INTRODUCTION

 

Cette étape de la vie a des frontières assez imprécises ; elle concerne une majorité des mineurs d'âge, approximativement entre onze et treize ans, ( vers la fin de la 5e année d'école primaire jusque vers la fin de la 1ère année secondaire ), chez qui : 

  1. Les processus somatiques qui aboutissent à la puberté se mettent en route : changement hormonaux, croissance somatique et des caractéristiques sexuées secondaires ; les premières règles ou éjaculations peuvent déjà avoir lieu chez certains, sans qu'il y ait vraiment une psychologie d'adolescent.

 2. Le fonctionnement de l'intelligence s’investit davantage dans l'introspection : " Qui suis-je ? Pourquoi vit-on ? Pourquoi me donne-t-on cette consigne ? Quels sont mes droits ? ".Toutes questions sans réponse clairement rassurante ; il s'en suit davantage d'angoisse et de dépression " existentielles " que pendant les phases précédentes de la vie !Le fonctionnement de l'intelligence est plus critique aussi : accroissement de la lucidité, de la méfiance, des doutes ... par rapport aux affirmations verbales et aux attentes des parents et des autres adultes.

 

3. Quant  l'élaboration, par ces pré-adolescents, de leur sentiment d'identité, c'est assez complexe et mouvant. Limitons-nous à dire que, souvent, ils se définissent intérieurement comme : 

- " des enfants âgés, à  prendre au sérieux ", et non de jeunes adolescents.

Si l'adolescence les intéresse, voire les fascine par moments, elle leur fait peur également, parce qu'ils ne se sentent pas encore prêts à quitter le monde de l'enfance, et l'approvisionnement matériel et affectif fourni par les parents. 

- " des enfants, mais qui exigent les libertés matérielles des jeunes adolescents ". Ils exigent aussi le droit de penser librement et de s'exprimer. 

 

 4. Beaucoup se trouvent momentanément ré-habités par des pulsions et désirs de tous ordres, dont une bonne partie était davantage en sommeil, ou avait trouvé de meilleures issues sociales pendant l’âge de l'école primaire : maintenant, ces pulsions et désirs peuvent beaucoup plus difficilement être contenues ou/et organisées par les processus de socialisation en place jusqu'alors ( répression, refoulement, déplacement, sublimations ...). 

A - Impression d'une certaine anarchie, d'un chaos, de vécus contradictoires : certaines pulsions constituent des " résurgescences archaïques " ( se faire dorloter ... goût pour la scatologie ...) ; d’autres ont l’air plus mûres, mais ne font néanmoins pas de quartier à leur destinataire ( exprimer sa toute-puissance, contester les parents, flamber d'amour pour un de ceux-ci ). Elles sont centrées sur autrui, ou sur soi-même ( masturbation ... exigences et affichages vestimentaires, etc. ...). 

Pourtant, c'est probablement à un vrai engagement amoureux que le pré-adolescent est le moins prêt : les gens de l'autre sexe l'intéressent certes, au niveau de sa curiosité sexuelle et de ses intérêts érotiques, et pour se convaincre de la puissance qu'il a dessus ... mais pas vraiment pour se laisser aller à s'engager à leurs côtés. 

B - Extension quantitative variable de cette efflorescence pulsionnelle : certains apparaissent comme " ayant complètement changé " ... d'autres gardent comme une double identité : moments de sagesse et moment de " folie " ... certains ont l’air épargné et demeurent de grands enfants sages dans le champ affectif ; pour ces derniers, révolution de l'intelligence vers plus de lucidité critique se fait à vitesse variable. 

C - Réalisations solitaires de ces pulsions et désirs, mais aussi, pour beaucoup, rôle facilitateur du groupe de pairs ( catalyse + déculpabilisation ) (44). C'est souvent avec la " bande " que l'on fait les premières intrusions dans le monde de ce qu'interdisent les conventions sociales : alcool ; actes délinquants ; sexe ...

 

 On devine sans peine que ces mouvements intérieurs si variés, affectifs et cognitifs, sont l'origine de :

 

A - Phases dépressives transitoires  : le préadolescent a l'impression qu'on ne l'aime plus ou/et qu'il ne vaut plus rien. 

B - Phase anxieuses transitoires peur d'être agressé, de l'intérieur ( à cause de ces pulsions nouvelles dans lesquelles il ne se retrouve pas bien, et qui sont plus ou moins conflictuelles ), aussi bien que de l'extérieur ( en rétorsion aux nombreux défis qu'il lance ). 

Jusqu'à un certain degré d'intensité, ces phases sont encore normales ...

 

 TROUBLES AFFECTIFS SANS ALTERATION IMPORTANTE DU SENS DE LA REALITE

 

 Résurgence de quelques troubles déjà décrits

 

Nous citerons, dans le désordre :

 

A - Troubles de conduites agies : les nouvelles flambées de pulsions et désirs agressifs peuvent être telles que, l'espace d'un moment, le préadolescent est désorganisé à l'instar de l’immature affectif de type II, ou a besoin d'afficher sa toute-puissance à l'instar de celui qui a un fonctionnement psychopathique habituel. Il le fait seul, ou en bande, bande avec laquelle il se livre à ses premières transgressions " sérieuses ". 

B - Phases dépressives particulièrement intenses ou/et longues. 

N.B. 1. C'est, par exemple, un des moments de la vie où apparaît le plus la phobie scolaire, c'est-à-dire la peur panique de fréquenter l'école, éventuellement dissimulée par des prétextes divers. En référence au schéma des sommations , cette phobie est souvent surdéterminée : 

  • Possible dimension d'angoisse face à de réels problèmes vécus à l'école.
  • angoisse plus primitive de séparation. 
  • Vulnérabilité narcissique et phobie sociale ( cfr. infra ). 
  • Conflit névrotique autour du désir de briller, et inhibition anxieuse (. 
  • … et dépression plus ou moins masquée, dont nous parlons maintenant.

C. Troubles névrotiques  

A la préadolescente, il existe au moins une catégorie de conflits intérieurs susceptibles de s'intensifier, ce sont les conflits de désirs ( être grand - être petit ; contester - être aimé ; privilégier la part masculine ou féminine de son identité sexuée, etc. ...). 

Les fois où la conflictualité névrotique s'exacerbe, on voit se développer, outre les signes aspécifiques de mal-être et de tension intérieure déjà décrite à propos de la névrose : 

- des angoisses névrotiques nouvelles, irrationnelles, déformées par rapport aux angoisses les plus centrales. C'est le cas, par exemple, de certaines nosophobies, ou des premières angoisses ( souvent secrètes ) liées à la sexualité : elles tournent autour de la normalité des organes, de la normalité du fonctionnement présent et à l'avenir et de la normalité même de l'identité et de l'orientation sexuée ... 

- des symptômes tels les conversions, obsessions et compulsions ... l'anorexie mentale dont nous allons parler tout de suite a parfois comme signification ( partielle ) d'être un symptôme névrotique.

 

  Troubles apparaissant typiquement à cet âge de la vie

 

A - Un trouble narcissique : la phobie sociale

 

 Dans leur démarche intellectuelle d'introspection, à un moment ou l'autre, beaucoup de préadolescents élaborent une image négative de soi. Celle-ci peut inclure un chapitre qu'ils vivent comme particulièrement dramatique : alors, ils sont persuadés que tel défaut qu'ils auraient est particulièrement visible pour autrui, et ils ont très peur de s'exposer, avec ce " défaut " soumis au regard des autres. Objectivement, le défaut en question est soit tout à fait mineur, soit même purement imaginaire. Cette peur intense de s'exposer, c'est la phobie sociale.

 

B - L'anorexie mentale des préadolescents

  

Les premiers cas d'anorexie mentale, analogues dans leur symptomatologie à celle des adolescents et des adultes, apparaissent vers l’âge de huit, neuf ans. Leur fréquence augmente ensuite pour la tranche d’âge onze-treize ans ( on parle aussi parfois d'anorexie mentale de la puberté ). Avant l'adolescence, ils touchent un garçon pour deux, trois filles. Même quand ils concernent des sujets âgés de huit, neuf ans, nous nous hasardons à dire que, en ce qui concerne leur organisation intra-psychique, ce sont déjà des pré-adolescents, tant la mise en place de leur comportement anorexique suppose d’introspection et de volonté de distanciation par rapport à l'attente parentale. 

Parmi les mécanismes générateurs de ces anorexies, on trouve, entre autres : le désespoir face au grandissement et la recherche d'une mise en suspens du temps ... le refus d'accepter le corps tel qu'il est : gros ou/et sexué comme il est ... la toute-puissance par rapport aux parents, que le comportement anorexique " fige ", " paralyse " dans une parfaite contradiction : " Je n'ai plus besoin de votre nourrissage, je ne suis plus votre poupée-bébé " et " N'arrêtez pas de penser à moi ... de toute façons, c'est moi le maître ...". Cet éventuel désir de toute-puissance s'inscrit ou ne s'inscrit pas dans une conflictualité névrotique ; parfois, on y trouve encore un désir de séduction, dont la nature est habilement cachée et qui, lui aussi, s'inscrit ou non dans une conflictualité névrotique.

 

PSYCHOSES DU PREADOLESCENT

 

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