Exposé fait à l’intention de l’assemblée générale de la Plate-forme de concertation pour la santé mentale en région de Bruxelles-Capitale, le 18 décembre 2006 :

 

Cher(e)s collègues,

 D’abord, une méta-réflexion 

En mettant en place sous la tutelle de l’Etat les réseaux et les circuits de soins, nous sommes occupés à équiper notre pays de nouvelles catégories d’institutions, appelées à être puissantes et performantes, même si leur statut juridique actuel n’est celui que d’associations de fait. En effet, qu’est-ce qu’une institution sinon un groupe qui s’installe et s’organise en vue d’atteindre des objectifs et qui est institué, c’est-à-dire objet d’une reconnaissance sociale, ici tout à fait officielle, à certaines conditions. 

Quand un projet institutionnel est bien pensé, tant ses décideurs que ses concepteurs pensent entre autres au cadre déontologique et éthique dans lesquels il s’inscrit. Celles et ceux qui ne l’aiment pas y pensent également, en lui prédisant le pire et finalement, avant de commencer, on dispose déjà de discussions, de synthèses, de guide-lines plus ou moins précis qui décrivent ce cadre.

 

C’est bien ce qui s’est passé, depuis le temps que l’on parle des circuits et réseaux de soins, qui ont eu une gestation plus longue que le plus lent des mammifères. Et donc, d’une certaine manière, vous êtes en droit de penser que mon exposé sera inutile, car je vais vous refaire une synthèse à ma manière, mais dont vous connaissez  la plupart des ingrédients. 

Mais voilà, on sait bien que sur le terrain du travail, toutes les institutions ont l’art  de jouer accordéon avec les théories qui les constituent, et même parfois de les manipuler ou de leur donner une signification perverse qui ne correspond pas à l’esprit des textes. Pour protéger le plaisir et le confort des plus forts ou pour garantir la pérennité des subsides. Vous n’y échapperez pas. Nous n’y avons échappé aucun, quelle que soit notre institution de référence.

Et donc ma première recommandation est certainement de nous inviter tous à nous souvenir en permanence du plus précieux des guide-lines : le guide éthique. Et de nous conserver le droit, au sein de chaque projet, d’en rappeler le sens et la rigueur à tous ceux qui voudraient s’en écarter. 

En corollaire, je nous invite  à créer des structures de vigilance tierces, indépendantes si possible, fortes, durables, avec pour mission de vérifier cette adéquation éthique dans la durée.

 

Cette brève méta-réflexion terminée, j’en arrive aux repères éthiques et secondairement déontologiques qui figurent déjà dans vos textes. Vous avez surtout réfléchi à la relation avec le patient, sa famille et son environnement proche et c’est ce que je détaillerai dans un premier temps. Je rappellerai ensuite quelques risques généraux inhérents à l’organisation et au fonctionnement de toute institution.

 

 La relation avec le patient, sa famille et son environnement proche

 

 Le mieux-être ou, plus modestement parfois, le moindre mal-être possible du patient  est au centre de vos projets, cela va de soi ! 

Fondamentalement, même si c’est avec des patients complexes et durablement atteints que vous comptez travailler, ce sont des sujets humains ; vous désirez  vous affronter à leur souffrance, pour les en soulager , mais vous désirez aussi rencontrer leur pensées personnelles et  leur capacité de choix, pour soutenir tout ce qui peut être soutenu dans leur projet de vie, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas franchement antisocial ni autodestructeur. Bien sûr vous discuterez avec eux, vous exprimerez à certains moments des désaccords d’idée, mais sous cette double réserve de la non-antisocialité/non-autodestructivité significatives que je viens d’évoquer, finalement, vous leur laisserez le choix d’autodéterminer leur vie : vos seules armes seront votre capacité d’accueil, votre sollicitude, l’intelligence de vos propos, la force de vos valeurs et de votre témoignage de vie.

 

Ceci revient notamment à dire que, surgissant de ce qu’ils ont de plus positif et mûr en eux, les patients seront invités à adhérer de l’intérieur au projet de travailler avec vous. 

Idée à ne pas réduire à son sens le plus superficiel et le plus caricatural, où l’on ne travaillerait qu’avec des gens qui l’ont demandé explicitement, verbalement, presqu’à genoux. Nous savons qu’il faut nous adresser aussi avec toute notre sollicitude à la cohorte des non-demandeurs verbaux, insister, s’efforcer de les convaincre de la qualité de ce que nous pouvons leur offrir, les prendre par la main parfois pour les faire entrer dans nos locaux … mais, tôt ou tard – et plutôt assez tôt – il s ‘agira quand même de respecter les signaux d’adhésion au moins raisonnable ou de refus qu’ils montrent face à nos projets. Ainsi, nous ne pouvons pas laisser tomber d’entrée de jeu les dépressifs, les phobiques graves, ou les délirants, parce qu’ils nous diraient momentanément un « Non » formulé en référence à leur pathologie : une équipe, en union avec la famille et avec les professionnels de première ligne, doit parfois passer au-delà de ces désespoirs, de ces découragements ou de ces absurdités … mais cette sourde oreille ne peut être que transitoire, si nous voulons maintenir ces patients dans les maillons les plus interactifs des réseaux. Ceux-ci ne devraient jamais fonctionner comme des lieux qui font durablement pression : pression sur le projet de vie, pression pour que le patient bien répertorié ne s’échappe du réseau, etc. 

La joie du partenariat doit remplacer la volonté de pouvoir. Le dialogue avec un humain, toujours imprévisible, mystérieux et susceptible d’évolution doit remplacer la fascination de gérer et de maîtriser quelques catégories diagnostiques que décrivent si bien les DSM successifs et autres CIM-10.

 Tous vos textes préparatoires ont prévude ne pas quadriller les gens dans des territoires géographiques à offre limitée, qui réduisent la liberté de choix et qui sont à risque pour la confidentialité, et c’est très bien ainsi.

Vos textes tiennent également compte du fait que vos patients n’arrivent pas sans rien dans les réseaux : beaucoup sont déjà insérés dans un tissu social informel, porteur de ses ressources propres ; beaucoup ont déjà des intervenants de première ligne avec qui se sont tissés des liens fonctionnels ; certains fréquentent déjà des spécialistes externes au réseau. Comment tenir compte de tout cela, sans nier ce qui est, sans faire double ou triple emploi, en vivant un véritable respect entre professionnels, entre êtres humains tout simplement ? Ce ne sera pas facile, mais vous avez prévu de lutter contre l’autosuffisance et les mots : souplesse, considération, concertation sont omniprésents dans vos textes fondateurs.

 

 J’en arrive donc à quelques interpellations peut-être plus inattendues :

 

 L’être humain se laisse difficilement réduire aux catégories diagnostiques des nosographies ou de notre savoir traditionnel, même avec la porte de sortie si commode de la comorbidité.

Après presque quarante ans de carrière, si je devais faire un récapitulatif, j’aurais du mal à faire entrer aisément plus de la moitié de mes petits patients dans les cases des nosographies qu’elles soient françaises, américaines ou mondiales. Même en tordant encore légèrement la réalité de ce que j’observe pour les y faire mieux correspondre – par fascination intellectuelle ou pour satisfaire à des exigences de subsidiation – je ne gagnerais pas  beaucoup de terrain. Et au delà, j’entrerais dans la zone du franc mensonge.

Et en plus je créerais un effet d’appel, d’aspiration et de gonflement vers les quelques pôles à quoi je me serais réduit !  C’est en référence à cette pression des nosographies et des administrations qui leur sont assujetties que l’on est passé en vingt ans d’une prévalence de 3 autistes pour 10.000 naissances à une autre, de 100 enfants inclus dans le spectre autistique pour 10.000 naissances. Ou encore, que l’on est passé de 0.3 % d’enfants TDA/H à 6%.
Ce mouvement de si forte simplification me fait triplement peur : peur de l’étiquette que l’on met sur le dos des patients.  Peur que soit tronquée la singularité de la symptomatologie et que l’on réduise les gens soit à une soi-disant normalité, soit à une dizaine de pathologies bien répertoriées dans les nosographies, avec leurs symptômes standard, facilement accessibles aux administrations et aux compagnies d‘assurance. Et peur surtout que l’on laisse sur le carreau la cohorte de malades atypiques qui  constituent la majorité silencieuse de ceux qui ont besoin de notre sollicitude. A moins que de régler le problème en faisant de tout le monde une personnalité borderline ( catégorie … du DSM ).
Gare donc, par exemple, aux adolescents soi-disant psychotiques parce qu’ils passeraient impulsivement à l ‘acte, qu’ils exprimeraient des fantasmes inquiétants et auraient un projet de vie chaotique  et que leurs copains appelleraient simplement « pétés ». Ils n‘ont rien à voir avec les vraies schizophrénies débutantes et pourtant, pour les caser dans un bon projet, on risque de les appeler psychotiques … Ou « troubles de l ‘humeur » s’ils trouvent un peu trop souvent que la vie et eux-mêmes sont « à ch… ». N‘aurait-on pas pu sagement, humblement se limiter à les situer comme adolescents momentanément, pendant la phase actuelle de leur vie « à haute vulnérabilité psychique » ?

 

 Deuxième problème,que j’ai trouvé assez peu évoqué dans vos textes : celui de l’intimité et du droit à la confidentialité. Peut-être parce que nous aussi, enfants d’Internet, de l’électronique et d’autres fichiers centraux de l’Etat et caméras de surveillance mises en place pour notre bien, peut-être donc sommes nous des résignés, ne luttant plus contre le fait que mille données sur nos personnes voguent aux quatre coins du monde ? Peut-être voulons-nous nous accrocher à l’illusion que de véritables verrous existent autour des dossiers informatisés qui décrivent notre santé dans nos hôpitaux, cabinets de généraliste, compagnies d’assurance et autres ministères qui ne surveillent bien sûr que les prescripteurs … 

Aujourd’hui, il existe  un énorme problème autour du droit à la confidentialité. Les réseaux vont-ils y parer, ou l’entretenir et l’amplifier, en bons enfants  de nos sociétés qui exhibent quasi tout de tous ? Se passant alors d’un maillon à un autre et sans se poser de questions toutes les informations et encore un peu plus sur les patients, leurs amants, leur façon si négligente d’élever leurs enfants et leurs verrues plantaires, soins intégrés oblige !

 

Il y a quelques années, Michel Declercq pensait déjà réseaux et circuits : il n’était jamais en retard ! A propos du partage d’un savoir sur le patient, il écrivait qu’il ne pouvait s’agir que d’une concertation, pour trouver un sens fort à ce qui se passait et des idées pertinentes pour un avenir meilleur, concertation qui devait inclure le patient, son entourage et son médecin traitant. Pas question d’une collecte bureaucratique ou voyeuriste d’informations. A méditer, tout comme il faut méditer indéfiniment sur les risques de l’informatisation qui pèsent sur nous tous.

 

 Le troisième problème porte sur ler espect des limites inéluctables dans l’équipement des patients ainsi que de leurs rythmes.

L’Etat fera pression pour que réseaux et circuits fonctionnent à grande vitesse, avec un turn over de malades rapidement guéris, impressionnant pour ses statistiques à l’usage de l’Europe. Il voudra que les réseaux servent à faire de plantureuses économies, avec la sacro-sainte idée qu’il faut éviter l’hospitalisation … en tout cas  pas d’hospitalisation longue comme recours de choix. 

D’accord, il nous faudra travailler intensément. Bien sûr qu’une prise en charge ambulatoire de qualité dans un milieu de vie le plus naturel possible, c’est mieux pour qui peut vraiment en bénéficier.

 

Mais nous ne pouvons pas en dire ni en promettre davantage. Sous d’autres continents, dans certains pays très industrialisés, des pressions de l’Etat encore plus folles qu’en Belgique aboutissent à des catastrophes : on ne peut plus y prendre en charge les malades les plus graves ou ceux qui sortent des standards de soins, parce qu’ils gâchent les statistiques ou ne sont plus subsidiables. Et les placements hospitaliers constituent de véritables sièges éjectables, limités à la durée très brève que les assurances financent. Arrêtons de dire que le placement résidentiel est l’ultime recours, et pour le moins longtemps possible.

Pour certains malades graves, il  restera pourtant le lieu où ils trouveront le plus de sécurité et d’épanouissement, et il est de notre devoir de continuer à le proclamer.

 

 J’aborde enfin un problème spécifique qui vous préoccupe beaucoup ces tous derniers temps, celui de l’inclusion éventuelle, dans tel ou tel réseau ou projet, de malades sous le régime de la protection du malade mental, sous le régime de la défense sociale avec les libérations conditionnelles qu’elle amène, ou sous des régimes très analogues pour les mineurs d’âge désignés par la superbe appellation« délinquants psychiatriques ». Je ne développerai cette application potentielle que sous les angles déontologiques et éthiques propres à sa population, en laissant de côté mes sentiments à propos des doubles messages gouvernementaux sur le respect des procédures :

 

- Par définition et  si le diagnostic a été correctement posé, les utilisateurs ici visés portent en eux une dimension pathologique et, ma foi, si une prise en charge en réseau peut  soigner celle-ci plus efficacement et aider leur famille, pourquoi pas ? J’ai trop vu de ces adolescents extrêmement difficiles, en grande souffrance intérieure et sociale, instables, passant à l’acte, auteurs d’infractions multiples, que l’on se rejetait comme des patates chaudes d’une institution à l’autre, et que l’on n’investissait nulle part comme étant chez eux, à leur place. Tant mieux si un réseau bien pensé peut constituer une personne morale qui les accueille, soigne leur pathologie et contribue à les contenir, sans proclamer après un mois qu’ils peuvent aller se faire pendre dans un ailleurs plus spécifiquement équipé !

 

Néanmoins, il se pose au moins trois problèmes potentiels, à surveiller de très près :

 ---- Le premier reste celui de la sincérité des motivations de ces personnes à entrer dans un réseau de soins. Il faudra être très attentif à éliminer les demandes perverses, c’est-à-dire celles qui ne sont faites que pour échapper à des ennuis sociaux et judiciaires plus conséquents. Le travail thérapeutique fait par une personne dans un réseau se doit d’être un vrai travail et pas un prétexte, et  ceci doit être évalué régulièrement et posé comme condition pour progresser ou tout simplement pour rester dans le réseau.

Sur un mode un peu moins grave, le réseau risque d‘être infiltré par des utilisateurs qui « n’en n’ont rien à f… ». Pas de travail produit, ils attendent que le temps passe et que leur statut change. Et les professionnels du réseau pourraient garder ça sous silence, parce qu’ils ont besoin de subsides et seraient ennuyés de montrer qu’il y a trop de sorties prématurées. Et l‘Etat pourrait y trouver son compte : après tout, si ce sont des mineurs, ils sont planqués quelque part et les IPPJ ne font pas grève en disant que ce ne sont pas des clients pour eux …

 

 ---- Le second problème est celui d’une culture ambiante de la déresponsabilisation : elle règnera si l’on n’accompagne ces personnes que sous l’angle de leur pathologie, en mettant entre parenthèses ce qui leur reste de liberté intérieure et les comptes qu’elle ont à rendre pour des actes passés qu’elles savaient mauvais, même si leur pathologie les y prédisposait. Une prise en charge socio-judiciaire doit continuer à exister conjointement, notamment pour les adolescents très difficiles, et il ne s’agit pas de s’en laver les mains en s‘en débarrassant dans des réseaux exclusivement thérapeutiques.

 

---- Le troisième risque concerne d’autres attentes sociales inadéquates. Les envoyeurs pourraient avoir envie que le réseau, non seulement améliore vite les comportements antisociaux d’une personne à risque, mais encore exerce un véritable travail de contrôle social sur ses allées et venues, ses fréquentations, etc. et prenne toute la responsabilité pour protéger la société de ses comportements anti-sociaux 

Il ne saurait en être question. Les réseaux sont destinés à améliorer les dysfonctionnements du corps et de l’intra-psychique et la qualité des liens sociaux tissés par une personne. Pas pour surveiller et diriger les comportements des individus à risque. Il ne faudrait pas qu’un jour, nos ministres leur mettent ça sur le dos parce qu’ils sont incapables de payer un nombre suffisant d’agents de probation, de travailleurs sociaux d’Etat ou de juges de la Jeunesse . 

Plus radicalement d‘ailleurs, si l’on veut que la confiance s’installe dans le chef de ces patients devenus méfiants quant à la bienveillance de l‘ordre social, les réseaux ne doivent certes pas fonctionner comme des petits rapporteurs chargés de rendre compte à la Justice des  faits, gestes, questions et fantasmes de leurs utilisateurs fichés socialement.

 

 Risques inhérents à toute organisation institutionnelle

 

Pour terminer, permettez-moi de vous rappeler l’envers possible du décor. En projetant sur papier l’identité et les qualités des circuits et des réseaux,  l’Etat a fantasmé un enfant de rêve, la plus belle création fédérale de ces vingt dernières années en matière de Santé Publique.

Coordination, souplesse, continuité, etc … ce ne sont pas des qualités  inaccessibles, mais tous les professionnels expérimentés savent qu’il y aura aussi des risques à débusquer et à combattre dans l’organisation et le fonctionnement de ces nouvelles créations. Et par exemple :

 ---- Laisser se diluer le sentiment d’une responsabilité personnalisée; laisser s’effriter l’investissement du patient, que l’on pourrait se passer d’un maillon à l’autre du réseau, comme un dossier papier ou un clic électronique ; croire ingénument ou perfidement que le collègue d‘à côté, complémentaire, autrement spécialisé, va nécessairement faire mieux. Ou plus banalement, perpétuer le jeu du passage de la patate chaude, stérile, angoissante, terne, vers un autre du réseau, par définition aisément accessible. 

Or, il restera bien souvent indispensable que brille la permanence d’un chef d’orchestre ; je n’entends pas par là le coordinateur de la fonctionnalité du réseau, mais plutôt la personne ou la petite équipe qui s’est investie le plus centralement pour répondre à la demande d’aide, et qui doit continuer à être respectée et concernée dans la durée.

----  Trop se ménager entre membres du réseau; ne pas s’évaluer les uns les autres, amicalement mais en toute vérité  ; faire un peu tous la même chose sans s’organiser, sans accepter parfois de se retirer, comme on le constate régulièrement à propos des pléthores de services sociaux qui grouillent autour des familles défavorisées ; ne pas vraiment s’auto-évaluer ni à fortiori se mettre en question.

 ---- Augmenter la paperasserie, la bureaucratie, les réunions pour déterminer comment on va travailler ensemble, les réunions de synthèse qui diminuent la disponibilité sur le terrain. S’abriter frileusement derrière les règlements intérieurs, le fatras des exigences administratives, les lois inadéquates. Sans prendre de risques. Sans jamais oser transgresser des réglementations qui ne sont plus au service des personnes. Sans protester et demander avec force à ceux qui sont responsables d’inepties de les modifier. Réseau soumis, ronronnant, mais que ça arrange de fonctionner ainsi. 

Tout ceci n’est pas une vue de l’esprit. Nous pourrions tous évoquer des dizaines de cas pour qui l’on consacre plus de temps à de distinguées réunions  multidisciplinaires qu’à descendre suer sur le terrain . Je pense par exemple à Paschtoon, autiste profond, dix-sept ans, 140 kg, diabétique, qui vit  depuis cinq ans toute la semaine en famille monoparentale avec sa mère, pas très cultivée. Plusieurs fois par an, des réunions multidisciplinaires, associant parfois de hauts fonctionnaires des ministres concernés, glosent gravement sur Paschtoon pour finir par dire que ce n’est pas soi-même mais celui d’à coté qui doit trouver l’argent ou le lieu de vie pour accueillir l‘adolescent !.

---- Se réduire à ne prendre que des cas standard, ceux pour qui la nomenclature mise en place pour le réseau a été mise en place ; presser et tordre la réalité phénoménologique de quelques uns, pour qu’ils correspondent aux sigles du DSM ; en laisser beaucoup d’autres sur le carreau, parce qu’ils sont trop difficiles ou n’intéressent personne.

Encore une fois, les risques liés à cette triste culture du réductionnisme ne sont pas une vue de l’esprit, si l’on regarde ce qui se passe ailleurs. Et donc, il nous faut retrousser nos manches pour dire et redire à nos administrations et au monde politique que la réalité de la vie ne s’enferme pas dans des catégories nosographiques, et que les plus malheureux des gens sont parfois les plus atypiques.