La belle-mère d’un jeune de 16 ans m’écrit :

 

J’ai surpris dans sa chambre mon beau-fils de seize ans habillé de mes vêtements et sous-vêtements. Dans son armoire, d’autres vêtements féminins d’une jeune soeur. Il prétend n’avoir « fait ça » que deux fois. De quoi peut-il s’agir et comment réagir ?

Je réponds

 

Pour cette fois, je résume et synthétise ma pensée et je ne vous propose pas les détails des échanges courriels que j’ai eu avec cette dame,  belle-mère du garçon, qui vit avec son père et elle depuis qu’il a quatre ans. L’ado a également des contacts réguliers avec sa mère. Dans l’ensemble, il ne pose pas de problèmes de comportement particuliers. Il est un peu terne et passif et, il y a un an ou deux a déjà volé un peu d’argent à sa belle-mère, à deux ou trois reprises.

Dans le nouveau couple père/belle-mère, cette dernière a une position plus forte, plus dominante que celle du papa.

Le geste de l’ado peut avoir à la fois une dimension relationnelle (provoquer sa belle-mère ; affirmer sa puissance face à elle) et une dimension sexuelle. C’est essentiellement de celle-ci que je parlerai.

  1. Pourquoi ce geste, que l’on désigne comme un transvestissement

(oui oui trans et pas trav, quand il y a un contexte très sexuel)

Première hypothèse (peu probable) L’adolescent exprimerait ainsi un problème de « genre », d’identité sexuée. Ce jeune ne s’accepterait pas comme garçon et voudrait être fille. S’il en était ainsi il le dirait sans trop faire d’histoire ou il aurait fait depuis longtemps des allusions  sur ses préférences. Il y aurait aussi des signes comportementaux : garçon efféminé (sissy boy), goût pour les parures plus féminines (colliers …), grand soin du corps, fréquentation à titre amical de filles plutôt que de garçons, etc … Enfin il aurait bien plus probablement « un copain » qu’une copine ! 

 

Deuxième hypothèse (la plus probable) : c’est une manière transitoire d’agrémenter sa vie sexuelle masturbatoire et de se préparer à la relation sexuelle. Les vêtements constituent ici une sorte de sex toy. Par eux, il a pénétré toute l’enveloppe de la femme. Il va ensuite se dévêtir à la manière d’une strip-teaseuse, puis se masturbera, en fantasmant probablement sur la propriétaire des vêtements (ce qui ne veut pas dire qu’il fait une fixation habituelle sur elle, fixation qui serait incestueuse dans le cas de la sœur du garçon ici concerné et seulement d’elle !) En vieillissant, l’ado abandonne spontanément ces comportements au fur et à mesure qu’il a une vraie vie sexuelle avec copine(s)

A remarquer que le vol de vêtements a lieu, plus souvent que par hasard, soit à l’égard d’un parent très aimé ( un peu plus préoccupant, car plus difficile à s’en détacher ), soit à l’égard d’un parent ( ou d’une sœur ) ressenti comme très puissant. Par le geste symbolique de s’entourer des vêtements même intimes de cette personne, l’ado, en quelque sorte, en neutralise la puissance. (Ici, il y a déjà eu des vols d’argent pour dépouiller sa belle-mère)

 

Troisième hypothèse (assez peu probable) Elle est toujours sexuelle mais ici la composante perverse est bien présente (= déviation durable, à quoi le jeune se fixe) (voir l’article  Bizarreries sexuelles, actes pervers isolés et perversions sexuelles chez l’enfant dans les dossiers thématiques/vie sexuelle de l’enfant et de l’adolescent)

Ici, il pourrait s’agir d’un des deux pôles pervers que voici, ou d’une perversion « quelque part entre les deux »

- Certains (grands) ados et adultes ont besoin de s’habiller de temps en temps en femme, secrètement ou en pleine complicité avec leur partenaire (femme) pour des périodes brèves ( quelques heures de temps en temps ), pendant lesquelles ils rêvent qu’ils sont des femmes, mais avec un pénis … Pendant ces périodes dédiées à la perversion, ils se masturbent, ou vont jouer leur perversion sur des sites Internet avec webcam ( où ils s’exhibent ), ou fréquentent des endroits où ils peuvent jouer à ça. Pendant ces moments-là, ils ont aussi des jouissances anales (gode … être pénétré par un homme) leur anus étant vécu alors comme un sexe féminin.

 

- Autre possibilité, encore plus préoccupante : Il s’installe de plus en plus une psychologie et des comportements de travesti (trav. travelo). Ici la personne joue sur deux tableaux : elle veut être femme dans les moments sexuels de sa vie (et par exemple, elle se fait faire des seins) mais elle ne renonce pas à son pénis, actif dans les mêmes moments. Lors de la rencontre sexuelle, il faut l’admirer pour les deux apparences de son corps, et il faut la faire jouir comme un homme et comme une femme ! Malheureusement se vivre et se montrer comme travelo occupe beaucoup d’énergie psychique et empêche le plus souvent de réussir à exploiter d’autres ressources dans la vue ( réussite intellectuelle, réussite sentimentale … )

 

 Comment prendre en charge cet événement et l’ado qui l’a généré?

 

  1. La grande majorité des filles ou femmes concernées par ces vols de leurs vêtements à des fins glauques les vivent franchement mal : insécurité, impression de dégradation et de n’être qu’un sex toy pour l’ado, etc … Pourquoi alors ne pas le lui faire savoir sèchement ? Sans débordement émotionnel, parce qu’il aurait alors l’impression d’avoir posé une provocation triomphante. Mais sèchement quand-même, pour le rappeler à ce qu’est le respect de l’autre. Et pourquoi pas avec l’un ou l’autre témoin, comme le papa ou un frère ou une sœur aînée, histoire de déclencher un peu de honte salutaire ? Mais sans quand même le raconter au monde entier !
  2. Consulter un psychiatre d’adolescents (ou un sexologue, si vous en trouvez un !) pour tenter de voir clair dans toutes ces probabilités, et pour aider l’adolescent à évoluer si l’on est dans le cadre des hypothèses défavorables ?

Oui, bien sûr, il faut essayer, mais nombre d’ados ne se laissent pas aller pour exprimer les parties les plus intimes de leurs fantasmes, même face à des « psy » de qualité. Donc attention à la banalisation superficielle 

  1. Et sur le plan éducatif, que faire ?

J’y ai déjà fait référence au point 1. Le mieux serait que :

- Le père essaie d’avoir une conversation avec son fils sur la manière dont il vit sa sexualité, ses aspirations et ses éventuelles préoccupations sexuelles. Quelqu’un l’a-t-il entraîné vers ce comportement (c’est  peu probable) ? N’a-t-il pas des soucis avec ses fréquentations « sexuelles » sur Internet ? (C’est peu probable qu’il réponde, mais ça vaut la peine de le demander gentiment …) 

- Le père, accompagné ou représentant les autres éducateurs proches (par ex. la belle-mère) doit énoncer clairement quel type de sexualité il ne veut pas et quel type il accepte pour sa famille et pour ses enfants : « Je ne veux plus ce genre de pratique sexuelle sous mon toit. Tu as l’âge pour draguer des filles de ton âge, de la même manière que le font tes copains. Et si tu veux des relations avec elles, veille à leur consentement, à leur confort, à leur plaisir et protégez-vous. »

- Il devrait exister une sanction pour vol de vêtements (sanction modérée, type une semaine sans ordi) Le jeune doit également savoir que les sanctions augmentent si récidives.

- Enfin, le niveau de vigilance parentale doit s’accroître dans l’année qui vient : vêtements féminins bien à l’abri, discrète surveillance de sa chambre. On peut même s’enquérir tous les trois, quatre mois qu’il n’a pas récidivé : même si on n’est pas sûr de son authenticité, c’est mieux que rien !