Une jeune adulte m’écrit:
Cher Monsieur,
Je suis aujourd'hui une femme de 34 ans. J'ai expérimenté quelques jeux sexuels avec mon frère vers l'âge de 10 ans, Mon frère a un an de plus que moi. Depuis quelque temps ce souvenir m'est revenu en force, suite à un changement dans ma vie (suite à mon mariage il y a deux mois).
Un mois avant mon mariage, je suis passée par plusieurs stades, dont l'angoisse, déprime, peur, avec bien évidemment un énorme sentiment de culpabilité, et une tendance à disproportionner les choses. En effet, j'étais persuadée jusqu'à présent avoir eu une relation incestueuse avec mon frère basée telle que vous la définissez, çàd basée sur l’amour possessif et l'exclusivité. Submergée par la honte et la culpabilité, je me suis efforcée de prendre du recul et d'analyser les quelques souvenirs que je garde de cette période afin de comprendre si l'exclusivité et l'habitude avaient pris le pas et transformé nos jeux en véritable inceste ou pas.
Je n'arrive à me souvenir que de deux 'incidents', le premier où nous avions joué à se faire des bisous sur la bouche tout habillés, et animés surtout par un sentiment d'excitation de la découverte de quelque chose et de la transgression d'un interdit. Le 2e où nous avions passé un second cap, où la découverte de nos corps mêlait à la fois curiosité enfantine et imitation mécanique érotique, je me souviens par exemple avoir pratiqué une fellation et m'être frottée en culotte contre lui! Ca a foutu une franche trouille à mon frère de me voir comme ça, car je me souviens distinctivement qu'il cherchait à me repousser pendant que je me frottais contre lui et qu'il y est finalement parvenu. La honte, l'angoisse surtout (je suis de nature assez angoissée depuis toute petite), et la culpabilité sont venus suite à cet épisode. Après plusieurs jours de perte d'appétit et de fort sentiment de culpabilité liée à la fois à la découverte sexuelle et la prise de conscience que ces choses ne se faisaient pas entre frères et ses sœurs, j'ai décidé de tout raconter à ma mère, en pleurs bien évidemment en pensant que ma vie allait être gâchée à cause de ça. J’ai eu besoin de le faire, même si je vivais en même temps la peur de perdre l'amour de ma mère (je me souviens avoir été persuadée à 10 ans qu'elle ne m'aimerait plus et qu'elle ne me considérerait pas 'normale')
Si je vous raconte tout cela c'est parce que j'en arrive à la conclusion en évoquant mentalement et par écrit ces souvenirs, que ce que j'ai fait avec mon frère aîné n'étaient que des jeux, finalement interrompus par un frère effrayé et probablement par un surmoi rongé par la honte. Ma question est liée à l'authenticité de mes souvenirs... pensez-vous en tant que pédopsychiatre que j'ai pu occulter d'autres souvenirs et seulement garder en mémoire les deux épisodes que je viens de vous raconter? En d'autres termes, ai-je pu oublier d'autres jeux, beaucoup plus hardcore, qui feraient que j'aurai eu un véritable inceste avec mon frère mais qu'inconsciemment je cherche à atténuer la douleur d'une telle possibilité...
En vous remerciant par avance.
Je lui réponds:
Bonjour Madame,
Permettez-moi d’abord de vous dire mon admiration face à la finesse de votre intelligence sensible ... mais malheureusement quelque peu torturée, au moins pour cette question sexuelle que vous travaillez en profondeur.
Scientifiquement, il ne me paraît pas possible que vous ayez occulté d’autres jeux, encore plus hardcore. L’effroi et la honte ont été bien trop envahissants après ce premier tâtonnement sexuel (si j’ose dire) que pour laisser naître et grandir en vous le plus petit désir de remettre le couvert.
En vous lisant, j’ai l’impression que votre frère et vous, vous vous aimez bien, mais d’une affection non-incestueuse: quand l’inceste est là, on ne s’arrête pas après quelques jeux! On ne va rien raconter à sa maman: on est possédé par un démon tenace qui donne le vertige et fait casser tous les tabous et ceci, sur de très longues durées.
Or vous, vous voyez bien que si vos jeux vous ont donné un peu de plaisir – c’est humain – ils vous ont aussi fait bien plus peur et honte, et vous les avez arrêtés spontanément quasi sur le champ!
Mais je crois deviner, quand je vous lis, que vous êtes une personne prédisposée à l’angoisse et, au moins autant; à la mise en question culpabilisée de soi. Ce qui est bien lourd à vivre! Est-ce votre "nature" (vos gènes) ou un (ou les deux) parents avaient-ils l’art de semer l’angoisse et la culpabilité chez la petite fille probablement très sensible que vous étiez?
Il est habituel que de tels souvenirs – mauvais à vos yeux – resurgissent lors de certains événements de la vie comme une liaison amoureuse et plus encore sa consécration symbolique par le mariage. C’est comme si une voix de malheur en vous (le Sur-moi, disent les psychanalystes) vous disait: "Comment oses-tu te marier, toi qui a fait de telles horreurs? Si ton mari savait, il massacrerait la sale fille que tu es."...Et votre peur de ne plus être aimée par votre maman se transforme en peur de ne plus être aimée par votre mari ...
Moi, je le laisserais en dehors de tout ça et je me donnerais à lui avec joie et confiance en pensant que je suis une fille bien ...
En effet, entraînez-vous à la pensée positive! Quand ce genre de souvenir et de culpabilité remonte à la surface, faites un peu de relaxation respiratoire, criez en silence dans votre tête: "Stop ... au moment où j’ai découvert ma sexualité, je n’ai jamais fait que ce que la majorité des gosses font." ... et puis, obligez-vous à penser à autre chose qui soit gai, agréable pour vous (par exemple les bons baisers de votre amoureux ... la manière agréable dont il fait l’amour ... ou simplement de bonnes vacances).
Bien cordialement.