Une maman m'écrit : 



Ma fille Alicia a 12 mois et je l'allaite depuis la naissance. Elle s'est vite endormie au sein et je n'ai pas vu cette habitude s'installer. A 3 mois, elle faisait ses nuits mais ne s'endormait qu'en tétant. On m'avait dit que ça n'était pas bon alors j'ai essayé de l'endormir autrement qu'au sein, avec la méthode conseillée par les pédiatres : (laisser pleurer 5 à 10 minutes, puis venir consoler sans porter, puis laisser 10 minutes, etc.). Mais cette méthode a été désastreuse et elle a commencé à se réveiller 1 fois vers 4 heures du matin. Je répondais à ces éveils par le sein pour qu'elle se rendorme.
Cela a duré 3 mois, chaque nuit c'était la même chose.
Je précise qu'Alicia dormait dans son lit mais dans notre chambre.
Puis à ses 6 mois, j'ai tenté de la mettre dans sa chambre ... avec succès : mon bébé s'endormait toujours au sein mais dormait toute la nuit avec parfois quelques pleurs mais rien de quotidien.
Cela a duré 2 semaines, avant que nous partions en vacances.
En septembre, nous avons passé un mois dans ma famille en Grèce et ce voyage a été un véritable bouleversement pour Alicia : vague de chaleur, premières dents et stimulation des membres de famille à outrance (jusqu’à minuit, voire plus). Je n'arrivais pas à calmer ma fille ... elle n'arrivait plus à trouver le sommeil et je n'arrivais plus à lui trouver un rythme.
Elle a commencé à se réveiller énormément et à téter d'autant ! A notre retour en Suisse, elle se réveillait 5 fois par nuit ! Je répondais toujours par le sein.
Puis j'ai aussi recommencé à travailler ; avec la fatigue, j'ai choisi de pratiquer le Co dodo (notre file a donc commencé à dormir dans notre lit) ; aujourd'hui, elle s'endort au sein vers 21 h ; je la couche dans son lit pendant que je m'occupe d'autre choses, mais elle se réveille 40 minutes après en réclamant ma présence, et en général, je finis par me coucher avec elle pour que nous dormions. Elle se réveille ensuite aux alentours de 2 h 00 puis 3 h 00 puis 4 h 00 puis se rendort jusque 9 h 00 les jours de repos.
En semaine, je la lève à 7 h 00 et elle va chez mes parents ; elle redort une heure dans la matinée puis 2 heures (15 à 17 h) dans la journée. Elle dort en général avec sa mamie, dans le même lit. Celle-ci a remarqué qu'elle dort bien plus longtemps ainsi que si elle dormait seule dans son lit.
Ce qui me rassure c'est qu'Alicia est très calme dans la journée, très souriante, très occupée à jouer et très câline. Je me dis donc qu'elle dort malgré tout " correctement ".
Ce que je souhaiterais, c'est de trouver une solution douce pour nous aider à passer de meilleures nuits 
Je ne suis pas favorable à la méthode du laisser pleurer, qui dans ce cas, me semble un terrible moyen d'apprendre à dormir seul.
Avez-vous déjà côtoyé des familles dans le même cas ?

Très cordialement.



Je lui réponds : 



Le problème que vous me décrivez n'est probablement pas préoccupant quant à son impact sur le devenir d'Alicia : vous avez observé que la personnalité de votre petite fille était épanouie et je vous crois volontiers.
Mais c'est tout aussi probablement une difficulté « partielle » déjà très tenace, fixée, difficile à faire évoluer, car Alicia a reçu beaucoup de « renforçants positifs », c'est à dire d'encouragements involontaires dans votre chef, mais qui allaient dans le « mauvais sens » … dans notre jargon psy, cela veut dire qu'elle a toujours gagné, obtenu ce qu'elle voulait, et assez rapidement, quand elle montrait son inconfort face à des situations où l'on a à s'assumer seul, et qu'elle vivait comme frustrantes pour elle.
En plus, les vacances en Grèce ont probablement eu un effet désastreux au moment où elle commençait à se créer des rites plus stables autour des cycles veille-sommeil.
Le problème, c'est qu'il n'existe pas de méthode totalement douce, comme vous en rêvez, pour qu'elle acquière de nouvelles habitudes ... et que probablement, pour des raisons qui vous sont personnelles, ça vous va très très loin quand vous l'entendez pleurer un peu longtemps, et que donc vous revenez en arrière. Votre mari n'a pas non plus l'air de vous convaincre d'être plus persistante.
Si vous voulez néanmoins vous retrousser les manches et que la situation évolue, il me semble que l'on pourrait procéder à deux mesures complémentaires :

- donner à Alicia un médicament doux d'endormissement pendant 4-5 mois ; votre généraliste ou le pédiatre d'Alicia, à qui vous pouvez montrer ce courriel, pourrait vous en prescrire un.
- vous mettre d'accord avec votre mari et la mamie d'Alicia sur un rituel de prise d'indépendance progressive ... mais surtout, trouver ensemble un moyen pour tenir bon quoi qu'il advienne.
Si vous pensez pouvoir aller dans ce sens, surtout sur le dernier point, vous pouvez me faire une proposition sur une étape suivante que vous voudriez essayer ... je vous dirai ce que j'en pense.

A vous lire, bien à vous


La maman d'Alicia me répond  : 



Je vous remercie énormément de votre réponse si rapide et de votre écoute.
J'ai effectivement pensé à " sevrer " Alicia de moi pour s'endormir et je suis persuadée que le papa peut y participer pour beaucoup.
Mais mon mari a très peu de patience et au bout de 10 minutes, il baisse les bras. Je suis plus tenace, mais je sais que je ne peux pas y arriver toute seule !
Je pense tout d'abord sevrer du sein la nuit pour commencer. Pour cela, j'attends d'être en vacances ( à la fin de cette année ) pour être totalement disponible, sans stress par rapport au manque de sommeil lié au travail et aux nuits courtes. Je sais que ça ne sera pas facile !
Je compte sur mon mari pour les premières nuits qui seront sans doute les plus dures, mais je ne sais pas s'il pourra tenir le " choc ". Je ne suis pas sûre d'être tout à fait prête non plus, il faut l'avouer !
Puis, une fois ce sevrage fait, je chercherai une autre méthode d'endormissement.
J'ai déjà essayé quelques trucs comme la tétine mais Alicia la refuse activement !
Je me rends compte que cette situation me confronte à mon propre vécu par rapport au sommeil. Pendant longtemps j'ai eu des angoisses à l'approche de l'heure du coucher. Jusqu'à 13 ans j'ai dormi avec une veilleuse, ayant peur de m'enfermer dans ma chambre. Ma sœur aussi ne pouvait pas dormir sans se balancer d'avant en arrière dans son lit pendant des heures !
Je ne voulais pas que ma fille vive cette angoisse mais finalement, je n'ai pas tellement réussi ! Elle angoisse quand je ne suis pas là et elle a l'angoisse de la solitude.
Heureusement, je ne vis pas ça comme une fatalité et je refuse de m'angoisser ... cela serait sûrement pire.
Je fais confiance à ma fille et je ne désespère pas de lui faire acquérir un sommeil serein sans moi !

Merci de votre aide.



Je lui réponds  : 



Bonjour Madame,

Ce que vous proposez est réaliste et intéressant, mais ne mettez en route ces changements que si vous êtes absolument sûre de tenir la route dans la durée ... revenir en arrière à nouveau compliquerait l'avenir avec une intensité qui se multiplierait par 2, 3, 4 ... Demandez l'aide de votre mari envers et contre tout, en l'invitant à se montrer ferme à vos côtés, car votre petit diablotin est parfaitement capable de vous mettre à l'épreuve 4, 5 semaines avant de s'incliner et d'admettre qu'elle n'est pas la plus forte.
Peut-être bien qu'à l'arrière-plan, ce ne sera pas l'angoisse qui l'animera, mais la frustration de ne plus sentir contre elle le corps bien chaud de son nounours préféré et ce sein si délicieux ... des petits connaisseurs déjà en restaurants étoilés, les bébés ...
Veillez aussi beaucoup à l'ambiance de calme, silence et de pénombre dans lequel tout cela doit se passer ... le conseil des pédiatres n'est pas mauvais du tout ... à son age, je dirais : la laisser pleurer 10 min, puis signaler discrètement sa présence 3 min, puis recommencer car ... elle peut vous balader 2 heures comme cela et il faut garder le rite calmement.
Pour cette raison, ne faites pas nécessairement l'impasse sur un médicament de transition ... je ne suis pas « grand prescripteur » à tort et à travers, mais cela facilite parfois un peu les choses.
Parlez aussi à votre bébé, dites-lui que vous l'aimez toujours autant, mais que votre devoir, c'est de l'aider à grandir, donc de lui apprendre à dormir comme une grande ; répétez lui cela, avec vos mots, plusieurs fois ; en résumé, le problème n'est pas de trouver un bon programme pour Alicia, mais un bon programme pour que les adultes appliquent tenacement leur bon programme, sans s'énerver ni battre en retraite ... sinon, il vaut mieux ne rien faire ...
Accepteriez-vous de partager avec moi quelques-unes de vos angoisses d'enfant, au moment de l'endormissement ?

Bien amicalement



La maman d'Alicia me répond  : 



Bonsoir,
Je suis tout à fait d'accord avec votre point de vue.
Je ne suis pas sure d'être prête. Je sais qu'il faut tenir plusieurs jours et j'attends donc des vacances pour le faire plus sereinement.
Je vais déjà essayer de sevrer du sein, la nuit seulement.
Mon objectif étant d'éviter le sein pour qu'elle se rendorme, et donc, qu'elle apprenne à se rendormir sans moi.
Cependant, il restera encore dans notre lit.
Le faire dormir dans son lit sera l'étape suivante.
J'en ai discuté avec mon mari. Il est d'accord avec moi.
Mais je ne sais pas s'il est vraiment motivé pour m'aider durant le sevrage car il travaillera pendant mes prochaines vacances. Je ne suis pas sure qu'il veuille bien se priver d'un bon sommeil pendant 3 jours d'affilée (voire plus) !
(N.B. La maman d'Alicia évoque ensuite ses angoisses de petite fille et d'adolescence, qui ont été fortes et liées aux absences objectives de sa propre maman. Par discrétion, même avec l'anonymat des forums, je ne reprends pas ce passage. A noter qu'il est très utile de refaire ce retour en soi-même, pour bien comprendre ce que l'on vit ... On peut le faire à la maison, tout seul, avec un conjoint que l'on aime, avec une amie, sur un forum ... pour mieux comprendre son intériorité et faire un effort de différentiation avec l'enfant : au fond, est-ce bien la même chose que moi qu'il vit ? Est-ce si sûr ?)
J'ai voulu bien faire en évitant à Alicia de vivre cette angoisse.
Je suis rassurée de savoir que pour vous il ne s'agit pas d'angoisse chez elle. Il s'agit donc de frustration.
En règle générale, je ne cède pas. Quand je dis " non " c'est " non " ... elle a bien compris cela pour la vie de tous les jours.
Mais pour le sommeil, c'est une autre histoire ! La fatigue y est pour beaucoup et en plus, il s'agit aussi d'un domaine qui m'a beaucoup affecté. A la lecture de ce que j'écris, je me rends compte que le sommeil est mon talon d'Achille !
Je reste tout de même partagé entre mon point de vue (angoisse) et le vôtre (frustration). Et je pense que cela tient de mon vécu.
Je suis donc finalement encore très indécise et je n'arrive pas à choisir " un camp ".
Je suis plutôt de la vague " maternage " : allaitement long, portage en écharpe et sommeil partagé.
J'ai donc 2 points de vue opposés qui se confrontent à moi ... à la fois le point de vue des mamans maternantes (j’ai adhéré à une association sur le maternage) qui disent que laisser pleurer est très néfaste et à la fois, le point de vue de mes parents, de mes amis (qui eux, n'ont jamais eu d’enfants), qui me disent que je devrai sevrer et laisser pleurer.
Je n'y vois plus très clair ... je suis un peu d'accord avec plusieurs idées des 2 parties mais j'ai l'impression que ça ne peut être que " blanc " ou " noir " ... mais pas tellement gris !
L'étape du sevrage la nuit est dans mes compétences.
Mais le laisser pleurer, je crois, ne l'ai pas encore.

Merci encore pour vos conseils, très cordialement



Ma réponse  : 



Bonjour Madame, Comme vous dites, laisser pleurer Alicia loin de vous, c'est votre talon d'Achille ... et nous en avons tous l'un ou l'autre ...
Ne le faites donc que quand vous serez bien prête car je vous ai parlé d'une capacité de résistance non pas de quelques jours mais de 4,5 semaines ... Evidemment, je ne connais pas votre bébé et je ne peux pas être SUR qu'il n'y a pas une pointe d'angoisse, mais la méthode des pédiatres devrait la rassurer rapidement, via vos retours rituels réguliers, et le reste, c'est de la frustration.
N'oubliez pas de lui parler  ... de lui dire que vous posez à son égard un geste d'amour responsable qui vous coûte, mais dont Alicia sera finalement bénéficiaire.
Et n'excluez pas l'idée du petit médicament qui est aussi une forme de respect pour votre fatigue.