Extraits de mon syllabus 2007 "Pychiatrie et psychopathologie infantile"

suivi d'une illustration : Comment les petits enfants se représentent-ils et "vivent-ils' leur bouche et leurs dents?

suivi d'un interview dans Sudpresse :"Les jouets ont-ils un sexe?

 

L’âge « nourrisson »

 L'appellation " âge nourrisson " évoque la dépendance du bébé, et le besoin qu'il a d'être abondamment nourri pour croître : 

- nourri au sens matériel du terme, par des approvisionnements qui comblent ses besoins matériels : aliments, chaleur, nettoyage, calme, etc. ... ; 

- nourri d'amour, d'investissement de lui, manifesté, entre autres, par des signes physiques (contacts corporels positifs) et par des mots tendres ; 

- nourri de protection, d'actes qui préviennent, réduisent ou suppriment les agressions dirigées contre lui, et les expériences d'inconfort prolongé ; 

- nourri de stimulations, d'invitations expérientielles à exercer sa curiosité et ses compétences ; 

- nourri de paroles, qui disent l'amour qu'on a pour lui, et qui le nomment, lui, ainsi que le monde qui l'entoure. 

Cet accent que nous mettons sur l'importance d'un nourrissage abondant, matériel et spirituel, ne nie en rien la reconnaissance de l'existence de compétences précoces chez le nourrisson ni donc la capacité qu'il a de provoquer et de moduler en partie l'attention de l'adulte à son égard. 

Au fur et à mesure qu'il reçoit ce nourrissage avec les chemins spontanés par lesquels s'expriment ses compétences, le nourrisson fait le plein en confiance de base (E. Erikson) [12] : il vit agréablement la certitude intérieure d'être aimé et de se mouvoir dans un environnement sûr, et donc la certitude qu'il peut aller de l'avant sans (trop) de risques. Il utilise donc hardiment les compétences de plus en plus nombreuses qu'il possède, liées à sa maturation neurologique, cérébrale et somatique, catalysée elle-même par les stimulations dont il a été l'objet et le bain de langage dans lequel on le fait vivre. Métaphoriquement - et concrètement - parlant, il se met debout ! 

C'est entre douze et quinze mois que les parents sont le plus clairement confrontés à cette mise debout. Alors, leur tâche à l'égard de leur grand bébé se modifie partiellement : il a toujours besoin d'amour, de langage et de moments de stimulations ... mais il a de moins en moins besoin qu'on fasse pour lui les gestes de la vie quotidienne. Il sait de plus en plus " faire tout seul " et il attend qu'on lui ouvre le chemin ... qu'on se retire un peu ... qu'on le laisse faire : la protection doit donc être moins omniprésente, de même que l'approvisionnement matériel par autrui : il faut qu'existe un sevrage spirituel, qui reconnaît qu'il progresse bien dans son individuation et qu'il est capable de poser des gestes autonomes.

 

L’âge tout-puissant

 

Un enfant conquérant 

 

 A supposer que la confiance de base ait été bien acquise, l'enfant, maintenant, se met jubilatoirement debout et part conquérir le monde 

Lui qui, grâce à sa progression cognitive, se reconnaît bien et identifie les grandes bases de son environnement ... lui qui peut se nommer aussi, nommer les choses, dire " Oui " ou " Non " " Veux " ou " Veux pas " ... 

Lui qui, grâce à sa maturation neuromusculaire, est capable, non seulement de marcher, mais aussi de se livrer à des gymnastiques adroites et de dominer de mieux en mieux ses conduites psychophysiologiques ... 

Il ne se prive pas de l'utilisation abondante de ces fonctions nouvellement acquises, au service de l'affirmation de soi, de la mise en acte de ce Soi global dont il vient de prendre possession. Il exprime une bonne partie du temps (16)  ce que l'on appellera " sa volonté de toute-puissance ", " ses pulsions et désirs (17) agressifs " pour explorer, conquérir, prendre, dominer, voire détruire pour le plaisir. Il est naïvement persuadé qu'il peut tout, qu'il est le plus  ou qu'on lui passera tout !  

Au début, les parents catalysent souvent ce mouvement d'expansion en en encourageant les premiers signes. 

Par la suite, face à ce qui est à la fois un signe de la force intérieure de l'enfant, mais aussi de sa capacité à être excessif dans l'égocentrisme, celui-ci devrait rencontrer sur son chemin : 

- la reconnaissance (joyeuse) de sa force ... l'appel fait à celle-ci ; 

- l'interdiction claire de ceux de ses excès qui sont destructeurs, qui compromettent la joie de vivre de l'autre, qui agressent le corps, qui démolissent ...

 

 Mettre des limites, une réalité sur laquelle il est délicat de statuer! 

 

Certes, au début, lorsque confrontés à des excès désagréables, les parents veulent remettre l'enfant à sa place, ils se heurtent à des protestations passionnées, du moins dans un premier temps : l'enfant a l’air de ne vouloir rien entendre, crie, tempête et persévère 

Puis, petit à petit, l'enfant se socialise : les affrontements directs avec les parents vont en diminuant lorsqu'il a l'intuition que l'autorité de ceux-ci s'exerce à bon escient ; il dirige davantage l'expression directe de son agressivité vers le monde de ses pairs et dans le champ de l'imagination. Cette dimension plus raisonnable s'installe essentiellement si les parents peuvent reconnaître son grandissement : accepter qu'il se débrouille davantage seul, tenir compte de ses demandes, l'écouter, lui donner une place utile, etc. ...

 

 Identification de l'angoisse 

 

Inversement et paradoxalement, l'expérience de l'angoisse est mieux repérée comme telle par l'enfant : il n'est pas rare qu'elle gagne en fréquence et en intensité

Certes, le nourrisson faisait déjà confusément de multiples expériences d'angoisse, malaise qu'il pouvait exprimer par ses dysfonctions somatiques et autres troubles des conduites psychophysiologiques. Mais maintenant, l'expérience anxieuse est plus identifiable comme telle, comme partie du Soi psychique : le petit enfant peut dire " A peu(r) ", voire évoquer ses images mentales du moment (" Méchant loup ... Papa fâché ») 

Pour beaucoup de ces petits enfants, les expériences d'angoisse se multiplient dans la vie éveillée et même dans la vie nocturne (cauchemars ou/et éveils nocturnes anxieux). A première vue, ce " courant d'angoisse " peut sembler contradictoire avec le courant d'affirmation de soi dont nous venons de parler. 

Il en est pourtant ainsi sur le terrain de la clinique et nous aurons, bien souvent encore, l'impression d'un fonctionnement mosaïque, voire contradictoire, de l'être humain (18).

 

 Enfin, les moments de grande tristesse si pas de désespoir

 

commencent à apparaître clairement eux aussi. Chez beaucoup, ils sont peu fréquents et peu durables. Chez d'autres, probablement porteurs de prédispositions organiques, l'intensité est plus forte. 

 Ces phases de dépression sont le plus souvent en rapport avec des événements externes négatifs, que l'enfant interprète souvent de façon trop pessimiste : par exemple, l'arrivée d'un puîné peut être vécu par l'aîné comme le signe qu'il ne compte plus du tout. Nous détaillerons ces questions avec l'étude de la dépression. 

En résumé, la majorité des enfants de cet âge s'affirme donc souvent de façon bruyante et demande encore assez souvent aux parents - à d'autres moments - que se continue la relation de nourrissage affectueuse connue à l'âge nourrisson (allers et retours entre ces deux positions) et connaît des moments d'angoisse (appels bruyants au secours, éventuellement sous forme de crises de colère désespérées ; qui-vive agités ; inhibitions silencieuses, momifiées ou bruyantes). Parfois, ils peuvent se défendre de l'angoisse par un passage à l'acte destructeur (mordre, frapper, casser, ...).

 

L’âge amoureux ou œdipien du développement

 

A. Vers 4 ans, prise de conscience de la sexuation du corps propre et découverte progressive de la différence et de la complémentarité des sexes ; premiers vrais intérêts et expérimentations de la sexualité  cfr les articles La sexualité  des enfants et des adolescents: généralités   et

Développement de la sexualité consentie chez l'enfant et l'adolescent,

 

B - Vers trois-quatre ans, chez les enfants en bonne santé mentale, des pulsions et des désirs d'amour s'expriment fortement ; nous leur donnerons la qualification " œdipiens ". Ils coexistent avec les pulsions et désirs agressifs qui seront décrits plus tard ou se mélangent à eux (intrication). Il en résulte que : 

- un des parents, souvent celui du sexe opposé, est l'objet principal d'un mélange de pulsions ou de désirs amour-domination ... amour conquérant où l'enfant cherche à être le petit " roi de cœur " ou la petite " reine de cœur " de celle ou de celui qu'il chérit ;

 - l'autre parent, qui apparaît, lui, comme le rival, le gêneur du parfait amour se trouve souvent cible d'agressivité et incitant à la compétition. Néanmoins, à certains moments, il est tout aussi aimé que le premier : pulsions et désirs sont susceptibles d'aller et venir, sans rigidité. Il ne faut pas céder aux simplismes ; si l'enfant est souvent amoureux du parent du sexe opposé et en rivalité avec celui de son propre sexe, d'autres combinaisons sont possibles, sans que ce soit ipso facto anormal ; 

- à d'autres moments, chaque parent (ou le couple parental), est perçu comme le détenteur de la puissance, de la maîtrise sur la vie, entre autres grâce à des pouvoirs secrets acquis au fil du temps. Alors, c'est à nouveau surtout l'agressivité qui s'exprime, de façon violente ou rusée, pour les diviser ou/et leur dérober leurs secrets et leur puissance ; 

- frères et sœurs éventuels sont investis, eux aussi, par l'amour ou/et l'agressivité : rivalité, jalousie, admiration, recherche de parentage, " simples " exutoires pour l'agressivité plus ou moins ludique, ou pour satisfaire la curiosité sur les grandes questions de la vie, etc. ... ;- l'enfant s'aime lui-même : narcissisme secondaire, " sexué " : joie d'avoir un corps avec ses caractéristiques physiques, ainsi que des qualités morales ; exhibition de soi ; capacité de se faire du bien ; foi dans ses ressources propres ; capacité de prendre du plaisir en soi ( souvent sexuel-génital ), etc. ... 

C - Il faut encore remarquer que les pulsions et désirs amoureux et la manière d'entrer en relation avec les autres revêtent souvent une note passablement ou franchement masculine (intrusion), franchement féminine (captation) ou mélangée, en corrélation variable avec le sexe biologique de l'enfant. Interviennent ici, très probablement, des facteurs d'équipement et des données culturelles. 

D - L'existence de cette dynamique œdipienne finit par poser problème à l'enfant parce qu'il a l'impression spontanée (ou/et qu'on lui fait remarquer) que la réalisation de ses désirs est interdite au-delà d'un certain degré d'intensité (tabou du meurtre et de l’inceste) : le conflit intrapsychique qu'il vit à ce sujet est à l'origine de beaucoup d'angoisses typiques de cet âge 

Pour accepter la dimension la plus fondamentale de l'interdit, sans renoncer pour autant à ses désirs, l'enfant va essayer de sublimer le mode d'expression de ceux-ci, en s'identifiant pour ce faire à beaucoup des comportements de ses deux parents et surtout du rival homo-sexué ( il adopte un style de vie en partie analogue ; il privilégie l'expression de la tendresse plutôt que ses demandes de corps à corps sexuel ; il réalise des performances socialement acceptables, plutôt que de donner des coups de pied à son parent, etc.). 

Il va aussi renoncer - parfois péniblement - à la possession totale du parent aimé, via la répression consciente ou le refoulement d'une partie de ses désirs et via leur déplacement dans le monde social, avec des enfants de son âge. 

 

L'attitude des parents est fondamentale pour que s'effectue cette progression. Il s'agit pour eux de savoir manier les contraires : 

 

 - Accueil de ce " mouvement de la vie " ..., dans son principe et, plus concrètement, dans certaines de ses formes (tendresse, jusqu'à un certain degré de sensualité ... affirmations agressives de soi, même " fortes " ... un certain degré de rivalité, etc. ...).

- Reconnaissance de la valeur de l'enfant : son corps sexué et ses qualités. 

- Acceptation de la croissance de celui-ci : il " vit " de plus en plus et les parents, eux, déclinent tout doucement. De temps en temps, les chemins se croisent : il est donc souhaitable de reconnaître que l'enfant est parfois plus compétent, plus fort que ses parents. 

 - Interdiction de ce " petit quelque chose en plus " qui voudrait   la possession totale de l'être aimé et/ou l'activité sexuelle avec lui ;- l'élimination du rival ; ou/et la toute-puissance face à ce qui est supposé être le pouvoir des parents. 

 - Renvoi de l'enfant  dans sa génération en ce qui concerne le partenariat amoureux et sexuel ;- à lui-même en ce qui concerne la compétence : " Tu as des ressources en toi ".- invitation aux sublimations et à l'identification. 

 Si existe cette attitude nuancée ... et pour peu que l'enfant la lise bien, que ses prédispositions le lui permettent et que l'usage qu'il fait de sa liberté le confirme : 

- l'enfant est confiant en soi ; confiant (et aimant) sa " valeur sexuée " ; créatif ; 

- aimant toujours le parent qui est son premier choix ... mais sur un mode plus tendre, plus filial ; 

- réconcilié avec l'autre et s'étant assez bien identifié à lui ; 

- ayant sublimé une bonne partie de ses pulsions et désirs les plus directs (en accord avec lui-même ... et pour les beaux yeux de ses parents) ; 

- ayant déplacé ses pulsions et désirs les plus directs dans sa génération. 

- il n'en est pas pour autant devenu un mouton : sur fond de ce qui précède, il existe quand même une capacité de négociation (pour faire plier parents et aînés) et même, des moments plus irrationnels d'affirmation de soi pour le fun, contre toute attente

.A la préadolescence, cette stabilité est remise en question : nouvelles montées de pulsions et de désirs, œdipiens et plus archaïques ; et dépression du jeune qui se sent changer, et ne se maîtrise plus ; maladresses des parents : fond de relations plus agressif aux parents, entrecoupé de flashs de grand amour. Nous y reviendrons plus tard.

 

Une illustration : comment les petits enfants se représentent-ils et "vivent-ils' leur bouche et leurs dents?

 


II. L'enfant et sa bouche 



Sa bouche, c'est un des tous premiers organes que l'enfant repère : il la sent fonctionner, l'explore avec ses doigts ou avec des objets ou il joue avec elle, l'ouvre et la contemple dans le miroir. Il la découvre aussi indirectement en regardant et inspectant la bouche de ses familiers, ou en jouant avec eux à tirer la langue ou à faire des bruits amusants.
D'intuition, il sait que c'est un organe fonctionnel-clé, qui lui sert à manger, boire et parler. Il sait aussi que c'est un organe sensible, douloureux à l'occasion : quand elle est atteinte par des maladies spécifiques, quand il a reçu un coup ou s'est mordu la langue, quand elle reçoit du trop chaud ou du trop froid, quand il y a un problème aux dents, ça peut faire très mal
Mais c'est aussi un endroit très intéressant, qui lui apporte d'importants plaisirs transitoires ou durables : téter, manger et boire, jouer avec la nourriture en bouche ou la cracher, comme ce peut être gai ! Autant pour la succion du pouce ou des doigts, celle de la « tutute » et l'introduction exploratoire de divers objets dans la bouche. Il y a encore le plaisir de lécher. Dans la suite de la vie apparaîtront le plaisir d'exercer sa bouche dans des vocalises, celui de chanter, de crier, de proférer des gros mots ou de produire de beaux et intelligents discours. Et les bisous ? Il les donne d'abord pour faire plaisir et souvent sur demande. Mais plus tard, ce sera plus perso, l'enfant utilisera sa bouche dans ses interactions affectueuses et amoureuses, en allant des bisous mouillés aux french kisses, voire à des utilisations lewinskiennes de la bouche au hasard de ses fantaisies sexuelles. 

La bouche est encore un des lieux par lesquels s'expriment l'affirmation de soi et l'agressivité : mordre - ce qui inquiète souvent un peu trop puéricultrices et institutrices de maternelle ! -, cracher, tirer la langue, verbaliser son agressivité ... tout cela passe par la bouche. Occasionnellement, l'activation de celle-ci est un signe et un symbole de la force que l'on ressent ou non en soi et du droit de propriété que l'on se donne ou non sur son corps : par exemple, face aux sollicitations faites par l'adulte pour accepter la nourriture, certains enfants ferment énergiquement la bouche, d'autres crient et d'autres se laissent faire docilement. Enfin, la bouche est vécue comme une porte d'entrée vers les mystères et les profondeurs du corps. Certains enfants, surtout mais pas seulement à la maternelle, imaginent même que c'est par elle que sortent les bébés, voire qu'on les fait entrer dans le ventre des mamans. D'autres redoutent que, s'ils laissent les doigts de l'adulte s'y introduire pour l'une ou l'autre raison, celui-ci pourrait faire intrusion dans tout leur corps, connaître leurs secrets, en prendre des morceaux, voire le détruire. S'ils le vivent ainsi, ils peuvent faire de fortes crises d'angoisse et d'opposition, quand on veut leur introduire dans la bouche un objet non usuel ( thermomètre, instrument de soins ) ou un médicament au goût étrange.

En résumé, l'enfant se sent porteur, mais pas tout de suite propriétaire d'un organe intéressant, qu'il aime bien pour tous les usages fonctionnels, plaisants ou agressifs qu'il en fait. Mais cette même bouche peut être à l'origine de bien des angoisses, modulées par le tempérament de l'enfant et par l'ambiance plus ou moins sereine dans laquelle il vit : angoisse d'avoir mal, tout simplement ou angoisse d'être privé de parties de son corps ou angoisse d'une possible invasion par l'adulte, qui commence par la bouche, mais ... ou angoisse qu'on ne veuille punir sa bouche, à cause de tous les excès auxquels il s'est livré, etc.

Souvent angoisse et opposition sont intriquées : c'est parce qu'il se sent menacé et qu'il a peur que l'enfant crie, se débat et ferme farouchement la bouche.

 


III. L'enfant et ses dents 

 


Le vécu de l'enfant par rapport à ses dents se superpose largement à ce qui vient d'être dit à propos de la bouche. Les dents, elles aussi, constituent un lieu du corps fonctionnel, sensible à la douleur, source de plaisir - le plaisir de mordre, à pleines dents bien sûr ! - et moyen d'expression de l'agressivité — ici, c'est dans la fesse bien tendre de son ennemi que l'on mord ! — ... Chez certains enfants, les dents sont aussi l'occasion de luttes de pouvoir plus ou moins déclarées avec les parents : Ah, tous les ces enfants soi-disant tête en l'air qui « oublient » de se laver les dents, et à qui il faut le rappeler tous les jours pendant des éternités !

Plus spécifiquement, les dents, c'est aussi un petit bout de corps détachable ! Vers six-sept ans, ce détachement est physiologique, et la grande majorité des enfants le supporte bien : ils comprennent que c'est un signe de leur grandissement, que d'autres dents plus fortes arrivent et tout comme dans les seniories, leurs classes sont peuplées de joyeux édentés. En plus, la petite souris vient parfois emporter le petit déchet précieux, caché avec maman sous l'oreiller, pour l'emmener au paradis des dents de lait, et elle va la remplacer par d'horribles sucreries ! Quoi qu'il en soit, au moment de cette perte de dents, l'enfant ne se sent plus « au lait », mais bien au parfum des blagues salaces de la cour de récréation. Mais quand l'ablation n'est pas naturelle et surtout si elle a lieu plus précocement dans la vie, c'est assez souvent ressenti comme un signe du pouvoir des adultes sur le corps, et comme un signe avant coureur de détachements encore plus affreux ! ( cfr. supra )

 


Interview publié dans Sudpressse en novembre 2010 : saint Nicolas: les jouets ont-ils un sexe?

 

 

Nous avons interrogé Jean-Yves Hayez, pédopsychiatre, professeur émérite à l’UCL sur l’importance des jeux selon que l’on soit fille ou garçon. Rien de grave, selon le professionnel sauf si votre gamin s’entête à ne jouer qu’à la la poupée.

 

Avant l’âge de 5 ans, les tout petits expérimentent tous les jouets. “ Ils n’ont pas conscience de la connotation sexuée des jeux, explique Jean-Yves Hayez,, professeur émérite à l’UCL. Et puis progressivement, les parents, les enseignants vont orienter leur choix pour que cela devienne conforme à l’idée que notre culture se fait du masculin et du féminin. Dans une large mesure, cela ne me dérange pas. Il est même plutôt important qu’il existe des repères. Ce qui serait inacceptable, ce serait de dévaloriser une des catégories de jouets. ”

Le professeur explique que la plupart des enfants vont s’aligner sur cette orientation. Seule une minorité va se rebeller en réclamant des jeux destinés à l’autre sexe même s’ils savent que ce n’est pas pour eux a priori. “ Ce n’est pas malin de leur interdire car finalement, c’est les critiquer et semer le doute en eux. Maintenant, je pense qu’il faut avoir à l’œil les enfants dont le choix devient trop rigide. Par exemple, si un petit garçon de 6, 7 ans ne veut jouer qu’à la poupée et avec rien d’autre, si une fille ne veut jouer qu’aux sabres laser, il faut peut-être les observer et essayer de comprendre si, finalement, ils se sentent bien dans leur corps. Peut-être qu’ils ne sont pas si heureux que ça d’avoir le sexe qu’ils ont. ”

Concrètement, si un petit garçon de 5, 6 ans réclame une poussette, il faut lui dire que ce n’est peut-être pas la première chose qu’on aurait envie de lui offrir. “ S’il insiste vraiment, il faut lui donner. Maintenant, s’il fait une fixation, s’il ne joue qu’avec ça, il faut le surveiller. ” Et les filles ne sont-elles pas discriminées justement avec tous ces jouets liés aux tâches ménagères? “ Les fillettes sont peut-être très heureuses de recevoir une dînette ou une cuisine. C’est peut-être moins évident pour une machine ou un séchoir, sourit le pédopsychiatre, mais il ne faut pas projeter nos problèmes d’adultes sur les enfants. ”