sexualité anxieuse et les compare à ceux de la sexualité saine et des autres formes de sexualité préoccupante.

 

 Une vie sexuelle sans retenue

 

 

A; Pas loin de 10 % des enfants pré pubères pratiquent transitoirement ou longuement une sexualité que la majorité des observateurs sereins considèrent comme trop abondante ou trop précoce : elle approche et rejoint trop vite celle des adultes (Gila E., Cavanagh Johnson T., 1993) Pour ces enfants,  la pratique sexuelle ne revêt plus un aspect récréatif, mais devient une part significative de leur projet de vie. Le nombre  de ces petits gourmands du sexe va en croissant avec l’âge. Souvent, leur entourage est lui-même laxiste – « sexe » pour parler familièrement -, sans vraiment être incestuel ni pervers. D’autres ont été initiés aux joies du sexe par des plus âgés, adolescents et adultes, sur un mode soft et prosélyte et cela les a « allumés » 

L’enfant goûte donc aux plats sexuels des grands dès que l’occasion se présente. A dix ans, il fait une fellation à son copain, en imitant ce qu’ils viennent de voir à l’écran. En classe, il fait passer des photos ou des dessins sexuels. A douze ans, il a des relations complètes avec une copine de son âge, voire des plus âgés, jusqu’à des adultes pédophiles. L’ambiance de ses pratiques sexuelles se centre sur l’exploit, le plaisir physique et, s’il y a des partenaires engagés, ce sont plutôt de paillards copains de virée, de son âge ou  aînés, plutôt que des plus petits qu’il chercherait à déstabiliser (Yates A. 1997) 

B. A l’adolescence, le nombre de ceux et celles qui s’éclatent à longueur de temps dans le stupre n’est pas en croissance explosive : à l’instar de ce que l’on prétend pour les soi-disant violents, l’affirmer constitue bel et bien une projection d’adultes. 

Ce qui a radicalement changé, en référence à notre adolescence à nous, c’est la liberté de s’exprimer et de se reconnaître sexuels, la dédramatisation de la masturbation, la fréquentation de la pornographie, qui chez beaucoup passe d’une phase de découverte avide à une phase modérée, et la connaissance précoce de toutes les techniques sexuelles.

Ceci dit, c’est vrai qu’un sous-groupe plus important que chez les enfants relève probablement d’une sexualité sans retenue. Je l’estime à 15 à 20%, à un moment donné du temps. La frontière est floue avec la sexualité normo-développementale : 

►- Il y a d’abord ceux qui ont une sexualité libre et précoce, avec leur partenaire privilégié du moment mais avec davantage d’instabilité de liens que la moyenne. 

►- Vient ensuite le phénomène un peu différent du « One night shot » et,  dans le même genre, du « fucking friend » : ici, ce n’est pas avec son amoureux que l’on baise  excusez la trivialité de l’expression, c’est la seule appropriée – mais avec tel ou tel camarade du moment. C’est ici aussi que déclarer sa bisexualité constitue un phénomène en hausse. 

►- Vient enfin le petit sous-groupe des authentiques partouzeurs ou partouzeuses, qui ne demande pas de commentaire. 

Le fichier « Sexualité-indicateurs (Dias) » reprend en diapositives les principaux critères de la sexualité sans retenue et les compare à ceux de la sexualité saine et des autres formes de sexualité préoccupante.

 

Les enfants et les adolescents auteurs d’abus sexuels 

Dans la majorité des cas, il s’agit d’actes isolés ou qui ne se répètent que la durée d’une mauvaise passe. Des jeunes immatures, peu socialisés, et même des jeunes habituellement sains peuvent y céder.

Plus rarement, pour moins d’un pour cent  de la population infanto juvénile, ce sont des activités répétitives qui occupent une place significative dans le « projet sexuel » de ceux qui les génèrent. 

Deux motivations principales et non exclusives mutuellement sont à l’origine de ces abus répétés : 

►- La découverte et la quête du plaisir érotique peuvent devenir intenses, jusqu’à en rendre esclaves. Véritable accros du sexe, à l’instar des toxicomanes avérés, ces jeunes ne choisissent plus toujours de respecter leurs partenaires : si ceux-ci consentent, tant mieux, sinon tant pis !

ILL. Sammy (onze ans) a des relations sexuelles complètes avec sa sœur Samantha (douze ans). Les deux enfants se sont d’abord bien entendu à ce propos et se sont « arrangés » pour donner le change aux parents et ne pas se faire prendre. Après quinze mois, Samantha commence à se rétracter (peur liée à l’approche de sa puberté ? Prise de conscience de la transgression incestueuse ?) Mais Sammy ne peut pas entendre le « non » de sa sœur : il insiste et même si les relations sexuelles s’espacent, il finit toujours par « l’avoir à l’usure ». Longtemps après, de guerre lasse, Samantha ira toute seule le dénoncer à la police, après avoir vu une pièce de théâtre sur l’abus sexuel. Les faits découverts, Sammy s’effondre, demande pardon pour ce qui s’était transformé en abus et qu’il n’a pas pu regarder en face. Il trouve qu’il a été un salaud … et nous avons l’impression que son discours est sincère. 

►- Pour d’autres, le plaisir de l’emprise sur la victime constitue la motivation essentielle. Il ne fait souvent que concrétiser une volonté plus diffuse de pouvoir sur les lois de la vie, une recherche de toute-puissance, manifestée ici par l’audace à abuser. Cette démarche concerne des jeunes au tempérament dominateur que des adultes mous, voire démissionnaires, ne parviennent jamais à socialiser. Elle concerne aussi des enfants au tempérament fort, que des adultes eux-mêmes tout-puissants ont essayé de mater et qui leur résistent indirectement ; ces derniers vivent souvent dans un climat perpétuel de violence (conflits conjugaux bruyants, conflits avec les lois de la cité, cris, bagarres …) ; non seulement témoins, ces enfants futurs auteurs d‘abus sont eux-mêmes tant et plus agressés physiquement, moralement ou sexuellement.               

Le fichier « Sexualité-indicateurs (Dias) » reprend en diapositives les principaux critères de la sexualité abusive et les compare à ceux de la sexualité saine et des autres formes de sexualité préoccupante.

 

 Un intense besoin d’amour à travers la pratique de la sexualité 

Un petit pourcentage de jeunes (2 % ? 3 % ?) recourent de façon durable à des pratiques sexuelles partagées pour obtenir, voire mendier de l’amour. On peut les répartir en deux catégories

►- Il y a d’abord ce qui se passe dans une petite  minorité des incestes. Ici, après des manœuvres d’approche uni – ou bilatérales, voici l’enfant ou l’ado petit amant ou « maîtresse » d’un parent, fier de l’être, heureux de recevoir une affection spéciale, allant parfois jusqu’à triompher d’avoir pris la place de l’autre parent  ou de la fratrie et, cerise sur le gâteau, prenant son pied dans le champ sexuel. Ces lignes peuvent choquer, mais de tels jeunes existent néanmoins, garçons et filles, en alliance dite perverse avec un parent. Pour une minorité, c’est clair et simple : ils le veulent intensément. Beaucoup, en revanche, sont plus ambivalents. 

►- Par ailleurs, certains enfants carencés affectifs ne se laissent pas étioler par le froid qui les entoure. Plutôt résilients, ils se mettent en chasse d’affection tous azimuts et principalement à l’extérieur de leur milieu naturel dont ils n’attendent plus rien.

Au fil de leur errance, pour être aimés et parce que le sexe est un des rares plaisirs consolateurs qu’ils connaissent (sous sa forme autoérotique), ils prennent l’initiative de « draguer » un partenaire potentiel de n’importe quel âge de la vie.

Et la suite ? Parfois, c’est le râteau ou la seule rencontre de pervers qui n’en ont que faire de leur être. Mais ailleurs, un lien se noue  et une relation affective s’installe, ostensible ou secrète, avec une sexualité partagée qui vient la compléter.

Malheureusement, la qualité de la relation se dégrade souvent au fil du temps. D’abord, chacun veut recevoir un amour parfait de l’élu de son choix, origine d’une grande vulnérabilité. Ensuite, la société supporte généralement mal leur lien fusionnel lorsqu’elle le repère, même si, jusqu’à présent, elle n’a pu leur offrir aucune alternative ressourçant. 

 La recherche de bizarreries et les franches perversions .

A. « Rien n’est acquis à l’homme », une fois encore. Chacun, à chaque âge de la vie, est susceptible de se dévoyer dans la pratique d’un plaisir dégradant. Un peu par hasard, par suggestion des autres ou parce qu’il traverse une mauvaise passe. Ou aussi, parce qu’il y a chez chacun, plus ou moins fort, un goût pour le fruit radicalement interdit et pour le défi que cela représente que d’oser y mordre.  D’autres encore ont peur de l’intimité de la relation complète, en refoulent l‘idée et satisfont leurs besoins sexuels par des compensations très partielles : la masturbation dans une culotte plutôt que négocier avec une fille et s‘abandonner à la relation …

B. Tous ne succombent pas à ces tentations. Beaucoup de ceux qui y succombent ne font qu’un aller-retour : c’est ainsi, je crois, qu’il faut interpréter la statistique qui prétend que 5 à 10% des jeunes ont pratiqué la zoophilie, maintenant qu’Internet leur montre très précisément ce que c’est.  

ILL. Autour des quatorze ans  Pierre  redouble d’activités exploratoires qui sentent parfois le soufre. Etonnant, chez ce jeune ado qui est et reste très bien élevé et à qui l’on donnerait le bon dieu sans confession. Un jour, il m’envoie un courriel demandant un rendez-vous en grande urgence. C’est la deuxième fois qu’il le fait ; la première, il était littéralement traumatisé – au sens du PTSD – par la vision d’images pornographiques d’une hardiesse imprévue. Je le reçois rapidement pour m’entendre raconter, avec infiniment d’embarras que, quelques mois plus tôt, il s’est fait lécher le sexe par son chien et qu’il a éjaculé. Il vient, au fond, pour se soulager de sa honte, pour vérifier si nous allons encore pouvoir nous regarder les yeux dans les yeux et s’il va continuer à m’entendre dire : « J’ai de l’estime pour toi »

C. Une minorité s’accroche néanmoins aux pratiques très déviantes expérimentées, vécues comme très plaisantes et répondant  dans l’agir à des angoisses et à des besoins affectifs insatisfaits ( Bokanowski T., 1995 ) C’est le domaine des perversions structurées ; il faut se souvenir que leur noyau le plus dur, comme le grain de sable qui constitue le centre d’une perle, ici bien noir, se met souvent en place bien avant dix-huit ans ! Mais les enfants et les adolescents ne s’en vantent pas et, lorsqu’on les débusque, ils jurent toujours que c’était la première fois, qu’un autre les y a entraînés et qu’ils ne recommenceront plus. Va savoir ! Rien n’est moins sûr, quand le plaisir vécu est ressenti comme vraiment exquis ! Dans ce champ, on peut trouver les underground incroyables : par exemple, il existe des dizaines de milliers d’infantilistes dans le monde, il y a même des psychologues infantilistes prosélytes, qui prétendent qu’on a le droit de faire à peu près tout ce qu’on veut de sa sexualité. Et l’on estime que 15% d’entre eux commencent avant la puberté, par exemple pour gérer dans des agirs secrets la douleur que leur fait vivre la naissance d’un puîné Ah, c’est quoi l’infantilisme ? Perversion sexuelle en référence à laquelle, après l’école ou le travail, seul ou en couple complémentaire, une personne suce à  nouveau des « tu-tuttes », se nourrit de biberons et de panades, se met des langes dans lesquels elle fait ses besoins, en les agrémentant parfois du produit d’une masturbation. Dans un ordre d’idées analogue, il y a le panties poop (faire exprès caca dans sa culotte, l‘odeur et la sensation sont tellement délicieuses !) Et Internet néo-libéralise tout cela : Jamie (dix-sept ans), lui, se posait quelques questions sur l‘intégrité de ses gonades suite à sa longue pratique d‘électrostimulation masturbatoire testiculaire (Recette ? Une trentaine de pages au moins sur Google) 

D. Officiellement, les ados n‘aiment guère les franches perversions durables, les officielles bien répertoriées qui finissent par invalider la vie et par couper des autres. C’est ce qu’ils déclarent massivement sur les forums lorsqu’un des leurs hasarde une question dans ce champ … De là à dire que beaucoup n‘ont pas expérimenté ou ne pratiquent pas encore l‘une ou l‘autre petite bizarrerie bien vicieuse pour mieux se faire jouir, il y a un pas que je ne franchirais pas … mais, discrétion oblige, ils ne s‘en vantent guère, même entre cops sur les forums.

 

Le fichier « Sexualité-indicateurs (Dias) » reprend en diapositives les principaux critères de la sexualité perverse et les compare à ceux de la sexualité saine et des autres formes de sexualité préoccupante.

Comment l’adulte peut-il accompagner ce cheminement sexuel ? 

Repérer ses émotions 

L’adulte peut d’abord et avant tout essayer de voir clair dans le mélange d’idées irrationnelles et d’émotions qui montent souvent en lui lorsqu’il est confronté à l’improviste à l’évocation et encore plus à la pratique de la sexualité infanto-juvénile. En voici quelques exemples, parmi d’autres : 

►- Lorsque l’enfant passe la porte de la sexualité, il pénètre un patrimoine gardé par les adultes. Et voici que des novices y débarquent et prétendent s’y exercer ! Leur entrée dans le domaine sexuel, irruption parfois sauvage, peut donc angoisser comme lorsque, à peine adolescents, certains jeunes veulent apprendre à conduire la voiture familiale ! Ici, c’est encore pire : ils prétendent se débrouiller tout de suite seuls ou entre eux ! 

►- Et si, sans en être bien conscients, les adultes se sentaient parfois jaloux, eux qui détiennent le feu ? Tous ces petits Prométhée, que viennent-ils donc faire sur le territoire de leur sexualité ? Si on laisse les enfants, puis les ados s’exercer à n’importe quoi, c’est peut-être bien ceux-ci qui s’empareront sexuellement des « spécimens » les plus beaux, les plus vigoureux et donc les plus désirables de la communauté ! Même les scientifiques n’échappent pas à ce vécu de jalousie, qu’ils expriment dans des affirmations contestables. Pensez par exemple à tous ces brillants esprits qui affirment sans autocritique qu’il faut donner de la castration (!) à l’enfant, pour qu’il assume ses manques alors que les parents castrateurs apparaissent si détestables aux mêmes auteurs ! 

►- Une pointe d’envie se mélange parfois à la jalousie de l’adulte, se mêlant alors un peu trop de ce qui ne le regarde pas. L’adulte aussi colle parfois son oreille à la porte de la chambre de l’enfant, pour y retrouver le charme un rien sulfureux de ses dix ans. 

►- Dans d’autres contextes, un voile de tristesse s’abat sur les parents : l’enfant n’est plus l’oisillon qui se laisse bercer au nid … il est allé regarder des sites porno sur le Net. Voici donc leur petit intéressé à son tour par le plaisir physique, la transgression, l’excursion du côté de l’Interdit et parfois du Mal. Son itinéraire de vie ne sera pas plus épargné que le leur par ces intérêts et acquisitions, inhérents au grandissement et à la perte d’innocence chez tous. 

Evidemment, l’éducation idéale ne se déroule pas dans une ambiance neutre, plate, sans le tumulte de la vie que sont les émotions ; ce serait pire encore si les adultes n’y manifestaient que des émotions sélectionnées à fin d’orthopédagogie.

Illusoire d’imaginer que les choses seraient plus faciles si nous parvenions à repérer à l’avance ces « bonnes » émotions, et si nous nous en servions comme les piliers d’un système éducatif autant vécu que pensé. Hélas, ce repérage préventif s’avère impossible et l’on ne sait jamais présager à coup sûr l’impact final de l’expression des émotions.

S’il en est ainsi et si nous en avons l’humilité, il nous est toujours loisible de réparer les dégâts que nous causons : nous pouvons vraiment essayer de « rattraper » une réaction blessante, injuste ou que l’enfant n’a pas comprise et qui l’a laissé dans l’angoisse. 

Installer l’enfant dans la joie d’être sexué et sexuel 

Au début de la vie commune avec le bébé, par leur investissement charnel, les parents « sexualisent » littéralement le corps de celui-ci. C’est une mission fondatrice positive, du moins si ce mouvement est gratuit chez les parents, c’est-à-dire si ce petit enfant n’est pas l‘objet nécessaire de leur excitation et de leur jouissance sexuelles à eux, ni d’une volonté de possession affective. Alors il leur revient de toucher et de caresser le corps de ces tout petits, de les étreindre, de leur faire ces petits câlins qu’ils affectionnent, de les faire danser sur les genoux. Et leur tendresse peut porter sur toutes les parties du corps, y inclus les parties sexuelles : elles aussi peuvent parfois être l’objet d’un clin d’œil amusé, d’un commentaire souriant, d’une petite chatouille fugace au sortir du bain …

Au fur et à mesure que l’enfant grandit, les parents se sentent spontanément invités à rendre moins charnels leurs signes d’amour. Ils les remplacent par des gestes de tendresse plus discrète, plus délicate et par une reconnaissance verbale positive de son corps et de son être.

A l’adolescence, la discrétion, la pudeur des gestes seront de mise plus que jamais. N’empêche que, en dehors des périodes de grandes tensions relationnelles, la plupart des adolescents apprécient sans commentaires en retour des reconnaissances verbales brèves et sobres de leur physique, même lorsqu'elles émanent de leurs parents : « Quel super look ! » « Quel mec ! » « Comme tu es jolie ! » « Tu cvhoisis vraiment bien tes vêtements », etc. 

 Le témoignage de vie spontané des adultes 

Voici bien une dimension fondamentale, la plus irremplaçable de l’éducation. C’est ce qui éduque sans qu’on veuille éduquer.

Concernant la sexualité infanto-juvénile, nous gagnerions à nous interroger plus particulièrement sur : 

►-  La place que nous accordons à notre propre sexualité dans notre vie et le sens que nous lui attribuons. 

►-  La place réservée aux plaisirs de la vie, la proportion plaisir-travail que nous mettons en actes et le sens que nous lui attribuons.

►-  La manière dont nous vivons les liens affectifs. 

►- La considération que nous portons aux intérêts d’autrui et à ceux de notre personne ; notre manière de résoudre les conflits d’intérêts. 

 L’ambiance de vie quotidienne : entre discrétion et présence

A. La discrétion ? 

Face à cette majorité de jeunes dont le développement général et sexuel apparaît suffisamment bon, une excellente façon d’accompagner l’installation de leur sexualité consiste à leur laisser très largement la paix : en ne répondant pas à l’avance à des questions qu’ils ne (se) posent même pas, en ne nous immisçant pas dans des tâtonnements voulus privés par eux, ou pour lesquels ils cherchent de l’aide auprès de leur génération, en les laissant juges de ce qu’ils se hasarderont peut-être à venir demander chez nous … 

Lorsque les activités sexuelles deviennent préoccupantes, il faut procéder à des adaptations réalistes en fonction de la nature et du comportement de l’enfant. Ainsi, un anxieux a souvent besoin d’une réassurance plus active, qui précède certaines questions qu’il n’ose pas poser clairement. On peut, sans lui faire violence, lui montrer délicatement qu’il est possible de dialoguer au sujet de la sexualité et que ces échanges peuvent être libérateurs. Par ailleurs, certaines catégories de fonctionnement sexuel demandent une vigilance lucide : les jeunes sans retenue sexuelle ou ceux qui sont susceptibles de dériver vers la perversion. De même, si un jeune a vraiment commis un abus, il faut le surveiller davantage, jusqu’à ce que l’on redevienne suffisamment rassuré sur son évolution.

B. La présence ? 

Ceci nous introduit à la question de la valeur plus générale de la présence de l’adulte aux côtés de l’enfant. Bien conçue en qualité et en quantité, la présence a des effets bénéfiques qui retentissent sur la socialisation de celui-ci et sur l’intégration de sa sexualité dans l’ensemble de son projet de vie. Elle est d’évidence une condition nécessaire à la mise en place du lien affectif. Elle est l’occasion concrète pour l’adulte de parler, de transmettre ses idées et ses valeurs ; l’occasion d’être aux côtés du jeune pour encourager ses efforts, le soutenir, lui donner un coup de main, féliciter ses réussites. Elle a une connotation de force : de l’adulte présent devrait émaner une atmosphère de saine autorité. Elle agit enfin comme une présence qui surveille discrètement. Sans soupçonner tout et n’importe quoi, par le simple fait d’arpenter le territoire commun, l’adulte limite de facto le temps et l’espace libres pour les seules décharges pulsionnelles, les plus impulsives et les plus crades.

Il faut donc pouvoir manier habilement les deux nécessités paradoxales de la présence et de la discrétion. Plus l’enfant avance en âge, plus l’adulte-parent doit pouvoir se retirer matériellement, tout en restant disponible spirituellement. 

Monologues et dialogues sur le sexe 

 

Ces moments d’engagement verbal de l’adulte, de l’enfant ou des deux ne sont pas toujours faciles.

Notre marge de manœuvre y est assez étroite : d’une part, nous devons veiller à ne pas étouffer l’enfant sous la masse de nos paroles ; de l’autre, celui-ci apprécie notre engagement personnel.

Dans les moments où l’information est de mise, elle gagne à être transmise sobrement, brièvement, en réponse à une interrogation vivante chez l’enfant. Elle doit être énoncée en termes accessibles et son contenu ne doit pas dépasser les capacités émotionnelles de l’enfant à l’intégrer. Après l’avoir proposée, il est utile de vérifier ce qu’il en a compris et ce qu’il en pense. Enfin, je rappelle le grand intérêt qu’il y a à  corriger à l’occasion une première réaction verbale ou comportementale négative, faite sous le poids des émotions irrationnelles du moment.

A d’autres moments, nous gagnerions à reconnaître notre ignorance ou notre incertitude. Cet aveu serein n’a rien de commun avec le silence pesant qui donne à l’enfant l’impression que sa préoccupation ou son action du moment sont inadmissibles.

Il peut s’agir aussi d’une incertitude sur la dimension saine ou préoccupante d’un comportement. Une masturbation anale occasionnelle avec le goulot d’une bouteille, à dix ans, est-ce un tâtonnement sans autre signification que la curiosité et le défi, ou l’indicateur d’une structuration perverse en passe de se fixer ?

L’incertitude peut également porter sur les codes sociaux. Quels sont ceux qui s’appliquent vraiment à l’enfant à tel moment de la vie ?

Il peut s’agir enfin d’une incertitude sur la valeur plus profonde d’un acte posé : Que penser de ces préados qui regardent de la pornographie ? Et de cette grande sœur dominante qui initie à la masturbation sa docile sœur, plus jeune de trois ans ? 

Le jeune a toujours besoin d’authenticité … nous aussi nous sommes des êtres de chair, qui avons à dominer la gestion de notre sexualité pour qu’elle reste sociable … sans entrer dans les détails de notre privé, l’enfant ou l’adolescent doit savoir qu’il en est ainsi … et après tout, avec les aînés, pourquoi ne pas être plus concrets et évoquer l’un ou l’autre avatar de notre propre itinéraire, sans exhibitionnisme, plutôt pour le rassurer. Un exemple pourrait être notre propre rapport à la pornographie … 

Enfin, nous pouvons discuter avec l’enfant et encore plus avec l’adolescent sur le sens de la sexualité et sur les valeurs qu’on peut lui attribuer. A titre indicatif, voici ceux qu’il m’est arrivé de proposer à mes enfants et à mes jeunes clients :

 

►- La sexualité est un dynamisme vital positif, souvent destiné à se réaliser dans le cadre de liens affectifs de camaraderie ou d’amour, en apportant enrichissement humain et plaisir à celui qui la pratique. 

►- La sexualité sert à transmettre la vie et le génome humain. L’évolution de l’histoire de la vie sur terre indique la nécessité qu’il continue à naître des petits humains, dans le cadre d’une parentalité responsable. Cette finalité biologique doit continuer à être promue par la communauté. Chacun n’a pas l’obligation d’y participer directement, mais personne ne peut s’opposer à ce dynamisme d’une transmission de la vie autour de lui, qui doit être responsable. 

►- La sexualité donne du plaisir et spécifiquement un plaisir érotique. Comme tous les autres plaisirs corporels et matériels, c’est notre être qui doit le gérer et non l’inverse.

La modération sexuelle conserve tout son sens : les groupes qui ne vivent que pour la sexualité-plaisir ne construisent pas de civilisation. 

►- Pratiquer une sexualité épanouie connote la reconnaissance d’une place positive pour l’autre, le(s) partenaire(s) et les témoins potentiels. C’est donc dire que les enfants ont non seulement, le droit, mais aussi le devoir de se protéger directement de demandes sexuelles abusives et de demander de l’aide s’ils n’y arrivent pas seuls. Autant pour celles dont tout simplement ils n ‘ont pas envie !

L’exercice de la sexualité ne peut pas faire souffrir autrui (pas de violence sexuelle, pas d’égocentrisme forcené où l’autre n’est vécu que comme objet de jouissance, sans la moindre considération pour ses sentiments) 

►- Chacun doit respecter les frontières Trans générationnelles et  pratiquer sa sexualité de façon discrète (même les partouzeurs ou les spectateurs de live-shows se retirent pour pratiquer  dans des endroits clos, à l’abri des regards  étrangers …) 

►- Tout groupe (famille, école …) a des attentes sur une formalisation de la sexualité de ses membres. Il faut distinguer les attentes majeures (ou essentielles, fondamentales) qui portent sur le respect des « Lois naturelles » et sur la partie des codes sociaux qui les concrétisent et des attentes mineures (ou ordinaires) qui portent sur l’autre partie des codes sociaux, partie élaborée de façon plus conjoncturelle en fonction de la culture de chaque groupe. 

La régulation de la sexualité des mineurs

A. A tous les âges de la vie, certaines pratiques sexuelles sont susceptibles de contrevenir aux Lois naturelles. Elles font violence sur l’autre, le détruisent ou veulent prendre possession de tout son être, comme c’est le cas dans l’inceste. Parfois, c’est la personne qui pratique qui est elle-même détruite, comme dans certaines perversions dégradantes. Ces pratiques sont totalement inacceptables et doivent être interdites.

B. Plus souvent, néanmoins, via ses pratiques sexuelles, l’enfant ne fait que contrevenir aux règles de vie et à la culture de son groupe. Ces règles sont faites pour veiller à l’harmonie du moment et indiquent les formalisations de la sexualité acceptables aux yeux du groupe considéré. En particulier, il existe quasi toujours des formalisations autour de l’âge auquel certaines pratiques deviennent admises.

L’enfant qui y désobéit avec suffisamment d’intentionnalité commet une transgression mineure. On ne devrait pas lui reprocher d’avoir « mal fait », mais plutôt admettre qu’il est « difficile, désobéissant, imprudent, défiant » Lorsque l’adulte s’emploie à faire respecter ces règles, il veille à ce que l’enfant reste dans l’ordre et, si celui-ci les transgresse, il le rappelle à l’ordre. 

Il existe néanmoins un groupe de règles mineures qui apparaissent comme chargées de beaucoup de bon sens aux yeux de la majorité des adultes. Elles leur semblent garantir des aspects  importants pour le statut des uns et des autres. Ce sont des règles (mineures) puissantes. Le terme me semble justifié, même s’il peut paraître paradoxal qu’une règle encore mineure soit déjà puissante : l’enfant qui la transgresse reste un enfant défiant, pas mauvais, car il ne va toujours pas à l’encontre d’une Loi naturelle, mais il devrait rencontrer une forte détermination pour être rappelé au cœur de l’ordre. 

Voici, me semble-t-il, quelles en sont les principales dans nos sociétés occidentales au début de ce troisième millénaire : 

  • Pas d’activités sexuelles complètes (avec tout type de pénétration) avant la puberté achevée. Autant pour les activités qui en ont l’apparence, sans en avoir l’intention érotique (« mises en bouche … ou en derrière » exploratoires) 
  • Pas d’activités sexuelles entre un jeune pubère et un enfant tout à fait impubère. 
  • Pas d’activités sexuelles si la différence  d’âge est trop importante. 
  • Plus d’activités sexuelles partagées dans la fratrie à partir de la préadolescence (onze ans) 
  • Pas d’activités sexuelles franchement bizarres (activité avec un animal, tranvestissement, etc.) 

Prise en charge spécifique de la sexualité préoccupante 

Lorsque la sexualité s’avère préoccupante, des composantes spécifiques s’ajoutent aux attitudes décrites jusqu’à présent. Celles-ci consistent en attitudes éducatives particulières qui visent le quotidien et en activités de soins, chacune également importante et complémentaire aux autres. L’espace me manque néanmoins pour développer cette importante question et je vous renvoie à mon ouvrage  « La sexualité des enfants », Paris, Odile Jacob, 2004, p. 245  et suivantes.

Je me limiterai maintenant à esquisser un programme global qui peut favoriser la maturation sexuelle d’un enfant ou d’un ado surpris à des bizarreries. Vous devinerez tout de suite les analogies dans la prise en charge avec les autres catégories d’activités préoccupantes.

A. Ce programme implique les parents (P), d'autres membres adultes de la communauté, en position informelle d'éducation ou d'enseignement (A), ainsi que les psy dans leur fonction de diagnostic (D) ou de psychothérapie (T) Ces personnes sont impliquées en ordre principal (+++), au même titre d'autres (++) ou accessoirement, en surcroît d'autres fonctions plus centrales (+) :

Observer le comportement de l'enfant, avec vigilance et discrétion, sans dramatisation, sans paranoïa, mais également sans ingénuité ni effritement (P+++ ; A+ ; D et T ++)  
B. Faire retour sur soi en tant qu'adulte ; vérifier, entre autres, si l'on n'a pas véhiculé une image trop angoissante de la rencontre sexuée, si l'on ne pousse pas l'enfant au défi des lois ou si l'on n'est pas trop ambivalent dans la régulation de ses comportements sexuels (P+++ ; A+ ; D et T ++)  

C. Dialoguer avec l'enfant, à propos de son comportement problématique et de la sexualité en général; dialoguer aussi à propos de lui, de ses richesses, questions et problèmes (P+++ ; A+ ; D+++ ; S’il s'ensuit une psychothérapie, T+++).

 Encourager la parole de l'enfant et commencer par accueillir sans critiques ce qu'il dira éventuellement. On n'y arrive pas sans art de l'apprivoisement et rarement en une fois... mais l’on n'a pas le choix et l'on doit donc viser à ce qu'il parle de : 

►- son activité sexuelle problématique : Peut-il la raconter brièvement ? Comment l'idée lui en est-elle venue (rôle éventuel d'autres, d'Internet, etc.) ? L'a-t-il déjà fait auparavant ? Si un ou des autres y étai(en)t impliqué(s), quelles interactions y a-t-il eu avec lui (eux) ? Qu'y trouve-t-il de bon pour lui ? Qu'en pense-t-il ? Etc. 

►- d'autres dimensions éventuelles de sa vie sexuelle, à faire préciser dans le même état d'esprit ;   
►- d'autres dimensions de sa personne, ses richesses, problèmes, joies, soucis, intérêts, etc. … 

Lui donner du répondant sur ces terres parfois bien torturées de son vécu sexuel : tant mieux si tous les adultes y parviennent ;  entre autres, l'engagement verbal du thérapeute, à la fois précis, sincère et délicat n'est ni facile ni impossible ; Il éveillera d’autant plus d’intérêt et de réciprocité chez son jeune interlocuteur qu'il s'y montrera porteur d'idées personnelles, ni « coincé » ni agent d'un prosélytisme ni d'un voyeurisme troubles ; S’il est thérapeute, il doit également respecter la confidentialité entre son jeune client et lui [2], sans tout de suite avoir mal au ventre parce que les parents ou le système judiciaires ne sont pas informés !

Alors, souvent l'enfant ou l'ado commencera par des coups de sonde et finira par partager ses vraies préoccupations sexuelles, qui le rongent parfois intensément ... Et sans le brusquer, on connaîtra alors la joie de le faire réfléchir et de l'amener à décider par lui-même de formes bien sociables de sa vie sexuelle.

En parlant passablement beaucoup de sexe avec moi, Julien ( dix-sept  ans ) a fini par se convaincre de ne plus agrémenter ses masturbations grâce à des plaisirs « électriques-basse tension » inspirés par des dizaines de sites web pervers ... un jour, entre deux entretiens, j'ai la joie de recevoir l'e-mail suivant : « Savez-vous que j'ai failli craquer et reprendre mes exp. électro ? Après une journée chiante à la boîte (N.B. son école) j'avais besoin de sensations fortes (il explique les déboires et l'ennui de sa journée) ... et j'ai eu envie d'un petit montage hard ... que je me suis interdit, donc j'ai été me défouler en soulevant de la fonte ... j'ai été à la muscu ! »

Quelle joie j’ai eu à lire ce mail ! Julien s'interdit tout seul de s'auto dégrader; il vise à cultiver positivement son corps plutôt que de mettre ses spermatogonies en péril … et il a trouvé tout seul l'idée de s'épuiser dans la musculation là où certains manuels de sexologie béhavioristes se limitent à proposer une masturbation à toute allure et sans fantasmes pour oublier une envie perverse. 

 S'efforcer de convenir avec le jeune d'engagements concrets à propos de ses pratiques sexuelles à venir (et parfois, d'autres dimensions de sa vie)
Si l'on constate une souffrance sexuelle ou une souffrance morale plus générale, on peut lui proposer de continuer ces entretiens par une psychothérapie : à l'intérieur de celle-ci, on veillera à questionner de temps en temps son évolution sexuelle, sans pourtant le réduire à sa sexualité et donc en s'intéressant à lui en général.    
S'il n'y a pas souffrance ou que l'enfant ne souhaite pas de psychothérapie, on lui demandera de se présenter à des entretiens d'évaluation espacés (par exemple tous les deux mois), un certain temps (par exemple deux ans)

E.  Interdire clairement et sereinement toute récidive de la pratique sexuelle préoccupante.

C'est essentiellement l'affaire des parents ( P+++ et A+ ) si la pratique ne portait que sur une transgression des normes socio-familiales ou de prescrits culturels : " Chez nous, personne ne réalise  sa sexualité de cette manière-là ; si tu veux faire du sexe, tu peux ..."       
Si, en plus, il y a eu transgression des Lois Naturelles ( par exemple, violence sur autrui; entraînement d'un tout petit ), l'interdiction doit émaner de tous, et se formuler de façon plus radicale (" Un être humain ne fait pas ce que tu as fait là ") ; elle gagne même à s'accompagner d'une exigence de réparation concrète ou d'autres sanctions si elle s'est accompagnée de la destruction morale d'autrui.

(P+++ ; A++) Il reste à veiller à ce que : 

►- la présence concrète et spirituelle des adultes soit plus " forte " dans la vie de l'enfant ;
►- l'attractivité de son quotidien soit bien réelle : Présence de sources variées de plaisir et de possibilités de réalisation de soi qui intéressent l'enfant ; soutien de leur réalisation. 

 culpabilité infantile, sexualité sans retenue.

 

Le chemin sexuel de la majorité (silencieuse ??)

 I.L’activation pubertaire (1)

Elle n’est évidemment pas que physiologique. La psychologie du préadolescent change, elle aussi, et entre autres le regard qu’il porte sur son corps en mutation sexuée. Il lui faut parfois un certain temps pour accepter les changements de celui-ci, qui échappent largement à sa volonté (rougissements, mue de la voix, sautes d’humeur …) Chez beaucoup, quelques mois suffisent cependant à installer une acceptation et une appropriation majoritairement positive de ce corps nouveau.

Corps nouveau qui est bien un corps « sexuel », possédant des signes, des capacités, et un potentiel de sexe et de plaisir que ne connaissait pas l’enfant. Et qui intéresse diablement le tout jeune adolescent ! Plutôt secrètement et avec des moments de gêne en famille (ah ! ces remarques des grands sur les seins qui poussent ou l’érection qui se devine sous le pyjama !) … et bien plus ouvertement dans l’intimité de la chambre (ou de la douche) … et les échanges de cours de récré !

 II. Au début, vers 12-13 ans, la grande majorité de ces jeunes ne vit pas déjà un vrai sentiment amoureux.

 

Pour les quelques Roméo et Juliette qui y font exception, il est encore plus rare qu’ils aspirent alors à une activité sexuelle complète et partagée, comme consécration de leurs amours !

 III. quelques jeux sexuels hérités de l’enfance,

 

 Jusque 14-15 ans, il  peut persister encore transitoirement quelques jeux sexuels hérités de l’enfance, avec en prime davantage de plaisir spécifique : l’une ou l’autre masturbation à deux (ou plus) devant de la pornographie ou dans une tente scout ou  un vestiaire sportif … de l’exhibition cousins-cousines dans la chambre partagée, pendant que les adultes font la fête en bas …

Il n’est pas impossible que ces jeux sexuels se déroulent encore dans la fratrie, entre mineurs d’âge et de statuts similaires. Même s’ils sont consentis par leurs acteurs, les parents doivent y mettre fin fermement à partir de la puberté, sans crier ipso facto à l’inceste[(2).

Il n’est pas impossible non plus que, boosté par « les démangeaisons de la puberté », l’un ou l’autre ado, pourtant fondamentalement sain et sociable, ne recueille qu’à moitié … ou au quart … le consentement de l’enfant parfois (bien) plus jeune auquel il s’adresse. J’en reparlerai plus loin dans l’article, à propos d’abus sexuels isolés.

IV.l’une ou l’autre épine sexuelle 

Enfin, durant l’enfance ou l’adolescence, beaucoup de mineurs rencontrent l’une ou l’autre épine sexuelle (3) : ici, c’est leur consentement à eux qui n’a pas été recueilli. L’événement est isolé, ou n’a lieu que deux trois fois, et est traumatisant sans l’être excessivement : Ca cicatrise tout seul ou avec un peu d’aide.  Ces passages par des jeux ou des épines sexuelles ne sont cependant pas systématiques.

V.  l’âge d’or de la masturbation

Pour beaucoup, la quête de la sexualité-plaisir, le désir de maîtriser la sexualité des grands, le désir « d’être au parfum », cela se concrétise d’abord par des activités menées tout seul (4), : la première partie de l’adolescence, c’est l’âge d’or de la masturbation, chez quasi tous les garçons et juste un peu moins chez les filles : masturbations fréquentes, pimentées parfois d’expérimentations originales pour avoir plus de plaisir ou pour se montrer qu’on ose : le (jeune) ado les estime souvent abominablement sulfureuses, mais elles feraient sourire par leur créativité ingénue tout adulte sexuellement épanoui qui en serait informé.

 VI. Le monde d’Internet et des réseaux sociaux sert (très) souvent d’appoint – et parfois plus – à cette quête !

J’en parle en détails dans l’article  L’adolescent, le sexe et le numérique (Pour beaucoup, cela se limite à de la consultation de pornographie, avec constitution de petites collections – extraits choisis pour agrémenter les masturbations. On glane aussi nombre d’informations coquines, avec le frisson de l’interdit quand on s’aventure du côté du vraiment glauque. Les plus hardis sortent un peu du monde du « tout seul », en fréquentant des sites où l’on se montre en cam, voire en échangeant l’une ou l’autre photo érotique d’eux-mêmes avec une fille du fond du Québec. J’en ai connu un qui, à treize ans, avait fait un petit clip vidéo de lui, acteur d’un strip-tease langoureux, avec exploration anale, autour d’une barre. Le clip était mal protégé sur son ordi et sa mère – plus rigide que la barre – était tombée dessus !! Provocation inconsciente ? Va savoir !  Bah, il a sans doute bien évolué et est maintenant professeur de religion, de morale ou de citoyenneté dans une bonne école…

VII.l’étape du vrai amour

Un peu comme les vagues de la mer qui se superposent et se fondent, l’étape du vrai amour succède naturellement à cette phase de préparation en solo. Bien des garçons « tombent » amoureux vers quinze, seize ans … et les filles douze à dix-huit mois plus tôt. Et dans beaucoup de ces amours, il persiste d’abord une étape de découverte de la personne de l’autre, ainsi que d’exploration sensuelle, avant la « première fois » Les chiffres nous apprennent d’ailleurs que l’âge moyen de cette « première fois » reste stable, autour de seize ans. En anticipant cette première rencontre sexuelle, les jeunes ne se sentent guère anxieux parce qu’ils s’apprêteraient à transgresser un « ordre familial, ou social » plutôt effrité, mais toujours anxieux de bien réussir leur prestation, tout comme nous avons pu l’être nous bien avant eux : « Suis-je capable d’aimer ou d’être aimé jusque là ? Vais-je assurer ? Vais-je me donner et lui donner du plaisir ? Que pensera-t-il (ou elle) de moi ? Vais-je avoir mal ?» Mais bon, l’histoire montre que ça passe, parfois un rien péniblement, cette première fois, mais que la suite est beaucoup plus délectable …

Quand « ça a l’air sérieux », tôt ou tard arrive la demande : « Peut-il (elle) venir dormir à la maison ? » Entendez : reconnaissez-vous officiellement le droit que nous nous sommes donné à nos relations sexuelles ? Chaque famille a sa politique à ce sujet, mais mon impression est que, au-delà de seize-dix-sept ans, la réponse est souvent « Oui », après s’être fait un peu prier (pour la forme ?) Fin de l’histoire. Reste tout juste le jeune frère de quatorze ans, un peu jaloux et locataire de la chambre d’à côté, qui se plaint parce que « ils font du bruit ! » 

. Pour conclure ce premier paragraphe,

si je résume mon impression sur l’évolution de la sexualité  majoritaire  des ados, ces vingt-cinq dernières années, il me semble que : 

----- Ce qui est neuf, c’est le droit que chacun se donne à avoir une vie sexuelle personnelle. L’ado s’est approprié sa sexualité, et ne pense pas avoir de compte à rendre sur son existence. On pourrait dire aussi qu’il l’a désacralisée, banalisée … il ne se sent pas coupable de la pratiquer. Il se donne le droit de sa curiosité et de ses explorations sexuelles.

Des angoisses résistent cependant : angoisse fréquente de rater la première fois ; angoisses occasionnelles d’embrouilles sur les écrans ou d’avoir été trop loin (« Cinq branlettes par jour, ça pourrait me stériliser, quand-même ?)

---- Ce qui me semble persister – et, personnellement, j’en suis heureux – c’est : une vraie importance attribuée à l’amour ; une bonne distinction entre la sexualité dans la vie amoureuse et la pornographie ; une large aversion pour les perversions les plus glauques ; une reconnaissance positive de la place du partenaire (reconnaissance de sa liberté ; partage du plaisir ; négociations) ; le refus d’activités sexuelles menées dans la famille proche ou avec des enfants impubères et, pour beaucoup, le choix d’un partenaire dans grosso modo le même groupe d’âge.

Comportements sexuels minoritaires 

L’orientation sexuelle homo

 

 C’est pendant l’adolescence, et parfois même à la fin de l’enfance, que sept à dix pour cent des jeunes se découvrent une orientation homosexuelle (5), pour certains en l’assumant tout de suite pleinement, et pour d’autres avec davantage d’ambivalence, voire de honte et d’angoisse qui, le plus souvent, s’atténuent avec le temps si l’orientation est forte.

Cette orientation concerne d’abord et avant tout le sentiment amoureux. Par contre, des jeux sexuels homosexuels, surtout pendant la première partie de l’adolescence, n’ont que rarement[6] une signification pronostique quant à l’orientation. Un petit pourcentage (trois, quatre pour cent) d’ados se déclarent « bi », parfois simplement pour frimer, parfois parce qu’’ils ont des fantasmes et des intérêts érotiques et éventuellement des activités sexuelles avec des partenaires des deux sexes. Mais à mon avis, au fil du temps, chacun finit par découvrir que l’autre fondamentalement aimé – celui qui peut vraiment rendre heureux – a et n’a qu’un des deux sexes ; donc les comportements bi ne sont qu’un passe-temps avant un engagement plus stable … ou une manière subtile d’éviter celui-ci.

Il existe aussi une petite minorité d’adolescents qui s’adresse à des adultes, jeunes ou non, pour leur initiation sexuelle, leur découverte du plaisir, et même pour vivre le grand amour au moins pendant le temps de leur adolescence.

Difficile de se prononcer sur la normalité profonde ou la pathologie de tels comportements….A quel âge et par une fille ou une femme de quel âge Emmanuel Macron a-t-il été dépucelé ? ; De toute façon, ces comportements sont illégaux avant l’âge de la majorité sexuelle.

 Voilà ce qu’il en est pour ce qui concerne le « sexuel/relationnel »

 

Qu’en est-il, chez ces minorités en ce qui concerne la quête de la sexualité-plaisir, (largement) dissociée de l’idée d’une relation affective profonde ? 

Le sexe-plaisir non investi ou auto-censuré 

Une petite minorité d’ados n’est en rien intéressée par « les choses du sexe » Quelques autres désirent rester chastes, en référence à un Idéal personnel, familial ou/et religieux : Choix à respecter car la pratique sexuelle n’est pas, que je sache, une nouvelle obligation contraignante pour jeunes « libérés, mais vers de nouveaux standards » 

Quelques autres encore éprouvent angoisses, inhibitions ou/et culpabilité à propos de leurs activités sexuelles. Ils peuvent se punir plus ou moins cruellement pour se masturber, ou présenter éjaculation précoce, impuissance ou frigidité … ou simplement aversion plus ou moins dissimulée pour la rencontre sexuelle lorsqu’ils ont un partenaire amoureux. On le voit notamment, mais pas systématiquement, chez ceux ou celles qui ont été victimes d’abus sexuels graves.

Tous problèmes pas faciles à signaler par l’ado, mais qui existent toujours, dont il faudrait pouvoir parler dans les séances d’éducation sexuelle et pour l’allègement desquels de bons psychothérapeutes peuvent vraiment rendre service.

Les fortes appétences de sexe-plaisir 

Un sous-groupe d’ados relativement important (entre dix et quinze pour cent, souvent dans la seconde partie de l’adolescence) apprécie fort le plaisir sexuel et recherche d’abord et avant tout celui-ci, mais pas en solitaire ! Ils sont donc réputés « sexuellement très actifs » avec recherche de partenaires multiples et faciles, à eux ou davantage. Corollairement, ce sont de grands consommateurs de pornographie et d’autres pratiques sexuelles liées aux écrans.

C’est dans ce sous-groupe que la pornographie visionnée peut servir de modèle, surtout dans les premiers moments de la vie sexuelle, avant que chacun trouve son style personnel. Des filles, parfois bien jeunes, s’imaginent donc qu’il faut passer d’emblée par la fellation ou la sodomisation, et les garçons, qu’il faut se conduire en grosses brutes macho. 

Un autre sous-groupe, moins important (trois à cinq pour cent) privilégie tout autant le plaisir sexuel, mais sans oser s’aventurer à aller solliciter des partenaires « dans la vraie vie » Ils se limitent donc à d’abondantes masturbations, pimentées à l’occasion de l’une ou l’autre activité perverse (zoophilie, introduction d’objets dans l’anus, travestissement, etc …) Eux aussi furètent sur le web à la recherche de sexualité à bas coût (d’engagement) Ils collectionnent éventuellement de la pornographie, parfois déviante, jusqu’à en devenir dépendants. On les voit encore participer répétitivement à des chatts érotiques, à des échanges érotiques par vidéo (« chatroulettes » et autre sites du genre) 

Les vraiment préoccupants 

 Plus rares encore (autour de un pour cent), il faut mentionner deux comportements sexuels plus préoccupants :

 

---- Quelques tout jeunes ados (douze, treize ans) veulent déjà avoir une relation sexuelle complète, le plus souvent hétéro, avec un partenaire de leur âge, sans avoir la maturité affective pour la gérer, ni les connaissances « techniques » pour maîtriser la contraception. Ils ne le font souvent que l’une ou l’autre fois à titre d’expérience et de preuve de leur audace avant de revenir à la parenthèse masturbatoire. Mais l’existence de cette sexualité précoce plaide pour une éducation sexuelle complète et réaliste en sixième primaire et en première secondaire : j’y reviendrai par la suite. 

---- Quelques jeunes ados commettent de vrais abus sexuels sur des enfants plus jeunes, souvent dans leur famille d’origine ou recomposée. Leur puberté les démange, certes et en outre, ils peuvent avoir envie de se démontrer leur puissance (puissance sexuelle ; audace, puissance de mal) ou encore, inconsciemment, de salir la petite demi-sœur tellement choyée alors qu’eux se sentent à la dérive. Bien sûr, il faut intervenir, chercher à comprendre, s’occuper de la victime, sanctionner intelligemment et parfois séparer… mais il faut savoir aussi que, dans la plupart des cas, ce sont des phénomènes transitoires qui n’ont aucune incidence négative sur la carrière sexuelle future des jeunes auteurs concernés. 

 Voici donc pour le plus fréquent.

Cette liste n’est pas exhaustive, mais l’espace me manque pour détailler davantage. Il existe des adolescents pédophiles (et qui le restent) D’autres pratiquent de façon privilégiée telle ou telle perversion sordide. Il existe des adolescents violeurs, abuseurs sexuels bien plus chronifiés que ceux que je viens d’évoquer. D’autres encore vendent leur corps pour se faire du blé, sans se sentir pour autant des prostitué(e)s professionnel(le)s. D’autres se vendent corps et âme pour être aimés. Je vous renvoie à d’autres textes pour découvrir ces « déviances » plus en détails. En ce qui me concerne, vous pouvez lire mon livre La sexualité des enfants  (Odile Jacob, 2004) : une bonne partie de ce qui y est écrit vaut pour les adolescents. Vous pouvez aussi consulter mon site, où un certain nombre d’écrits concernent la sexualité. Par exemple : :

Ados auteurs d'abus et de pseudo-abus

 Actes pervers isolés et perversions sexuelles chez les enfants

Adolescents à la sexualité très préoccupante

Sur mon site enfin, si vous ouvrez le menu  Echanges interactifs de courriels   ,vous découvrirez de nombreux témoignages reçus par courriel, où des internautes me font état de leurs errances et souffrances sexuelles d’adolescents. 

  La responsabilité des adultes, et plus particulièrement de l'école 

Je l’ai décrite en détails à propos de chaque adulte en position d’éducation dans la seconde partie du livre précité la sexualité des enfants, et je vous renvoie à sa lecture. (p. 198 et sq.). Je me limiterai à donner mon point de vue sur deux responsabilités spécifiques de l’école: 

La première concerne les moments réservés à l’éducation affective et sexuelle.

 

A mon sens, ils sont très importants, car quoi qu’en pensent les intéressés, trop d’adolescents conservent des zones d’ignorance, parfois importantes, sur des thèmes essentiels. Dans mon esprit, idéalement, je souhaite trois moments d’au moins trois heures chaque fois, le second semestre de la sixième primaire, puis de la première et de la troisième secondaire, moments interactifs confiés à un animateur externe ou à un professeur réellement motivé, ouverte et qui ose sereinement appeler un chat un chat ! Moments vécus dans une ambiance de discrétion et peut-être même d’anonymat. D’initiative ou en réponse aux questions des élèves, on y aborderait, non pas principalement, la mécanique de l’activité sexuelle, mais plus essentiellement ce qui s’y vit, le sens de la sexualité, les valeurs qu’elle véhicule, la prudence et la maturité que requiert son exercice.

 

En sixième primaire, il faut notamment parler de la puberté, de la masturbation, de la pornographie, du plaisir que procure la sexualité … et de bien d’autres questions davantage liée à l’affectivité.

En première secondaire, idem et en outre : c’est quoi la sexualité ? A quoi sert-elle ? Y a-t-il des valeurs et des règles autour ? ; On peut encore parler de la prudence à avoir si l’on va sur son smartphone ou sur Internet avec une idée sexuelle en tête … ; on peut déjà évoquer la contraception, et sa raison d’être ; on peut aussi parler des lieux ou demander de l’aide si on a une « embrouille » sexuelle, etc …

En troisième secondaire, idem et une information plus détaillée sur la contraception et les MST… Comment se procurer un moyen contraceptif ? La perte de la virginité chez les filles après le premier rapport « normal »… les grossesses adolescentes, les droits des adolescentes enceintes la responsabilité des deux parents adolescents. Où demander de l’aide ?, etc … 

Voilà mes propositions … elles ne constituent que l’avis d’un praticien qui a été associé pendant des années à des souffrances et des drames dont certains auraient pu être évités moyennant de bonnes informations.

 L’autre responsabilité de l’école, c’est de veiller à ce que ses réactions restent humaines et humanisantes lorsque la sexualité fait directement irruption dans ses murs.

L’exemple classique, ce sont des jeunes surpris à avoir des relations sexuelles dans des toilettes ou un dortoir quelconque … ou encore les photos de nu d’un élève qui sont diffusées sur les smartphones …

Trop souvent, c’est le scandale, la propagation voyeuriste des faits, la désignation rapide d’un « coupable », l’exclusion, voire même la transmission rapide aux autorités judiciaires de choses qui ne sont souvent que de l’ordre de la précocité et de la transgression du règlement de l’école. Quels traumatismes et quelle image désastreuse de la sexualité on insuffle alors aux jeunes concernés ! 

Je plaide donc pour que l’école concernée se donne le temps d’une réflexion sereine et de la discrétion. Avec l’aide de son PMS, et, éventuellement d’un professionnel des adolescents bien au fait de ces matières.

Il faut chercher à comprendre, en parlant avec chaque jeune impliqué ! Il faut protéger l’un ou l’autre de ceux-ci de la vindicte populaire (par exemple, agressivité de quelques parents) Il faudra sanctionner, probablement, parce qu’il y a eu de toute façon transgression d’un règlement, mais sanctionner constructivement, autrement que par une exclusion immédiate, qui évoque diablement une sorte de castration vengeresse ! Et ce sera une occasion en or pour les adultes de parler avec les jeunes, les concernés et les autres, du sens de la sexualité.

Je souhaite dire pour terminer que si une école est légitimement soucieuse de son image sociale, il y a bien des chances que celle-ci « clignote » positivement dans la communauté si cette école assume : « Chez nous, il y a des ados et donc parfois du sexe (de la drogue, des bagarres) et nous les éduquons en l’assumant », bien plus positivement que si cette école claironne : « Chez nous, il y a des ados, mais ce sont des moutons et il ne se passe jamais rien. »

NOTES   

1. L’espace me manque pour parler des angoisses et du sentiment de différence liés aux pubertés précoces. Autres genres d’angoisse – autour de la normalité – pour les pubertés tardives, qui n’empêchent cependant pas la montée des intérêts sexuels ! 

2.  Le vrai inceste fraternel existe, mais il présente des caractéristiques de possession affective et d’exclusivité qui ne sont que rarement rencontrés.

3. Par exemple, une tante célibataire qui, par un bel été, glisse sa main sous le slip de bain de son neveu de quatorze ans, et en palpe avec insistance le contenu …Lire La sexualité des enfantsL J.-Y. Hayez, Odile Jacob, 2004, p 160 et sq.

4.   Je n’aime pas trop le mot « solitaire », qui me fait penser à un repli triste, anxieux ou égoïste sur soi, ce qui n’est pas souvent le cas !  

5.  Pour plus de détails, lire l'article  Mise en place de l'orientation sexuelle et du genre

6. Rarement ? Ce pourrait cependant constituer un indicateur d’homosexualité si l’ado ici concerné, sans être pour autant amoureux n’avait sur une longue durée que des fantasmes et des activités sexuelles homo