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Je vous propose d'abord un article sur ce thème. Il est complété par:

-un lien vers un interview, en PDF, publié par l'hedomadaire Marie-france en 2015: Mon ado, le porno et moi

-et à la fin, le texte d'un autre interview 2014 de l'hebdomadaire "dossier familial": Mon ado consulte des sites porno

 

Introduction

                                                                                       

Le monde numérique fourmille d’instruments et de lieux de provocation, de stimulation et de franches représentations sexuelles. S ‘y entremêlent et s’y combinent Internet, ordinateurs, GSM et smartphones et autres consoles de jeu contemporaines. 

Pour beaucoup d’adolescents, la sexualité constitue un champ en pleine expansion[2] intérêts, questionnements, expérimentations et démarrage des vraies activités, en quête de plaisir et de relations intimes. Par ailleurs l’adolescent est curieux, aime défier, transgresser, s’aventurer dans le monde des adultes et se donner les mêmes droits et pratiques qu’eux. Ceci, pour l’adolescent en bonne santé mentale. Pour une partie des déviants, c’est encore plus exacerbé ! 

L’utilisation par lui du monde numérique à des fins sexuelles est donc d’autant plus inévitable que, basalement, de façon générale, beaucoup d’ados sont déjà des consommateurs expérimentés, très intéressés et parfois très gourmands du numérique ! Je distinguerai quatre catégories de ces utilisateurs : 

Recherche d’informations et échanges verbaux à finalité non-érogène 

Ca fonctionne un peu comme dans la cour de récréation et les autres lieux de conversation entre adie réelle, mais c’est souvent plus approfondi en détails et en dévoilement de soi, entre autres parce que l’anonymat est possible. 

Dans ce champ, l’ado peut chercher à :

 

- Obtenir de meilleures informations : le pourquoi et le comment du sexe, nouveaux savoirs et acquis par ses seules volonté, curiosité et créativité, sans que s’impose à lui un quelconque savoir du maître. A noter que, la limite entre démarche cognitive et voyeurisme qui excite sexuellement n’est pas toujours claire ! 

- Se réassurer. Discrètement, vaguement en allant à la recherche de ce que pensent les autres (« Y a-t-il des risques à se branler plusieurs fois par jour ») Mais parfois, l’angoisse de l’adolescent est plus profonde et il tente de se réassurer en consultant un site web plus « sérieux », spécialisé, tenu par des professionnels qui, à tout le moins, sont censés ne pas pouvoir briser son anonymat (« Je l’ai fait avec un petit de dix ans. Je ne suis pas fier(e) de moi. Suis-je encore normal ? ») 

- Partager des expériences avec des autres du même groupe d’âge, semblables à soi. Renforcer de la sorte la construction de son identité, que le groupe modèle en partie. 

ILL. Pour illustrer mon propos, voici une brève analyse de ce que l’on trouve sur les forums d’un site pour ados fort fréquenté, et modéré par des adultes qui ne sont pas des professionnels de l’adolescence et n’interviennent que pour censurer les « post » inacceptables (injures, racisme, obscénité …) Il y avait à l’époque 90.000 inscrits francophones de treize à dix-sept ans, à peu près autant de filles que de garçons.  Les forums sur la sexualité  (n’y) représentent (que) 12 % de l’ensemble des forums, les plus fréquentés étant ceux qui concernent les relations amoureuses et amicales. Bien des questions s’y bousculent, depuis des interrogations sur l’anatomie intime, jusqu’à savoir comment  donner le plus de plaisir possible au partenaire, en passant par ce que les autres pensent de la zoophilie (réponse la plus fréquente : « Beek ! ») Beaucoup sont avides de parler de masturbations, de coups de langue et de pénétrations en tous genres, avec des partenaires grosso modo de leur âge, 

La consommation de  pornographie [3] :

 

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 Elle commence de plus en plus précocement :

l’un de mes jeunes patients de huit ans pourtant « normal » dans l’ensemble se relevait la nuit pour regarder du porno sur son smartphone. Un autre de neuf ans, me parlait de ses occupations à la récré, me disant qu’il avait vu sur la tablette d’un copain « une femme toute nue sucer la bite d’un homme » Vers dix-onze ans, la majorité en a déjà vu, au moins occasionnellement. 

Cette consommation connaît probablement un « pic » lors de l’installation de la puberté, en tant que gourmandise récemment découverte et qui chatouille agréablement la montée hormonale du moment. A cette époque où se met en place la capacité d’un vrai plaisir  sexuel et s’amplifie le désir  de transgression,  nombre de jeunes ados  vont explorer beaucoup d’illustrations pornos, celles d’éclate sexuelle « ordinaire » mais aussi, plus occasionnellement  des perverses ou des antisociales,  histoire de savoir de quoi il retourne et de bien défier secrètement les adultes.

Au fur et à mesure que l’adolescence avance, pour le grand nombre toujours, cette fréquentation a tendance à baisser : c’est du déjà vu qui n’est donc plus très excitant ! On regarde de temps en temps un film de boules entre copains, en buvant quelques bières…. Paresseusement, on peut faire défiler quelques images hard lors d’une séance de masturbation : c’est plus économique pour le mental que de se créer des fantasmes érotiques perso, comme nous le faisions à l’ère préhistorique d’avant Internet ; Dame, aujourd’hui, c’est l’ère de la consommation où tout arrive tout cuit dans la bouche, si j’ose dire … 

Une minorité d’adolescents se fixe malheureusement sur de la pornographie ordinaire au point d’en devenir dépendant. Et pour une minorité de cette minorité, c’est pire encore, c’est sur tel ou tel chapitre de pornographie perverse qu’ils peuvent se fixer. Les relations entre ces fixations à des images et une vraie sexualité sans retenue ou perverse sur le terrain de la vie de la vie sont variables : nombre de « collectionneurs » le restent en chambre, inhibés par la vraie vie… 

Une autre minorité d’adolescents, peu socialisés, en manque de modèles relationnels internalisés, se sert des images de la pornographie et les exporte dans la vie sexuelle réelle, surtout au début. Si en plus, ils ont de gros besoins sexuels, les voici acteurs d’une sexualité sans retenue et peu respectueuse de leur partenaire ! 

On pourrait conclure cet alinéa en pensant qu’il en va de la pornographie comme des autres sources de plaisir matériel (alcool and co) : à consommer avec modération et en gardant le pouvoir de commander au plaisir. Comme me le disait un ado de quinze ans, à peine provocateur « C’est moi qui doit commander à ma bite, et pas ma bite qui doit me commander. »

 

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C’est vrai, certes, mais au-delà, il me reste deux malaises d’ordre éthique : 

- La pornographie, c’est une promotion du plaisir sexuel égocentré avec instrumentalisation du partenaire plutôt que du plaisir partagé avec celui-ci. Même si la grande majorité des ados ne prend pas vraiment la pornographie comme modèle (« Je sais bien que ce n’est pas cela l’amour »), le risque existe que, imprégnés par elle, ils se donnent un droit excessif à leur plaisir personnel dans leurs activités sexuelles. 

- La pornographie, c’est d’abord et avant tout une gigantesque industrie dans laquelle les « acteurs » soit vendent volontairement leur corps, soit se laissent exploiter, faute de trouver mieux, par manque de ressources financières. Ne voulons-nous pas mieux que vendre notre bas-ventre ? Et si ce n’est qu’un pseudo-consentement, dicté par le manque d’argent, n’est-ce pas à mettre au rang des injustices sociales inadmissibles ? 

Si certains partagent ces malaises éthiques, c’est dans le dialogue avec l’ado que je recommande de les gérer, pour réfléchir ensemble.

  Le cybersexe 

 J’appelle « cybersexe » : 

 

- des activités dont la finalité érotique est importante, éventuellement mêlée au défi, à la provocation, à la recherche de pouvoir, etc. 

 - majoritairement voulues par leur(s) protagoniste (s), spontanément ou suite à une sollicitation ; 

- qui ne se déroulent que dans le monde numérique.

 

La volonté de l’ado de s’y livrer n’empêche pas qu’il soit parfois trompé par son (ses) cyber partenaire(s)  Par exemple : tel jeune qui se montre nu  ou se masturbe via sa webcam ne devine pas nécessairement que son image ou ses exploits pourront être diffusés sur le web ou dans une cercle plus restreint de proches.  C’est parfois tout simplement l’ex-petit copain, furieux d’avoir ramassé un râteau, qui se venge en l’humiliant, histoire de lui faire bien regretter son ingénuité érotique des beaux jours. L’ado peut également être découvert et sanctionné : des parents un peu soupçonneux inspectent son cyber matériel et y découvrent, plus ou moins protégés, des photos ou des vidéos des plus osées de leur fils ou de leur fille, pourtant si bon(n) élève dans tel collège huppé et si habituellement sans histoires….. 

Le cyber partenaire du jeune est quelqu’un de son âge, un adulte qui fait semblant d’être de son âge (grooming)voire un adulte qui se déclare comme tel et à qui l’ado veut se mesurer sexuellement, ou de qui il veut arracher les secrets du plaisir. 

Ces activités sont très diversifiées et relativement fréquentes [4] mais souvent sans que l’ado s’y fixe durablement (une phase brève, qui se répète parfois irrégulièrement deux, trois fois sur une vie d’ado) Et chez l’ado normal, quand ça dure plus longtemps, cela n’occupe qu’une toute petite fraction de son énergie.

 

 De nombreux outils permettent de les mener à bien,

 

voire constituent – en soi – des facteurs de provocation qui font passer l’ado « à du sexe » Sans viser l’exhaustivité et conscient que les applications évoluent à grande vitesse, je cite par exemple : les claviers, caméras, écrans et endroits discrets de stockage des portables et des ordinateurs ; les sites web permettent le stockage et le téléchargement de photos et de vidéos, à des partenaires ciblés ou sans restriction (ex Whatsapp) ; les sites permettent d’envoyer des photos très transitoirement – en théorie – (ex Snapchat) ; des messageries comme Skype, où l’on choisit les « amis » qu’on inclut, et avec qui l’on peut s’isoler pour un chatt ; des salons du Web plus spécifiquement dédiés au sexe, et où l’ado peut toujours se faufiler, en veillant à l’anonymat de son nom, mais pas toujours de son visage ; entre autres, les sites dit « Chatroulette »[5] dont certains sont à visée clairement sexuelle et dont tous sont toujours susceptibles d’un dérapage à risque vers le sexe (« être banni »)

 

 En quoi consistent ces activités ? 

 

Ici également, impossible d’être exhaustif. En adoptant le critère de classification du rapport à l’autre, je cite : 

- Des activités faites d’abord et avant tout pour soi : selfies et self-vidéos érotiques, et que l’on stocke discrètement. 

- Des activités faites unilatéralement (et le plus souvent tout seul) à destination de l’autre : envoi de sextos (souvent à la limite du harcèlement ou de la plaisanterie très douteuse), exhibition de soi, à visage découvert ou non, avec des sous-vêtements excitants, nu avec exposition des seins ou/et des organes génitaux au repos sexuel ou en pleine activité. 

- En miroir, des activités unilatérales voyeuristes : par exemple, faire circuler des selfies d’une condisciple nue (consentante ou non) ; espionner des gens qui font du sexe sur un chatroulette sans ouvrir sa propre caméra, etc … 

- Ensuite des « échanges » sexuels, en temps différé ou dans l’immédiateté. Par exemple, récemment, j’ai eu à prendre en charge un garçon et une fille de sixième primaire qui s’envoyaient par portable des photos et des commentaires obscènes d’eux-mêmes (sans le visage, les petits malins !) et les stockaient. Et il y a tous les strip-tease, masturbations et autres joyeusetés sexuelles du bas-ventre faites en face à face via la caméra, avec un partenaire connu ou inconnu, du même groupe d’âge ou adulte, sur l’écran d’un smartphone, de Skype, d’un Chatroulette, etc … 

 

  Les motivations à l’œuvre chez ces jeunes sont variées.

 

 

 Je cite d’abord celles qui sont dans le champ de la bonne santé mentale, du moins si elles ne deviennent pas durablement contraignantes : 

 -  Une affirmation de soi rude, signifiant que l’on est bien « au parfum du sexe », déjà présente parfois chez des très jeunes, délurés. : Par exemple, filles de onze–douze ans qui s’exhibent sur leur smartphone à l’intention du « petit copain » du moment, sans se douter  des risques…. 

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- Du marivaudage « hard » : la prolongation des jeux sexuels de l’enfance ; avant il n’existait rien entre ceux-ci et « la première fois » : maintenant, on peut tâtonner et découvrir confortablement des techniques érotiques ou encore, quelle est la réactivité sexuelle de l’autre 

- Le désir de défier l’ordre adulte, mais aussi, le cas échéant, l’adulte partenaire sur écran : lui montrer ce que l’on vaut déjà sexuellement ; rivaliser et le dominer ; le faire mendier ; percer ses secrets sexuels 

- Le narcissisme ; la fierté de son corps sexué et de sa compétence sexuelle Auparavant, les ados allaient de temps en temps devant un grand miroir  se regarder nus (et pour les garçons, en érection) … aujourd’hui, ils se font une petite vidéo bien  hard. Le problème, c’est lorsque les parents tombent dessus : c’est encore plus la honte que d’être surpris en pleine branlette. C’est ce que je décris dans le texte

 Self sex vidéo d’un préadolescent

 - L’auto-érotisme ; Regarder unclip-vidéo de soi se masturbant entraîne un surcroît d’excitation sexuelle lors des masturbations ultérieures : le serpent qui se mange la queue, en quelque sorte … 

 - La quête érotique recherchée à deux, souvent pour soi seul et au mieux en la partageant vraiment, à travers soi en action et la lecture ou le spectacle de l’autre qui en fait autant 

 Ces motivations deviennent préoccupantes

-lorsque le jeune s’y fixe avec intensité,

-lorsqu’elles deviennent une condition nécessaire, contraignante et durable à son sentiment de se réaliser sexuellement.

Par ailleurs, il existe des motivations  plus préoccupantes d’emblée: 

 - Lorsque le jeune transgresse des grandes lois humaines via le cybersexe: pédophilie, violence sexuelle filmée, véritable inceste fraternel. Faire souffrir l’autre à travers le cybersexe constitue en soi un signal d’alarme, même s’il ne faut pas tout de suite dramatiser la signification psychologique de certaines vengeances impulsives, comme le diffusion d’images leste de son ex par le (la) jeune qui vient de subir un râteau….. 

 - lorsque le jeune se limite à des pratiques perverses répétées ou les privilégie fortement. Je vous invite à lire s l’échange de courriel intitulé  addiction au sexe pervers chez un jeune adulte où un jeune adulte me raconte comment il est enlisé depuis ses dix ans dans la fréquentation de salons de chatt « Maître cherche lope », et cherche à en sortir[6]. 

◊ - lorsque le jeune monnaie répétitivement et intensément ses charmes Néanmoins, pas si rare que cela, à titre de pratique transitoire ; par exemple des filles (et quelques garçons) se font un peu d’argent ou se font fournir des unités SMS en réalisant un strip-tease pour de vieux voyeurs ... Quand cela perdure, il y a confusion dans les valeurs quant à la dignité humaine. Au sens technique du terme, c’est de la prostitution. En 2018 le phénomène prend de l'ampleur avec les sugar babies, girls ou boys.

 Partir des écrans pour faire des rencontres à finalité sexuelle dans la vie réelle 

Certains ados, souvent dans la deuxième partie de leur adolescence, partent du cybersexe qui vient d’être décrit pour initier des rencontres à visée sexuelle dans la vie réelle. Ils peuvent aussi prendre comme point de départ des offres de rencontre faites sur des sites généralistes d’ados où, en théorie, ils se retrouvent entre eux. Ils peuvent même s’infiltrer dans des sites de rencontre pour adultes en trichant sur leur âge véritable.

Ils cherchent alors un partenaire et éventuellement d’éventuels et successifs partenaires souvent de leur groupe d’âge, mais parfois aussi chez les adultes, qui seraient intéressés par : 

 - Un « plan Q » sans engagement affectif autre que très superficiel ; 

 - Plus rarement  une relation totale, plus durable, incluant amour et sexe ; la seconde dimension est clairement annoncée à l’avance ou non. L’inverse existe au moins aussi souvent : l’attachement amoureux finit par s’installer s’il y a harmonie sexuelle : et plus, si affinité, cela fonctionne donc dans les deux sens ! 

 - A un certain moment, et bien que la frontière soit floue, le mineur entre dans le domaine de la participation volontaire à la pornographie commerciale : Tel  ado accepte d’être « modèle », avec poses suggestives, à moitié nu,  moyennant rémunération, chez un photographe trouble ; Tel autre commence par se laisser photographier sur une plage par un vieux chasseur d’éphèbes…puis, le voici  volontaire pour participer à des activités clairement sexuelles, parfois avec un engluement dans de sordides perversions  

 

 Ces comportements doivent-ils être considérés ipso facto comme préoccupants ou comme indicateurs d’un développement encore « normal »,

chez des ados suffisamment futés pour utiliser des outils contemporains que les adultes leur proposent ? 

 Pas de réponse générale à ce propos ! On peut se référer à ce qui a été discuté à l’alinéa précédent, à propos de l’addiction, de la transgression des grandes lois humaines, de l’enlisement dans la perversion ou de la commercialisation de son corps…Serait préoccupant aussi l’adolescent qui, par le recours à ces pratiques, ne saurait jamais s’engager affectivement avec un partenaire de la vie incarnée. 

A partir de la seconde adolescence en tout cas, le fait de désirer s’adresser à des adultes – hommes ou femmes – pour connaître des satisfactions sexuelles ou sentimentales ne me paraît pas pathologique en soi : c’est la diversité de la vie qui s’exprime, entre partenaires ici complémentaires et volontaires. Pourquoi admettre, avec juste un sourire entendu, qu’une femme de vingt ans épouse un « vieux » de cinquante-cinq, mais hurler s’il s’agit d’un ado pubère ? et ne parlons pas des Macron, où cela fonctionna en sens inverse..

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A l’ado donc de se montrer bien prudent et d’assumer aussi que la grande majorité de ces liens ont une durée plutôt brève.

 

 Comment réagir à ces pratiques sexuelles ?

 

L’espace me manque pour une réflexion détaillée à ce propos [7]. Je me limiterai donc à proposer ce qui suit :

 Nous devons assumer que nous n’avons qu’un contrôle très partiel sur les comportements de nos grands enfants et de nos adolescents, et notamment leurs comportements sexuels.

Ils prennent beaucoup de décisions sans demander notre avis, ouvertement ou secrètement, seuls ou en compagnie de leurs pairs. Une partie de ces décisions concerne leur vie sexuelle, avec ou sans transgressions. Cela vaut pour tous, y inclus ce petit(e) dernier(e), chérubin à qui nous donnerions le Bon Dieu sans confession.

 

Autour de ses quatorze ans, Pierre me demande en six mois deux rendez-vous d’urgence via courriel. Pierre, jeune homme bien élevé, un peu trop sérieux, un peu coincé, qui  a du mal à trouver sa place de cadet respecté et qui a longtemps souffert d’une mystérieuse énurésie. Les deux fois, c’est parce qu’il est allé brièvement se vautrer dans la boue et qu’il ne se reconnaît plus lui-même. N’est-on pas devenu une âme définitivement perdue quand on va voir de la pornographie sur Internet, ou la seconde fois quand on se fait lécher le sexe par son chien et qu’on éjacule même sur la bête ? Effrayé et ayant perdu son estime de soi, Pierre voulait voir dans mes yeux, sans le déclarer explicitement, si je le considérais toujours comme normal et s’il conservait mon estime. En outre, la première fois, les images de partouze bien arrosées auxquelles il ne s’attendait pas l’avaient traumatisé, au sens du traumatisme psychique, et il était envahi de reviviscences traumatiques, au moment de l’endormissement et via des cauchemars ; puni par où il avait péché, en quelque sorte …

 

Visons donc essentiellement à ce que ces jeunes restent « suffisamment bien »  sociables, sans nous faire d’illusions sur ce que nous ne connaîtrons jamais. Visée  qui peut s’opérationnaliser via : notre témoignage de vie, dont il faut espérer qu’il est lui aussi « suffisamment bien » sociable ; un dialogue de qualité, qui ose aborder le thème de la sexualité, du sens que nous lui attribuons, du bien-être ou de la souffrance qu’elle peut générer ; la mise en place de repères clairs, l’expression de nos attentes et de nos règles en veillant à ce qu’elles aient du sens et en prévoyant qu’elles ne seront jamais complètement pris en compte ; une présence matérielle et spirituelle bien dosée dans la vie des jeunes, ni trop, ni trop peu.

 

 Il nous revient encore de nous intéresser positivement à l’univers numérique, aux images et à tout ce que les jeunes peuvent en faire : utilisation poétique, informative, humoristique, transgressive, érotique … ; transformations et circulations multiples des images, etc. Au-delà de notre intérêt participatif, nous pouvons dialoguer avec les jeunes sur le droit à la vie privée et sur les usages inattendus des images : instruments de marivaudage, de sexualité, de commerce ou d’agression d’autrui, etc. 

Ceci s’inscrit dans le cadre d’un dialogue plus vaste, qui ne s’improvise pas avec l’entrée du jeune dans l’adolescence. Internet, les valeurs de vie, le sens que nous attribuons à la nudité ou à la sexualité pourraient en être des composantes, échangées par petites touches, depuis précocement dans la vie de l’enfant. 

A l’intérieur d’un tel dialogue, comment évaluons-nous les comportements qui ont été décrits dans ce texte, et aussi, jusqu’à quel point et comment souhaitons-nous les réguler ? Il ne me revient pas de le décréter à la place des lecteurs, et c’est probablement variable d’une famille à l’autre. Je conçois qu’existent des attitudes de tolérance plus ou moins souriante à propos des comportements et des motivations les plus banals que j’ai évoqués. D’autres familles peuvent s’avérer plus exigeantes. Et le professionnel de l’enfance et de l’adolescence peut y aller aussi de son témoignage personnel, et encourager le jeune à installer ses projets et pratiques dans un cadre sociable. En l’aidant à ne jamais confondre d’une part obéissance ou désobéissance à des normes, et de l’autre adhésion ou non à des valeurs de vie fondamentales, autour du respect de soi et des autres, dans la dignité que mérite l’humain. 

 

IIIIl peut encore nous arriver d’être confronté à une pratique réellement abusive : par exemple, être mis au courant de l’humiliation  d’un jeune par un petit groupe, via diffusion d’images de sa nudité. Mis en face des auteurs, il revient au professionnel de maîtriser ses émotions et de chercher à comprendre. Le signalement pur et simple, ou l’exclusion de l’école, serait pour lui une façon de se décharger à bon compte de ses responsabilités directes et de ses émotions négatives. 

Comprendre ? Dans le petit groupe auteur, tous les jeunes n’ont pas n’ont pas le même statut ni les mêmes motivations. Peut-être le meneur est-il plus perturbé que les autres, et relève-t-il d’une approche plus spécialisée ? Peut-être les autres sont-ils de jeunes adolescents ordinaires, entraînés à cette mauvaise action par certaines caractéristiques de la psychologie des groupes ? S’il faut rappeler la Loi, qui interdit la destruction d’autrui, et exiger de tous une sanction-réparation, c’est bien plus le dialogue, le soutien et la réponse à leurs besoins personnels qui les aideront à mieux fonctionner à l’avenir !

 

 Si le jeune nous identifie nous, les professionnels, comme dignes de confiance et ouverts à l’écoute de ses vrais embarras, il nous fera plus facilement part de telle ou telle situation préoccupante, dont il redoute les conséquences : Il a éjaculé sans précaution sur la vulve de sa petite copine et a peur qu’elle ne soit enceinte ; il « fait des choses » avec un plus jeune et n’est pas fier de lui ; il a été piégé à la Webcam et ses exploits masturbatoires pourraient bien faire les délices des  pervers du Net ; peut-être même le fait-on chanter ; il a accepté de l’argent d’un adulte pour être filmé nu(e), dans le cadre d’un RV pris sur le Net ; ou, comme Mathieu précité, peut-être en a-t-il assez d’être devenu dépendant d’une pratique perverse …  

Comment gérer ces confidences bien contemporaines dans le cadre d’entretiens avec un professionnel ? 

Une fois évoqué par le jeune son embarras, il demeure rare qu’il s’agisse d’une vraie urgence : Nous pouvons donc nous donner le temps de bien comprendre, quitte à le recevoir à haute fréquence ( parfois sous un prétexte quelconque ) La confidentialité reste une valeur, que je sache, et il ne va donc pas de soi que nous devrions nous précipiter sur les parents pour les mettre au courant, pas plus que sur des agences sociales, ou sur les institutions de police ou de justice.  L’inverse n’est pas plus certain : Il faut vraiment bien réfléchir aux dangers futurs  que court le jeune ou qu’il fait courir à autrui et à l’efficacité plus grande que nous attribuons à ceux qui seraient informés, seuls motifs valables pour sortir de la confidentialité avec ou sans le consentement du jeune. 

Pour sortir du mauvais pas où il s’est mis, le jeune pourrait parfois réfléchir tout seul et modifier certains comportements, en échangeant des idées avec nous et en s’appuyant sur nos encouragements : c’est la voie la plus simple ! 

Parfois, il aurait bien besoin d’aide extérieure (ses parents … un service de police spécialisé en informatique, etc.) Nous pouvons prendre des renseignements et accroître notre propre information, par exemple, en présentant nous-mêmes le problème de façon anonyme à un policier spécialisé. Par la suite, nous discuterons avec le jeune et pèserons avec lui le pour et le contre de parler de son problème au dehors. 

Parfois enfin, le jeune s’est mis dans un mauvais pas irréversible : je ne vois pas très bien comment nous pouvons vraiment faire en sorte que soit rattrapée une image gênante de lui qui vagabonde déjà sur la toile. A nous alors de travailler sur ses angoisses et son sentiment de honte, à lui redonner confiance en lui, et aussi l’envie et les moyens d’être plus prudent à l’avenir.  

Notes 

[2] A ce propos, on peut  l’article La sexualité des adolescents et la responsabilité de l'école 

[3] Nombre d’auteurs considèrent que la consommation de pornographie peut déjà s’appeler cybersexe. Soit ! Moi, je n’ai fait la distinction avec le paragraphe III que pour la clarté du raisonnement. 

[4]  A titre de pratique occasionnelle, probablement 10 à 15 % des préadolescents et des adolescents sont-ils concernés. 

[5] les chat roulettes. Roulette ? Le nom évoque les hasards du casino : on y est mis en contact via la cam et le chatt écrit avec un interlocuteur aléatoire : ce peut être un vieux turc de septante ans comme une jeune starlette aguichante : on débranche et une autre personne apparaît dès qu’on n’est pas satisfait … Cela plaît donc aux exigences de rapidité et d’inattendu d’un certain nombre d’ados ; les rencontres qui y sont faites peuvent être de simples dials, parce que l’on s’ennuie et que l’on est curieux de « clavarder » avec un parfait inconnu, ce peuvent être des quêtes sentimentales, mais plus souvent il s’agit de chercher « du sexe » pour une brève durée.  

[7] Je vous propose de lire  ce que je recommande  face à la sexualité des enfants, considérations largement applicables pour les adolescents également, dans mon livre La sexualité des enfants  , Odile Jacob, 2004, p. 188 et suivantes. 

 

Une rubrique/interview 2010 dans "Dossier familial"

En février 2014 le site web bien connu www.dossierfamilial.com a fait d'importances références commentées à cet article dans la rubriqueMon ado consulte des sites porno

La facilité d’accès aux sites pornographiques, nombreux sur Internet, représente une tentation à laquelle les ados ont du mal à résister. Le rôle des parents est de dialoguer et de mettre en garde.

Aujourd’hui, un jeune de 10 ans sur deux aurait déjà vu une image pornographique. Les sites porno ne manquent pas sur la Toile. Les images qui y sont diffusées ont de quoi bousculer une représentation de la sexualité encore incertaine et qui a besoin de temps pour se construire. D’où la nécessité de mettre en garde les enfants sur les risques qu’ils courent à regarder de telles scènes sur le Net.

Dans le domaine sexuel, l’effet peut être traumatique pour les plus jeunes, les plus sensibles, ignorants ou inexpérimentés, confirme le Pr Jean-Yves Hayez, pédo­psychiatre. 

Une certaine forme d’initiation            

Cette forme d’initiation à la sexualité, aujourd’hui banalisée, est parfois subie par des enfants qui agissent plus pour imiter leurs camarades que par intérêt.

"Ces incartades sur Internet sont avant tout des actes tâtonnants d’affirmation de soi, poursuit le Pr Hayez. .Pourtant, chez certains jeunes en manque de modèle et insuffisamment socialisés, les images pornographiques peuvent avoir un effet d’entraînement."

 

Ces scènes stéréotypées, dans lesquelles le passage à l’acte est immédiat et la femme souvent assimilée à un objet, seront perçues par certains comme les modèles à reproduire.

Interdire ne suffit pas

La tâche est délicate pour les parents qui sentent la nécessité d’intervenir.

"Mieux vaut se préparer à ce genre de situations pour savoir gérer ses émotions le moment venu, conseille le Pr Hayez. Avec les plus jeunes, dans un premier temps, il est nécessaire de se montrer ferme, de dire calmement mais sans détour à l’enfant qu’il n’est plus question de consulter de tels sites. Il faut aussi insister pour qu’il efface les images stockées quand il y en a."

Pour la majorité des enfants animés par le désir de défier les règles des adultes, cette interdiction clairement posée peut suffire. Mais la fermeté n’exclut pas le dialogue, et les échanges avec les adultes sont toujours à privilégier pour que la pornographie ne reste pas la référence exclusive en matière de sexualité.

"C’est un point de vue qui prend du sens pour l’enfant lorsque prédomine ce mode d’échanges affectifs chez les adultes qui sont sa référence, appuie le Pr Hayez. L’enfant s’imprègne de leurs comportements. Implicitement, il comprend le désintérêt de délier la sexualité de l’affectif comme le lui proposent ces mises en scènes. Bien sûr, l’excitation que procure la vue d’images pornographiques peut demeurer, mais il ne restera pas enlisé dans cette fascination et passera vite à autre chose."

Ce qui peut signifier aussi l’inciter à "privilégier plutôt l’invention de ses propres fantasmes érotiques", comme le suggère le Pr Hayez, dans la mesure où ceux-ci stimulent l’imaginaire en laissant la place à la complexité du désir.

Le danger des stéréotypes

À l’inverse, le sexe virtuel propose un "mode d’emploi" avec performances à l’écran et sexes de taille formatée. Des stéréotypes qui risquent d’avoir par la suite un effet inhibant sur la sexualité de l’enfant et de provoquer chez lui la peur de ne pas être à la hauteur de ces démonstrations.

"Pour une minorité d’entre eux, les images pornographiques sont à l’origine d’angoisses ou d’un sentiment d’insécurité", alerte le Pr Hayez. Face à une modification du comportement de son enfant, il recommande de ne pas négliger cette éventualité. D’autres, plus proches de l’adolescence, ont parfois tendance à surinvestir ce domaine et à devenir accros au porno. Autant de bonnes raisons pour ne pas les abandonner seuls face à leur écran !

Utilisez les logiciels de contrôle parental

Rien ne remplacera la présence d’un parent à côté de l’enfant lorsqu’il navigue sur Internet, mais l’installation d’un logiciel de contrôle parental sur l’ordinateur qu’il utilise permet aussi de limiter les occasions de dérapage et, le cas échéant, de bloquer l’accès à certains sites considérés par vous comme particulièrement nocifs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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