Une maman m’écrit:

Sa fille de quatorze ans et demi vient de faire un coming-out, en s’affirmant "pour les filles". La maman s’en trouve bouleversée et m’affirme être révoltée par l’idée d’une homosexualité possible de sa fille. Elle me demande surtout s’il ne s’agit pas là d’une crise passagère.

Je lui réponds:

Chère Madame,

Votre courriel m’inspire trois réactions:

- Pourquoi votre fille a-t-elle désiré faire si tôt dans sa vie un coming out? Pour certains jeunes ados, c’est un secret trop lourd à porter, et ils veulent le partager avec des proches qu’ils aiment et en qui ils ont confiance. A travers ce geste, ils ont aussi besoin de reconnaissance, d’accueil, de savoir qu’on les aimera toujours comme ils sont, tout en affirmant une fameuse différence dans leur itinéraire de vie par rapport aux attentes des parents. Pour d’autres, encore, c’est plus provoquant: ils veulent se montrer grands, autonomes, indépendants dans ce domaine comme dans bien d’autres et l’on sait bien combien les revendications d’indépendance des adolescents sont délicates à accueillir et à manier!!

- Le devenir de l’orientation sentimentale et sexuelle d’un adolescent de cet âge est tout à fait imprévisible. Il pourrait s’agir d’une phase plus ou moins durable dans son développement, mais aussi d’une réalité intérieure définitive. Elle devrait entendre de votre bouche: "C’est ce que tu ressens aujourd’hui. Nul d’entre nous ne peut prédire ce que cela va devenir." Et surtout - surtout! -, qu’elle n’entende jamais: "Ca va passer, c’est la crise d’adolescence". Ça c’est une parole très humiliante et qui pousse à rigidifier la chose, par protestation.

Elle doit aussi entendre: "Quelle que soit ta sexualité, nous t’invitons à ce qu’elle soit respectueuse des autres, sociable, joyeuse, épanouie et que tes besoins sexuels n’envahissent pas toute ta vie.": Ceci, ce sont des valeurs fondamentales.

Pour la bisexualité, cela existe, mais c’est une réalité superficielle pour ceux qui la ressentent: ils sont capables de vivre des amourettes et d’avoir des comportements sexuels avec les deux sexes mais, au plus profond d’eux-mêmes le partenaire de rêve qui va les combler amoureusement est, soit homo, soit hétéro. C’est du moins ce que je pense!

Je suis triste pour vous que vous ressentiez tant de révolte face à la situation. Est-ce l’homosexualité en général ou celle de votre fille qui la transforme en une espèce d’étrangère peu ragoûtante dans ses activités sexuelles potentielles?

Pourtant, chez nous, l’homosexualité concerne 10 à 15 % des personnes et beaucoup de couples homos sont sociables et épanouis!

Vous pourriez peut-être faire un petit chemin personnel (avec un bon psychothérapeute) pour mieux comprendre ce qui vous peine et vous révolte, et qui est certainement lié à votre histoire de vie, et pour trouver davantage de sérénité face à cette réalité, qui traverse votre vie familiale au moins pour le moment!

Bien cordialement.