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 Peurs, anxiétés et angoisses de l’enfant et de l’adolescent

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Mise à jour au 21.01.2022 de l’article : Peurs, anxiétés et angoisse de l’enfant. Modélisation et traitement. Texte initial paru dans Ann. Méd.-Psychol., 1999, 157, n°5

Résumé : Il m'a paru possible et utile de représenter, en un modèle unique", ce qu'il en est des peurs, anxiétés et angoisses de l'enfant. Je décris en détails de quoi ils se composent, dans leur instantanéité et dans les adaptations qui s’en suivent. Je discute également de la place respective de la contrainte intérieure et de la liberté Je me livre ensuite à une réflexion d'ensemble sur la prise en charge, en insistant sur un modèle cognitiviste que j’ai mis au point et en discutant aussi la place des parents. Je termine par une réflexion plus détaillée sur les paniques des tout-petits et sur la phobie scolaire.

 Summary: It seemed to me possible and useful to represent, in a single model", what it is of the fears, anxieties and anguishes of the child. I describe in detail what they are composed of, in their immediacy and in the adaptations that follow. I also discuss the respective place of inner constraint and freedom. I then engage in an overall reflection on care, insisting on a cognitivist model that I have developed and also discussing the place of parents. I conclude with a more detailed reflection on toddler panic and school phobia.

 

Chapitre 1. Phénoménologie :l’instantané de l’angoisse et sa gestion spontanée.


Il m’a paru possible et utile de représenter, en un modèle unique, ce qu'il en est des peurs, anxiétés et angoisses de l'enfant[1], telles qu'elles sont plus usuellement différenciées. Cette modélisation intègre des apports de la psychanalyse, du cognitivisme et de la pensée systémique et biologique, sans - me semble-t-il - en trahir la substance. Par ailleurs, elle ouvre d'intéressantes perspectives pour le traitement, intégré lui aussi.

Elle laisse très largement entre parenthèses la question du normal et du pathologique, débat dont l'issue est souvent indécidable et dont les implications dans le processus thérapeutique sont très délicates.

Par exemple, accepter qu’un enfant demeurant trop anxieux, après essais significatifs mais stériles de meilleure adaptation, et reçoive de l’enseignement à domicile, et corollairement n’aille pas au camp de vacances de son mouvement de jeunesses, ni en classe verte, SANS EN FAIRE TOUTE UNE HISTOIRE : c’est sa normalité à lui du moment, sujet original de son histoire.

Les sources externes et internes de l’angoisse

 

     Objectif ou imaginaire ? oui, mais parfois, on ne sait pas. Dans le film Shining (S Kubrik, 1973) réelles ou imaginaires, les deux soeurs qui viennent inviter Danny, occupé à jouer dans le couloir. 

I. L’imminence d’une agression

L’angoisse, signal-danger, est une réponse de l’être qui perçoit ou anticipe à tort ou à raison la possibilité d’une agression, en imaginant alors souvent son imminence inéluctable : le Réel externe pourrait s’en prendre à son intégrité physique ou psychique ou à ses biens : il risque d’être attaqué, détruit, disqualifié dans des idées ou ses habitudes de vie, insulté, kidnappé, chassé, dépouillé... Quand il y a angoisse de séparation, le noyau central de ce qui se vit, c’est bien cette insécurité du tout petit mammifère qui a perdu le troupeau adulte bienveillant, qui ne sait pas comment survivre et échapper aux prédateurs (S’y ajoutent d’autres vécus : chagrin, vide affectif brutal...)

        
Le danger invoqué peut être objectif, bien perçu par l’intelligence (p. ex., les condisciples qui harcèlent à l’école ou dans les réseaux sociaux ; vivre avec un père alcoolique...). Cette perception et cette anticipation de l’intelligence peuvent néanmoins être plus ou moins dramatisées par des apports imaginaires, amplifiant le côté sombre du réel ou carrément fantastiques.

        
Ailleurs, le danger invoqué est purement imaginaire (les monstres de la nuit). Le travail de l’imagination peut être premier, autonome, simple (INC - imagination non conflictuelle)[2]; mais il peut être aussi un symptôme de l’existence d’un conflit intrapsychique sous-jacent (IC - imagination conflictuelle ; p.ex., angoisse de castration vers 5 -6ans, parce que le petit joue avec ses organes génitaux et que c’est interdit... angoisse d’avoir attrapé le SIDA à 14 ans - sans raison objective - en référence à un conflit analogue : « ta pratique sexuelle est prématurée et interdite ; elle offense l’ordre adulte »). Ici l’agresseur, ce n’est pas fondamentalement le Réel externe, mais une voix intérieure qui le menace pour avoir réalisé ou seulement fantasmé un désir vécu comme interdit. « Ceux qui agissent comme toi vont très longtemps en prison, loin de papa et maman ».                         


  1. II. Le cœur " instantané " du phénomène


Au moment où elle jaillit et s'éprouve, l'expérience d'angoisse se compose toujours d'un malaise corporel et d'un comportement immédiat, et de façon inconstante mais fréquente, d'idées, de questions et/ou d'images mentales pénibles.

 - Le malaise corporel est soit diffus, soit concentré dans un organe-cible. Diffus il s'agit d'une tension désagréable de tout le corps, avec des exacerbations neuro-végétatives variées (palpitations du cœur, lipothymie, étouffement, hyperactivité intestinale, etc. ). Concentré, il peut s'agir par exemple de maux de ventre, de la décharge incoercible de la vessie, de tics, voire de la mise hors circuit d'un organe locomoteur ou sensoriel. (Rare,  c’est ce qu’on appelait eu XXe siècle la conversion hystérique)

 - Le comportement qui exprime tout de suite l'angoisse est à prédominance d'inhibition ou d'agitation.

 L’inhibition, on la voit chez certains tout-petits quand on leur pose des questions dérangeantes : ils deviennent des fossiles ! Dans la seconde catégorie, il y a, par exemple, les comportements de qui vive, d’agitation, de fuite ; par ailleurs, des décharges agressives défensives, parfois très violentes, sont-elles encore à ranger dans " l'immédiateté de l'angoisse " ou constituent-elles déjà une adaptation, plus ou moins volontaire, au signal de danger enregistré, en fonction d’un sentiment de légitime défense vécu subjectivement ? 

 - Les idées, questions et images conscientes propres à l'expérience anxieuse sont plus inconstantes. Si elles sont présentes, elles consistent en thématiques d'agression et/ou de menace d'agression dirigée vers le sujet et/ou ceux qu'il aime ; ces agressions se déroulent parfois dans un contexte de solitude, de rejet émanant des parents. (Thèmes d'abandon surajoutés)  
Lorsqu'elles sont absentes, on peut supposer que c'est seulement leur représentation consciente qui l'est, et qu'elles se disent quand même et opèrent dans le psychisme inconscient de l'enfant ; souvent elles se déforment et se transforment en passant dans le système conscient.     

Exemple  : Pierre (trois ans) est témoin d'une bagarre entre sa baby-sitter et le fiancé de celle-ci. Les nuits suivantes, il refait pipi au lit et il est réveillé par des cauchemars ; son comportement est plus inhibé que d'habitude ; il se colle à ses parents ; deux jours après, il commence à bégayer.

III. Parfois cruellement vécue, sans "coping with".

Par exemple : trouble du stress post-traumatique aigu.

 Enfant inquiet en permanence : trouble "hyper-anxiété" dans lequel surviennent des "crises de panique".

  Première phase du trouble "anxiété de séparation".

 Moments aigus de "phobies simples".   

IV. L'adaptation (largement) volontaire pour gérer l'expérience d'angoisse.


Pour se sentir moins inconfortable face à cet état pénible ou éviter sa ré-occurrence, l'enfant recourt à des comportements adaptatifs qui sont, in fine, sous le contrôle de sa volonté, même si, sur le terrain, ils paraissent parfois très spontanés, voire automatiques ... Ce sont par exemple :

- l'évitement d'une nouvelle confrontation à ce qui est repéré comme danger : conduite assumée comme telle ou dissimulée pour des raisons narcissiques  « Je n’ai pas envie d’aller faire des courses dehors…viens avec moi, petit frère, ainsi, tu prendras l’air. »;

- l'appel à l'aide et le recours à des objets « contraphobiques » (le laser en plastic sur la table de nuit ; le petit chien tenu en laisse ; la patte de lapin des superstitieux…) ;

- le renoncement à des attitudes qui créent le danger, c'est-à-dire le conformisme à l'attente d'autrui ;

-la dissimulation (mensonge pour ne pas être puni)

-certaines décharges agressives, déjà évoquées. »( La meilleure défense, c’est l’attaque) »       

V. A  propos du refoulement (en tant que processus involontaire ) et de son destin.

Le refoulement constitue un autre mécanisme de protection efficace, mais il est, lui, hors du contrôle de la volonté. 

 A. Refoulement d’expériences traumatiques d’abord stockées transitoirement en mémoire.

Quelque chose qui ressemble au refoulement freudien fonctionne déjà,  après un premier temps d’impuissance[3],  lorsqu'il s'agit de faire face aux affects intenses, images mentales et idées consécutives à des traumatismes externes : petit à petit, s’il n’existe pas de reminders, le souvenir « disparaît dans les brumes lointaines de la mémoire » ….mais est-ce bien de refoulement dont il s’agit, ou d’une très large extinction du souvenir, avec néanmoins capacité de le réévoquer moyennant effort mental , éventuellement assisté (p ;ex., hypnose) ?

B. Refoulement d’un des pôles d’un conflit intérieur.

 Le refoulement se met en place également lorsque l'expérience d'angoisse est générée par ce danger, cette fois interne, qu'est le conflit intrapsychique.
Il porte sur un des pôles du conflit, et indirectement sur les affects et idées d'angoisse et de culpabilité les plus « centrales » qui en résultent et sont donc censées passer à la trappe du même coup.

 Beaucoup de conflits intrapsychiques portent sur la contradiction entre un désir qui se lève chez l’enfant (agressif, sexuel, etc.) et des voix internes qui l’interdisent (assignations d’interdiction). Un certain nombre d’enfants voient alors se mettre en place le refoulement de leur désir, et du coup, théoriquement, les thèmes les plus centraux d'angoisse et de culpabilité qui en résultent sont refoulés eux aussi : ils s’ organisent alors dans une ligne névrotique[4].

 

ILL : Un enfant de 7 ans, curieux et en rivalité de pouvoir avec ses parents, aime parfois fouiller dans leurs tiroirs, en leur absence, pour connaître leurs secrets de grands, voire se parer des bijoux de sa mère, manipuler des insignes de son père….

La nuit, il a très peur qu’un voleur viennent voler ses jouets.

Il y a très probablement un conflit intrapsychique : « J’ai envie de savoir, d’être aussi puissant qu’eux » et une voix intérieure inverse ,probablement bien refoulée ,qui lui dit : »Tu es un mauvais enfant et tu vas être puni »

L’agresseur, ici, est double : le plus fondamental, c’est la voix intérieure qui menace…et secondairement, son imagination a inventé le voleur. 

 

 Mais à l 'inverse, une minorité peut refouler les voix internes d’ interdiction  et les mêmes thèmes d'angoisse et de culpabilité que les premiers : l’enfant se structure alors dans la ligne des « conduites agies » (psychopathie, délinquance…) 

 - Par la suite, le refoulement réussit plus ou moins à contenir ce qu'il cherche à contenir, et de façon non homogène ! je n’en dirai pas plus ici, pour ne pas être indigeste, et je reprendrai cette description de façon détaillée dans l’annexe II, p 25-29 

Chapitre 2. Guideline pour le traitement

On en trouvera une synthèse schématique dans l’annexe I, p 24.

Extrait du film Shining (Stanley Kubrick, 1980) Dans leur hôtel coupé de tout, le père (Jack Nicholson), devenu fou, veut débusquer et massacrer sa femme et son fils

& I. Se donner le temps de comprendre (1)     

L'enfant, et encore plus l’ado, identifient assez souvent l'objet - du moins l’objet conscient - dont ils ont peur. Cet objet constitue fréquemment comme un condensé, avec des appos inconscients[5] ; néanmoins, quoi qu'il en soit de ses enracinements inconscients, il est souvent utile d'inviter l'enfant à parler de la peur dont il est conscient comme si, provisoirement, elle constituait un en-soi détaché.  

On peut l'y inviter avec une insistance amicale, en évitant d'exercer sur lui une nouvelle violence. Assez souvent, s'il a confiance dans son interlocuteur, il en parle spontanément et il suffit d'être disponible pour l'écouter.

Ecouté avec bienveillance et invité à bien « déployer » ce morceau de son monde intérieur[6], quoi qu'il raconte ! Le disqualifier, rire un peu de son imaginaire, le confronte à un nouveau danger, l'humilie et le pousse à se taire : à nous de nous souvenir de son âge et de sa sensibilité et de lui rappeler que d'autres enfants semblables à lui vivent les choses comme lui ( et peut-être bien nous aussi à son âge…).

Gardons-nous aussi de le critiquer trop vite, soi-disant pour le rassurer, en lui disant par exemple : « Tu ne dois pas avoir peur (et voici pourquoi) » Il s'agit d'abord et avant tout qu'il se détende un peu et qu'il explique bien ce qui lui fait peur et ce qui pourrait lui arriver.

& II. Quelques interventions de bon sens (2)

        
En interaction avec l’écoute, face à des symptômes d’angoisse encore mineurs, bien des « petites » interventions, sont possibles, à adapter au cas par cas selon les circonstances et l’intuition créatrice de chacun. Elles visent à ce que l’enfant apprivoise mieux sa peur, soit en en diminuant l’intensité, soit parce qu’il osera s’en approcher plus efficacement :

        
a). Miser sur la « raison », l’intelligence concrète du réel, l’objectivité qui invitent souvent à être plus lucide et donc plus raisonnable.  Proposer une part d’information correctrice dans un processus interactif où on l’invite à bien réfléchir « Qu’en sais-tu déjà ? Qu’en penses-tu ?  Réfléchis, y a-t-il des loups en Belgique ? Dans les maisons ? Attaquent-ils l’homme ? »       »      
Autre exemple ? N.B. Dans une situation monoparentale: « Que se passerait-il pour toi si ta maman avait vraiment un accident ? Et si elle mourait ? ».Affronter alors l’angoisse spontanée abyssale que j’ai rencontrée chez quelques enfants…ils ont peur de se trouver seuls, abandonnés dans un univers glacé…pourtant, ils seront pris en charge, par leur famille élargie, par la société…et en plus, leur maman sera toujours vivante dans leur cœur    


b). Accroître la capacité d’adaptation de l’enfant, son sentiment de puissance et d’efficacité « dans le réel »         .
 « Face à ce type de danger qui te fait peur, comment peux-tu te défendre  (Courir... te cacher... combattre...) Eventuellement, on peut faire un jeu de rôles hic et nunc qui anticipe l’affrontement à l’agresseur. ...suggestions émanant du psy….

L’idée d’aller demander de l’aide à un adulte bienveillant, comme les parents par ex., gagne à être accueillie comme positive : c’est déjà une première sortie de l’impuissance…on peut l’en féliciter et néanmoins, mine de rien , l’inviter à aller au-delà, en se débrouillant davantage seul…ou avec des amis de son âge.

        
c). Pour les plus grands : parler de ce qu’est l’imagination, la meilleure et la pire des choses : elle nous donne des fantaisies agréables, mais aussi des fleurs vénéneuses, qui n’existent pas réellement. Donc, à l’occasion, pouvoir « enguirlander » l’imaginaire pessimiste et penser à autre chose

d). A l’opposé, créer et utiliser des apports positifs de l’imagination  : « Contre-histoire » préparée en séance et que le jeune peut se raconter dès que pointe l’imagination-poison ; Pistolet -laser (en plastic...) sur la table de chevet ; formule magique secrète spécialement transmise par le thérapeute (on joue sur le transfert positif) ; Boîte à peurs, etc.…
 
e). Adapter le réel (diminuer la « force » du danger) : porte de la chambre ouverte, lumière dans le couloir ; tournée d’inspection faite chaque soir avec un parent « derrière les coins » ; conversation avec l’instituteur qui fait si peur, avec un parent et l’enfant….


f). Essayer de créer une motivation vers un changement (plus ou moins échelonné) en faisant référence à la fierté, la joie d’être plus fort, plus efficace, ou encore, en utilisant le transfert positif envers le thérapeute « Tu m’apporteras... un petit tableau rempli. Tu me raconteras ».     
Il y a aussi la valorisation de l’effort par les parents, voire une belle récompense après que des efforts durables aient été accomplis pour mieux gérer l’angoisse, et ceci pour reconnaître la pénibilité assumée par l’enfant


& III. Angoisses plus chroniques et envahissantes et interventions structurées.
     


Exemples : Phobie scolaire installée ; refus de découcher opérant chez un grand enfant ; Hyperanxiété (enfant perpétuellement stressé) ; Tocs importants ; évitements post-traumatiques invalidants ; etc.

        
Même dans ces cas, après s’être donné le temps de comprendre, l’on peut toujours recourir à la liste d’interventions de bon sens qui viennent d’être esquissées.

 Si cela ne donne rien, et même parfois d’emblée, on recourt à l’une des interventions structurées qui suivent.         .
Il est possible, mais pas certain, qu’elles mobiliseront l’état anxieux de l’enfant. Inutile de s’obstiner si rien ne se passe après 3…6 mois.  Il y a donc un paradoxe :
- Nous allons demander à l’enfant (et à sa famille) de s’y engager à fond.
- Mais dans notre for intérieur, sans le déclarer à nos clients, nous savons que ce sont des paris, des essais dont le résultat n’est pas garanti. Nous verrons bien quoi dire à un certain moment si cela stagne, sans nous enliser dans la perpétuation de ce qui s’avérerait et resterait stérile, pendant une période indéterminable !

 Il est essentiel de vérifier si l’enfant est suffisamment intéressé, en son nom personnel, par l’idée d’un travail de réflexion/expérimentation, qui pourrait aboutir à un mieux-être…mais ce mieux-être passe par un travail, et connote la perte de l’état d’équilibre boiteux actuel, avec ses bénéfices secondaires

Prendre du, temps pour lui rappeler que son engagement est libre, en quoi il consiste et qu’il doit essayer d’être clair à ce propos…cela en vaut vraiment la peine. On doit néanmoins souvent accepter que le résultat de ce travail d’analyse de l’offre et de la demande soit imparfait, et qu’il faudra réexaminer la motivation personnelle de l’enfant en cours de route. Mais « imparfait » ne veut pas dire nul !!!

Liste non-exhaustive d’interventions possibles     

a) (5). – On peut penser à des sessions de psychothérapie mère (parent)- enfant, centrées sur l’évocation de l’histoire précoce de l’enfant, voire sur des moments significatifs difficiles dans l’histoire de vie de la famille, surtout si l’angoisse de l’enfant semble en lien avec des traumatismes non parlés.

Dans le film Le sixième sens (N. Shyalamalan, 2000) le jeune héros, Cole (H.J. Osment) apprend petit à petit à vivre sans peur avec un don qui, au début, le terrorise : accorder de l'aide aux morts qui viennent lui en demander 

 

 

 

Cet article ne traite pas dans les détails du champ diagnostique. Rappelons donc brièvement que l’anamnèse menée avec les parents, et si possible l’enfant, doit être soigneuse, à la recherche entre autres de traumatismes, pas nécessairement macroscopiques, dans la vie de l’enfant ou de sa famille, dont il garderait toujours la trace et qui auraient fait « flamber » des prédispositions anxieuses. (cf. l’article Trouble grave de l' endormissement chez une fillette de 10 ans. Etude de cas)

        

  1. b) (6). - L’engagement de l’enfant dans une psychothérapie individuelle :

P.ex., EMDR s’il existe une relation probable avec des agressions traumatiques ;

  1. ex, thérapie d’inspiration psychanalytique si l’objet phobogène reste bizarre, disproportionné avec des inhibitions inattendues (« feuilles blanches du dernier examen…Tocs (cf. Le chapitre « les lourds tocs de Luc» dans le livre Psychothérapies d’enfants et d’adolescents, JY Hayez, PUF, 2104) ;

P ex., thérapie cognitivo-comportementale si l’on envisage un changement comportemental précis ...t

  1. c) (7). - L’intervention cognitiviste « Hayez ». Je la décris plus en détails car elle est moins connue. Elle est notamment indiquée en cas de stress important et durable ou de Tocs invalidants ; elle vise une gestion plus détendue des pensées conscientes. Elle s’applique comme intervention partielle à l’intérieur d’une thérapie plus globale de l’angoisse . Je la présente en un exposé chronologique synthétique, alors que sur le terrain elle se propose bien davantage par petites touches.

 Elle s’est montrée efficace dans plusieurs situations parce que le thérapeute y croyait ferme... et le patient aussi... et donc ils l’ ont appliquée avec énergie, au moins quelques semaines (essais bien structurés à la maison à la maison et réévaluations serrées en séance)

c.1.) (7a) J’en donne une première illustration à propos de Henri ( 16 ans), un tout grand stressé, qui l’était devenu encore bien plus à cause de la pandémie coronavirus :

 

 Provoquer une saine auto- agression 

J’ai clairement provoqué Henri à « mener une grande bagarre contre les excès de son Moi-anxieux 

 Première étape : modéliser sommairement et de façon imagée ce qu’est une personnalité stressée : « En toi, Henri, dans ta personne, il y a au moins deux Moi : ton Moi anxieux et ton Moi raisonnable , ou plutôt raisonnant correctement. Et toi avec qui je réfléchis maintenant, tu es le « Moi-pilote » ». 

Même en vidéo-consultation, j’ai utilisé deux marionnettes pour figurer ces deux dimensions en lui . Je leur ai fait faire des jeux de rôles, d’abord comme un marionnettiste qui anime seul ses personnages, puis en demandant à Henri de jouer un des rôles.

J’ai pu illustrer de la sorte, de façon vivante, que le Moi anxieux n’est utile que jusqu’à un certain point, face à des dangers objectifs. Au-delà, il devient autodestructeur : il souffle nombre de fausses croyances pessimistes à l’oreille du Moi raisonnant ; il entraîne spontanément des réponses intérieures et comportementales dysfonctionnelles, qui l’auto- alimentent et lui font prendre de l’ampleur.

 Je fais même dire à la marionnette « Moi anxieux », en ricanant : « Ce qui m’intéresse, c’est de prendre le pouvoir sur ta vie, c’est que tu sois à moi…je vais te soumettre, te persécuter pour que tu obéisses sans discuter».
Il n’a pas été difficile d’intéresser Henri à cette présentation vivante, où il était question de sa liberté ou de sa soumission !

Ensuite, marionnettes aidant,  nous avons diversifié les jeux de rôles, en mettant en scène des dialogues imaginaires entre les deux « Moi : Le Moi raisonnant , joué par Henri ou par moi, visait d’abord à négocier et à tranquilliser le Moi anxieux . Mais force a été de constater que c’était impossible : comme pour le Terminator du film, celui-ci avait toujours le dernier mot.

Par exemple, il jouait cyniquement sur les probabilités « Pas très probable Henri, mais pas impossible…tu as bien raison de ne plus sortir…attends encore quelques jours avant de changer d’avis… » A d’autres moments , toujours parlant en tant que Moi anxieux , j’adopte un autre angle d’attaque, en cherchant à déstabiliser la confiance dans le thérapeute « Henri, c’est ce docteur Hayez qui veut prendre du pouvoir sur toi…Fais semblant de lui dire lui, et puis que son truc ne marche pas… Ne crois pas ce psychiatre, Henri, ce n’est pas lui qui paiera les pots cassés » Mon but, en jouant l’avocat du diable, est d’en arriver à la constatation que vouloir discuter avec le Moi anxieux, c’est un combat perdu: il est diaboliquement perfide. Ce qui est plus efficace, c’est le mettre en fuite avec de l’eau bénite, l’eau bénite étant ici une inondation de pensées positives.

Pour y arriver,  Henri dispose d’une force intérieure, d’une volonté, d’un certain pouvoir de décision et d’affrontement, mais il ne pense pas assez à en faire usage au bon moment :c’est son Moi agressif qu’il doit mettre au travail. Sous son égide, il s’agit de faire et de répéter l’exercice que voici :      
- Où qu’il soit, dès qu’il se sent incommodé par une corona -angoisse (ou une autre angoisse sans fondement !), il n’a pas le droit de tenter de se raisonner, mais le devoir de hurler immédiatement « dans sa tête », pour chasser le démon, des insultes comme : « Va te faire foutre, saloperie, tu n’es pas mon ami, tu ne veux pas mon bien

- Immédiatement après, Henri doit faire venir en lui une pensée positive de son choix et la méditer. Méditer, cela veut dire non pas se donner une sorte de flash mental, mais s’accrocher à l’idée et la laisser se déployer et dérouler lentement en soi. Il peut aussi penser à une action positive et l’initier sur le champ.

Henri suggère alors lui-même: un film ou une série TV agréable,  des airs de musique (qu’il peut se rejouer mentalement); un moment de dialogue avec un copain; une démarche amoureuse vers sa presque copine; des bons moments passés avec ses petits animaux ou à sa table de dessin; etc. Et je l’exerce devant moi au processus d’une méditation, au moins 10-15 minutes, bien au-delà d’un simple flash évocateur.

             
Je prends même l’initiative de lui signaler l’opportunité de pensées positives érotiques[7], ici aussi en amorçant une histoire « Imagine que tu es sur une île du Pacifique, presque seul sur une plage naturiste...Tu te promènes... Une fille de ton âge bronze sur la sable, nue elle aussi...Elle ne t’a pas vu, elle se lève…Bon,  je te laisse le soin de continuer l’histoire sans moi si elle t’intéresse, mais lentement, en prenant to temps ! ». Henri sourit et nous passons à d’autres exemples.

Si, en cours d’évocation, le diable ressort de sa boîte, il faut de nouveau lui hurler dessus, et reprendre la méditation là où elle en était.

Motivation et compliance

J’ai pris le temps de discuter et d’encourager la motivation de Henri, non pas à moins souffrir, mais à passer pour cela par les exercices que je lui proposais. En effet, cette « kinésithérapie de l’esprit » peut porter ses fruits...si le patient y croit et l’applique raisonnablement et fidèlement, 2,3 mois avant que le flux d’ idées anxieuses indues s’étiole significativement. 

 

c.2.) 7b. Autre illustration, à propos de Tocs invalidants (per ;ex., vérifier 10 fois que toutes les issues de la maison sont bien fermées…ou qu’il n’y a plus la petite souillure sur le corps déjà longuement douché).

- Admettre, ici aussi,  une modélisation de Soi comme porteuse d’une part d’ équipement anormalement anxieuse. Appelons-la « le Moi-à-Tocs »  .
- Repérer au moins une compulsion précise et gênante : par exemple, vérification plusieurs fois de la fermeture des portes le soir. . NB Le jeune peut travailler sur 2,3 cibles à la fois.                     
- Payer d’abord, sans rechigner, un « tribut » au «Moi-à-Tocs », pour qu’il ne se déchaîne pas hors de tout contrôle :» « Je décide d’aller fermer soigneusement les porte, et puis je décide de Refaire UNE vérification ».
- Ensuite refuser toute discussion interne, qui cherche inéluctablement à s’en suivre, entre le « Moi-à-Tocs »          
et le Moi raisonnable, où l’un et l’autre voudraient persuader le « Moi-pilote » d’aller dans leur sens... 
- Hurler tout de suite dans sa tête contre le « Moi-à-Tocs »        : « Va te faire... tu me pourris la vie…tu n’es pas mon ami » …l’agresser, l’insulter au besoin, mais refuser de parler avec lui !!!

- S’obliger à développer immédiatement un scénario agréable, mais lentement, en le rêvant (pas seulement se donner un titre !) : cft ce qui en a été dit à propos de Henri.

- Noter par écrit ce qui se passe à l’intention du psychothérapeute ; réévaluer avec lui la conduite à tenir les séances suivantes.

d). ( 8) Médication dans les cas chronicisés/lourds et dans les crises de panique : Lors de Tocs (et de stress lourd chronicisé ??)) ISRS à haute dose, puis, si inefficaces, essai avec Anafranil (attention aux effets secondaires des tricycliques)…lors d’insomnies durables avec composante anxiodépressive chez l’ado : Trazodone, mélatonine. Lors de décompensations anxieuses intense et inhabituelles on peut donner transitoirement une benzodiazépine-retard.

& IV. Résultats.  

a) (9) A un pôle favorable, la situation s’améliore significativement. Attention alors à l’effritement des efforts, à la baisse de vigilance, aux « mauvaises » habitudes qui reviennent insidieusement.

 On gagne à veiller à   « renforcer positivement » le travail de l’enfant, jusqu’au résultat : intérêt et valorisation par le thérapeute ; intérêt des parents ; récompense pour les efforts assumés par l’enfant, qui a manifesté bien du courage, davantage que pour le résultat, souvent quelque peu fragile.

  1. b) (10) Mais ce peut être le statu quo, pire l’aggravation de la manifestation anxieuse parce que l’enfant se sent menacé par le chemin qu’on lui propose de suivre, ou parce qu’existe une dimension d’opposition, ou, plus simplement, que l’idée du professionnel n’était pas bonne !
    Il nous faut pouvoir l’accepter et ne pas vivre (ni présenter) ce statu quo comme un échec ! C’est vrai pour tout le monde : le professionnel, la famille et l’enfant lui-même : «Ce n’était pas encore le bon moment, tu auras sûrement plus de forces à l’avenir ».

Par exemple (…et je sais que c’est une redite…bis repetita placent.),  accepter qu’un enfant demeurant trop anxieux reçoive de l’instruction à domicile, n’aille pas au camp, ni en classe verte, SANS EN FAIRE TOUTE UN HISTOIRE : c’est sa normalité à lui du moment.

        
Simplement peut-on veiller à mettre en place, dans la mesure du possible, quelques aménagements qui luttent contre les bénéfices secondaires et qui facilitent la vie des parents :

Par exemple :  si l’enfant reste à la maison suite à une phobie scolaire : pas de certificats médicaux long stay ; pas d’écran à la maison pendant que les autres sont à l’école !     
Par exemple : un lit ou un matelas d’appoint dans la chambre des parents, et pas une place dans le grand lit……

&V. L’ ultime fonction de la liberté

L’angoisse qui envahit l’enfant se présente parfois comme une éruption venue des profondeurs, sur laquelle il n’a aucun pouvoir et qui se manifeste avec une intensité bruyante, allant jusqu’à la panique. Mais il n’en est pas toujours ainsi et, dans nombre de cas, il lui reste de la liberté ( de choisir, de décider) pour gérer volontairement, au moins pour une part, cette réalité intérieure. Liberté de penser et de parler et liberté de se comporter.

A. Liberté de penser et de parler.


Comment l’enfant se représente-t-il lui-même, avec cette angoisse dont il est porteur? Commence parle-t-il de lui?  Comment se définit -il face aux autres ?
Certains assument et expriment leur part d’angoisse, comme un phénomène « relatif » qui fait partie des manques dont tous les humains sont porteurs dans un domaine ou l’autre. Ils ne se sentent donc pas spécialement pathologiques, ni tout-puissants. D’autres nient l’existence de leur Moi anxieux       .
Pour certains, c’est une maladie qui non seulement les invalide , mais aussi les infériorise ; ils sont parfois bien d’accord qu’on les définisse comme des enfants anxieux, qui méritent alors une attention particulière.


Et donc, du moins avec des grands enfants ou des adolescents, il est très intéressant de poser des questions autour de la représentation de soi et, de la manière dont ils comprennent la nature et les implications de l’angoisse et du pouvoir qu’ils s’attribuent dessus.       

  1. B. Liberté de se comporter.


C’est parfois bien difficile ,  je le reconnais, même pour un professionnel de l’enfance expérimenté, de faire des hypothèses valables sur la seule implication d’une souffrance anxieuse toujours opérante et sur celle d’une liberté qui s’en sert comme prétexte, sans l’avouer, ,pour sélectionner des comportements, vécus comme plus judicieux.

        

 

ILL. Lucas a subi de lourdes agressions verbales à l’école, les deux premières années de ses primaires. Elles émanaient plus des institutrices excédées par ses difficultés à apprendre , que de ses condisciples, qui se contentaient de ricaner. Des années plus tard, en psychothérapie, il reste obsédé par le souvenir de son cartable secoué et vidé, ouverture en bas, par une institutrice alors que toute la classe rigole.

 Au début du CM2, il refuse de remettre les pieds à l’école, dans un contexte d’angoisses bruyamment exprimées, et aussi d’inertie affichée (Lucas est plutôt corpulent…le déplacer de sa chaise n’est pas évident). Pendant des mois, ses parents consultent des collègues réputés compétents qui visent tous une réintégration scolaire progressive. Les choses ne font que s’aggraver. Après 10 mois, les parents me consultent et j’ai vite la conviction que son dégoût et sa phobie sont profonds. Et qu’il est quasi impossible de remuer et de libérer des images traumatiques chez ce grand enfant peu doué ( il répond vite - et sans que cela soit majoritairement de l’opposition - « Je ne sais pas »). Je recommande donc l’enseignement à domicile, qu’il suit pendant 2ans, et on le convaincra même de passer les examens de fin de primaire, avec la coopération d’une cellule du ministère belge de l’enseignement, gérant les enfants à problème. Il réussit de justesse.


Pour ses études secondaires, les parents sont incapables de gérer l’enseignement à distance et l’on finit par trouver une petite structure d’accueil, pas loin d’être un hôpital de jour, qui reçoit quelques adolescents déscolarisés. En concertation avec moi, cette équipe accepte de ne pas viser pendant une période indéterminée une réinsertion scolaire progressive, mais de présenter le séjour comme un long stay. Lucas s’y adapte très bien.

Ne croyez pas , que dans le quotidien, il est rongé par une sorte de phobie sociale. Que nenni! Lucas est charmant à la maison et a une vie sociale active : quad et moto
avec son père. ; bike avec des copains, souvent plus âgés et premières consommations de tabac et de bière avec eux.

Après deux ans, avec mon assentiment prudent, l’équipe essaie une réinsertion à temps partiel dans une école professionnelle, et l’envoi de Lucas en stage à temps partiel . Le stage réussit parfaitement, car Lucas n’est pas paresseux, aime se sentir utile, et on lui a trouvé un petit garage moto - ce qui est son rêve - ! Mais toutes les tentatives de rescolarisation échouent, sans autres associations d’idées en psychothérapie que « C’est quand je vois les murs… y a des profs de l’autre côté … » Et lui revient la peur de ne pas apprendre assez vite, et que l’on va se moquer de lui et le regarder comme un handicapé. Même en mettant à l’avant-plan que la dernière école proposée est une école diplômante en mécanique (moto) et qu’il ne doit ne s’y rendre pour des cours plus théoriques que deux jours par semaine, il refuse de sortir de la voiture de son père qui l’avait conduit jusqu’à la porte. A part ça, il a 16ans, est toujours heureux en stage, et il s’amuse à la limite du préoccupant avec de petits groupes glandeurs et consommateurs en fin de semaine.
Question : de quelle liberté dispose -t-il vraiment pour aller au-delà des résurgences de son vécu traumatique ?

 

 

      

           
- En amont, certains enfants aiment se montrer téméraires et donc s’exposer à mille dangers. D’autres s’avèrent des plus prudents.


- Lorsque l’angoisse est là, les enfants peuvent choisir spontanément ou accepter d’être entraînés à choisir un des mécanismes d’adaptation que j’ai décrits plus haut. Entre autres, en parlant des attitudes de sens commun, j’ai dit qu’ils pouvaient accepter qu’on leur donne la main, qu’on les encourage, qu’on leur facilite l’approche du supposé danger.
Mais d’autres, trop effrayés, se cramponnent dans l’évitement. Certains, comme Lucas, choisissent de s’en tenir à un évitement de longue durée, mais dont la ténacité ne s’effrite pas au cours du temps.

           
- Autres champ d’application de l’adaptation volontaire :  La négation de l’existence même de l’angoisse : est-elle vraiment refoulée au sens des mécanismes de défense de la psychanalyse, ou est-elle seulement mise à l’écart des écrans présents du conscient?
Alors, assez souvent, le jeune ici concerné -souvent un adolescent - se sent invité de l’intérieur à démonter qu’il a tout, sauf peur. Et il met en actes des comportements provoquant, téméraires, autant pour maintenir son image de soi que pour épater les autres. Une bonne partie des fêtes adolescentaires en temps de coronavirus s’explique probablement en partie de la sorte.

- Il y a aussi la manière dont l’enfant utilise son angoisse dans la sphère familiale : certains essaient de se montrer discrets, au prix de quelques évitements et de quelques appels à l’aide encore raisonnables. D’autres en remettent, l’étalent pour avoir l’attention d’un ou des deux parents, allant jusqu’à les tyranniser. C’est le cas notamment, avec un certain nombre d’angoisses de l’endormissement et de la nuit, et aussi avec un certain nombre de Tocs : ici, certains jeunes voudraient que les parents obéissent au doigt et à l’œil aux voix anxieuses contraignantes qui exigent une parfaite symétrie à tables, des douches interminables, etc…

 

 - Enfin, en aval cette fois de l’expérience anxieuse, il y a l’attitude de l’enfant face aux soins psychothérapeutiques ou médicamenteux qu’on lui propose : de l’opposition à l’engagement, en passant par l’indifférence. Les parents pourraient parfois l’aider à réfléchir davantage en lui montrant que, s’il ne veut pas se soigner maintenant, il existera des inconvénients notamment dans le champ de leur disponibilité à eux, les parents.

Dans le film L'exorciste (W. Friedkin, 1973), il est tout à fait nécessaire qu'un vieil exorciste (Max von Sydow) libère la jeune Chris des démons qui la persécutent

 

Les parents jouent un rôle important pour moduler les vécus d’angoisse de leurs enfants, tant leur contenu que leur fréquence ou leur intensité. Il est donc très utile de les y faire réfléchir[8]  pour que leur contribution soit positive.

Je distingue trois applications principales dans ce champ :

  1. A. Les parents peuvent aider les psy à comprendre ce qui se passe.


  2. ls exercent ici une fonction d’observation ou/et de remémoration. L’anamnèse menée avec les parents, et si possible dans une certaine mesure l’enfant, doit être soigneuse, à la recherche entre autres de traumatismes, pas nécessairement macroscopiques, dans la vie de l’enfant ou de sa famille. Dans ces moments traumatiques[9] les relations familiales se chargent d’angoisse, de tristesse parfois d’origine mystérieuse ; l’enfant en garde des traces et il est souvent utile de réévoquer ces périodes difficiles dans des thérapies parent(s)- enfant, et de spéculer sur leurs conséquences dans la vie d’aujourd’hui.(cf. l’article  Trouble grave de l' endormissement chez une fillette de 10 ans ;étude de cas)          

    B. Face à des changements de comportement et à des angoisses nouvelles et inattendues, si l’enfant ne raconte rien spontanément, les parents gagnent à se transformer en détectives, doux , rassurants, mais détective quand même pour dénicher une possible source traumatique, au sens large du terme. Sans faire violence à l’enfant pour autant !    

    C. La manière dont les parents décrivent la vie familiale aujourd’hui, la personne de l’enfant, les interactions avec lui, ses problèmes et ses ressources contribue elle aussi à faire de bonnes hypothèses sur les sources de l’angoisse. 
    Pour ma part, j’aime bien les encourager à être concrets, c’est-à-dire à illustrer les généralités qu’ils énoncent spontanément via des illustrations de scènes familiales vécues ( « Donnez-moi un exemple concret, une scène qui s’est passée et qui illustre ce que vous me dites »). Je les encourage à me raconter des sortes de petits clip-vidéo de la vie familiale, en veillant à ce qu’ils soient interactifs, c’est-à-dire qu’ils décrivent l’enfant et aussi leurs interactions avec lui. Et lorsque, dans ce premier temps de consultation j’entends des descriptions qui me semblent mettre en scène des dysfonctionnements éducatifs, il est essentiel que je me montre d’abord empathique, accueillant, non critique. La discussion viendra plus tard.     

    B. En amont du problème anxieux d’aujourd’hui.


Les parents peuvent contribuer soit à une sérénité et à une confiance adéquate de l’enfant dans ses forces, soit à l’installation d’une témérité, soit à la mise en place d’un vécu d’angoisse excessif par rapport au Réel environnemental. Je distinguerai schématiquement cinq champs d’application pour leur contribution :

         ‘
A. Veillent ils à ce que le chemin de vie de l’enfant ne comporte (presque) pas d’obstacles dangereux qui dépassent manifestement ses capacités, son pouvoir d’adaptation du moment ? Le protègent ils quand le combat qui parait inéluctable avec le danger semble démesuré ? Il ne s’agit pas ici de viser à supprimer toutes les épines des ronces de la vie. Il est bon que l’enfant apprenne, et progressivement tout seul, comment passer par-dessus. Il est même normal et bon qu’il s’écorche parfois le genou, pour découvrir petit à petit comment être plus habile ou/et plus prudent. Il s’agit seulement de le protéger face à ce qui est démesuré.

Par exemple : l’encourager à se défendre tout seul contre un peu d’agressivité des autres à la récré; réfléchir éventuellement avec lui pour trouver comment; n’intervenir directement que si l’ on pense que cette agressivité occasionnelle devient harcèlement ( longue durée ; plusieurs s’y mettent ; une certaine cruauté…).        

B. Veillent il a la qualité de leur communication avec l’enfant ? Celle-ci sert, entre autres, à accroître le bagage de son savoir. Les parents gagnent à y procéder via un vrai dialogue, fait d’écoute et de partage d’idées ; il se construit ainsi un savoir en commun que l’enfant ressent comme sûr, et qu’il intègre et utilise, pour ses opérations psychiques. Dans l’article intitulé Covid -19, les tout-petits et leurs angoisses , j’ai décrit en détails les composantes d’une communication positive : ni trop peu d’informations partagées , ni trop : les enfants surinformés ne savent que faire d’un matériel trop abondant et confus en eux    ; ils en deviennent parfois plus anxieux que les enfants qu’on laisse dans le vide d’infos. Plus l’enfant est jeune, plus il a besoin d’un savoir simplifié.           

C. Qu’en est-il de l’ambiance de vie générale à la maison?  Chaleureuse, joyeuse, décontractée ou au contraire chargée d’insécurité, de tristesse, d’irritabilité…
Certes, les parents ne choisissent pas vraiment les hasards heureux ou malheureux qui surgissent dans leur vie. Mais tout comme l’enfant garde une certaine liberté pour gérer son angoisse, eux aussi gardent du pouvoir sur la gestion de l’ambiance résultante. Certains abandonnent la partie, se laissent aller, et ressassent à qui veut l’entendre leurs malheurs et leurs échecs. D’autre ses battent pour rester debout et ne racontent pas tous leurs malheurs à leurs enfants. Pour d’autres encore, c’est plus facile, car les vents de la vie ont été favorables.

L’ambiance de vie ainsi créée, par la manière d’être spontanée plus que par des attitudes éducatrices valorisantes, pèse sur l’enfant et le démoralise, ou, au contraire, booste sa créativité, sa confiance dans le monde, sa joie de vivre.       
Le cocktail le plus délétère est certainement celui qui combine insécurité et tristesse diffuse, et interdiction faite à l’enfant de savoir pourquoi.
C’est déjà plus viable pour lui quand l’une des deux composantes du cocktail est absente :   
- Les parents parviennent à dissimuler de gros soucis qui ne concernent pas l’enfant, mais qui restent des secrets bien gardés à son égard. Je me démarque donc ici de mes collègues partisans de la révélation à tout prix (voir l’article Secrets d'enfants et d'adolescents ; secrets de famille ; secrets positifs ou destructeurs  ).     
- L’ambiance est lourde, mais les parents en communiquent la raison à l’enfant, écoutent ses réactions et trouvent quand même l’une ou l’autre manière de le rassurer sur son avenir.   

  1. Leur vécu personnel et la manière dont ils expriment leur propres angoisses (modélisation toujours possible faite par l’enfant).

  2. La présence ou l’absence de composantes anormalement anxiogènes dans leurs attitudes éducatives (consignes trop nombreuses, menaçantes, culpabilisantes...) ; des attentes excessives,  notamment dans le domaine scolaire et le type d’école choisi… et autant bien sûr dans la vie quotidienne.

A l’inverse, peuvent-ils reconnaître et mettre en valeur, souligner les moments où l’enfant s’affirme d’une façon ou d’une autre, se différencie, s’oppose, dit « non » ?[10]


  1. C. En aval du problème anxieux d’aujourd’hui
    .


  2. Relativiser et éviter l’étiquetage; ne pas réduire le jeune à son « Moi -anxieux », via lequel on l’étiquette inlassablement : « Il ne parle pas, savez-vous…il est très timide ». Les professionnels doivent y veiller, p.ex., en s’intéressant à mille autres thèmes qu’à la gestion de l’angoisse lors de leurs rencontres avec l’enfant. Et ceci concerne aussi les parents, la famille, les autres éducateurs : il s’agit pour eux de ne pas étiqueter, tout en sachant pertinemment que le jeune est parfois entravé par son angoisse, et en tenant compte : paradoxe un peu difficile à gérer ! Qu’ils s’habituent à « voir » le jeune dans son ensemble.
    Je reprendrai cette question un peu plus bas dans le texte, à propos des phobies intenses des tout-petits.

  3. La réponse immédiate à une manifestation anxieuse.

    Selon les cas, l’enfant appelle ou non ses parents à l’aide. J’ai signalé plus haut qu’il pouvait dénier son angoisse, l’assumer vaille que vaille et largement tout seul en cherchant à ne pas être trop invalidé mais aussi se laisser aller, demander de l’aide de façon proportionnée ou démesurée, attirer l’attention sur lui , voir prendre le pouvoir sur ses parents via son angoisse. Il peut même aller jusqu’à simuler, par exemple, sous prétexte d’une angoisse aujourd’hui quasi disparue, il exige que sa mère vienne au lit à la même heure que lui
    Pas toujours facile pour les parents de s’y retrouver et de proposer à l’enfant l’attitude la plus adéquate !

On peut chercher avec eux, au cas par cas, l’accompagnement le plus porteur. En tout cas, s’énerver est contre-productif...se soumettre complètement à l’enfant peut l’être aussi ! Tout l’art éducatif réside dans le fait d’être juste assez présent pour contenir l’insupportable et la vraie invalidation anxieuse. et de laisser parfois l’enfant seul pour affronter les risques de la vie, en n’étant pas trop loin de lui pour le rattraper si l’échec est trop potentiellement destructeur…Attitude qui, de surcroît, évolue dans la durée…l’aide d’un tiers, un professionnel de l’enfance est donc parfois des plus utiles !       

 

Chapitre 3. Deux situations particulières.

§I. Les phobies scolaires à l’état débutant.


L’angoisse donne parfois lieu à des crises spectaculaires d’agitation, plus ou moins données en spectacle. De très loin en très loin, les autistes ou les psychotiques peuvent également vivre des crises, dangereuses celles-ci (« raptus anxieux »).Je vous invite donc à relire les articles que j’ai consacrés à la gestion des urgences :

Urgences en pédopsychiatre : description et gestion

 

 Toutefois, dans le quotidien d’un pédopsychiatre, les urgences les plus préoccupantes, du type « urgences silencieuses », ce sont les phobies scolaires en voie de démarrage.
Elles devraient bénéficier d’une intervention rapide et intense (deux, trois séances par semaine en coopération avec l’école, donc de préférence dans un centre). Ce n’est pas qu’elles requièrent une méthodologie particulière : on peut s’appuyer tout à fait sur les &I, II et III.

 Mais dans ce contexte, il faut faire tout ce qui est possible pour réintégrer rapidement l’enfant à l’école, moyennant quelques aménagements concrets qui résultent de ce que l’on a compris à l’origine de sa difficulté.

Et comme déjà signalé, les professionnels à l’œuvre doivent penser qu’ils vont mettre beaucoup d’énergie à essayer, mais pas nécessairement réussir : ils feront le point, par exemple après un mois d’effort, où il faudra peut-être se résigner à un séjour plus indéterminé à la maison (avec de l’instruction reçue à domicile) ... voire à l’hôpital. 
Mais de cette idée de pari, mieux vaut ne rien dire à la famille !

Rappelons aussi que mettre en avant l’idée que l’école est obligatoire est un abus de pouvoir intellectuel sur l’enfant et sa famille. Ce n’est pas l’école qui est obligatoire, mais l’instruction. Et encore, si l’état de santé de l’enfant le permet !

§II. Les phobies intenses des tout-petits

 
Phobie pour un type précis d’aliments nouveaux (par ex. solides) ; phobie de la visite médicale : phobie d’être changé ; phobie d’aller sur le pot ; crise de panique face à des bruits soudains hors du quotidien, etc...
Voir sur le site www.jeanyveshayez.net l’échange interactif de courriel   https://www.jeanyveshayez.net/angoisse-paniques-chez-les-bebes

a). A l’origine d’un changement de comportement souvent brusque du tout-petit, exprimant une peur panique, on découvre le plus souvent le fait traumatique (le plus souvent isolé) qui lui a procuré une peur intense :    Il a fait une fausse déglutition... On lui a présenté tel nouvel aliment beaucoup trop chaud, inquiétant, ou au moment où ses dents lui faisaient très mal... Tel médecin inconnu s’est énervé sur lui en salle d’urgences... Parfois le parent doit faire appel à des souvenirs plus lointains, en imaginant ce qui a pu être traumatique pour le bébé : par exemple, au moment d’un change, un bébé d’un an découvre par hasard son propre jet d’urine qui monte dans les airs puis retombe sur lui, et il en a très peur...il ne veut plus qu’on le change !

Le contenu du vécu traumatique qui s’ensuit, constitué d’affects, de l’une ou l’autre image-souvenir, mais de bien peu de pensée, peut être transitoire mais parfois, surtout s’il y a eu répétition involontaire, se chroniciser et rester intense : le bébé reste confusément porteur d’une angoisse de mort imminente, d’anéantissement, lié à ce qui est pour lui une agression intense et brutale, et il ne peut pas élaborer des mots, des pensées, des images cohérentes là autour.

Et par la suite, les parents amplifient encore le traumatisme par leurs mille ruses pour qu’il redevienne conforme, dont il n’est pas toujours dupe !     

Guideline général :

b.) Lui faire oublier ce qui s’est passé ; prendre du temps pour cela (au moins quelques semaines). C’est parfois tout à fait possible (p. ex.au niveau alimentaire... en acceptant qu’il n’aille plus sur le pot un certain temps...). En étant trop pressés, bien des parents empêchent la cicatrisation du traumatisme et l’installation de l’oubli.

 Parfois, il faut un peu ou moyennement ruser (le changer discrètement, vite fait bien fait, sans lui montrer qu’on le change... faire appel à un nouveau médecin qu’il ne connaît pas, qui vient à la maison, discrètement, en civil, quand c’est indispensable). Parfois, il est impossible qu’il n’existe pas de loin en loin une réévocation voire une réplique de ce qui a été si traumatisant : tant pis, il faut la gérer vite et bien, sans discussion interminable, mais cela fait perdre du temps à la cicatrisation.

c). S’habituer à ne pas étiqueter le bébé via son problème, chez les parents, dans la famille élargie, à la crèche; ne jamais le définir comme « l’enfant qui ne mange pas... qui a peur des docteurs... etc. ». Même lors d’une visite chez le pédiatre, en préparant un peu la visite, on peut ne pas attirer son attention sur le fait que lui, spécifiquement, a telle ou telle difficulté. Les parents peuvent en parler avec le pédiatre hors de sa présence et donc, lui faire oublier telle famille de signifiants angoissants/étiquetant.

 Dans le même ordre d’idées, l’ éventuelle consultation chez le (pédo) psy pourrait être contre-productive si elle lieu en présence du tout-petit[11] pour parler surtout de son problème !!! Donc, la préparer avec les parents ; se limiter à les rencontrer, eux, ou alors présenter le psy comme un ami des parents à qui on va dire bonjour ; le pédopsy peut s’intéresser à l’enfant et parler avec lui en présence des parents sans évoquer lourdement son problème. S’il l’aborde quand-même avec délicatesse, il peut s’aligner sur les réactions de l’enfant

  1. d) Après un temps estimé significatif de non-commentaires et d’abstention totale de toute ruse (de quelques semaines à une bonne année), les parents peuvent revenir, de préférence en douce et sous une forme maquillée, avec une proposition comportementale progressive (un peu de solide sur le côté de l’assiette, proposé mine de rien, au milieu des compotées)….invitation à répéter éventuellement, sans commentaire énervé si le refus persiste…On peut de même l’inviter à une visite aux toilettes :« C’est intéressant d’aller voir comment papa... ou le grand frère, fait caca sur le pot... ». « Tu veux essayer aussi ? » « Non ? d’accord, tu auras sûrement envie quand tu seras plus grand et plus fort ». Dans cette ambiance douce où l’on programme de petits progrès échelonnés, il est très rare que l’enfant ne vise pas davantage d’autonomie ou davantage de force de caractère (la visite chez le docteur

e). Rare, mais pas vraiment impossible : certains vont rester d’éternels petits mangeurs, longuement incapables de dormir seuls, toujours terrorisés par les étrangers…et j’ai évoqué plus haut l’importance d’accepter des « normalités différentes » 

 

Annexe I. Schéma des grandes lignes de la prise en charge

(Problème + structurés)
INTERPELLER LE LIBRE CHOIX DE L’ENFANT : CHANGEMENT >< STATU QUO (3)

REAGIR (2)
Réduire la menace ;renforcer l’enfant ; le motiver

 

ECOUTER (1)
Faire se déployer ;

Empathie

AMELIORATION (9)

v  Maintien de « réactions de bon sens » (2-supra)

v  Thérapie structurée

·       Mère (parent) – Enfant (5)

·       Individuelle : inspiration psychanalytique ; EMDR ; thérapie cognitivo-comportementale (6)

v  Intervention cognitiviste (Hayez) (7)

v  Médication (TOCS ; insomnie anxieuse) (8)

v  Etc.

STATU QUO (voire aggravation liée à l’essai)
Accepter et réévaluer de loin en loin (10)

v LE TRAVAIL AVEC LES PARENTS!11)

 

 

 

ANNEXE II Le refoulement : discussion détaillé et présentation schématique

 

Le refoulement est un mode de fonctionnement très commun de notre psychisme, qui vise à effacer la représentation consciente d'idées et d'images désagréables. Du coup, les affects pénibles liés pourrait passer eux aussi à la trappe, se dissoudre en quelque sorte. En voici quatre schémas qui s’appliquent au vécu post-traumatique puis à l’organisation d’une névrose et enfin aux trouble des conduites agies.

Schéma 1  Evolution du vécu post traumatique. ; refoulement post-traumatique

 

 


Temps I. D’abord, syndrome subjectif (= vécu) post traumatique conscient.

Temps 2. 2. Tentative de refoulement de ces idées et images angoissantes du traumatisme.
               3a et 3b : Echec provisoire de ce refoulement ; sont simultanément mélangées à elles et  « aspirées » vers le monde conscient,  d’autres idées et images analogues, déjà présentes dans une sorte de « réservoir traumatique inconscient » (4)       
                 5 : Et donc ré envahissement du système conscient par des images et idées et affects encore pires que 1.       

Temps 3. 6. Par la suite, le refoulement réussit la majeure partie du temps.  8 :Rare  retour dans le conscient de souvenirs plus ou moins déformés du
 traumatisme (7), surtout si le jeune est soumis à un reminder externe.



Schémas 2 et 3 :Évolution vers la névrose ; le refoulement névrotique

  Le refoulement se met également en place lorsque l'expérience d'angoisse est générée par ce danger interne qu'est le conflit intrapsychique. Beaucoup de conflits portent sur la contradiction entre un désir (agressif, sexuel, etc.) et des voix internes qui l’interdisent et que j ’appelle « Prohibitions introjectées », et nous nous en tiendrons à analyser ce paradigme.
Le refoulement vise alors à évacuer un des pôles du conflit, et indirectement les images et idées d'angoisse et de culpabilité les plus « originaires » qui en résultent (I.A.O.)  sont donc censées passer à la trappe du même coup. Et donc, les affects pénibles conscients qui y étaient liés se dissolvent.

 

Pour échapper à ces agressions récurrentes, un certain nombre d’enfants vont mettre en place le refoulement de leur désir, et du coup, les IAO signes du conflit: ils se structurent alors dans une ligne névrotique.

 

 

Reprenons un paradigme déjà évoqué, celui d'un enfant au stade œdipien, qui désire dérober quelques secrets et insignes du pouvoir de ses parents et se l'interdit en même temps. Au début, même sans se représenter explicitement ce qu'il désire, il peut pressentir et une tension (envie ... excitation) qui le pousse vers tel objet interdit, et, intriquées, l'angoisse et la culpabilité liées à l'existence de son conflit ... Plus tard, qu'il y ait eu consommation ou non, des images détachées, déformées viendront le hanter, par exemple pendant la nuit : monstres qui lui dérobent ce qu'il a, voire l'arrachent, lui, à ses parents[12].  

        

:

 

        

 

 

 

 

Schéma 2

        
Temps I. Il existe un conflit intrapsychique auquel le jeune n’arrive pas à donner de       solution consciente, programmée, qui le satisfait, par le compromis et l’adaptation. C’est ici un conflit entre D et P.I. qui donne lieu à de désagréables I.A.O.

-« Désir (D.) » Une envie du moment, pas très spécifique, qui s’est levée chez l’enfant…elle porte souvent sur une frome de réalisation, plus ou moins claire, de la pulsion agressive ou de la pulsion sexuelle.

 -« Prohibitions introjetées (P.I.) ou système de prohibitions » les consignes personnelles, familiales et sociales que l’enfant a introjetées et qui s’opposent à ce qu’ils réalisent son désir, sous peine de sanctions. C’est à la fois le Sur-moi des psychanalystes, avec sa dimension de « permis-défendu » un peu puéril, mais aussi d’autres interdictions intérieures, plus mûres, plus élaborées, issues elles aussi de l’extérieur ou de la propre conscience morale de l’enfant.

Les  « idées et images anxieuses originaires (I.A.O) », ce sont les premiers vécus d’angoisse, les plus centraux, les plus impitoyables : la castration, la mort, l’abandon…l’imagination anxieuse la plus primitive ne fait pas dans la dentelle ! S’y mélange quasi automatiquement un vécu de culpabilité et de tristesse (mauvaise estime de soi ; peur de perde l’amour). Elles sont ici la conséquence du conflit -intrapsychique

 

 


              

Temps 2 : 1. L’enfant refoule son désir originaire, et, du coup, les idées et images anxieuses originaires. Son affect anxieux se dissout et il reste habité consciemment par son système de prohibitions.

        
Schéma 3 Temps 3 : Destin à long terme du refoulement.

        
 issue A : Persistance dans la durée de T 2 (=réussite du refoulement) : Jeunes hyper conformistes, passifs (névrose de caractère) ; névrose d’échec avec velléités d’ affirmation de soi, maladresses, échecs constants.

Issues B, C et D : Échecs partiels) du maintien du refoulement.
 Dissociation possible de ce qui revient dans le système conscient : angoisses Déformées ; désirs plus ou moins travestis ou les deux.

Issue B :Retour principalement d’angoisses (2); les désirs, eux, restent bien refoulés. Ces angoisses mélangent en partie les angoisses originaires, avec d’autres (I. A. C. : images et idées anxieuses complémentaires), pour donner «

 

en surface » des I A D déformées : par exemple le voleur qui vient la nuit voler les jouets de l’enfant ( les jouets = son phallus) :
Névrose phobique structurée ; angoisses irrationnelles diverses (névrose atypique de l’enfant) ; inhibitions inexplicables à des moments -clé (par exemple « blanc » du dernier examen ; impossibilité d’érection...).

issue C : Le désir lui-même ne reste pas refoulé (3), il revient à la conscience et se réalise, mais sous une forme masquée, travestie, qu’il faut « décoder » ( D T).        
Les I. A. D. sont présentes elles aussi (2) et particulièrement intenses quand le désir travesti se réalise (4) Exemple : Tocs où se devine le désir de toute- puissance, de perfection ; certaines énurésies secondaires ; certaines tyrannies envers la mère au moment des devoirs ; casser accidentellement l’outil préféré du père (sa voiture...).      

 

ILL : Un garçon de 8 ans, dont les parents se sont séparés il y a quatre mois, se conduit de façon très séductrice avec sa mère, qui accepte, elle aussi, qu’il dorme dans le même lit qu’elle…peu après, il commence une énurésie secondaire

Probablement retour sous forme masquée de son désir œdipien…mais dans le symptôme se masque aussi l’angoisse ( de castration : il vérifie inconsciemment que »ça » fonctionne toujours bien.



 Issue D : Le désir plus ou moins originaire remonte à la surface (3) mais les I.A.D. aussi (2)    et donc, le conflit presqu’originaire reflambe, immédiatement ou en léger différé :     
- Délinquance névrotique : le voleur, le pratiquant sexuel laisse derrière lui des indices qui permettent de l’attraper.  
- Crises spectaculaires et toutes-puissantes d’hystérie, avec beaucoup de souffrance connexe.  

 

ILL :Un adolescent de 16 ans a toujours voulu être parfait, dans la ligne de l’attente de ses parents. Mais il se met à fumer (du tabac) et à désinvestir l’école….

Peu après, il commence un Toc qui va aller en s’aggravant : horreur de la moindre saleté sur lui, notamment des traces d’excrément de caca de chien…vérifications minutieuses de ses vêtements et lavages compulsifs…

Ce Toc montre de façon caricaturale sa volonté de correspondre à son image de Soi idéale…il est aussi chargé d’angoisse+++…mais il continue à fumer et devient même un défenseur du tabac sur Internet


Schéma 4 : Refoulement à l’origine des troubles des conduites agies.

 

        
C’est le refoulement inverse de la névrose : les prohibitions introjetées sont puissamment et longuement refoulées (1), avec les images et idées anxieuses originaires, et donc les affects pénibles disparaissent de la conscience.
Les désirs initiaux peu spécifiques restent à l’œuvre, et s’y ajoutent intensément des désirs « originaires » plus primitifs ( D.O.) : la toute-puissance absolue (psychopathie);  la prédation et la jouissance matérielle (délinquance) et même le désir d’annihiler l’autre dans la souffrance ( perversité).
On voit parfois que des images et idées anxiogènes déformées remontent à la surface (2), notamment chez les psychopathes (par exemple dessins terribles d’enfants) mais curieusement, elles sont froides ( I.A.D.F.), sans affects pénibles, et donc, elles ne les arrêtent pas.  

 

Notes 

[1] Dans ce texte, sans spécification, les termes « enfant » ou « jeune » désignent l’ensemble des mineurs d’âge

[2] Imagination parfois débordante en référence à l’équipement cérébral (génétique de l’anxiété), à la modélisation par un entourage lui-même anxieux, et à l’existence d’images traumatiques plus ou moins refoulées, toujours susceptible d’être réaspirées vers le haut, vers une représentation redevenue consciente

[3]   L'émergence fréquente du syndrome de stress post-traumatique témoigne précisément de l'impuissance momentanée à contenir ce qui est le plus pénible : il se produit des reviviscences, d'abord incoercibles, puis mieux maîtrisées, d'abord fidèles à l'événement puis déformées, d'abord nouvelles et pures agressions du sujet, puis « dans les bons cas », retournées en leur contraire.     

[4] Sous l’influence nord-américaine, le terme « Névrose » a largement disparu de la nosologie psychiatrique et c’est très regrettable : la référence à la névrose, telle que l’ont modélisée les psychanalystes, est très éclairantes pour rendre compte de nombres de pathologies, centrées sur la conflit-intrapsychique, son inconfort et les tentatives de le résoudre via des processus inconscients. Personnellement, j’y suis resté fidèle

[5] Le voleur si menaçant derrière le rideau, ce serait bien lui, l’enfant en âge œdipien, qui a l’envie tellement culpabilisée, de voler les secrets et la puissance de ses parents

[6] Déployer le contenu : la composition concrète, ce qu’il perçoit intérieurement et aussi ce qu’il vit, ses émotions et encore les éventuelles idées et questions qui gravitent « là-autour »

[7] Pour mémoire, Henri a 16 ans bien sonnés. Je n’aurais jamais fait cette suggestion face à un moins de 15 ans !

[8]  Ce paragraphe concerne aussi, dans une certaine mesure, d’autres éducateurs de l’enfant, comme les enseignants, et même tout adulte amené à interagir avec lui, par exemple les médecins, via leurs attitudes plus ou moins rassurantes et leur pouvoir d’’informer sur le corps et sa santé.

[9] Par exemple mort d’un grand -parent aimé et deuil difficile pour un parent, quand l’ enfant avait deux ans; maladie grave du bébé ou d’un parent; moment de mésentente conjugale.

[10] C’est tout aussi en séance de psychothérapie :« Je te remercie…c’est important pour moi, pour que je te comprenne bien,  quand tu dis « non ». Lisez à ce sujet le deuxième paragraphe « Ils ont dit qu’ils allaient m’enlever » de l’article « Traumatismes psychiques de l'enfant suite à de graves agressions externes » Vous y verrez que, dans une thérapie post-trauma, je n’ai pas d’autre choix que renforcer l’assertivité d’Arthur (10 ans )

[11] Je fais référence ici à des tout-petits enfants, de moins de trois ans en moyenne, qui comprennent peu et communiquent peu verbalement……les thérapies enfant-parent dont j’ai parlé plus haut, me paraissent à risque si elles sont trop précoces et si le petit n’y capte au vol que quelques signifiants qui sont des reminders pour ses peurs

[12] Le voleur derrière le rideau, ce serait bien lui, l’enfant en âge œdipien, qui a l’envie tellement culpabilisée, de voler les secrets et la puissance de ses parents

 


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9. Hayez J.-Y. :
Catherine ne dort pas encore seule. Syllabus " Phénomènes cliniques et études de cas. DUC. CIACO, disponible chez l'auteur, 1996.

10. Hochman J. :Inquiétude ; anxiété; angoisse - plaidoyer pour une spécificité de l'atteinte anxieuse. Neuropsychiatr. Enfance Adolesc., 1995;43:158-163.
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