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  Définir la sexualité 

La sexualité est un dynamisme interne, une force d’union qui opère dans la globalité de notre être (corporel, intra psychique, social) ; d’abord pulsion, elle se déploie chez une très grande majorité d’individus en désirs, fantasmes, projets et activités.,. 

Elle vise essentiellement à la reproduction de l’espèce, c’est à dire à la transmission et à et à la lente évolution du génome, dans sa dimension davantage spirituelle, elle vise aussi à la création de liens affectifs positifs de différents ordres ; sa pratique entraîne un plaisir corporel qui devient, pour un grand nombre, une troisième visée autonome ou jointe aux précédentes. 

On ne rencontre évidemment pas cette première finalité dans la sexualité des enfants ni des jeunes adolescents. Tout au plus peut-on supposer qu’ils s’y préparent de loin (?) via connaissances et familiarisation avec le corps sexuel de soi et de l’autre sexe. 

Quant aux adolescents plus âgés et aux adultes, la grande majorité d’entre eux adhère tôt ou tard au projet de se donner une descendance et ceci, non plus en fonction d’un instinct, mais dans le cadre d’un projet humain réfléchi (parentalité responsable) : nous y reviendrons dans le deuxième chapitre. 

Une autre finalité de la sexualité réside dans la réalisation d’une union affective positive avec l’autre ou avec soi-même. Ceci peut déjà se passer lors des activités sexuelles physiques : quand partenaire il y a, celui-ci représente souvent davantage qu’une source de plaisir physique : chacun vit de la réciprocité dans l’échange du plaisir ; le partenaire est un camarade, un ami et finalement celui ou celle que l’on aime d’amour.

Mais l’énergie sexuelle est également apte à se sublimer, c’est-à-dire à se détacher de l’activité sexuelle physique et à se transformer en sentiments, en projets et en actes affectifs positifs de tous ordres, depuis la tendresse jusqu’au dévouement. Cette capacité et cette richesse affectives se manifestent très précocement dans la vie de l’enfant, qui montre à l’envi son désir d’aimer et d’être aimé.

Et il y a aussi l’union positive à soi-même, vers qui se dirige une partie de l’énergie sexuelle. Grâce à quoi, dès son tout jeune âge, l’enfant peut apprécier son corps de fille ou de garçon, veiller sur lui, le prendre en charge personnellement en étant sa propre « bonne mère »,  lui procurer un bien-être et des plaisirs physiques de tous ordres. Il peut aussi apprécier son être, avoir de la tendresse, de l’estime et de la fierté à propos de soi. 

La recherche du plaisir érotique est une finalité non plus de la sexualité, mais poursuivie via l’exercice de la sexualité. Les êtres humains ont une appétence plus ou moins intense pour le plaisir et donc entre autres, pour le plaisir érotique. Ils ont vite appris à dissocier la recherche du plaisir des finalités naturelles de la sexualité et à s’y adonner pour lui-même, parfois de façon intensive.

Il arrive même au sujet humain de rechercher le plaisir contre une finalité naturelle : alors, son partenaire ne fait plus le poids, puisque l’on va parfois jusqu’à nuire à sa personne pour trouver davantage de plaisir … ou c’est soi-même qu’on malmène, parfois au-delà de l’entendement. 

Sexualité, liberté et contrainte

La sexualité que nous voulons 

Nombre de nos activités sexuelles sont voulues par nous, à tous les âges de la vie. C’est ce que j’appelle la sexualité « consentie, voulue, agie ou désirée », qui constitue un des pôles de tout ce qui est possible.

Et déjà à son propos, il ne faut pas simplifier : le seul critère qui définit ce pôle, c’est que personne, de l’extérieur, de façon immédiate ou différée, n’a fait pression sur l’auteur de l’acte pour qu’il produise celui-ci. 

On constate alors qu’une bonne partie de ces actes consentis témoigne de la bonne évolution psychoaffective de l’enfant. Ce sont des activités que j’appellerai par la suite « normo-développementales » D’autres au contraire témoignent d’une évolution préoccupante, voire franchement pathologique de la personnalité, transitoire ou non : par exemple des activités perverses, des abus commis sur autrui, une vie sexuelle gourmande qui s’exprimerait sans la moindre retenue … 

Quelques activités préoccupantes semblent ne se commettre qu’une fois ou l’autre, isolément, chez une personne  - adulte ou enfant - qui retrouvera bien vite sa bonne conduite coutumière : C’est ce que j’appelle des dérapages ; ils seront étudiés au second paragraphe du présent chapitre, les fois où ils conduisent à abuser d’autrui. 

Par ailleurs, si l’on considère le degré de préparation intérieure de ces actes commis sans pression externe, on constate qu’ils se répartissent sur une courbe de Gauss : A un extrême, la préparation est excessivement longue, sorte de rumination qui aboutit alors souvent à un acte posé avec beaucoup d’angoisse et de culpabilité. 

Au centre la séquence préparation => réalisation apparaît comme raisonnable aux observateurs externes. 

A l’autre extrême, il s’agit d’actes impulsifs : 

- soit par manque de socialisation, par prépondérance de « besoin de plaisir immédiat » chez la personne (Cr l’alinéa consacré à la sexualité sans retenue) ; 

- soit au terme d’une pression et d’une lutte intense qui finissent par échouer : l’enfant décharge alors plus ou moins brutalement ses pulsions sexuelles, tout en n’étant pas fier de ce qu’il fait : j’en reparlerai à propos de la sexualité effectuée sous l’égide de l’angoisse et de la culpabilité. 

Enfin, le fait que l’acte commis ait été voulu par l’enfant, n’exclut pas que, par la suite, parfois, il puisse avoir peur de ce qu’il a osé faire ou s’en sentir coupable. Il peut aussi regretter d’avoir perdu son enfance, son innocence, et vouloir revenir en arrière. En référence à quoi, il lui arrive de se dénoncer et même alors d’accuser son ex-partenaire de l’y avoir entraîné. 

Cette accusation fallacieuse, il lui arrive d’y procéder aussi s’il est simplement attrapé et accusé après coup : alors, pour ne pas être punis, certains jouent sur certains paramètres de leur statut – ils sont les cadets, par exemple – et en profitent pour accuser l'autre.

 La sexualité que nous subissons  


A l’ opposé de la sexualité consentie, je parle de sexualité « subie ou contrainte » chaque fois que c’est sous la pression d’un tiers que l’enfant exécute une activité sexuelle que, fondamentalement, il ne veut pas.

Il existe cependant un gradient de gravité quant à ces activités subies. Il est bon de se le rappeler car nos sociétés ont trop tendance à tout mettre dans le même sac : 

- A l’extrême favorable du gradient on a à faire à des « épines sexuelles ». Elles sont communes. Le pourcentage de mineurs qui s’y est frotté l’une ou l’autre fois dans sa vie d’enfant ou d’adolescent est difficile à affirmer avec certitude, mais il ne m’étonnerait pas qu’il dépasse 50 % de la population : la normalité statistique, en quelque sorte.

 

« Le jeune tireur d’ épine, anonyme, IIe siècle AC » 

- A l’autre extrême, ce sont les abus les plus graves, les plus vicieux, les plus blessants. Épines et abus graves seront décrits dans la troisième partie. A chacun d’imaginer ce que peuvent être les actes de gravité intermédiaires. 

  Et l’entre-deux      


Rien n’est cependant simple. Pour un certain nombre d’activités sexuelles, il est malaisé, sinon impossible, de déterminer s’il s’agissait d’activités consenties ou contraintes. On est véritablement et parfois définitivement « entre les deux ». 

Une dimension de lui a envie, et une autre en rejette l’idée (par angoisse, par culpabilité, en référence à des valeurs, etc. …) Face à la sollicitation, cet enfant se montre hésitant, ambigu, incapable  de se prononcer de façon stable dans un sens ou l‘autre. Celui qui invite en profite pour insister : s’ils sont attrapés, ce dernier soulignera avec plus ou moins de bonne foi  le fait que l’invité ambivalent était d’accord et celui-ci prétendra qu’il ne l’était pas. Nous verrons néanmoins dans la partie consacrée à l’accompagnement, qu’il est possible alors d‘acter que nous nous trouvons dans une situation de doute sans que le dialogue ni l’action éducatifs ne soient paralysées pour autant. 

Il en va autrement si une personne change d’avis au fil du temps, et dit « Non » à un moment donné, suffisamment longtemps avant l’activité sexuelle suivante. Ici, on abuse d’elle si on ne tient pas compte de son refus nouveau       

Situations d’appréciation délicate 

Extrait du film « For a lost soldier » (I. Kerbosch,1992)… deux êtres à la dérive se sont rencontrés et aimés…un tout jeune ado et un soldat canadien…

La société admet, avec un sourire entendu, qu’une fille de dix-huit ans se « mette » avec un amant de cinquante ans …. Pourquoi les amours d’un(e) jeune de quatorze, quinze ans et d’un adulte de trente ans seraient-ils, ipso facto, eux, destructeurs ? Certes, il est bon que des points de repères et des limites existent dans des sociétés, pour maintenir l’ordre. Mais tous ceux et celles qui les transgressent ne sont pas de ce seul fait des démons, et il faut pouvoir fermer les yeux et entériner certains mystères réciproques des désirs humains. 

Dans les deux parties qui suivent, je n’aurai pas l’occasion d’étudier en détails toutes les situations intermédiaires. Au lecteur donc de faire preuve de créativité pour les gérer. 

Les dérapages sexuels

Le phénomène est décrit dans le livre "La sexualité des enfants» J.-Y. Hayez, Odile Jacob, 2004, pages 167-172. En résumé :

L'adulte (ou même n’importe qui, à n’importe quel âge de la vie) ici concerné respecte habituellement les limites sexuelles intergénérationnelles. Pourtant, il peut se dévoyer et entraîner l'enfant dans une expérience sexuelle (ou quasi) Il cède donc à une tentation transgénérationnelle, sous la pression d'un ensemble de facteurs. Parmi ceux-ci, il existe parfois un certain degré de provoca­tion émanant de l'enfant.

Ensuite, et cela s'avère définitoire de la notion de dérapage, l'adulte va se reprendre rapidement. Après une ou quelques fois espacées sur un laps de temps assez court, il va mettre fin à sa divagation et ne récidivera plus jamais (ou, au pire, une ou deux fois sur la durée d'une vie) C'est la peur d'avoir de sérieux ennuis, la voix de sa conscience ou parfois aussi la résistance et la désapprobation immédiates ou différées émanant de l'enfant qui le poussent à arrêter. Dans les meilleurs cas, adulte et enfant en reparlent ensemble, le premier pour s'expliquer comme il le peut et présenter ses excuses. Dans les cas moins favorables, un silence plus ou moins gêné et définitif fait suite aux événements.

Certains dérapages sont des accidents graves, sortes de collisions frontales, comme un viol ou une relation sexuelle complète apparemment consentie avec un enfant jeune.

 

Extrait du film « Le souffle au cœur » (L. Malle, 1971) Après une soirée de 14 juillet bien arrosée, Lorenzo se retrouve au lit avec sa jolie maman. Le grand inceste, qui n’aura lieu qu’une fois. 

Il existe aussi des formes plus légères ou plus troubles de dérapages sexuels, comme quand un père commence par se lais­ser toucher au bain, s'y excite et finit par demander à sa fillette de huit ans de le masturber, en évitant qu'elle regarde son éjaculation ... Ici, il a honte après deux ou trois fois et ne va pas plus loin. 

Comment faire face ? 

Il faut distinguer les intérêts humains de l'enfant et ceux de l'adulte qui dérape. Dans la mesure où l'enfant ne se guérirait pas tout seul de l'« allumage » précoce ou du traumatisme subi, il a droit aux soins nécessités par son état. 

Comment traiter justement les adultes auteurs d'un dérapage ? 

◊ - Désapprouver l'acte et rappeler la Loi.

◊ - Comprendre les éventuels problèmes de la personne et les soigner.

◊ - L'encourager à utiliser ses ressources positives à l'avenir.

◊ - Veiller sur la non-récidive.

◊ - S'efforcer qu'existe un dialogue avec l'enfant entraîné dans le dérapage, sans faire violence à celui-ci ; veiller à ce que l'adulte répare le dommage causé. Ce dialogue, s'il a lieu, doit aboutir à des excuses présentées et à des actes de réparation. Sur le plan de la mise en œuvre institutionnelle, il ne me sem­ble pas absolument nécessaire de déclencher des processus socio-judiciaires officiels très pesants là où il y a possibilité de dialogue, présence de bonne volonté et vigilance du tissu social informel. 

 

Grandes étapes du développement de la sexualité

Premiers signes autour de quatre ans 

Dans nos sociétés occidentales, de la vie sexuelle commence à s’observer chez l’enfant autour de ses quatre ans. « Vie sexuelle » doit s’entendre au sens usuel du terme : intérêt pour les zones génitales du corps et comportements engageant sciemment celle-ci. 

Avant quatre ans, l’enfant peut déjà toucher son sexe à l’occasion, l’agripper  en cas de stress ou  désigner le sexe d’autrui, mais par hasard ou dans le décours d’une exploration générale des corps, sans intentionnalité plus ciblée.

Cette vie sexuelle visible s’accompagne probablement très rapidement d’activités mentales (élaboration d’images, idées, questions, théories, projets … de nature sexuelle) Plus l’enfant est jeune, plus il y mélange des activités d’autres parties du corps, en référence à des processus et avec des objectifs identiques : intérêt pour la miction, la défécation, l’anus, la bouche, voire d’autres zones inattendues auxquelles l’enfant attribue les mêmes pouvoirs qu’à ses organes génitaux. Au fur et à mesure qu’il vieillit, et pour peu qu’il soit en bonne santé mentale, l’enfant désinvestit largement ces zones connexes d’intérêt, pour s’adonner principalement à la vie sexuelle liée à la génitalité. Nous n’en dirons pas davantage sur ces compagnons archaïques et transitoires de la vie génitale. 

Pourquoi cet intérêt précoce et souvent soutenu ? 

Pourquoi des explorations sexuelles, voire des activités à connotation érotique commencent-elles si tôt et s’amplifient-elles chez beaucoup, le plus souvent à l’insu des adultes ? 

 « Logiquement », il devrait en être ainsi, plus que jamais, pour l’appareil sexuel, situé au cœur de ce processus de transmission. Eh bien non ! Il existe un hiatus temporel assez incroyable : l’enfant peut découvrir ses organes génitaux, jouer avec voire les abîmer, ou plus fréquemment les habituer à des usages déviants par rapport à la logique de la vie ( la recherche voire le culte du plaisir ) Et il peut s’y exercer des années, avant qu’il n’ait la maturité physiologique pour procréer et encore davantage avant que sa culture d’appartenance ne l’y invite ou avant que son intelligence et ses valeurs ne lui conseillent de programmer ce qu’il considère constituer une parentalité responsable. 

 Pourquoi ? Un certain nombre de pédagogues affirment que c’est « pour se préparer » : en quelque sorte, roder ses organes génitaux et tâtonner dans les actes de rencontre de l’autre, jusqu’à trouver comment réussir « la totale ». Bah, cette hypothèse téléologique nous fait sourire : ce n’est pas si compliqué pour une femelle de se laisser pénétrer par un mâle, tout de même … et des centaines de jeux sexuels ou de masturbations préalables ne changent rien à l’angoisse de la première fois et aux maladresses qu’elle connote et qui, pour beaucoup, n’en font pas le meilleur souvenir du monde. 

Et s’il n’existait pas de réponse rationnelle à la question ? Nous idécrirons bientôt une liste des facteurs biologiques, intra psychiques et externes qui contribuent à l’éveil de la sexualité. Mais les invoquer n’explique pas fondamentalement pourquoi la nature (ou l’Esprit) a mis si précocement à la disposition de l’enfant des parties si précieuses de son corps, pour se livrer dessus à nombre d’expériences qu’il choisit de faire (souvent) ou qu’on l’oblige à faire (plus rarement : c’est le sinistre domaine de l’abus sexuel (Furniss T., 1993 ; Hayez J.-Y., de Becker E., 1997) 

Qu’en résulte-t-il ? 

Ce même groupe intègre quasi systématiquement sa sexualité à visée procréative à la création et au maintien du lien amoureux ; lien dont l’existence sera célébrée réciproquement par la sexualité à visée non procréative, habituellement bien plus abondante ! 

En ce troisième millénaire, lien amoureux n’est plus synonyme de fidélité pour la vie, comme on le voit dans quelques autres espèces de mammifères. Les liens se font et se défont ! En outre, pour beaucoup d’humains, la recherche du plaisir, au sens large du terme, devient une visée « artificielle » de leur sexualité, susceptible d’être dissociée de tout le reste. Ce plaisir, ils le trouvent soit dans les relations menées avec leur partenaire amoureux, soit au dehors : c’est particulièrement patent à l’adolescence où coexistent longtemps dans le désordre masturbations et autres activités plaisantes solitaires, jeux sexuels  et autres moments « d’éclate » partagés avec d’autres, liens amoureux plutôt instables et répétés au début, où s’intègre tôt ou tard la sexualité physique.