Remake 2020 du livre La guidance parentale, Toulouse :Privat, 1978

 La parentalité en 2021

 Ses objectifs les plus fondamentaux me semblent rester stables (et universels ??). En voici les principaux : 

- Aimer ; investir ; offrir du lien ; vivre l’enfant comme positivement important ; le reconnaître comme « sien » ; sans pour autant s’en sentir le propriétaire ; avoir des attentes, rêves ; être présent dans sa vie de façon mouvante, ni trop, ni trop peu

- Protéger (ni trop peu, ni trop … permettre aussi que se présentent des risques, créateurs de confiance en soi et d’adaptation personnelle)

- Parler ; communiquer ; initier au savoir humain

- Accepter la présence chez l’enfant de compétences qui s’installent progressivement et un désir d’autonomie, de projets personnels ; valoriser les ressources qui s’expriment ; aider à faire le deuil des limites

- Stimuler ; encourager à apprendre et à créer 

 - Contribuer à la socialisation : 

◊ Ouvrir sur le monde

◊ Poser les Interdits fondamentaux (Lois Universelles) et poser un cadre social, des « règles » plus contingentes

 

 Les agents directs de la parentalité sont plus diversifiés que les parents biologiques:

Nombreuses formes de famille et de lieux de vie substitutifs. D’autres adultes que parents et famille ont une co-responsabilité dans l’éducation. Nous désignons tous ces agents par la lettre P.

 

De nouvelles   aspirations sociales (valeurs ??), présentes en tous cas dans les sociétés industrialisées, interfèrent sur l’exercice des fonctions parentales :

 

- Individualisme ―----> égalitarisme ; culture de la négociation 

                      ――  > affaiblissement de l’exercice de l’autorité ; doutes quant à la valeur des repères

- Exigence de rendement ; stress ; vie très speedée, fatigue

- Consumérisme « compulsif » (on est perpétuellement insatisfait de l’objet acquis au présent)

- Professionnalisation de nombreuses prestations entre autres la prise en charge de l’enfant (exemple, coachs)

- Surinformations pas complètement fiables (réseaux dit sociaux)

- Toute-puissance de l’image

 

  Accompagner les parents : Quels changements ?

 

Nous désignons par la lettre I les intervenants, c’est à dire les professionnels de l’enfance et de l’adolescence qui interagissent avec P dans une perspective psycho-éducative (prévention, éducation, soins …)

Leurs objectifs et méthodes de travail ont passablement évolué. Citons notamment : 

- Partage d’informations souvent plus prononcé (P informés par d’autres sources)

- Attente plus forte d’objectifs précis et à court terme chez P

- Diminution d’une dimension « verticale, autoritaire » (le savoir du maître, ou le pouvoir social) ; présence plus forte d’une négociation des idées entre P et I

 Risques : 

- Ne plus oser rien affirmer ; adopter le rôle de la position basse

- Ne pas mettre d’énergie pour qu’il sorte des décisions claires et   concrètes à partir des conversations menées

- Ne pas renforcer les parents dans leur droit à l’autorité. 

Accompagner les parents : Esquisse d’un processus complet … mais quelque peu standar

 Identification de la situation qui rassemble aujourd’hui P et I

 

Quelques exemples :

- Parents demandeurs des compétences qu’ils attribuent à I

- Parents envoyés chez I par une Instance tierce (par exemple l’école), librement ou avec une certaine pression

- Parents démarchés par I, dans un contexte de liberté réciproque ou de contrainte plus ou moins déclarée

 

Pistes-types à explorer :

 

- Quel est le supposé problème ? La raison centrale de la réunion d’aujourd’hui ?

- Attente, non attente ou méfiance existant chez  P. Attente de quoi ?

- Chemin emprunté pour arriver à I. Paroles prononcées à ce propos. Existence ou non de démarches analogues dans le passé

- Comment I réagit-il à ce qu’il entend ? Quelle est son offre ?

- Peut-on se mettre d’accord ou pas sur un projet commun ?

- Enjeux : que se passe-t-il selon que  P (ou/et le jeune) adhèrent ou non aux éventuelles propositions de I

 Ecoute de P

 

(En parallèle à l’écoute de l’enfant (E))

 

- Ecoute bienveillante et active ( accueillir ce qui vient spontanément et aussistimuler ; faire se centrer sur certains thèmes ; se faire expliquer le cadre familial et social dans lequel le problème prend place … qui est cet enfant ? et sa famille ?)

Importance des exemples très concrets, de la vie quotidienne…essayer de recueillir, décrit par, P une sorte de petit clip vidéo à la youtube, bien vivant, où l’on voit la place de chacun 

- Empathie pour le poids des difficultés vécues par les P

- Ecoute de leur être « bio-psycho-social » et de la nature bio-psycho-sociale de leurs ressources et de leurs problèmes …J’y reviens dans le § IV

- Ecoute de leur pensée différente ; de leur liberté de vécus,  d’opinion et de projets

- Ecoute souvent prolongée par une première réflexion sur des améliorations possibles : « S’il en est ainsi, que pourriez-vous décider ? Inventer ? Créer ? Faire ? » 

 S’énoncer ; s’engager ; proposer des idées 

 

 I s’attelle à une co-création avec P : Démarche interactive, au delà de l’idée de « bien informer » un ignorant, et de vouloir guider à soi tout seul.

 

  1. Il est souvent plus fécond de s’appuyer principalement sur les propositions que vont faire les parents (ou/et E) En ajoutant de çi de là un supplément d’idée à laquelle I pense de son côté, en référence à son expérience. En aidant à réfléchir, à bien peser le pour et le contre, à étudier la faisabilité des nouveaux projets auxquels pensent P (par exemple : disponibilité en temps, en énergie quotidienne)

     Se mettre en appui, ni plus, ni moins, sur un chemin que  P trace. 

 2. Face à des P vraiment démunis (intellectuellement ; passifs ; trop définitivement anxieux pour se hasarder à s’énoncer) I peut proposer davantage … mais sans s’emballer, sans créer de la dépendance, en sachant s’arrêter pour interpeller (« Qu’en pensez-vous ? Vous imaginez-vous appliquant telle mesure, ou non ? Pensez-vous à quelque chose d’autre ? ») 

3. En sachant parfois avouer son ignorance, son incertitude (« Je ne vois pas bien que faire. Cherchons ensemble ! » )

4. Pouvoir se différencier à l’occasion : I déclare sereinement des « choses » qu’il analyse autrement, il parle des risques qu’il redoute ; il évoque une préoccupation, un autre chemin d’approche …

Cette différentiation peut être entendue si, globalement, les P se sentent investis, importants, estimés.

 En mettant ensemble II et III, chercher s’il en ressort :

 

- Un nouvel état d’esprit à propos du problème ou des ressources de la famille.

- Des décisions, plus ou moins précises, en esquissant comment elles peuvent s’opérationnaliser sur le terrain.

- Un avenir (ou non … et lequel) pour les entretiens P/I ;

- Etc ? En gros : « Que résulte-t-il de notre réflexion ? »

 

Reste à demander à P (et à l’E) d’appliquer sur le terrain du quotidien ce qui vient d’être convenu et d’observer ce qui se passe.

 Lorsque P et I se revoient, place et pour la libre parole et pour l’évaluation de ce qui s’est passé (à la maison, à l’école …) en référence aux décisions prises. 

Il ne s’agit pas de féliciter ou de blâmer les parents (ou l’E) selon qu’ils auraient obéi ou non ou selon qu’il y aurait eu des meilleurs résultats ou non. 

Il s’agit essentiellement de comprendre ce qui s’est passé, en réinitiant au besoin une boucle II – III – IV (et même éventuellement, en retournant à I)

 A l’intérieur de l’écoute active : Interpeller le fonctionnement personnel des parents

 

Exploration souvent utile, surtout lorsque le comportement de P paraît répétitivement irrationnel, c’est à dire non adapté à la personne de l’enfant et à ses besoins.

Le parent ici concerné, c’est une entité bio-psycho-sociale, comme chacun de nous. Et ces trois dimensions méritent d’être investiguées, car elles sont à l’œuvre pour produire son fonctionnement global.

 

  1. Bio ? Faire des hypothèses sur la « nature » de P, son tempérament, son héritage génétique : il contribue, il prédispose à … l’angoisse, l’optimisme, une tendance colérique, etc. L’être humain doit à la fois tenir compte de cette donnée et, s’il le faut, viser à en moduler l’expression jusqu’à un certain point.

 2. Social ? L’, ambiance de vie l’entourage a,-t-elle une influence sur la réactivité de P ? D’autres l’ influencent-ils pour le moment ? (Grand-parents, belle-sœur, etc …) Jusqu’à quel point adhère-t-il à des messages sociaux plus généraux ? Les relations du couple peuvent-elles en partie expliquer les attitudes face à l’enfant ? Etc …

3. La psyché, le monde intérieur de P 

---- Il y a d’abord le monde intérieur d’aujourd’hui «  Que pensez-vous  quand….? Quels sentiments vivez-vous ? Quelles imagesous viennent en tête ? A quelles valeurs vous référez-vous ? Etc. »

---- L’ histoire de vie de P contribue jusqu’à un certain point à modeler ses idées, ses vécusleurs projets d’aujourd’hui. Sans faire du décodage de cette histoire un simplisme causaliste (« ce qui expliquerait tout »), ce n’est pas non plus un sujet tabou. Sur le terrain de la conversation, bien des portes d’entrée existent pour entrer dans ce domaine de l’histoire de vie. Par exemple : 

« - Comment étiez-vous, vous quand vous étiez petit (dans ce même champ où l’on  se plaint de l’enfant aujourd’hui) Comment avez-vous fait face à telle difficulté ? Comment y réagissaient vos parents ? Comment cela se passait-il entre frères et sœurs ?

- Ce qui se passe aujourd’hui, cela peut-il évoquer des moments de votre histoire vie ?

- Que s’est-il passé d’important dans votre histoire de vie ? » »

 

---- Des fois, lorsque l’alliance avec son vis-à-vis est bonne, I peut même se permettre de marquer un temps d’arrêt, de s’étonner, de provoquer une « mini-crise » ; « Il y a tellement d’émotions dans votre réaction …. On dirait que ce n’est pas à votre fils tel qu’il est que vous vous adressez, mais plutôt à un fantôme … Je parie qu’il s’est passé des choses dans votre vie qui préparent vos réactions d’aujourd’hui. Faites retour sur vous-même, dans votre passé. Vous vient-il des souvenirs ? »

 

Et souvent, à « titiller » de la sorte l’album de photo du passé, des souvenirs reviennent au parent, de ce qu’a été sa vie, sa relation à ses propres parents, etc …

Le but, alors, c’est de bien l’écouter, dans les détails, et d’y revenir de temps en temps, pour lui montrer comment ces « bouts de passé » pas toujours bien intégrés, influencent leurs réactions (proposer des ponts passé-présent) Et ensuite, pour l’ inviter à « dépasser » ces pressions chargées d’émotion et venues du passé, jusqu’à un certain point et dans la mesure du possible.

 

  • V. Pièges nouveaux

 

  1. Accepter tout et n’importe quoi dans les propositions des parents (organisation de la famille … type de garde après la séparation … style éducatif) en se disant que l’enfant n’a qu’à s’y adapter (soumission à l’individualisme des parents)

 

 

  1. Pouvoir acter parfois

 

- qu’il existe de mauvais fonctionnements parentaux (Rejet, négligence grave, maltraitance, abus)

- que des séparations définitives avec la famille peuvent avoir du sens (exemple : Parent qui ne reconnaît pas un abus sexuel)

- que des relations P-E peuvent être mortes

- le nouveau mythe de la famille toujours mobilisable et toujours de qualité supérieure à un placement institutionnel

 

III. Se souvenir de la non-toute-puissance des parents : l’enfant n’est pas leur propriété. Les institutions de la société telle l’école, ont le droit de se différencier.

 

  1. La confidentialité ne devient-elle pas de plus en plus une « valeur bradée » emportée du vent de la technologie et de la multiplication des services !

 

  1. L’inconsistance de lieux d’aide trop nombreux, non-coordonnés, travailleurs eux-mêmes précarisés, allant et venant à travers des sous-contrats.