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 Une maman me raconte :

 

Une maman me raconte que Justin, son fils de huit ans aime « un peu trop et trop souvent » se déguiser en fille : il se montre parfois avec du vernis sur les ongles ou portant des bijoux de sa maman ... à l'école, quand c'est possible, il prend des rôles féminins : par exemple, lors d'une fête, il a joué une reine d'Angleterre très applaudie ; il vient encore de se proposer pour un rôle de maman, et sa maman à lui est persuadée que c'est parce qu'il pourra mettre un soutien-gorge. Il est aussi plein d'admiration excitée et ostensible pour les strings et autres pièces de lingerie féminine, et, plus globalement pour le corps des femmes qui font pétiller ses yeux d'une curiosité joyeuse. Pour l'anniversaire de sa maman, il a cassé sa tirelire et tout dépensé pour lui acheter quelques bijoux, joliment choisis en référence à son âge.

Dans l'ensemble, Justin a l'air d'être bien dans sa peau : il est souvent plein d'humour, très apprécié par les autres à l'école, tant par les garçons que par les filles : Il a une gentillesse et un charme naturels qui font de lui un des plus populaires de l'école.

Par ailleurs, Justin a l'air d'apprécier aussi son corps de garçon : il est fier de son zizi et l'une ou l'autre fois, lors de vacances, ils ont été surpris, ses cousins et lui à de petits jeux sexuels banaux. Banaux, mais bien conformes à sa psychologie générale : une fois, par exemple, il aurait fait, sur le lit, un strip-tease intégral, façon professionnelle, pour les beaux yeux de ses cousins ...

Les parents de Justin se sont séparés quand il avait quatre ans ; ils restent en bonne entente et Justin vit en hébergement, une garde alterné, formule qui le satisfait. Peu avant la séparation, une petite sœur est née, Annabelle, avec qui il s'entend bien ... Il a peut-être néanmoins secrètement souffert des moments où sa maman s'occupait du bébé de façon privilégiée.

Mon impression 



I. Il ne s'agit pas ici d'un trouble profond de l'identité sexuée, . Justin n'a pas l'air malheureux et accepte fort bien le sexe que la vie lui a donné. Mais il ne s'en tient pas là : à certains moments, il voudrait ouvrir une autre page de son ordinateur sexué et vivre (pour lui) et montrer (aux autres) qu'il est femme à ses heures.

Bref, il voudrait jouer des deux sexes. Dolto aurait dit de lui qu'il n'a pas encore assuré une des « castrations symboliques » qui devraient fonder nos existences : être soit garçon soit fille ... Au fond, il semble être un petit hédoniste qui cherche des doubles sensations (pour lui) et qui cherche à doubler les moyens de séduire l'autre.

II. Sa démarche est facilitée par le fait qu'en ce troisième millénaire, nos sociétés ont horreur des limites, et notamment de celles que l'on imposerait tant à l'orientation et aux pratiques sexuelles qu'aux manifestations de l'identité sexuée (masculin ou féminin) Côté pratiques, à partir de l'adolescence, un certain nombre se déclare « bi » Côté identité sexuée, des lobbys d'idées contemporaines affirment que le genre (masculin, féminin ou hybride), c'est un choix personnel qui n'a rien à voir avec la biologie : on peut donc choisir, si on veut, « d'être » trans/genre ou bi/genre. Justin ne sait pas tout ça dans les détails, mais baigne néanmoins dans une ambiance qui incite à ne pas se restreindre !

III. Si l'on continue à le laisser faire sans intervenir, trois risques me paraissent liés à son évolution :

- que Justin trouve tellement de plaisir et de reconnaissance à son « être-féminin » qu'il se mette à oublier qu'il est un garçon et devienne vraiment trans-genre : De mon point de vue, quand on peut l'éviter, c'est mieux !
- que Justin, en jouant de plus en plus sur ses deux identités, papillonne dans des jeux de séduction interminables et se montre peu capable de s'engager vis-à-vis d'un partenaire stable ;
- que Justin, comme un certain nombre de ses contemporains, n'assume en rien l'inéluctabilité des limites pour cadrer sa vie.



Mes réponses à la maman, (synthèse) 



I. Je lui ai d'abord proposé d'en discuter autant que faire se peut avec le papa de Justin pour essayer d'intervenir avec lui d'une même voix.

II. Je lui ai proposé ensuite de parler de temps en temps avec Justin, à un moment où elle se sent sereine et lui, réceptif, dans le décours rapproché d'une nouvelle manifestation du menu « féminin » de son ordinateur psychique.

Dans ce dialogue auquel que la maman s'essayerait avec Justin, il est important d'obtenir une écoute suffisamment profonde de la part du petit garçon et donc de « secouer » le système de défense qu'il utilisera probablement (l'humour ; s'en tirer par une pirouette , rassurer en séduisant « Mais, allez maman, c'est pas grave, c'est un jeu. » ... )

Si l'écoute devient « sérieuse » de part et d'autre, impossible de détailler tout ce qui pourrait s'échanger, par définition quelque peu imprévisible. L'idée fondamentale est que l'adulte parle « pour lui » en fonction de ce qu'il vit, et non pas en avançant qu'ils se préoccupent du bien et du futur de Justin. Pas : « C'est pour t'aider » !

Et le thème essentiel à discuter tourne autour de ceci « Je suis triste quand tu t'identifies à une femme, par exemple, quand je vois que tu as mis du rouge à ongles » ; je le vis comme si tu n'étais pas complètement satisfait du corps de petit garçon que ton papa et moi t'avons donné, et qui nous a apporté tant de joie !

Je suis triste parce que tu n'acceptes pas toujours ta seule nature de petit garçon, qui est si jolie à mes yeux. Or un être humain ne sait pas être vraiment homme et femme. Et le plus simple c'est d'accepter ce que montre notre corps.

Je suis ravie que tu aimes beaucoup les femmes. Tu as bien raison. Mais je serais tout à fait heureuse si tu les aimais en dehors de toi, en face de toi, et pas en voulant les prendre en toi. »

Paroles à ne pas asséner en une fois, bien sûr, mais à insérer dans un dialogue qui devra probablement se répéter.

III. Au delà des mots, j'ai également recommandé à la maman que l'on regarde ce comportement comme un refus de la limite....donc,  maximum d'indifférence les activités spontanées « féminines » de Justin qui persévérerait (c'est à dire ni fascination, ni sanction, mais occasion de reprendre l'une ou l'autre fois le dialogue précité et puis, le laisser à lui-même dans la solitude du manque d'attention)

On peut aller jusqu'à interdire ce sur quoi l'on aurait prise anticipative (par exemple, un rôle féminin dans une pièce de théâtre « Non, je n'ai pas envie d'être de nouveau triste ; je ne serai contente que si tu joues le rôle d'un homme »)