Une jeune dame m’écrit:

Voilà j'ai 25 ans, je suis française d’origine turque, je vis en couple et je suis dans une grande détresse à cause d'un souvenir.
A l'âge de 9-10 ans, mes camarades de classe se sont intéressés au sexe, certains ont joué à "touche-pipi", les conversations tournaient beaucoup autour du sexe.
Du coup, cela m'a questionnée et j'ai voulu "tester", j'ai ainsi eu des "jeux sexuels" avec mon frère de deux ans mon cadet.
Il s'agissait de frottement à travers les vêtements qui m'ont fait découvrir la notion de plaisir, mon frère ne m'a jamais repoussée, je pense qu'il découvrait également la notion de sexe.
Cela s'est produit 4 ou 5 fois et cela s'est étalé sur quelques semaines maximum.
J'ai ensuite vite arrêté car je me suis rendue compte que cela était très mal.
Aujourd'hui, environ 15 ans plus tard, j'y pense continuellement et cela provoque en moi des angoisses absolument incontrôlables qui me rendent la vie difficile. Je me pose des questions sur mon comportement. Évidemment je n'en ai jamais parlé à personne, je l'enfouis mais aujourd'hui cela me cause tellement de tourments que je m'adresse à vous aujourd'hui pour avoir des réponses qui pourraient me soulager.

Merci par avance du temps que vous prendrez pour me répondre.

Je lui réponds:

Bonjour,

Je vous renvoie volontiers aux autres lectures de cette rubrique CULPABILITE SEXUELLE

Mais ce ne sera sans doute pas suffisant car il est probable que c'est sur base de ces lectures que vous avez pensé à me contacter!! Donc la souffrance est bien "ancrée" chez vous.

La question que vous devez travailler à fond est la suivante: "Qu'est-ce que vous trouvez de très mal dans ce qui s’est passé?" La réponse est évidemment subjective.

Vous avez eu l'impression que c'était mal très probablement parce que, à agir ainsi, vous transgressiez une grosse règle et une vision du monde chère à vos parents et tout cela en grand secret.

C’est vraisemblablement cette audace que vous vous reprochez: avoir fait des choses que votre père ou votre mère ou les deux interdisaient formellement.

Votre origine d’une province turque vient peut être encore rigidifier les tabous et vécus: vers vos dix ans vous êtes une fille ... qui s'est émancipée ... en séduisant son petit frère. Ouh là là, la totale, comme transgression ... peut-être aussi avez-vous été terrorisée à l'idée qu'il parle ...

Bon dites m'en plus si vous le souhaitez et ne vous tracassez pas pour votre anonymat sur mon site, je ne suis pas idiot ...

Cordialement.

Elle me répond:

Docteur,

Je n'ai jamais été réellement en conflit avec mes parents, de qui je suis d'ailleurs très proche et qui m'ont laissé beaucoup de libertés SAUF...sur ma vie amoureuse qui est tabou. Personne n'en parle.
Ma relation avec mon compagnon est cachée alors que je vis avec lui (cet homme n'est pas de la même confession que moi, noeud du problème), j'arrive à un âge où je veux fonder une famille et je dois donc leur dire la vérité et toutes ces choses qui se bousculent provoquent mes angoisses. Je m'en veux de leur mentir, la culpabilité devient trop forte.
Peur d'aller au conflit, de les décevoir, qu'il découvre que j'ai une sexualité, que je "désobéis", bref que je ne suis pas l'enfant modèle comme laquelle ils me considèrent pour le moment. 
Voilà je pense que toutes mes angoisses sont liées, je n'arrive pas à me détacher du carcan familial, le chemin est long mais j'ai bon espoir et discuter avec vous m'a fait le plus grand bien. 
Merci encore pour votre écoute.

Bien cordialement.

Je lui réponds:

Bonjour,

Vous avez l’intuition, vous aussi, de ce qui est à l’origine de votre culpabilité et de votre angoisse: de fausses croyances, toujours inscrites comme du feu en vous, sur le côté mauvais de la sexualité infantile et sur le droit des enfants (des filles?) donnent à votre angoisse une dimension un peu névrotique ... Vous sentez-vous le droit de vous différencier de l’opinion de leur parents. Vous me dites d’ailleurs que vous avez toujours été un enfant-modèle, au point de n’être jamais en conflit avec vos parents ... jamais, sauf dans une zone hyper-importante et secrète de votre vie: le sexe et l’amour. Là vous vous posez dans la vie avec des choix perso, sans être pour autant une horrible dévergondée.

La perspective du conflit qui existera probablement aujourd’hui quand vous parlerez à vos parents (conflit transitoire, je l’espère de tout cœur ...) réveille en vous le vieux souvenir du temps où vous avez commencé à être secrètement rebelle ... Vous pourriez faire du travail mental là-dessus pour retrouver davantage de liberté intérieure.
Malheureusement, assez souvent, il faut se réévoquer dans les détails des moments conflictuels de la vie (avec les parents) pour retrouver sa liberté et c’est un travail de mémoire que l’on fait via une psychothérapie
Si votre mal-être reste tenace, vous pourriez envisager d’en faire une. Habitez-vous dans une grande ville?

Bien cordialement.