Pour Loïc, le jeune derviche danseur et pour la 11e Jambes-Montagne.

Petites histoires sur l’indifférence et l’acceptation de la différence. 

Texte publié dans La Libre Belgique et sur www.lalibre.be le 3 mai 2021 

En 8 jours d’intervalle, j’ai fait deux expériences qui m’ont beaucoup touché : l’une choquante, à propos de Loic, et l’autre très réconfortante avec des scouts de Jambes.


Je raconte d’abord la première, bien triste, avec Loïc.


Vendredi 23 avril 2021, 20h15. Parc de la Source, Louvain-la- Neuve Depuis les fenêtres de notre appartement, je vois plus de 300 jeunes qui y discutent joyeusement en groupes plus ou moins grands, à des années-lumière du respect des règles sanitaires. Bière et alcool coulent en abondance et de nombreux déchets jonchent déjà le sol. Deux voitures de police sont déjà passées, lentement, sans s’arrêter,  sans doute pas pour fuir le caillassage, mais plutôt par sagesse : que peuvent deux gardiens de la paix contre une fourmilière prête à s’égailler, sinon se couvrir de ridicule !

Curieusement, ces jeunes ont laissé totalement vide le vaste centre de la pelouse, Depuis une quarantaine de minutes, un garçon de leur âge, des écouteurs aux oreilles, y court tout seul, sans relâche, traçant inlassablement le même grand cercle, Il court, bondit, gesticule en caricaturant une danse ; il tourne et tourne, sans le moindre contact avec ses voisins successifs qui lui tournent le dos.

 

Loïc, tel qu’imaginé par Serge Dehaes

Le médecin que je suis se préoccupe de plus en plus de cette interminable ronde folle, n’excluant pas un désordre mental. Je me décide donc à aller vers lui ; je traverse la pelouse d’un pas tranquille ; je suis tout près…il s’arrête, un peu inquiet…je lui souris et nous nous présentons : « Jean-Yves, Loïc».  Et il se met à communiquer gentiment avec moi. Comme je le prévoyais, rien ne correspond chez lui aux critères standards de la normalité :  quelques signes physiques et cognitifs d’un léger retard mental, quelques traits autistiques aussi et l’habitus global d’un ado de 14 ans !

 Il m’explique qu’il vit chez ses parents, qu’il a pris le train pour venir ici « près des autres ». Il se dit heureux de danser seul « Je suis dans ma bulle , je sais que personne ne me parle... c’est comme ça » J’essaie qu’il me donne le numéro de téléphone de ses parents, pour vérifier que tout est OK, mais il refuse de le faire. Nous parlons encore un peu, je lui explique ma motivation à l’avoir contacté (médecin préoccupé). Il me dit « Oui, les autres me trouvent bizarre». Mais je suis vraiment rassuré par ce bout de communication, je le lui dis, j’ajoute que je souhaite qu’il continue à s’amuser comme il le faisait et je prends congé. Rentré chez moi, mon épouse m’apprend qu’il s’est tout de suite éclipsé, seul. Hélas, je lui ai probablement fait peur et j’’en suis bien triste .

 

L’indifférence ? Je reste sidéré par l’indifférence massive de cette foule, occupée à goûter les plaisirs des retrouvailles et de l’alcool Personne ne le regardait, personne ne s’est dérangé pour lui parler, essayer de comprendre ce qui se passait et s’il existait un risque social,

J’entends déjà des voix protester : « Ils avaient peur; ils n’ont pas voulu le provoquer » La peur de l’étranger et de l’étrange ! Oui peut-être l’un ou l’autre craignait-il cette sorte de chaman dansant ...mais le groupe aurait pu déléguer ses plus braves pour aller aux nouvelles !

Ou encore : « Ce n’est pas de l’indifférence,  c’est une magnifique tolérance, voire une réelle acceptation spontanée de l’autre tel qu’il est… Nous sommes en 2021 et chacun se donne le droit d’être lui-même !  Notre société est faite d’individualités qui s’affirment!». L’argument me paraît néanmoins bien peu convaincant. Sur le plan éthique, ne sommes-nous pas invités à accepter les choix de vie de chacun, certes, mais pour peu qu’ils ne mettent pas significativement en danger la vie d’autrui ou de la personne elle-même? Auquel cas, il y a devoir d’assistance.  

Et ici, l’étrangeté prolongée du comportement de Loïc invitait à faire cette vérification du risque, même approximativement, pas par d’hypothétiques professionnels, mais par ses frères et sœurs de la communauté. 

Mais non, leur indifférence à celui qui n’avait pas les codes du groupe a été aussi massive ce soir-là que leur indifférence aux règles sanitaires ( au cocotier, les papy et les mamy !), leur indifférence écologique (merci, soit dit en passant, à l’unique jeune fille qui a fait du ramassage de déchets une vingtaine de minutes vers 22heures). Indifférence sociale aussi : tant pis pour ceux qui allaient se casser le dos le lendemain matin pour ramasser papiers gras, canettes et autres débris de bouteilles de vodka.

 

L'acceptation de la différence ? Je n’ai aucun remords quant à mon comportement. En contactant Loïc , j’ai seulement voulu vérifier la question de sa lucidité et du danger. Ma rencontre m’a vite convaincu que son comportement relevait d’un projet non dangereux et élaboré librement. « Danser, tourner autour des autres, dans ma bulle, sans que personne ne me parle ». Dans l’immédiateté de cette soirée,  ce projet personnel, tout imparfait qu’il soit, m’a semblé pouvoir être reconnu et encouragé. Ce que j’ai fait explicitement, avant de partir.

Hélas Loïc a vite disparu, effrayé sans doute par mon statut de vieux monsieur, médecin de surcroît, susceptible d’exercer un pouvoir au-delà de ses mots : peut-être de mauvais souvenirs pour lui ! Je suis donc triste, je l’ai déjà dit et j’ai même

  l’espoir de le retrouver, à partir de ce texte et de lui offrir des chocolats pour m’excuser de lui avoir fait peur (Loïc est bien sûr un prénom
d’emprunt).Mais je ne me sens pas coupable et, si c’était à refaire, j’aurais la même sollicitude.

 

Tout est-il dit de la sorte ? Pas encore tout à fait ! La manière de se comporter de Loïc me semble être de l’ordre du compromis, acceptable personnellement, pour se donner une certaine joie de vivre dans un moment de fête collective. C’est déjà ça !  Néanmoins, il m’a parlé très vite de sa bulle, de sa solitude, des autres qui le trouvaient bizarre. J’espère donc que les responsables de son accompagnement quotidien, parents et autres professionnels, ont suffisamment de créativité pour accepter à la fois bien des dimensions originales de Loïc , mais aussi améliorer sa sociabilité et son insertion sociale.

Et, suite à un incroyable hasard, voic la seconde expérience, réconfortante, véridique elle aussi de A à Z.               

Samedi 1er mai, 10h. Parce de la Source, Louvain-La-Neuve. De la fenêtre de notre appartement, nous voyons, sur la pelouse centrale, un groupe d’une quinzaine de jeunes adultes, certains en uniforme scout et d’autres pas. Ils sont sagement assis et, curieusement, ils jouent au jeu bien connu du mouchoir ( « Ne regardez pas le renard qui passe… »). Deux d’entre eux courent autour du cercle, assez gauchement, en se donnant la main. Et leur poursuivant trottine derrière, faisant tout ce qu’il peut...pour ne pas les attraper. En regardant mieux, nous voyons alors qu’une partie du groupe est constituée par des adultes, plutôt jeunes, présentant un handicap mental. 

Ce sont vraiment eux, tels que je les ai vus, et c’est bien la pelouse centrale sur laquelle Loïc tournicotait la semaine passée


Ils reviennent déjeuner à midi sur une des tables du parc, et je souhaite les rencontrer :je traverse la pelouse d’un pas tranquille...je suis tout près...je demande à parler à la cheffe ou au chef, car je désire tout simplement les féliciter pour leur réelle acceptation de la différence sociale. Nous nous écartons d’un mètre ou deux et dix paires d’yeux nous fixent intensément, un peu anxieux, me rappelant le regard de Loïc  la semaine passée. C’est en croisant tous ces regards que j’ai compris qu’ils étaient vraiment intégrés : ce qui arrivait au groupe, c’était leur affaire à tous, ils étaient concernés, personne n’était dans sa bulle. Reste à ajouter qu’ils m’ont dit des jeunes de la 11eme unité scoute de Jambes-Montagne (si j’ai bien compris) cinq cheffes et chefs étudiants et sept personnes handicapées. Et cerise sur le gâteau dans cette ambiance de respect de l’autre, les chefs ont demandé à voir la photo prise un peu plutôt et que je souhaitais diffuser, pour vérifier qu’elle respectait bien la vie privée chacun .
Fin de l’histoire. La semaine passée, j’ai dénoncé , sans le regretter, l’indifférence d’une foule de jeunes. S’ils sont capables du pire, parfois, les jeunes sont aussi capables du meilleur, et je voulais en témoigner...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« La cloche a sonné, l’école est finie… » Un beau gâchis !

Texte publié dans le quotidien La Libre Belgique le 01.04.2021                         

La Fédération Wallonie - Bruxelles a annoncé qu’il n’y aurait pas cours cette semaine, même pas à distance, pour les élèves du primaire et du secondaire. Elle leur « offre » donc trois semaines de vacances de printemps. 
Des vacances ? Drôles de vacances cependant, pratiquement sans contacts sociaux à l’intérieur, ni voyages, ni activités structurées. Pour les plus de 12 ans, c’est la disette à l’extérieur aussi. Grands-parents toujours interdits...L’ambiance reste à la morosité, la passivité, la frustration d’être privés de copains, mais peut-être aussi, plus inconsciemment, d’occasions d’apprendre…   
Nos chères têtes blondes vont donc beaucoup « glander », s’ennuyer, être irritables à la maison et passer toujours plus de temps sur les écrans... Ils risquent de se sentir encore davantage livrés à eux-mêmes, avec des adultes dépassés et inconséquents,  sur qui ils pèsent et qui ne les guident plus vraiment.

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Et notre devoir d’enrichir leur savoir ? Caroline Désir s’était montrée jusqu’il y a peu la passionaria de l’école à tout prix. La voici virant à 180° et sacrifiant les jeunes sur l’autel d’une bureaucratie simplificatrice et confortable !


J’entends évidemment surgir l’objection : « Les écoles ont été prises au dépourvu, et dans l’incapacité d’organiser en si peu de temps un programme          à distance consistant».
Prises au dépourvu ? Comme la cigale de la fable qui sent la bise venir, sans doute ?

Voici des mois que plane l’épée de Damoclès de la fermeture possible des écoles ; les responsables de l’enseignement auraient eu tout le temps de s’organiser à tous les niveaux, autrement qu’avec des bricolages locaux… A titre d’exemple et tant qu’à faire, I have a dream, moi aussi : « …Les responsables de la RTBF et de RTL-TVI coopèrent avec le ministère de l’éducation, dans un acte de sollicitude avec les jeunes. Ils mettent leurs chaînes secondaires à disposition, sans limites, et l’on peut ainsi organiser 6 unités de cours obligatoires de 2h chaque jour, pour tous les niveaux du primaire et du secondaire… ». Vous êtes un utopiste, cher Dr Hayez, un rêveur attardé…Pourtant, si l’humanité n’avait pas régulièrement concrétisé des utopies, nous serions probablement toujours des homo sapiens


Et sans aller jusqu’au rêve, sur le terrain, dans bien des écoles, des instituteurs, des professeurs, le plus souvent guidés ou soutenus par leur direction, avaient pris des initiatives pour rester en contact avec leurs élèves à distance et continuer les apprentissages par courriel, SMS, cours vidéo et même parfois par courrier papier, et ceci même en primaire lors du premier confinement.                     
On aurait pu applaudir et soutenir ces initiatives en annonçant par exemple : « La semaine prochaine sera une semaine de cours, mais ceux-ci ne seront pas systématiques. Ils seront liés aux possibilités et aux initiatives prises par chaque école et chaque enseignant ».

Que nenni ! Cerise sur le gâteau, à la garderie scolaire, interdiction est faite d’enseigner à l’enseignant qui en serait parfois le responsable ! Même pas à temps partiel, à titre quasi-récréatif, pour rompre la monotonie de la journée. !


C’est que voici surgir la deuxième objection, autour de la paix sociale et de l’égalitarisme : « Avec ces initiatives, seules des minorités d’ élèves auraient été concernés...Cela aurait créé beaucoup de disparités, des différences dans les compétences, et de tensions entre enseignants, écoles, élèves et parents, qui auraient été très en colère contre les écoles qui semblaient ne rien faire... »                           

Comme si les quelques éléments de savoir qu’auraient pu engranger une partie des enfants constituait une menace et une profonde injustice pour les autres ! Comme c’est pénible, cet égalitarisme rigide qui cherche plus à raser toute tête qui dépasse qu’à enrichir les ressources de celles et ceux qui ont du retard !      
 Invoquer que la justice, c’est une quantité toujours identique distribuée à chacun, quelles que soient les circonstances, et en profiter pour ne rien faire parce que c’est momentanément impossible……ne même pas essayer de faire ce que l’on peut là où c’est accessible, pour peu qu’on ne spolie pas la communauté ! Quelle belle rationalisation pour justifier un nivellement par le bas! Tant pis pour tous les enfants, alors, qui resteront encore un peu plus à stagner sur le bord du chemin, sans approvisionnement cognitif, avec leur regard désabusé sur des adultes incapables d’être exigeants!

 

J’ai pensé à une métaphore : celle du fermier qui a un vaste champ de blé. Par le hasard des nappes phréatiques, une parcelle est plus vigoureuse que les autres, sans qu’on n’ait fait quoi que ce soit pour spolier l’ensemble. Le fermier va-t-il réduire la qualité de son irrigation, parce que de cette inégalité, les autres parcelles-et lui-concevraient un profond quoiqu’indu sentiment d’injustice ? Soyons sérieux : il va se réjouir de ce qu’il peut vendre à meilleur prix sur le marché de la vie…A long terme, il peut concevoir des grands travaux pour mieux répartir l’irrigation dans le champ, si du moins c’est possible et réaliste, mais pas en commençant par interdire l’existence des blés vigoureux !

 

 

Parmi les dizaines de réponses de soutien qui me parviennent, pex., :

Le site du collège du cardinal Mercier à Braine l’Alleud

Prs J. Appelboom, Y. Pirson, R. Detry, C Malevez, C Verellen

Dr X Depondt, M-A Hayez

Mmes et mrs A; Sansterre, J. Masson, N. et P. Gauthy Blanpain, F. Leurquin 

 je sélectionne celles

- d’ un ami médecin de ma promotion :


Cher Jean-Yves,

J’ai quatre petits-enfants qui vivent à Rio. Entre mars 2020 et octobre ils n’ont pas fréquenté l’école mais ont eu cours en vidéo, tous les jours, en respectant quasi l’horaire normal, début à 8.30 le matin, travaux à rendre, avec des profs motivés et une direction « attentive », mais dans une école anglaise , privée. Le programme normal a été enseigné . 

A ne pas comparer avec ce que nous voyons en fédération WB. 

-Du directeur d’un mouvement associatif :

  • Cher Jean-Yves,
    J’adhère à 100% et je diffuse largement !
    J’admire ton opiniâtreté à rappeler les fondamentaux de la mission de l’école face aux démagogues qui ont fait le choix de l’ignorance pourvu qu’elle soit égalitaire !

Du dr jacques laruelle : 

Tout à fait d'accord avec toi !

Nos décideurs politiques sacrifient la jeunesse comme les étudiants sur l'autel de la protection des adultes et des vieux. L'histoire sera juge des conséquences de ces décisions irrationnelles sans fondement scientifique.

Quand allons-nous nous révolter contre ces "experts" sans considération pour la santé publique.  

Dr Jerôme Cauchies :


Quand les écoles organisent des voyages parfois très couteux l'égalitarisme "jusqu'au-boutiste" de nos chers socialistes ne semble plus être de mise. Pourtant que ce soit à cause d'un handicap, de raisons financières ou de parents anxieux de voir leur enfant partir, ces voyages creusent les inégalités. Vouloir un égalitarisme forcé quand cela touche à l'aspect intellectuel et donc à la pensée devrait nous faire réfléchir sur les intentions de ces politiques très probablement inquiets de voir se développer un esprit critique chez nos jeunes.

 

 

 

 

 

 

La fessée mérite-t-elle d’être diabolisée ?

 

La fessée mérite-t-elle d’être diabolisée ?

Je ne suis pas un partisan de la fessée, ni d’autres châtiments corporels envers les enfants, et pourtant je suis en désaccord avec leur diabolisation et avec l’idée d’ inscrire leur interdiction dans le code civil belge.

 En guise d’appetizer, J’ai trouvé un dessin plutôt roboratif dans l’album « Tintin au pays de l’or noir ». On y voit le capitaine Haddock, exaspéré par les impertinences d’ Abdallah, appliquer à celui-ci le précepte romain « Pueri reguntur a posteriori (les enfants sont élevés par le… ) ». Je reconnais que, 3 planches plus bas, on constate que la mesure a manqué d’efficacité, puisqu’Abdallah, le regard mauvais, récidive dans ses farces et attrapes de mauvais goût. Néanmoins, il n'a pas l'air d'en vouloir à son "bourreau", mais plutôt de désirer s'affronter à lui.

 

 

C’est juste pour sourire, car des esprits sérieux peuvent trouver que c’est ringard, que ce n’est justement jamais que l’illustration d’une époque révolue, où l’on fessait en veux-tu en voilà…D’accord, donnons-nous donc le temps d’une réflexion approfondie contemporaine :

Je m’en explique en évoquant quatre situations de vie.

L’éducation chaotique répressive

Elle est le fait, malheureusement assez fréquent, de parents fatigués, énervés par leur vie et peu subtils en éducation : ils crient, menacent, insultent, font du chantage affectif, punissent impulsivement puis reviennent en arrière, et ponctuent le quotidien de brèves fessées, gifles et autres secouements. Beaucoup de ces interventions prétendument éducatives sont contestables et contreproductives :de quoi provoquer les enfants à se montrer encore plus difficiles, tout en cassant plus profondément leur confiance en soi et leur créativité ! 

 Néanmoins, le terme » violence » me semble inapproprié pour qualifier cette ambiance: la violence est une parole ou un acte agressif qui a pour visée explicite de nuire gratuitement à l’autre : le faire souffrir physiquement ou moralement, diminuer sa joie de vivre, sa sécurité, s’en prendre sans raison à ses biens matériels, etc…Ici, ce n’est pas la volonté de ces parents, qui font plutôt preuve de manque de contrôle de soi et d’une maladresse largement inefficace.

Comment les faire évoluer ? La seule prohibition de la fessée via un texte de loi sera tout à fait inefficace : Beaucoup l’ignoreront ou remplaceront la fessée par des paroles ou des punitions au moins aussi désastreuses !

 Il faut aller vers eux, les écouter,  comprendre leurs difficultés et remédier à ce que l’on peut, les faire réfléchir,  leur proposer des modèles plus positifs et efficaces, via campagnes de prévention, campagnes de presse, textes, formations précoces dès l’école secondaire, etc…  

La maltraitance avérée en famille

Elle existe malheureusement, de forme, d’intensité et de durée variables, depuis les enfants élevés à la bien trop dure, en passant par Poil de carotte jusqu’aux enfants-martyrs (dans le placard ou battus à mort). Ses formes les plus graves restent peu fréquentes.

Ici, l’enfant est vu comme un « mauvais objet », qu’il faut brimer si pas détruire. Les actes maltraitants sont répétitifs, même si la volonté de nuire n’est pas toujours officiellement ni même parfois consciemment reconnue comme telle. Ici, les châtiments physiques constituent bel et bien des actes violents, tout comme la violence psychologique qui s’y ajoute systématiquement et la sexuelle, occasionnellement.

hélas, l’inscription de l’interdiction la fessée dans la loi civile ne va pas arrêter la compulsion de ces parents à s’en prendre à l’enfant.

Ce sont des situations très délicates à gérer. Elles nécessitent d’abord un bon repérage social, puis, si c’est possible un travail psycho-social intensif pour aider les parents à se comprendre eux-mêmes et à désirer changer, et pour leur donner des outils éducatifs différents. Cela ne réussit pas toujours et il ne faut pas être trop « mous » à l’idée de changer le lieu de vie de l’enfant. Se pose enfin la question de la sanction pénale d’actes qui sont des délits.     

                                       

 

 

 

Marquer le coup face à l’inacceptable

De très loin en très loin, un parent aimant et habituellement bon éducateur, peut se sentir exaspéré ou scandalisé par une insolence particulièrement provoquante ou par un vrai acte antisocial inacceptable émanant de l’enfant ou de l’ado:

« T’es un sale con » dit à son père, en le narguant les yeux dans les yeux, tel adolescent plus ou moins en crise ; on vient de découvrir qu’un(e) jeune de 12 ans avait déjà volé plusieurs fois sa grand’mère lors de ses visites ; un enfant de 5 ans se plaint que son grand frère (sa grande sœur) a voulu jouer avec son zizi, contre son gré et lui a fait mal, et le grand( la grande) vient tout juste de le reconnaitre…

Sur le coup, ce parent peut ressentir la montée d’une « sainte colère » et l’exprimer immédiatement : brève et cuisante démonstration de force physique,  très souvent accompagnée d’un solide « coup de gueule ». Je ne les appelle pas pour autant "violence", car in fine, l’intention n’est pas de nuire à la personne, mais d’en agresser une dimension déviante, vécue elle-même comme nuisible !

 Cette réaction n’est pas une obligation : un certain nombre de parents gère le choc de ce type de situation sans affrontement physique, voire sans élever la voix !

Lorsqu’un parent y recourt, ce doit être rarement (une, deux…fois par an tout au plus!) et à bon escient! Et, une fois calmés les deux protagonistes, il est indispensable de reprendre le dialogue, de chercher à se comprendre, d’aider le jeune à mieux vivre s’il en a besoin, voire parfois de chercher et d’appliquer une sanction plus significative et plus constructive, si l’acte est vraiment antisocial.

Il y a quelque temps, dans les villages, le jeune ado, le "grand" qui avait importuné sexuellement un petit recevait un certain nombre de coups de ceinture sur son cul nu... en quelque sorte, il était puni par où (ou presque) il avait péché. Peut-on jurer que ce qui se passe aujourd'hui, à travers la bureaucratie et la lenteur des institutions, la frilosité fréquente du monde judiciaire, et les parents qui s’érigent en bouclier pour protéger l’auteur c'est toujours mieux?

 

Un jour, dans une école secondaire belge, un ado de 14 ans rentre dans sa classe en faisant exprès de marteler avec ses pieds le plancher de bois du local. Il ne s’arrête pas après injonction verbale. Exaspéré, le prof lui « flanque une baffe ». Mal lui en prit : le pauvre homme fut renvoyé de son école et eut de sérieux ennuis judiciaires. Je donne cet exemple « sur la pointe des pieds », mais j’assume vraiment le donner, au titre de réaction à l’exceptionnel, sur laquelle on devrait donner son assentiment, parents et société ! Il n’en n’est pas moins vrai que pour mater les élèves, il a existé beaucoup d’abus de la force physique dans les écoles -de la vraie violence !- que je ne cautionne pas et et je ne suis en rien nostalgique de cette époque.

Mais triste époque aussi que la nôtre où nous sommes interdits de fessée,  mais où les jeunes, eux, peuvent nous montrer leurs fesses, que nous devons embrasser sans protester. Jacques Brel le chantait déjà, me direz-vous, mais à l'époque, les notaires avaient le droit de se défendre...

De l’indulgence quand les nerfs des parents craquent

Je pense de nouveau à des parents aimant,  habituellement bons éducateurs en général qui passent comme nous tous par des jours « sans » où ils ont les nerfs à vif.  Par exemple, la bouillante Fabienne Lepic dans la série télévisée française « Fais pas ci, fais pas ça », pourtant un modèle de politically correct bobo branché ! 

Si l’enfant où l’ado vient chatouiller les moustaches du tigre quand celui-ci est de mauvaise humeur, un coup de patte peut se perdre impulsivement, vrai coup de patte certes, mais griffes toujours bien rentrées, sans que ce soit vraiment mérité….

 

Au sens de notre définition il s’agit bien d’un acte, presqu’un réflexe de violence. Donc c’est regrettable, mais bon…faut-il pour autant que le parent se sente un citoyen hors-la-loi  ?

Il peut-il doit-reparler avec « sa victime » de ce qui s’est passé, présenter ses excuses pour son moment d’excès, et chercher éventuellement comment mieux vivre ensemble à l’avenir. Mais l’enfant ou l’ado, lui, gagne à apprendre à mieux repérer la mauvaise humeur du tigre et à se montrer plus prudent…

Les témoignages informels d’adultes (micro trottoirs, sites Internet, etc.) fourmillent d’anecdotes liées à ces deux dernières catégorie de situations, où les adultes ont l’air d’avoir pris avec philosophie ce qui leur est arrivé et ajoutent même-parfois à tort- « Au fond je l’avais bien mérité »

 

 

François, 40 ans,  témoigne : vers nos 10 ans, avec mon frère, on s'amusait à provoquer notre père qui nous menaçait du martinet, et on faisait des paris sur l'exécution ou non de la menace…Comme quoi, le traumatisme psychique, ce n'est pas certain!

 

Non à une inscription dans le code civil de la prohibition de la fessée

En tant que professionnel de l’enfance, j’estime partiellement fallacieux l’argumentaire des tenants de l’idée. Ils généralisent abusivement la qualification « violence » des châtiments corporels et en outre ils se focalisent strictement sur ceux-ci, en oubliant les humiliations verbales, les chantages affectifs, les menaces effrayantes, les punitions cruelles... C’est toute la pédagogie qui gagnerait à être plus positive !

Enfin toutes les violences faites à l’enfant n’entrainent pas ipso facto ni des traumatismes profonds et durables, ni une compulsion à reproduire ce qu’il a vécu : ce sont là des slogans plus que des vérités scientifiques ! L’enfant devient vite capable de faire la part des chose entre ce qui est vraiment cruel et ce qui est quasi-accidentel, et il est aussi capable de liberté et d’évolution !

En tant que citoyen, je redoute la prise de pouvoir d’une partie de la population sur l’autre : contre les parents lambda, ceux qui jouissent de bonnes conditions pour élever paisiblement leurs enfants, ceux qui ont lu et ont de la culture pédagogique, ceux qui ont l’oreille des médias et des députés…

Je n’aime pas que l’Etat se mêle trop de nos vies privées. Il doit nous laisser à nos choix et à nos responsabilités, enrichis autant que faire se peut par le dialogue social. Et si nous commettons des délits, comme la maltraitance avérée, le code pénal est là pour nous rappeler à l’ordre et nous sanctionner.

Par contre, s’atteler dans le code civil à la définition d’un bon citoyen–« celui qui ne donne jamais de fessée »-, cela me fait peur : on commence ainsi et on finit par imposer ce qu’est l’identité nationale. Demain d’autres bonnes âmes proposeront de règlementer le nombre et le type de bisous destinés aux enfants ;d’autres voudront règlementer les masturbations des adolescents : obligation d’au moins 2 par semaine, puisque c’est bon pour la santé, et interdiction de plus de 5, pour ne pas devenir accro.

Je ne veux pas finir, comme en Chine, avec un permis à point dans la poche,  stipulant jusqu’à quel degré je suis un citoyen politically correct.

 

Pr. Jean-Yves Hayez

 

 

Réactions

D’accord :

Pr J. Appelboom ; Mr A. Sansterre; Mr et Mme Pierre et Nadine Blanpain-Gauthy ; Père Ch. Delhez sj ; Mme B. Gennart, juriste ; Dr A. Bachy, pédiatre ; Mr Guy Jost

Dr M.-A. Hayez

En tant que pédiatre : une bonne fessée de temps en temps ferait du bien à pas mal d’enfants ...

En tant que maman d’enfants : notre petit Augustin a reçu qques fessées ... il ne me semble pas perturbé .., 

En tant qu’enfant : aucun souvenir de fessées et si j’en ai reçu elles ne m’ont nullement perturbées.

Tenons bon ! 

 

Dr C. Panichelli

Bonsoir Pr Hayez!
Très intéressant comme d'habitude!
Je partage votre point de vue et apprécie les nuances très justifiées.
Je suis touché aussi par l'épisode télévisuel du débat où un interlocuteur a réagi sur un exemple, et la difficulté d'exprimer en direct un point de vue complexe... rien n'est parfait.
J'ai bien aimé le "pré-papal" ;o)))

Dr Philippe Cattier

Parfait cher Jean-Yves, évidemment. 

Depuis 2000, deux religions s’imposent: l’Islam et le politiquement-correct.

Au siècle des lumières, la fessée était régulée:              
- pas immédiatement, dans l’arc réflexe, dans l’immédiat, maisni non plus dans l’après coup tardif, sans plus de relation (sorte de kairos)   
- et surtout, la force doit être adaptée à la « chétivité » de l’enfant, donc dosée, mais jamais destructive
Du reste, cela ma fait penser aux violences masculines et féminines:  
- autant la violence de l’homme sur la femme est souvent abusive, assassine et sans salut, continuer à massacrer une femme par terre   
- autant la violence de la femme sur l’homme est souvent justifiée (l’homme sait pourquoi), mais rarement destructrice (une gifle, une morsure, ..)     
À noter que rarement un homme porte plainte …, pas en danger, et puis son honneur !)

Dr S. Dechène     

J’ai lu. Tout à fait d’accord avec toi. Et pour info, cette semaine j’ai eu trois parents en consultation complètement culpabilisés et paniqués par une gifle qu’ils ont donnée à leur enfant. Cette loi pourrait faire de gros dégâts.

Dr. A. Maernoudht

Mes deux fils se souviennent, avec un peu de nostalgie, de l’unique fois où je leur ai mis une « tarte » …..

Avec la pleine approbation d’un (vieux) pédiatre !

 

Dr M. van Campenhoudt

les cons sont bourrés de certitudes et se manifestent partout .

 

en 1968 slogan  :  IL EST INTERDIT D’ INTERDIRE . on est pleine phase inverse . sectarismes en folie et sur tous les sujets. merci écolo . dans 30 ans , la liberté redeviendra une valeur ! pas le temps 

 

Dr M.L. Allen

Cher Jean-Yves, c’est la victime de 2 gifles dans mon enfance qui te réponds. La 1ère, vers 4 ans,, pas très « dure », mère qui était énervée sur les 2 aînés, et j’étais à la hauteur de sa main… évidemment, bien que repérée comme « injuste », je ne lui en ai pas voulu. La 2ème par mon père, vers mes 17 ans : j’avais répondu « flut » à ma mère… « votre mère qui fait tant pour vous »… et je lui ai donné raison !

Je suppose qu’ils avaient épuisé leur crédit fessée… !!!??? tu as parfaitement raison sur ta crainte du modèle chinois, déjà bien en route dans certains domaines…

 

 

 

 

 

 

 

 

Pr. Jean-Yves Hayez                                                   

Psychiatre infanto-juvénile

Docteur en psychologie                                                       

Professeur émérite à l’UCL

Cours Durendal, 3/102

B-1348, Louvain-la-Neuve

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Pour Loïc, le jeune derviche danseur.

Petite histoire sur l’indifférence et l’acceptation de la différence.


                                                                                                              Jean-Yves Hayez.

Vendredi 23 avril, 20h15. Les fenêtres de mon appartement donnent sur le Parc de la Source, un des poumons verts de Louvain la Neuve. Dans le parc, plus de 300 jeunes, manifestation autorisée m’a-t-on dit. Néanmoins, ils sont agglutinés par petits groupes d’une vingtaine , à des années-lumière du respect des règles sanitaires. Bière et alcool coulent en abondance et les déchets aussi, en veux-tu en voilà. Deux voitures de police sont déjà passées, lentement, sans s’arrêter, pas vraiment pour fuir le caillassage, mais plutôt par sagesse : que peuvent deux gardiens de la paix contre une fourmilière prête à s’égailler, sinon se couvrir de ridicule !


Curieusement, les jeunes ont laissé vide le centre de la pelouse, un cercle d’une quinzaine de mètres de diamètre et se cantonnent à la périphérie. Un garçon de leur âge y court tout seul, sans relâche, traçant inlassablement le même grand cercle, des écouteurs aux oreilles. Il court, bondit, gesticule en caricaturant une danse, sans quasi jamais se reposer plus que quelques instants. Voilà plus d’une demi-heure que je l’observe, par intermittences de plus en plus rapprochées, il tourne et tourne et fait le vide autour de lui, sans contact avec personne.                
Le médecin que je suis se préoccupe de plus en plus de cette interminable ronde folle, posant la question d’une crise dans une maladie mentale.       
Je me décide donc à aller vers lui ; je traverse la pelouse d’un pas tranquille ; je suis tout près de lui…il s’arrête, un peu inquiet…je lui dis bonsoir en souriant…nous nous présentons : « Jean-Yves, Loïc».  Et il se met à communiquer gentiment avec moi. Comme je le prévoyais, rien ne correspond chez lui aux critères standards de la normalité : j’identifie quelques signes physiques et cognitifs d’un léger retard mental, quelques traits autistiques aussi,  bien qu’il me regarde droit dans les yeux, et surtout l’impression d’une immaturité affective diffuse.

 Il m’explique qu’il vit chez ses parents, qu’il a pris le train pour venir ici « près des autres ». Il se dit heureux de danser seul « Je suis dans ma bulle , je sais que personne ne me parle... c’est comme ça », ajoute-t-il avec un petit sourire comme pour s’excuser.     .
J’essaie qu’il me donne le numéro de téléphone de ses parents, pour vérifier que tout est OK, mais il refuse de le faire. Nous parlons encore un peu, je lui explique ma motivation à l’avoir contacté (médecin préoccupé). Il me dit « Oui, les autres me trouvent bizarre». Mais je suis vraiment rassuré par ce bout de communication, je le lui dis, et j’ajoute que je souhaite qu’il continue à s’amuser comme il le faisait. Je prends congé, en lui tournant le dos. Rentré chez moi, mon épouse m’apprend qu’il s’est tout de suite éclipsé, seul. Hélas, je lui ai probablement fait peur et j’’en suis bien triste.

 

L’indifférence ? Je reste sidéré par l’indifférence massive de cette foule, occupée à goûter les plaisirs des retrouvailles et de l’alcool. Personne ne s’est dérangé -dans tous les sens étymologiques du terme- pour l’approcher, lui parler, essayer de comprendre ce qui se passait et s »il existait un risque social, Pis encore, personne ne le regardait, comme s’il n’existait pas! Ils avaient eu
 l’intuition que cet inconnu n’était pas de leur monde, ni comportemental, ni social.


J’entends déjà des voix protester : « Ils avaient peur; ils n’ont pas voulu le provoquer ». Oui peut-être l’un ou l’autre craignait-il cette sorte de chaman dansant ...mais le groupe aurait pu en déléguer quelques-uns, confiants en eux et bons communicateurs, pour au moins évaluer ce qui se passait.

Ou encore : « Ce n’est pas de l’indifférence,  c’est une magnifique tolérance, voire une vraie acceptation spontanée de la manière d’être individuelle… Nous sommes en 2021 et chacun se donne le droit d’être lui-même !...  Notre société est faite d’individualités qui s’affirment ». L’argument me paraît néanmoins bien peu convaincant. Sur le plan éthique, ne sommes-nous pas invités à accepter les choix de vie de chacun, certes, mais pour peu qu’ils ne mettent pas significativement en danger la vie d’autrui ou de la personne elle-même? Auquel cas, il y a devoir d’assistance.

 

Et ici, l’étrangeté prolongée du comportement de Loïc - évocateur par exemple d’une crise de schizophrénie- exigeait que soit faite cette vérification du risque, même brièvement, même approximativement, pas par d’hypothétiques professionnels mais par ses frères et sœurs de la communauté.

Mais non, leur indifférence à celui qui n’avait pas les codes du groupe a été aussi massive ce soir-là que leur indifférence aux règles sanitaires ( au cocotier, les papy et les mamy !) et que leur indifférence écologique (merci, soit dit en passant, à l’unique jeune fille qui a fait du ramassage de déchets une vingtaine de minutes vers 22heures). Indifférence de classe sociale aussi : tant pis pour ceux qui allaient se casser le dos deux ou trois heures le lendemain matin pour ramasser papiers gras, canettes et autres débris de bouteilles de vodka.


Acceptation de la différence ? Je n’ai aucun remords quant à mon comportement. En contactant Loïc , j’ai seulement voulu vérifier la question du danger : trop de désordre mental, trop d’incohérences et de perte de lucidité aurait pu conduire à d’imprévisibles drames.

Mais ce n’était le cas : ma conversation avec le jeune se voulait à l’écoute, respectueuse, délicate et elle m’a vite convaincu que le comportement de Loïc relevait d’un projet non dangereux et élaboré librement. « Danser, tourner autour des autres, dans ma bulle, sans que personne ne me parle ». Dans l’immédiateté de cette soirée, dans le cadre de notre brève rencontre, ce projet personnel, tout imparfait qu’il soit ( il faisait lui aussi l’impasse sur la rencontre de l’autre) m’a semblé pouvoir être reconnu et encouragé. Ce que j’ai fait explicitement, avant de partir.

On ne fait hélas pas d’omelettes sans casser d’œufs et Loïc a vite disparu, effrayé sans doute malgré tout par mon statut de vieux monsieur, médecin de surcroît, susceptible d’exercer un pouvoir au-delà de ses mots : peut-être de mauvais souvenirs pour lui !

J’espère de tout cœur qu’il est allé jouer et danser ailleurs en ville. Je suis triste, je l’ai dit, et je regrette que mon approche ne l’ait pas complètement rassuré. J’ai même l’espoir de le retrouver, à partir de ce texte et de lui offrir des chocolats pour m’excuser de lui avoir fait peur (Loïc est bien sûr un prénom
d’emprunt). Mais je ne me sens pas coupable et, si c’était à refaire, j’aurais la même attitude de sollicitude.


Tout est-il dit de la sorte ? Pas encore tout à fait ! La manière de se comporter de Loïc me semble être de l’ordre du compromis, acceptable personnellement, pour se donner une certaine joie de vivre dans un moment de fête collective. C’est déjà ça !  Néanmoins, il m’a parlé très vite de sa bulle, de sa solitude, des autres qui le trouvaient bizarre. J’espère donc que les responsables de son accompagnement quotidien, parents et autres professionnels, ont suffisamment de créativité pour accepter à la fois bien des dimensions originales de Loïc , mais aussi améliorer sa sociabilité et son insertion sociale.

 

"Ne regardez pas le renard qui passe", gauchement mais ensemble


Samedi 1er mai, 10h. Parce de la Source, Louvain-La-Neuve. De la fenêtre de notre appartement, nous voyons, sur la pelouse centrale, un groupe d’une quinzaine de jeunes adultes, certains en uniforme scout et d’autres pas. Ils sont sagement assis et, curieusement, ils jouent au jeu bien connu du mouchoir (" Ne regardez pas le renard qui passe… ").

Deux d’entre eux courent autour du cercle, assez gauchement, en se donnant la main. Et leur poursuivant trottine derrière, faisant tout ce qu’il peut...pour ne pas les attraper. En regardant mieux, nous voyons alors qu’une partie du groupe est constituée par des adultes, plutôt jeunes, présentant un handicap mental.
Ils reviennent déjeuner à midi sur une des tables du parc, et je souhaite les rencontrer :je traverse la pelouse d’un pas tranquille...je suis tout près...je demande à parler à la cheffe ou au chef, car je désire tout simplement les féliciter pour leur réelle acceptation de la différence sociale. Nous nous écartons d’un mètre ou deux et dix paires d’yeux nous fixent intensément, un peu anxieux, me rappelant le regard de Loïc la semaine passée. C’est en croisant tous ces regards que j’ai compris qu’ils étaient vraiment intégrés : ce qui arrivait au groupe, c’était leur affaire à tous, ils étaient concernés, personne n’était dans sa bulle. Reste à ajouter qu’ils m’ont dit des jeunes de la 11eme unité scoute de Jambes-Montagne (si j’ai bien compris) cinq cheffes et chefs étudiants et sept personnes handicapées. Et cerise sur le gâteau dans cette ambiance de respect de l’autre, les chefs ont demandé à voir la photo prise un peu plutôt et que je souhaitais diffuser, pour vérifier qu’elle respectait bien la vie privée chacun .

La semaine passée, j’ai dénoncé , sans le regretter, l’indifférence d’une foule de jeunes. S’ils sont capables du pire, parfois, les jeunes sont aussi capables du meilleur, et je voulais en témoigner...

Réactions

 

Ma réponse à Louis, 25 ans, qui invoque l’inhibition due à la timidité

 

Pour Louis:

 

Cher ami,

J'ai un vrai respect pour la timidité, qui nous amène à d'humbles aménagements dans nos vies, peur de rater certains types de rencontres...

Cependant, si elle nous fait rater trop de choses (p. ex., un lien amoureux), comme le dit la célèbre réplique de pierre richard : "Je suis timide, mais je me soigne"

Par ailleurs, dans certaines situations, celles où il pourrait y avoir danger, la timidité ne peut pas légitimer l'inertie anxieuse...il faut remplir notre devoir d'assistance, et aller aider, en prenant notre courage à deux mains

pour Loïc, il ne s'agissait pas d'abord de lui parler, mais de vérifier s'il n'était pas fou et s'il n'y avait pas besoin de secours

amitiés

 

 

 

Soutien simple :Dr Emmanuel de becker ; Mr ;me caroline Maison, psychologue ;dr Christophe Panichelli ;Vincent Liévin, journaliste ; dr Brigite Kevers ; Pr dominique Charlier ; dr guy Loute ; dr jean-Bernard turine ; dr A Maernoudt ; dr Sophie Symann

 

Dr Patrick Castelain

Mon cher Jean-Yves,

 

Inutile de t’expliquer que le monde est complexe et que c’est à nous d’en découvrir toutes les facettes . Ce que tu fais toujours avec ton infatigable curiosité des choses et des hommes ! Tu as eu encore une fois l’ »honnêteté » et la modestie de nous en faire part, ce qui nous encourage aussi à continuer à croire dans l’humain .

J’espère que nous pourrons tous nous retrouver joyeux et  en bonne santé en bord de Meuse ou ailleurs cet automne !

Avec toute mon amitié,

 

 

Dr Valérie van Ransbeeck

Cher Jean-Yves,

Merci pour ton mail, le partage en ces temps de distanciation fait du bien.. même si le témoignage est en demi-teinte.

Amitiés 

Mr Alain Sansterre

 

Bonsoir et merci, Jean-Yves. Heureusement, le meilleur côtoie le pire.

 

Bien à toi

Alain

Mme Sofyz Terlez,psychologue

 

Cher Jean-Yves,

 

Merci beaucoup pour ton texte. 

En plaine blocus je me fais petite pause en lisant tes articles. 

Je suis très touché par ta propre indifférence au monde ( ??????????), ta langue et ton souhaite de partager ton expérience. 

 

Dr Sophie Dechène

 

Je préfère cette histoire-ci 🙂. Il reste encore des gens qui respectent les vieilles valeurs d'altruisme, de respect de la différence et ne se laissent pas envahir par l'individualisme préconisé au nom de l'émancipation et du droit à la liberté, beaucoup plus à la mode (et malheureusement bien souvent véhiculé par la psychologie).


Je te remercie pour ce partage.

Mme Roxana Kalfa, psychologue

 

Merci Jean-Yves pour ce texte émouvant, qui rappelle qu'aucun homme n'est une île, que nous sommes tous concernés par le bien  des autres, et pourtant qu'on oublie si souvent

 

Je me rends compte que c'est rare que je réponde à tes messages collectifs, mais ce n'est pas pour autant que je les apprécie moins. Au contraire

 

Merci pour ce beau travail de rappel du lien qui nous tient ensemble

 

Dr Philippe Cattiez

 

Cher Jean-Yves,

Je voulais te féliciter pour l’article de la Libre de ce lundi ("pas eu le temps hier" - triste et banale excuse)

Plein d’humanité, de sagesse et digne de ton immense expérience !

Amitiés

PhC

 

De mr Jean Masson

Je pense que ta sensibilité, ton empathie, ton métier, reviennent à la surface comme un boomerang et que ce garçon symbolisait à lui seul toute  l'indifférence du monde face, justement,  à la différence, face à la "non-norme", ....

Quant à faire sa recherche pour lui offrir des chocolats, cela semblerait incompris et certainement très décalé dans le contexte actuel...Tel est mon humble avis..

A plus...big amitiés

 

Dr Chantal Malevez

Cher Jean-Yves, ton texte m'a profondément émue et je me suis permis de le transférer à mes enfants et petits-enfants (19,17,15 ans) puis à des amis très chers (un couple a un petit fils autiste) puis à un club, le Club L dont je fais partie, club de femmes de tous âges et de toutes orientations mais unies par une profonde amitié. Bien que je pense que la meilleure diffusion puisse se faire par les réseaux sociaux, je ne suis pas très réseaux sociaux, moi-même et ne me permettrais donc pas de le diffuser ainsi.Je pense que ton texte magnifique d'humanité mérite une ample diffusion parce que au delà de cette différence que tu nous expliques , il y a aussi toutes les différences ethniques, raciales, sociales et autres que tu mets en évidence mais je ne connais personne dans le monde journalistique et ne peux pas t'aider.Bien amicalement Chantal

 

Et puis Cher Jean Yves , merci pour ton 2ème texte qui remet un peu l'église au milieu du village et témoigne d'attitudes qui peuvent être plus humaines.Mes enfants et mon gendre, mes petits-enfants ont toujours fait du scoutisme et en font encore et il n'est pas rare que dans l'une ou l'autre patrouille il y ait eu un enfant , je dirais "différent" très bien intégré par la patrouille.Mais dans ton premier article toute la problématique de l'enfant "différent", comment parfois l'aborder?

 

 Dr Jacqueline de groot

Merci Jean-Yves pour ton double temoignage.

De petites initiatives souvent invisibles ressortissant d’une créativité soit personnelle, soit à partir  d’une association quelconque , me réjouissent et éveillent en moi l’énergie de faire de même !

Belles histories qui peuvent inciter d’autres à faire de même .

Jacqueline

 

 

Françoise Leurquin, psychologue, fondatrice de l’atelier du lien         
Bonjour Jean-Yves,

 

Première réaction : ton mouvement vers lui me semble très très touchant.  Le sien aussi : tant dans l'échange que dans sa fuite ("fuite" de ou dans sa bulle "perçée":)).  Peut être que ton intervention a stoppé une crise ? T'attacher à le retrouver avec des chocolats-rustines qui font lien ?

Quelle jolie histoire !

Je n'ai pas beaucoup d'inspiration pour savoir comment le retrouver si ce n'est en diffusant peut être d'abord dans les institutions de LLN ?  Est il vraiment venu en train?  Il y a une maison dans le quartier de Lauzelle, qui accueille des personnes plus ou moins autonomes.  C'est quasi en face du bas de la rue d'aulne (où j'habitais) : en descendant, le bâtiment en face à droite.  S'il est allé au centre, il passe probablement d'office par l'endroit où tu l'as vu.

 

Ma réponse c'est très possible en effet....et même plus probable que le train

au-delà de mon attitude, j'ai vraiment trouvé glaçante, au moins ce soir-là, l'indifférence de cette foule en ripaille avec ce jeune qui virevoltait en plein milieu, pas dans un coin quelconque...j'en suis traumatisé, d'où mon écrit auto-libératoire

 

Sa réponse : Cela me touche aussi .  C'est, me semble-t-il, ce que vivent toutes les personnes confrontées à une solitude quasi radicale par rapport à des vécus impossibles à partager, voire interdits à partager (par injonction ext ou int, implicite ou explicite), incompréhensibles... et s'ils deviennent partiellement compréhensibles, c'est une telle révolution psychique, que la conscience d'être "vu ou reconnu"  mais "toujours mal vu ou mal reconnu" est quasi insoutenable, voire dangereux.  Des parties de moi connaissent bien cela (départ d'Afrique).  Ceci dit, sentir une intention bienveillante, prudente, modeste et sensible de quelqu'un fait du bien même si cela semble ne produire aucun effet. 

 

Dr Jerome Cauchies

 

Merci pour ton texte Jean-Yves sur la différence et l'indifférence. Souvent ces deux termes sont liés. Je suis certain que tu as laissé un bon souvenir à Loic que tu reverras peut-être. 

 

Dr Jacques Laruelle

 

Comme je n'ai jamais exercé la médecine en Belgique et que j'habite actuellement en Flandre, je ne puis t'aider à retrouver ce jeune garçon. Je tenais néanmoins à témoigner mon soutien à ton message poignant !

 

mme Hammarqvist

 

Ooohhh que ça fait du bien de lire que l'humanité existe! Ainsi que la préoccupation pour l'autrui. C'est magique.

 

Dr Alain Bachy

 

Merci pour ton  histoire  bien émouvante.

Personellement, je pense que je n'aurais pas perçu une situation à risque  et n'aurais pas approché Loïc. Peut-être à tort ?

Je ne suis pas pédopsyciatre.

 

Ma réponse Tu ne l’as pas vu courir en grand cercle, toujours le même, au moins 40 min Alain, c’était hallucinant….

 

Madame Gwena Ansiaeu

 

Cher Professeur,

 

Je me permets de vous envoyer ces quelques lignes, sans autre objectif que de vous dire à quel point votre texte dans LLB m’a touchée.

J’aurais également été sidérée, je pense, de voir ce « Loic » au milieu des jeunes, deux mondes qui ne se sont pas croisés.

Je pense que j’aurais eu, comme vous, cette envie, dans mes tripes, d’aller au-devant de lui et de le rassurer sur le fait que quelqu’un l’avait bien vu, et s’était inquiété de lui.

Ayant moi-même perdu un enfant accidentellement, je suis bénévole dans l’ASBL Parents désenfantés, et nous accueillons des parents endeuillés après une maladie, un accident, un incendie, un infanticide.. mais aussi beaucoup de suicides. Je suis toujours infiniment touchée d’entendre ces parents parler de ce qui s’est passé, pour peu qu’ils le sachent eux-mêmes. Certains n’ont pas vu la souffrance de leur enfant et restent avec leurs questions.

Le Covid n’arrange rien, et on aimerait voir plus souvent des gestes d’humanité et de bienveillance comme le vôtre. Ils peuvent faire une telle différence…

 

Merci d’avoir pris votre plume pour nous raconter cette scène incroyable. J’espère que les jeunes présents ce jour-là sur la pelouse l’auront lue également…

 

 

Mme Géradin

Cher Monsieur,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article consacré à Loïc.  Je suis moi-même grand-mère de 12 petits-enfants dont 8 garçons  de 22 à 33 ans.  Dont xxxxx) que vous avez suivi pendant un temps.  Il en garde un très bon souvenir, de même que ses parents.
Ils sont tous gentils, respectueux mais aussi timides.  Je ne suis pas sûre qu’ils auraient osé quitter le groupe des « guindailleurs » pour aller vers Loïc.  Cela m’attriste comme vous.  Certains, chefs de mouvements de jeunesse (scouts),  pourraient y être sensibles.  Je vais leur en parler.

 

Mr de Lobkowicz

 

bien cher docteur,

 

dans La Libre d’aujourd’hui.

 

Je comprends tellement que vous souhaitiez retrouver ce jeune garçon dans lequel je retrouve mon fils xxxx dont vous vous êtes  occupé il y a déjà pas mal de temps.

 

J'espère que ses parents prendront contact avec vous.

 

Bien respectueusement par rapport à votre travail et aussi bien amicalement.

 

 

Association Un toit un cœur

 

Je voudrais vous féliciter et vous remercier pour votre article d’aujourd’hui dans la LB

En tant que présidente et cofondatrice d’Utuc, je ne peux qu’applaudir votre attitude et vos propos

A Utuc où nous accueillons des jeunes « différents », des frères de Loïc, nous cherchons à rétablir un lien social, avec les habitants bénévoles mais aussi avec les étudiants grâce à la participation de 3 KAP

Nous cherchons, par ce biais,à faire connaître la réalité des jeunes qui vivent en marge pour diverses raisons et qui sont objets de mépris ou d'indifférence.  

Il pourrait être intéressant de vous rencontrer et de réfléchir ensemble aux actions de sensibilisation que nous pourrions mener sur LLN

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez me rencontrer pour voir ce que nous pourrions faire ensemble

Bien cordialement

Evelyne Louveaux

coprésidente 

 

christine vander borght, psychologue

 

j'ai par hasard acheté La Libre ce lundi et j'ai donc lu ton sympathique article sur le jeune derviche tourneur. Impressionnant;

 

Jean-Pol Leclerq

 

Rapidement, je réagis à tes deux derniers envois relatifs l'un à l'indifférence et le suivant à l'acceptation de la différence. Ma réaction se limitera pour l'instant à quelques réflexions sommaires et peu structurées. Peut-être, y reviendrais-je plus tard pour mieux construire ma pensée.

 

  1. Lorsque je siégeais à l'AWIPH, voici une quinzaine d'années, j'étais souvent assis face à une affiche dont le texte m'interpellait. Je ne comprenais pas le sens de "Pour l'égalité des différences". J'aurais mieux compris "Egaux avec nos différences".

 

  1. Tu évoques l'indifférence dans son acceptation de manque d'attention à l'autre. Mais ce mot signifie aussi inacceptation de la différence, ce que je retrouve dans le courant égalitariste ... qui ménerait à mes yeux à l'indifférence aux autres. Comme quoi, vouloir nier les différences ( de race, de genre, ...) pourrait en fait mener à ne plus se soucier des autres, tout le monde étant pris dans un magma de confusion indifférenciée. Loin de moi, les idées racistes mais quid de pourfendre le "père fouettard" qui fait partie d'une culture qui structure notre psychisme. Loin de moi de ne pas respecter les femmes, mais quid de la croisade de certains contre les chants étudiants. J'ai vraiment l'impression qu'on en revient à l'époque de Mac Carthy et que, à force de "politiquement correct", l'on détriut tous les repères qui aident les jeunes à forger leur identité.à un certain moment de leur vie.

 

  1. Or une identité suffisamment sûre d'elle est, à mes yeux, la base de sécurité (Pierre Fontaine aurait-il parlé, en référence à Erickson, de la confiance de base?) nécessaire pour accepter l'autre dans sa différence et aller à sa rencontre. Le flou identitaire, voire le malaise identitaire actuel de nombre de nos concitoyens me semble un des maux de la société actuelle.

 

  1. L'indifférence est à l'oeuvre en de très nombreux endroits, y compris dans certains milieux psys lorsque les besoins de soins des plus fragiles sont niés en se référant à l'absence de demande formulée, par exemple par certains psychotiques. J'ai parfois tellement l'impression que certains de nos semblables sont tellement niés dans ce qui constitue leur essence, leur être profond que je n'hésite pas à parler d' "euthanasie sociale". Certains n'existent plus pour la société, leur existence est niée.... au point qu'il arrive, comme voici une dizaine d'années, qu'un jeune psychotique meurre dans sa tente plantée dans un parc de Gand, au milieu de l'indifférence générale des nombreux promeneurs fréquentant ce parc.

 

  1. En conclusion, j'admire que tu aies osé un devoir d'ingérence et te suis reconnaissant de l'écrire. Tu t'es montré humain au risque de te faire traiter de "mêle-tout". Il est aussi rassurant de te lire à propos des jeunes soucieux des autres.

 

 

Je profite de cet envoi pour te demander si je peux adresser au journal "Le Soir" ton avis humoristique relatif à la fessée. Ce dernier mercredi 5 mai, un article est paru avec pour titre "Modifier le code civil pour interdire la fessée?". J'avais l'intention de leur adresser ton avis ainsi que ma réaction de l'époque et d'y joindre une copie des pages que consacre Maurice Berger à cette problématique dans son dernier ouvrage "De l'incivilité au terrorisme". Me permets-tu d'utiliser ton envoi de septembre 2018?

 

A l'évoquer, l'interdiction de la fessée s'inscrit peut-être aussi dans le courant "politiquement correct" de l'indifférenciation qui ferait aussi des enfants les égaux de leurs parents ( égaux en valeur et dignes de respect, d'accord; égaux en capacités de discernement, pas d'accord).

 

Bon week-end et avec mes amitiés,

 

Jean-Paul.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pr. Jean-Yves Hayez                                                   

Psychiatre infanto-juvénile

Docteur en psychologie                                                       

Professeur émérite à l’UCL

Cours Durendal, 3/102

B-1348, Louvain-la-Neuve

Tél. (32)10.418069

Courriel  

 

 

Pour Loïc, le jeune derviche danseur.

Petite histoire sur l’indifférence et l’acceptation de la différence.


                                                                                                              Jean-Yves Hayez.

Vendredi 23 avril, 20h15. Les fenêtres de mon appartement donnent sur le Parc de la Source, un des poumons verts de Louvain la Neuve. Dans le parc, plus de 300 jeunes, manifestation autorisée m’a-t-on dit. Néanmoins, ils sont agglutinés par petits groupes d’une vingtaine , à des années-lumière du respect des règles sanitaires. Bière et alcool coulent en abondance et les déchets aussi, en veux-tu en voilà. Deux voitures de police sont déjà passées, lentement, sans s’arrêter, pas vraiment pour fuir le caillassage, mais plutôt par sagesse : que peuvent deux gardiens de la paix contre une fourmilière prête à s’égailler, sinon se couvrir de ridicule !


Curieusement, les jeunes ont laissé vide le centre de la pelouse, un cercle d’une quinzaine de mètres de diamètre et se cantonnent à la périphérie. Un garçon de leur âge y court tout seul, sans relâche, traçant inlassablement le même grand cercle, des écouteurs aux oreilles. Il court, bondit, gesticule en caricaturant une danse, sans quasi jamais se reposer plus que quelques instants. Voilà plus d’une demi-heure que je l’observe, par intermittences de plus en plus rapprochées, il tourne et tourne et fait le vide autour de lui, sans contact avec personne.                
Le médecin que je suis se préoccupe de plus en plus de cette interminable ronde folle, posant la question d’une crise dans une maladie mentale.       
Je me décide donc à aller vers lui ; je traverse la pelouse d’un pas tranquille ; je suis tout près de lui…il s’arrête, un peu inquiet…je lui dis bonsoir en souriant…nous nous présentons : « Jean-Yves, Loïc».  Et il se met à communiquer gentiment avec moi. Comme je le prévoyais, rien ne correspond chez lui aux critères standards de la normalité : j’identifie quelques signes physiques et cognitifs d’un léger retard mental, quelques traits autistiques aussi,  bien qu’il me regarde droit dans les yeux, et surtout l’impression d’une immaturité affective diffuse.

 Il m’explique qu’il vit chez ses parents, qu’il a pris le train pour venir ici « près des autres ». Il se dit heureux de danser seul « Je suis dans ma bulle , je sais que personne ne me parle... c’est comme ça », ajoute-t-il avec un petit sourire comme pour s’excuser.     .
J’essaie qu’il me donne le numéro de téléphone de ses parents, pour vérifier que tout est OK, mais il refuse de le faire. Nous parlons encore un peu, je lui explique ma motivation à l’avoir contacté (médecin préoccupé). Il me dit « Oui, les autres me trouvent bizarre». Mais je suis vraiment rassuré par ce bout de communication, je le lui dis, et j’ajoute que je souhaite qu’il continue à s’amuser comme il le faisait. Je prends congé, en lui tournant le dos. Rentré chez moi, mon épouse m’apprend qu’il s’est tout de suite éclipsé, seul. Hélas, je lui ai probablement fait peur et j’’en suis bien triste.

 

L’indifférence ? Je reste sidéré par l’indifférence massive de cette foule, occupée à goûter les plaisirs des retrouvailles et de l’alcool. Personne ne s’est dérangé -dans tous les sens étymologiques du terme- pour l’approcher, lui parler, essayer de comprendre ce qui se passait et s »il existait un risque social, Pis encore, personne ne le regardait, comme s’il n’existait pas! Ils avaient eu
 l’intuition que cet inconnu n’était pas de leur monde, ni comportemental, ni social.


J’entends déjà des voix protester : « Ils avaient peur; ils n’ont pas voulu le provoquer ». Oui peut-être l’un ou l’autre craignait-il cette sorte de chaman dansant ...mais le groupe aurait pu en déléguer quelques-uns, confiants en eux et bons communicateurs, pour au moins évaluer ce qui se passait.

Ou encore : « Ce n’est pas de l’indifférence,  c’est une magnifique tolérance, voire une vraie acceptation spontanée de la manière d’être individuelle… Nous sommes en 2021 et chacun se donne le droit d’être lui-même !...  Notre société est faite d’individualités qui s’affirment ». L’argument me paraît néanmoins bien peu convaincant. Sur le plan éthique, ne sommes-nous pas invités à accepter les choix de vie de chacun, certes, mais pour peu qu’ils ne mettent pas significativement en danger la vie d’autrui ou de la personne elle-même? Auquel cas, il y a devoir d’assistance.

 

Et ici, l’étrangeté prolongée du comportement de Loïc - évocateur par exemple d’une crise de schizophrénie- exigeait que soit faite cette vérification du risque, même brièvement, même approximativement, pas par d’hypothétiques professionnels mais par ses frères et sœurs de la communauté.

Mais non, leur indifférence à celui qui n’avait pas les codes du groupe a été aussi massive ce soir-là que leur indifférence aux règles sanitaires ( au cocotier, les papy et les mamy !) et que leur indifférence écologique (merci, soit dit en passant, à l’unique jeune fille qui a fait du ramassage de déchets une vingtaine de minutes vers 22heures). Indifférence de classe sociale aussi : tant pis pour ceux qui allaient se casser le dos deux ou trois heures le lendemain matin pour ramasser papiers gras, canettes et autres débris de bouteilles de vodka.


Acceptation de la différence ? Je n’ai aucun remords quant à mon comportement. En contactant Loïc , j’ai seulement voulu vérifier la question du danger : trop de désordre mental, trop d’incohérences et de perte de lucidité aurait pu conduire à d’imprévisibles drames.

Mais ce n’était le cas : ma conversation avec le jeune se voulait à l’écoute, respectueuse, délicate et elle m’a vite convaincu que le comportement de Loïc relevait d’un projet non dangereux et élaboré librement. « Danser, tourner autour des autres, dans ma bulle, sans que personne ne me parle ». Dans l’immédiateté de cette soirée, dans le cadre de notre brève rencontre, ce projet personnel, tout imparfait qu’il soit ( il faisait lui aussi l’impasse sur la rencontre de l’autre) m’a semblé pouvoir être reconnu et encouragé. Ce que j’ai fait explicitement, avant de partir.

On ne fait hélas pas d’omelettes sans casser d’œufs et Loïc a vite disparu, effrayé sans doute malgré tout par mon statut de vieux monsieur, médecin de surcroît, susceptible d’exercer un pouvoir au-delà de ses mots : peut-être de mauvais souvenirs pour lui !

J’espère de tout cœur qu’il est allé jouer et danser ailleurs en ville. Je suis triste, je l’ai dit, et je regrette que mon approche ne l’ait pas complètement rassuré. J’ai même l’espoir de le retrouver, à partir de ce texte et de lui offrir des chocolats pour m’excuser de lui avoir fait peur (Loïc est bien sûr un prénom
d’emprunt). Mais je ne me sens pas coupable et, si c’était à refaire, j’aurais la même attitude de sollicitude.


Tout est-il dit de la sorte ? Pas encore tout à fait ! La manière de se comporter de Loïc me semble être de l’ordre du compromis, acceptable personnellement, pour se donner une certaine joie de vivre dans un moment de fête collective. C’est déjà ça !  Néanmoins, il m’a parlé très vite de sa bulle, de sa solitude, des autres qui le trouvaient bizarre. J’espère donc que les responsables de son accompagnement quotidien, parents et autres professionnels, ont suffisamment de créativité pour accepter à la fois bien des dimensions originales de Loïc , mais aussi améliorer sa sociabilité et son insertion sociale.

 

"Ne regardez pas le renard qui passe", gauchement mais ensemble


Samedi 1er mai, 10h. Parce de la Source, Louvain-La-Neuve. De la fenêtre de notre appartement, nous voyons, sur la pelouse centrale, un groupe d’une quinzaine de jeunes adultes, certains en uniforme scout et d’autres pas. Ils sont sagement assis et, curieusement, ils jouent au jeu bien connu du mouchoir (" Ne regardez pas le renard qui passe… ").

Deux d’entre eux courent autour du cercle, assez gauchement, en se donnant la main. Et leur poursuivant trottine derrière, faisant tout ce qu’il peut...pour ne pas les attraper. En regardant mieux, nous voyons alors qu’une partie du groupe est constituée par des adultes, plutôt jeunes, présentant un handicap mental.
Ils reviennent déjeuner à midi sur une des tables du parc, et je souhaite les rencontrer :je traverse la pelouse d’un pas tranquille...je suis tout près...je demande à parler à la cheffe ou au chef, car je désire tout simplement les féliciter pour leur réelle acceptation de la différence sociale. Nous nous écartons d’un mètre ou deux et dix paires d’yeux nous fixent intensément, un peu anxieux, me rappelant le regard de Loïc la semaine passée. C’est en croisant tous ces regards que j’ai compris qu’ils étaient vraiment intégrés : ce qui arrivait au groupe, c’était leur affaire à tous, ils étaient concernés, personne n’était dans sa bulle. Reste à ajouter qu’ils m’ont dit des jeunes de la 11eme unité scoute de Jambes-Montagne (si j’ai bien compris) cinq cheffes et chefs étudiants et sept personnes handicapées. Et cerise sur le gâteau dans cette ambiance de respect de l’autre, les chefs ont demandé à voir la photo prise un peu plutôt et que je souhaitais diffuser, pour vérifier qu’elle respectait bien la vie privée chacun .

La semaine passée, j’ai dénoncé , sans le regretter, l’indifférence d’une foule de jeunes. S’ils sont capables du pire, parfois, les jeunes sont aussi capables du meilleur, et je voulais en témoigner...

Réactions

 

Ma réponse à Louis, 25 ans, qui invoque l’inhibition due à la timidité

 

Pour Louis:

 

Cher ami,

J'ai un vrai respect pour la timidité, qui nous amène à d'humbles aménagements dans nos vies, peur de rater certains types de rencontres...

Cependant, si elle nous fait rater trop de choses (p. ex., un lien amoureux), comme le dit la célèbre réplique de pierre richard : "Je suis timide, mais je me soigne"

Par ailleurs, dans certaines situations, celles où il pourrait y avoir danger, la timidité ne peut pas légitimer l'inertie anxieuse...il faut remplir notre devoir d'assistance, et aller aider, en prenant notre courage à deux mains

pour Loïc, il ne s'agissait pas d'abord de lui parler, mais de vérifier s'il n'était pas fou et s'il n'y avait pas besoin de secours

amitiés

 

 

 

Soutien simple :Dr Emmanuel de becker ; Mr ;me caroline Maison, psychologue ;dr Christophe Panichelli ;Vincent Liévin, journaliste ; dr Brigite Kevers ; Pr dominique Charlier ; dr guy Loute ; dr jean-Bernard turine ; dr A Maernoudt ; dr Sophie Symann

 

Dr Patrick Castelain

Mon cher Jean-Yves,

 

Inutile de t’expliquer que le monde est complexe et que c’est à nous d’en découvrir toutes les facettes . Ce que tu fais toujours avec ton infatigable curiosité des choses et des hommes ! Tu as eu encore une fois l’ »honnêteté » et la modestie de nous en faire part, ce qui nous encourage aussi à continuer à croire dans l’humain .

J’espère que nous pourrons tous nous retrouver joyeux et  en bonne santé en bord de Meuse ou ailleurs cet automne !

Avec toute mon amitié,

 

 

Dr Valérie van Ransbeeck

Cher Jean-Yves,

Merci pour ton mail, le partage en ces temps de distanciation fait du bien.. même si le témoignage est en demi-teinte.

Amitiés 

Mr Alain Sansterre

 

Bonsoir et merci, Jean-Yves. Heureusement, le meilleur côtoie le pire.

 

Bien à toi

Alain

Mme Sofyz Terlez,psychologue

 

Cher Jean-Yves,

 

Merci beaucoup pour ton texte. 

En plaine blocus je me fais petite pause en lisant tes articles. 

Je suis très touché par ta propre indifférence au monde ( ??????????), ta langue et ton souhaite de partager ton expérience. 

 

Dr Sophie Dechène

 

Je préfère cette histoire-ci 🙂. Il reste encore des gens qui respectent les vieilles valeurs d'altruisme, de respect de la différence et ne se laissent pas envahir par l'individualisme préconisé au nom de l'émancipation et du droit à la liberté, beaucoup plus à la mode (et malheureusement bien souvent véhiculé par la psychologie).


Je te remercie pour ce partage.

Mme Roxana Kalfa, psychologue

 

Merci Jean-Yves pour ce texte émouvant, qui rappelle qu'aucun homme n'est une île, que nous sommes tous concernés par le bien  des autres, et pourtant qu'on oublie si souvent

 

Je me rends compte que c'est rare que je réponde à tes messages collectifs, mais ce n'est pas pour autant que je les apprécie moins. Au contraire

 

Merci pour ce beau travail de rappel du lien qui nous tient ensemble

 

Dr Philippe Cattiez

 

Cher Jean-Yves,

Je voulais te féliciter pour l’article de la Libre de ce lundi ("pas eu le temps hier" - triste et banale excuse)

Plein d’humanité, de sagesse et digne de ton immense expérience !

Amitiés

PhC

 

De mr Jean Masson

Je pense que ta sensibilité, ton empathie, ton métier, reviennent à la surface comme un boomerang et que ce garçon symbolisait à lui seul toute  l'indifférence du monde face, justement,  à la différence, face à la "non-norme", ....

Quant à faire sa recherche pour lui offrir des chocolats, cela semblerait incompris et certainement très décalé dans le contexte actuel...Tel est mon humble avis..

A plus...big amitiés

 

Dr Chantal Malevez

Cher Jean-Yves, ton texte m'a profondément émue et je me suis permis de le transférer à mes enfants et petits-enfants (19,17,15 ans) puis à des amis très chers (un couple a un petit fils autiste) puis à un club, le Club L dont je fais partie, club de femmes de tous âges et de toutes orientations mais unies par une profonde amitié. Bien que je pense que la meilleure diffusion puisse se faire par les réseaux sociaux, je ne suis pas très réseaux sociaux, moi-même et ne me permettrais donc pas de le diffuser ainsi.Je pense que ton texte magnifique d'humanité mérite une ample diffusion parce que au delà de cette différence que tu nous expliques , il y a aussi toutes les différences ethniques, raciales, sociales et autres que tu mets en évidence mais je ne connais personne dans le monde journalistique et ne peux pas t'aider.Bien amicalement Chantal

 

Et puis Cher Jean Yves , merci pour ton 2ème texte qui remet un peu l'église au milieu du village et témoigne d'attitudes qui peuvent être plus humaines.Mes enfants et mon gendre, mes petits-enfants ont toujours fait du scoutisme et en font encore et il n'est pas rare que dans l'une ou l'autre patrouille il y ait eu un enfant , je dirais "différent" très bien intégré par la patrouille.Mais dans ton premier article toute la problématique de l'enfant "différent", comment parfois l'aborder?

 

 Dr Jacqueline de groot

Merci Jean-Yves pour ton double temoignage.

De petites initiatives souvent invisibles ressortissant d’une créativité soit personnelle, soit à partir  d’une association quelconque , me réjouissent et éveillent en moi l’énergie de faire de même !

Belles histories qui peuvent inciter d’autres à faire de même .

Jacqueline

 

 

Françoise Leurquin, psychologue, fondatrice de l’atelier du lien         
Bonjour Jean-Yves,

 

Première réaction : ton mouvement vers lui me semble très très touchant.  Le sien aussi : tant dans l'échange que dans sa fuite ("fuite" de ou dans sa bulle "perçée":)).  Peut être que ton intervention a stoppé une crise ? T'attacher à le retrouver avec des chocolats-rustines qui font lien ?

Quelle jolie histoire !

Je n'ai pas beaucoup d'inspiration pour savoir comment le retrouver si ce n'est en diffusant peut être d'abord dans les institutions de LLN ?  Est il vraiment venu en train?  Il y a une maison dans le quartier de Lauzelle, qui accueille des personnes plus ou moins autonomes.  C'est quasi en face du bas de la rue d'aulne (où j'habitais) : en descendant, le bâtiment en face à droite.  S'il est allé au centre, il passe probablement d'office par l'endroit où tu l'as vu.

 

Ma réponse c'est très possible en effet....et même plus probable que le train

au-delà de mon attitude, j'ai vraiment trouvé glaçante, au moins ce soir-là, l'indifférence de cette foule en ripaille avec ce jeune qui virevoltait en plein milieu, pas dans un coin quelconque...j'en suis traumatisé, d'où mon écrit auto-libératoire

 

Sa réponse : Cela me touche aussi .  C'est, me semble-t-il, ce que vivent toutes les personnes confrontées à une solitude quasi radicale par rapport à des vécus impossibles à partager, voire interdits à partager (par injonction ext ou int, implicite ou explicite), incompréhensibles... et s'ils deviennent partiellement compréhensibles, c'est une telle révolution psychique, que la conscience d'être "vu ou reconnu"  mais "toujours mal vu ou mal reconnu" est quasi insoutenable, voire dangereux.  Des parties de moi connaissent bien cela (départ d'Afrique).  Ceci dit, sentir une intention bienveillante, prudente, modeste et sensible de quelqu'un fait du bien même si cela semble ne produire aucun effet. 

 

Dr Jerome Cauchies

 

Merci pour ton texte Jean-Yves sur la différence et l'indifférence. Souvent ces deux termes sont liés. Je suis certain que tu as laissé un bon souvenir à Loic que tu reverras peut-être. 

 

Dr Jacques Laruelle

 

Comme je n'ai jamais exercé la médecine en Belgique et que j'habite actuellement en Flandre, je ne puis t'aider à retrouver ce jeune garçon. Je tenais néanmoins à témoigner mon soutien à ton message poignant !

 

mme Hammarqvist

 

Ooohhh que ça fait du bien de lire que l'humanité existe! Ainsi que la préoccupation pour l'autrui. C'est magique.

 

Dr Alain Bachy

 

Merci pour ton  histoire  bien émouvante.

Personellement, je pense que je n'aurais pas perçu une situation à risque  et n'aurais pas approché Loïc. Peut-être à tort ?

Je ne suis pas pédopsyciatre.

 

Ma réponse Tu ne l’as pas vu courir en grand cercle, toujours le même, au moins 40 min Alain, c’était hallucinant….

 

Madame Gwena Ansiaeu

 

Cher Professeur,

 

Je me permets de vous envoyer ces quelques lignes, sans autre objectif que de vous dire à quel point votre texte dans LLB m’a touchée.

J’aurais également été sidérée, je pense, de voir ce « Loic » au milieu des jeunes, deux mondes qui ne se sont pas croisés.

Je pense que j’aurais eu, comme vous, cette envie, dans mes tripes, d’aller au-devant de lui et de le rassurer sur le fait que quelqu’un l’avait bien vu, et s’était inquiété de lui.

Ayant moi-même perdu un enfant accidentellement, je suis bénévole dans l’ASBL Parents désenfantés, et nous accueillons des parents endeuillés après une maladie, un accident, un incendie, un infanticide.. mais aussi beaucoup de suicides. Je suis toujours infiniment touchée d’entendre ces parents parler de ce qui s’est passé, pour peu qu’ils le sachent eux-mêmes. Certains n’ont pas vu la souffrance de leur enfant et restent avec leurs questions.

Le Covid n’arrange rien, et on aimerait voir plus souvent des gestes d’humanité et de bienveillance comme le vôtre. Ils peuvent faire une telle différence…

 

Merci d’avoir pris votre plume pour nous raconter cette scène incroyable. J’espère que les jeunes présents ce jour-là sur la pelouse l’auront lue également…

 

 

Mme Géradin

Cher Monsieur,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article consacré à Loïc.  Je suis moi-même grand-mère de 12 petits-enfants dont 8 garçons  de 22 à 33 ans.  Dont xxxxx) que vous avez suivi pendant un temps.  Il en garde un très bon souvenir, de même que ses parents.
Ils sont tous gentils, respectueux mais aussi timides.  Je ne suis pas sûre qu’ils auraient osé quitter le groupe des « guindailleurs » pour aller vers Loïc.  Cela m’attriste comme vous.  Certains, chefs de mouvements de jeunesse (scouts),  pourraient y être sensibles.  Je vais leur en parler.

 

Mr de Lobkowicz

 

bien cher docteur,

 

dans La Libre d’aujourd’hui.

 

Je comprends tellement que vous souhaitiez retrouver ce jeune garçon dans lequel je retrouve mon fils xxxx dont vous vous êtes  occupé il y a déjà pas mal de temps.

 

J'espère que ses parents prendront contact avec vous.

 

Bien respectueusement par rapport à votre travail et aussi bien amicalement.

 

 

Association Un toit un cœur

 

Je voudrais vous féliciter et vous remercier pour votre article d’aujourd’hui dans la LB

En tant que présidente et cofondatrice d’Utuc, je ne peux qu’applaudir votre attitude et vos propos

A Utuc où nous accueillons des jeunes « différents », des frères de Loïc, nous cherchons à rétablir un lien social, avec les habitants bénévoles mais aussi avec les étudiants grâce à la participation de 3 KAP

Nous cherchons, par ce biais,à faire connaître la réalité des jeunes qui vivent en marge pour diverses raisons et qui sont objets de mépris ou d'indifférence.  

Il pourrait être intéressant de vous rencontrer et de réfléchir ensemble aux actions de sensibilisation que nous pourrions mener sur LLN

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez me rencontrer pour voir ce que nous pourrions faire ensemble

Bien cordialement

Evelyne Louveaux

coprésidente 

 

christine vander borght, psychologue

 

j'ai par hasard acheté La Libre ce lundi et j'ai donc lu ton sympathique article sur le jeune derviche tourneur. Impressionnant;

 

Jean-Pol Leclerq

 

Rapidement, je réagis à tes deux derniers envois relatifs l'un à l'indifférence et le suivant à l'acceptation de la différence. Ma réaction se limitera pour l'instant à quelques réflexions sommaires et peu structurées. Peut-être, y reviendrais-je plus tard pour mieux construire ma pensée.

 

  1. Lorsque je siégeais à l'AWIPH, voici une quinzaine d'années, j'étais souvent assis face à une affiche dont le texte m'interpellait. Je ne comprenais pas le sens de "Pour l'égalité des différences". J'aurais mieux compris "Egaux avec nos différences".

 

  1. Tu évoques l'indifférence dans son acceptation de manque d'attention à l'autre. Mais ce mot signifie aussi inacceptation de la différence, ce que je retrouve dans le courant égalitariste ... qui ménerait à mes yeux à l'indifférence aux autres. Comme quoi, vouloir nier les différences ( de race, de genre, ...) pourrait en fait mener à ne plus se soucier des autres, tout le monde étant pris dans un magma de confusion indifférenciée. Loin de moi, les idées racistes mais quid de pourfendre le "père fouettard" qui fait partie d'une culture qui structure notre psychisme. Loin de moi de ne pas respecter les femmes, mais quid de la croisade de certains contre les chants étudiants. J'ai vraiment l'impression qu'on en revient à l'époque de Mac Carthy et que, à force de "politiquement correct", l'on détriut tous les repères qui aident les jeunes à forger leur identité.à un certain moment de leur vie.

 

  1. Or une identité suffisamment sûre d'elle est, à mes yeux, la base de sécurité (Pierre Fontaine aurait-il parlé, en référence à Erickson, de la confiance de base?) nécessaire pour accepter l'autre dans sa différence et aller à sa rencontre. Le flou identitaire, voire le malaise identitaire actuel de nombre de nos concitoyens me semble un des maux de la société actuelle.

 

  1. L'indifférence est à l'oeuvre en de très nombreux endroits, y compris dans certains milieux psys lorsque les besoins de soins des plus fragiles sont niés en se référant à l'absence de demande formulée, par exemple par certains psychotiques. J'ai parfois tellement l'impression que certains de nos semblables sont tellement niés dans ce qui constitue leur essence, leur être profond que je n'hésite pas à parler d' "euthanasie sociale". Certains n'existent plus pour la société, leur existence est niée.... au point qu'il arrive, comme voici une dizaine d'années, qu'un jeune psychotique meurre dans sa tente plantée dans un parc de Gand, au milieu de l'indifférence générale des nombreux promeneurs fréquentant ce parc.

 

  1. En conclusion, j'admire que tu aies osé un devoir d'ingérence et te suis reconnaissant de l'écrire. Tu t'es montré humain au risque de te faire traiter de "mêle-tout". Il est aussi rassurant de te lire à propos des jeunes soucieux des autres.

 

 

Je profite de cet envoi pour te demander si je peux adresser au journal "Le Soir" ton avis humoristique relatif à la fessée. Ce dernier mercredi 5 mai, un article est paru avec pour titre "Modifier le code civil pour interdire la fessée?". J'avais l'intention de leur adresser ton avis ainsi que ma réaction de l'époque et d'y joindre une copie des pages que consacre Maurice Berger à cette problématique dans son dernier ouvrage "De l'incivilité au terrorisme". Me permets-tu d'utiliser ton envoi de septembre 2018?

 

A l'évoquer, l'interdiction de la fessée s'inscrit peut-être aussi dans le courant "politiquement correct" de l'indifférenciation qui ferait aussi des enfants les égaux de leurs parents ( égaux en valeur et dignes de respect, d'accord; égaux en capacités de discernement, pas d'accord).

 

Bon week-end et avec mes amitiés,

 

Jean-Paul.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pr. Jean-Yves Hayez                                                   

Psychiatre infanto-juvénile

Docteur en psychologie                                                       

Professeur émérite à l’UCL

Cours Durendal, 3/102

B-1348, Louvain-la-Neuve

Tél. (32)10.418069

Courriel  

 

 

Pour Loïc, le jeune derviche danseur.

Petite histoire sur l’indifférence et l’acceptation de la différence.


                                                                                                              Jean-Yves Hayez.

Vendredi 23 avril, 20h15. Les fenêtres de mon appartement donnent sur le Parc de la Source, un des poumons verts de Louvain la Neuve. Dans le parc, plus de 300 jeunes, manifestation autorisée m’a-t-on dit. Néanmoins, ils sont agglutinés par petits groupes d’une vingtaine , à des années-lumière du respect des règles sanitaires. Bière et alcool coulent en abondance et les déchets aussi, en veux-tu en voilà. Deux voitures de police sont déjà passées, lentement, sans s’arrêter, pas vraiment pour fuir le caillassage, mais plutôt par sagesse : que peuvent deux gardiens de la paix contre une fourmilière prête à s’égailler, sinon se couvrir de ridicule !


Curieusement, les jeunes ont laissé vide le centre de la pelouse, un cercle d’une quinzaine de mètres de diamètre et se cantonnent à la périphérie. Un garçon de leur âge y court tout seul, sans relâche, traçant inlassablement le même grand cercle, des écouteurs aux oreilles. Il court, bondit, gesticule en caricaturant une danse, sans quasi jamais se reposer plus que quelques instants. Voilà plus d’une demi-heure que je l’observe, par intermittences de plus en plus rapprochées, il tourne et tourne et fait le vide autour de lui, sans contact avec personne.                
Le médecin que je suis se préoccupe de plus en plus de cette interminable ronde folle, posant la question d’une crise dans une maladie mentale.       
Je me décide donc à aller vers lui ; je traverse la pelouse d’un pas tranquille ; je suis tout près de lui…il s’arrête, un peu inquiet…je lui dis bonsoir en souriant…nous nous présentons : « Jean-Yves, Loïc».  Et il se met à communiquer gentiment avec moi. Comme je le prévoyais, rien ne correspond chez lui aux critères standards de la normalité : j’identifie quelques signes physiques et cognitifs d’un léger retard mental, quelques traits autistiques aussi,  bien qu’il me regarde droit dans les yeux, et surtout l’impression d’une immaturité affective diffuse.

 Il m’explique qu’il vit chez ses parents, qu’il a pris le train pour venir ici « près des autres ». Il se dit heureux de danser seul « Je suis dans ma bulle , je sais que personne ne me parle... c’est comme ça », ajoute-t-il avec un petit sourire comme pour s’excuser.     .
J’essaie qu’il me donne le numéro de téléphone de ses parents, pour vérifier que tout est OK, mais il refuse de le faire. Nous parlons encore un peu, je lui explique ma motivation à l’avoir contacté (médecin préoccupé). Il me dit « Oui, les autres me trouvent bizarre». Mais je suis vraiment rassuré par ce bout de communication, je le lui dis, et j’ajoute que je souhaite qu’il continue à s’amuser comme il le faisait. Je prends congé, en lui tournant le dos. Rentré chez moi, mon épouse m’apprend qu’il s’est tout de suite éclipsé, seul. Hélas, je lui ai probablement fait peur et j’’en suis bien triste.

 

L’indifférence ? Je reste sidéré par l’indifférence massive de cette foule, occupée à goûter les plaisirs des retrouvailles et de l’alcool. Personne ne s’est dérangé -dans tous les sens étymologiques du terme- pour l’approcher, lui parler, essayer de comprendre ce qui se passait et s »il existait un risque social, Pis encore, personne ne le regardait, comme s’il n’existait pas! Ils avaient eu
 l’intuition que cet inconnu n’était pas de leur monde, ni comportemental, ni social.


J’entends déjà des voix protester : « Ils avaient peur; ils n’ont pas voulu le provoquer ». Oui peut-être l’un ou l’autre craignait-il cette sorte de chaman dansant ...mais le groupe aurait pu en déléguer quelques-uns, confiants en eux et bons communicateurs, pour au moins évaluer ce qui se passait.

Ou encore : « Ce n’est pas de l’indifférence,  c’est une magnifique tolérance, voire une vraie acceptation spontanée de la manière d’être individuelle… Nous sommes en 2021 et chacun se donne le droit d’être lui-même !...  Notre société est faite d’individualités qui s’affirment ». L’argument me paraît néanmoins bien peu convaincant. Sur le plan éthique, ne sommes-nous pas invités à accepter les choix de vie de chacun, certes, mais pour peu qu’ils ne mettent pas significativement en danger la vie d’autrui ou de la personne elle-même? Auquel cas, il y a devoir d’assistance.

 

Et ici, l’étrangeté prolongée du comportement de Loïc - évocateur par exemple d’une crise de schizophrénie- exigeait que soit faite cette vérification du risque, même brièvement, même approximativement, pas par d’hypothétiques professionnels mais par ses frères et sœurs de la communauté.

Mais non, leur indifférence à celui qui n’avait pas les codes du groupe a été aussi massive ce soir-là que leur indifférence aux règles sanitaires ( au cocotier, les papy et les mamy !) et que leur indifférence écologique (merci, soit dit en passant, à l’unique jeune fille qui a fait du ramassage de déchets une vingtaine de minutes vers 22heures). Indifférence de classe sociale aussi : tant pis pour ceux qui allaient se casser le dos deux ou trois heures le lendemain matin pour ramasser papiers gras, canettes et autres débris de bouteilles de vodka.


Acceptation de la différence ? Je n’ai aucun remords quant à mon comportement. En contactant Loïc , j’ai seulement voulu vérifier la question du danger : trop de désordre mental, trop d’incohérences et de perte de lucidité aurait pu conduire à d’imprévisibles drames.

Mais ce n’était le cas : ma conversation avec le jeune se voulait à l’écoute, respectueuse, délicate et elle m’a vite convaincu que le comportement de Loïc relevait d’un projet non dangereux et élaboré librement. « Danser, tourner autour des autres, dans ma bulle, sans que personne ne me parle ». Dans l’immédiateté de cette soirée, dans le cadre de notre brève rencontre, ce projet personnel, tout imparfait qu’il soit ( il faisait lui aussi l’impasse sur la rencontre de l’autre) m’a semblé pouvoir être reconnu et encouragé. Ce que j’ai fait explicitement, avant de partir.

On ne fait hélas pas d’omelettes sans casser d’œufs et Loïc a vite disparu, effrayé sans doute malgré tout par mon statut de vieux monsieur, médecin de surcroît, susceptible d’exercer un pouvoir au-delà de ses mots : peut-être de mauvais souvenirs pour lui !

J’espère de tout cœur qu’il est allé jouer et danser ailleurs en ville. Je suis triste, je l’ai dit, et je regrette que mon approche ne l’ait pas complètement rassuré. J’ai même l’espoir de le retrouver, à partir de ce texte et de lui offrir des chocolats pour m’excuser de lui avoir fait peur (Loïc est bien sûr un prénom
d’emprunt). Mais je ne me sens pas coupable et, si c’était à refaire, j’aurais la même attitude de sollicitude.


Tout est-il dit de la sorte ? Pas encore tout à fait ! La manière de se comporter de Loïc me semble être de l’ordre du compromis, acceptable personnellement, pour se donner une certaine joie de vivre dans un moment de fête collective. C’est déjà ça !  Néanmoins, il m’a parlé très vite de sa bulle, de sa solitude, des autres qui le trouvaient bizarre. J’espère donc que les responsables de son accompagnement quotidien, parents et autres professionnels, ont suffisamment de créativité pour accepter à la fois bien des dimensions originales de Loïc , mais aussi améliorer sa sociabilité et son insertion sociale.

 

"Ne regardez pas le renard qui passe", gauchement mais ensemble


Samedi 1er mai, 10h. Parce de la Source, Louvain-La-Neuve. De la fenêtre de notre appartement, nous voyons, sur la pelouse centrale, un groupe d’une quinzaine de jeunes adultes, certains en uniforme scout et d’autres pas. Ils sont sagement assis et, curieusement, ils jouent au jeu bien connu du mouchoir (" Ne regardez pas le renard qui passe… ").

Deux d’entre eux courent autour du cercle, assez gauchement, en se donnant la main. Et leur poursuivant trottine derrière, faisant tout ce qu’il peut...pour ne pas les attraper. En regardant mieux, nous voyons alors qu’une partie du groupe est constituée par des adultes, plutôt jeunes, présentant un handicap mental.
Ils reviennent déjeuner à midi sur une des tables du parc, et je souhaite les rencontrer :je traverse la pelouse d’un pas tranquille...je suis tout près...je demande à parler à la cheffe ou au chef, car je désire tout simplement les féliciter pour leur réelle acceptation de la différence sociale. Nous nous écartons d’un mètre ou deux et dix paires d’yeux nous fixent intensément, un peu anxieux, me rappelant le regard de Loïc la semaine passée. C’est en croisant tous ces regards que j’ai compris qu’ils étaient vraiment intégrés : ce qui arrivait au groupe, c’était leur affaire à tous, ils étaient concernés, personne n’était dans sa bulle. Reste à ajouter qu’ils m’ont dit des jeunes de la 11eme unité scoute de Jambes-Montagne (si j’ai bien compris) cinq cheffes et chefs étudiants et sept personnes handicapées. Et cerise sur le gâteau dans cette ambiance de respect de l’autre, les chefs ont demandé à voir la photo prise un peu plutôt et que je souhaitais diffuser, pour vérifier qu’elle respectait bien la vie privée chacun .

La semaine passée, j’ai dénoncé , sans le regretter, l’indifférence d’une foule de jeunes. S’ils sont capables du pire, parfois, les jeunes sont aussi capables du meilleur, et je voulais en témoigner...

Réactions

 

Ma réponse à Louis, 25 ans, qui invoque l’inhibition due à la timidité

 

Pour Louis:

 

Cher ami,

J'ai un vrai respect pour la timidité, qui nous amène à d'humbles aménagements dans nos vies, peur de rater certains types de rencontres...

Cependant, si elle nous fait rater trop de choses (p. ex., un lien amoureux), comme le dit la célèbre réplique de pierre richard : "Je suis timide, mais je me soigne"

Par ailleurs, dans certaines situations, celles où il pourrait y avoir danger, la timidité ne peut pas légitimer l'inertie anxieuse...il faut remplir notre devoir d'assistance, et aller aider, en prenant notre courage à deux mains

pour Loïc, il ne s'agissait pas d'abord de lui parler, mais de vérifier s'il n'était pas fou et s'il n'y avait pas besoin de secours

amitiés

 

 

 

Soutien simple :Dr Emmanuel de becker ; Mr ;me caroline Maison, psychologue ;dr Christophe Panichelli ;Vincent Liévin, journaliste ; dr Brigite Kevers ; Pr dominique Charlier ; dr guy Loute ; dr jean-Bernard turine ; dr A Maernoudt ; dr Sophie Symann

 

Dr Patrick Castelain

Mon cher Jean-Yves,

 

Inutile de t’expliquer que le monde est complexe et que c’est à nous d’en découvrir toutes les facettes . Ce que tu fais toujours avec ton infatigable curiosité des choses et des hommes ! Tu as eu encore une fois l’ »honnêteté » et la modestie de nous en faire part, ce qui nous encourage aussi à continuer à croire dans l’humain .

J’espère que nous pourrons tous nous retrouver joyeux et  en bonne santé en bord de Meuse ou ailleurs cet automne !

Avec toute mon amitié,

 

 

Dr Valérie van Ransbeeck

Cher Jean-Yves,

Merci pour ton mail, le partage en ces temps de distanciation fait du bien.. même si le témoignage est en demi-teinte.

Amitiés 

Mr Alain Sansterre

 

Bonsoir et merci, Jean-Yves. Heureusement, le meilleur côtoie le pire.

 

Bien à toi

Alain

Mme Sofyz Terlez,psychologue

 

Cher Jean-Yves,

 

Merci beaucoup pour ton texte. 

En plaine blocus je me fais petite pause en lisant tes articles. 

Je suis très touché par ta propre indifférence au monde ( ??????????), ta langue et ton souhaite de partager ton expérience. 

 

Dr Sophie Dechène

 

Je préfère cette histoire-ci 🙂. Il reste encore des gens qui respectent les vieilles valeurs d'altruisme, de respect de la différence et ne se laissent pas envahir par l'individualisme préconisé au nom de l'émancipation et du droit à la liberté, beaucoup plus à la mode (et malheureusement bien souvent véhiculé par la psychologie).


Je te remercie pour ce partage.

Mme Roxana Kalfa, psychologue

 

Merci Jean-Yves pour ce texte émouvant, qui rappelle qu'aucun homme n'est une île, que nous sommes tous concernés par le bien  des autres, et pourtant qu'on oublie si souvent

 

Je me rends compte que c'est rare que je réponde à tes messages collectifs, mais ce n'est pas pour autant que je les apprécie moins. Au contraire

 

Merci pour ce beau travail de rappel du lien qui nous tient ensemble

 

Dr Philippe Cattiez

 

Cher Jean-Yves,

Je voulais te féliciter pour l’article de la Libre de ce lundi ("pas eu le temps hier" - triste et banale excuse)

Plein d’humanité, de sagesse et digne de ton immense expérience !

Amitiés

PhC

 

De mr Jean Masson

Je pense que ta sensibilité, ton empathie, ton métier, reviennent à la surface comme un boomerang et que ce garçon symbolisait à lui seul toute  l'indifférence du monde face, justement,  à la différence, face à la "non-norme", ....

Quant à faire sa recherche pour lui offrir des chocolats, cela semblerait incompris et certainement très décalé dans le contexte actuel...Tel est mon humble avis..

A plus...big amitiés

 

Dr Chantal Malevez

Cher Jean-Yves, ton texte m'a profondément émue et je me suis permis de le transférer à mes enfants et petits-enfants (19,17,15 ans) puis à des amis très chers (un couple a un petit fils autiste) puis à un club, le Club L dont je fais partie, club de femmes de tous âges et de toutes orientations mais unies par une profonde amitié. Bien que je pense que la meilleure diffusion puisse se faire par les réseaux sociaux, je ne suis pas très réseaux sociaux, moi-même et ne me permettrais donc pas de le diffuser ainsi.Je pense que ton texte magnifique d'humanité mérite une ample diffusion parce que au delà de cette différence que tu nous expliques , il y a aussi toutes les différences ethniques, raciales, sociales et autres que tu mets en évidence mais je ne connais personne dans le monde journalistique et ne peux pas t'aider.Bien amicalement Chantal

 

Et puis Cher Jean Yves , merci pour ton 2ème texte qui remet un peu l'église au milieu du village et témoigne d'attitudes qui peuvent être plus humaines.Mes enfants et mon gendre, mes petits-enfants ont toujours fait du scoutisme et en font encore et il n'est pas rare que dans l'une ou l'autre patrouille il y ait eu un enfant , je dirais "différent" très bien intégré par la patrouille.Mais dans ton premier article toute la problématique de l'enfant "différent", comment parfois l'aborder?

 

 Dr Jacqueline de groot

Merci Jean-Yves pour ton double temoignage.

De petites initiatives souvent invisibles ressortissant d’une créativité soit personnelle, soit à partir  d’une association quelconque , me réjouissent et éveillent en moi l’énergie de faire de même !

Belles histories qui peuvent inciter d’autres à faire de même .

Jacqueline

 

 

Françoise Leurquin, psychologue, fondatrice de l’atelier du lien         
Bonjour Jean-Yves,

 

Première réaction : ton mouvement vers lui me semble très très touchant.  Le sien aussi : tant dans l'échange que dans sa fuite ("fuite" de ou dans sa bulle "perçée":)).  Peut être que ton intervention a stoppé une crise ? T'attacher à le retrouver avec des chocolats-rustines qui font lien ?

Quelle jolie histoire !

Je n'ai pas beaucoup d'inspiration pour savoir comment le retrouver si ce n'est en diffusant peut être d'abord dans les institutions de LLN ?  Est il vraiment venu en train?  Il y a une maison dans le quartier de Lauzelle, qui accueille des personnes plus ou moins autonomes.  C'est quasi en face du bas de la rue d'aulne (où j'habitais) : en descendant, le bâtiment en face à droite.  S'il est allé au centre, il passe probablement d'office par l'endroit où tu l'as vu.

 

Ma réponse c'est très possible en effet....et même plus probable que le train

au-delà de mon attitude, j'ai vraiment trouvé glaçante, au moins ce soir-là, l'indifférence de cette foule en ripaille avec ce jeune qui virevoltait en plein milieu, pas dans un coin quelconque...j'en suis traumatisé, d'où mon écrit auto-libératoire

 

Sa réponse : Cela me touche aussi .  C'est, me semble-t-il, ce que vivent toutes les personnes confrontées à une solitude quasi radicale par rapport à des vécus impossibles à partager, voire interdits à partager (par injonction ext ou int, implicite ou explicite), incompréhensibles... et s'ils deviennent partiellement compréhensibles, c'est une telle révolution psychique, que la conscience d'être "vu ou reconnu"  mais "toujours mal vu ou mal reconnu" est quasi insoutenable, voire dangereux.  Des parties de moi connaissent bien cela (départ d'Afrique).  Ceci dit, sentir une intention bienveillante, prudente, modeste et sensible de quelqu'un fait du bien même si cela semble ne produire aucun effet. 

 

Dr Jerome Cauchies

 

Merci pour ton texte Jean-Yves sur la différence et l'indifférence. Souvent ces deux termes sont liés. Je suis certain que tu as laissé un bon souvenir à Loic que tu reverras peut-être. 

 

Dr Jacques Laruelle

 

Comme je n'ai jamais exercé la médecine en Belgique et que j'habite actuellement en Flandre, je ne puis t'aider à retrouver ce jeune garçon. Je tenais néanmoins à témoigner mon soutien à ton message poignant !

 

mme Hammarqvist

 

Ooohhh que ça fait du bien de lire que l'humanité existe! Ainsi que la préoccupation pour l'autrui. C'est magique.

 

Dr Alain Bachy

 

Merci pour ton  histoire  bien émouvante.

Personellement, je pense que je n'aurais pas perçu une situation à risque  et n'aurais pas approché Loïc. Peut-être à tort ?

Je ne suis pas pédopsyciatre.

 

Ma réponse Tu ne l’as pas vu courir en grand cercle, toujours le même, au moins 40 min Alain, c’était hallucinant….

 

Madame Gwena Ansiaeu

 

Cher Professeur,

 

Je me permets de vous envoyer ces quelques lignes, sans autre objectif que de vous dire à quel point votre texte dans LLB m’a touchée.

J’aurais également été sidérée, je pense, de voir ce « Loic » au milieu des jeunes, deux mondes qui ne se sont pas croisés.

Je pense que j’aurais eu, comme vous, cette envie, dans mes tripes, d’aller au-devant de lui et de le rassurer sur le fait que quelqu’un l’avait bien vu, et s’était inquiété de lui.

Ayant moi-même perdu un enfant accidentellement, je suis bénévole dans l’ASBL Parents désenfantés, et nous accueillons des parents endeuillés après une maladie, un accident, un incendie, un infanticide.. mais aussi beaucoup de suicides. Je suis toujours infiniment touchée d’entendre ces parents parler de ce qui s’est passé, pour peu qu’ils le sachent eux-mêmes. Certains n’ont pas vu la souffrance de leur enfant et restent avec leurs questions.

Le Covid n’arrange rien, et on aimerait voir plus souvent des gestes d’humanité et de bienveillance comme le vôtre. Ils peuvent faire une telle différence…

 

Merci d’avoir pris votre plume pour nous raconter cette scène incroyable. J’espère que les jeunes présents ce jour-là sur la pelouse l’auront lue également…

 

 

Mme Géradin

Cher Monsieur,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article consacré à Loïc.  Je suis moi-même grand-mère de 12 petits-enfants dont 8 garçons  de 22 à 33 ans.  Dont xxxxx) que vous avez suivi pendant un temps.  Il en garde un très bon souvenir, de même que ses parents.
Ils sont tous gentils, respectueux mais aussi timides.  Je ne suis pas sûre qu’ils auraient osé quitter le groupe des « guindailleurs » pour aller vers Loïc.  Cela m’attriste comme vous.  Certains, chefs de mouvements de jeunesse (scouts),  pourraient y être sensibles.  Je vais leur en parler.

 

Mr de Lobkowicz

 

bien cher docteur,

 

dans La Libre d’aujourd’hui.

 

Je comprends tellement que vous souhaitiez retrouver ce jeune garçon dans lequel je retrouve mon fils xxxx dont vous vous êtes  occupé il y a déjà pas mal de temps.

 

J'espère que ses parents prendront contact avec vous.

 

Bien respectueusement par rapport à votre travail et aussi bien amicalement.

 

 

Association Un toit un cœur

 

Je voudrais vous féliciter et vous remercier pour votre article d’aujourd’hui dans la LB

En tant que présidente et cofondatrice d’Utuc, je ne peux qu’applaudir votre attitude et vos propos

A Utuc où nous accueillons des jeunes « différents », des frères de Loïc, nous cherchons à rétablir un lien social, avec les habitants bénévoles mais aussi avec les étudiants grâce à la participation de 3 KAP

Nous cherchons, par ce biais,à faire connaître la réalité des jeunes qui vivent en marge pour diverses raisons et qui sont objets de mépris ou d'indifférence.  

Il pourrait être intéressant de vous rencontrer et de réfléchir ensemble aux actions de sensibilisation que nous pourrions mener sur LLN

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez me rencontrer pour voir ce que nous pourrions faire ensemble

Bien cordialement

Evelyne Louveaux

coprésidente 

 

christine vander borght, psychologue

 

j'ai par hasard acheté La Libre ce lundi et j'ai donc lu ton sympathique article sur le jeune derviche tourneur. Impressionnant;

 

Jean-Pol Leclerq

 

Rapidement, je réagis à tes deux derniers envois relatifs l'un à l'indifférence et le suivant à l'acceptation de la différence. Ma réaction se limitera pour l'instant à quelques réflexions sommaires et peu structurées. Peut-être, y reviendrais-je plus tard pour mieux construire ma pensée.

 

  1. Lorsque je siégeais à l'AWIPH, voici une quinzaine d'années, j'étais souvent assis face à une affiche dont le texte m'interpellait. Je ne comprenais pas le sens de "Pour l'égalité des différences". J'aurais mieux compris "Egaux avec nos différences".

 

  1. Tu évoques l'indifférence dans son acceptation de manque d'attention à l'autre. Mais ce mot signifie aussi inacceptation de la différence, ce que je retrouve dans le courant égalitariste ... qui ménerait à mes yeux à l'indifférence aux autres. Comme quoi, vouloir nier les différences ( de race, de genre, ...) pourrait en fait mener à ne plus se soucier des autres, tout le monde étant pris dans un magma de confusion indifférenciée. Loin de moi, les idées racistes mais quid de pourfendre le "père fouettard" qui fait partie d'une culture qui structure notre psychisme. Loin de moi de ne pas respecter les femmes, mais quid de la croisade de certains contre les chants étudiants. J'ai vraiment l'impression qu'on en revient à l'époque de Mac Carthy et que, à force de "politiquement correct", l'on détriut tous les repères qui aident les jeunes à forger leur identité.à un certain moment de leur vie.

 

  1. Or une identité suffisamment sûre d'elle est, à mes yeux, la base de sécurité (Pierre Fontaine aurait-il parlé, en référence à Erickson, de la confiance de base?) nécessaire pour accepter l'autre dans sa différence et aller à sa rencontre. Le flou identitaire, voire le malaise identitaire actuel de nombre de nos concitoyens me semble un des maux de la société actuelle.

 

  1. L'indifférence est à l'oeuvre en de très nombreux endroits, y compris dans certains milieux psys lorsque les besoins de soins des plus fragiles sont niés en se référant à l'absence de demande formulée, par exemple par certains psychotiques. J'ai parfois tellement l'impression que certains de nos semblables sont tellement niés dans ce qui constitue leur essence, leur être profond que je n'hésite pas à parler d' "euthanasie sociale". Certains n'existent plus pour la société, leur existence est niée.... au point qu'il arrive, comme voici une dizaine d'années, qu'un jeune psychotique meurre dans sa tente plantée dans un parc de Gand, au milieu de l'indifférence générale des nombreux promeneurs fréquentant ce parc.

 

  1. En conclusion, j'admire que tu aies osé un devoir d'ingérence et te suis reconnaissant de l'écrire. Tu t'es montré humain au risque de te faire traiter de "mêle-tout". Il est aussi rassurant de te lire à propos des jeunes soucieux des autres.

 

 

Je profite de cet envoi pour te demander si je peux adresser au journal "Le Soir" ton avis humoristique relatif à la fessée. Ce dernier mercredi 5 mai, un article est paru avec pour titre "Modifier le code civil pour interdire la fessée?". J'avais l'intention de leur adresser ton avis ainsi que ma réaction de l'époque et d'y joindre une copie des pages que consacre Maurice Berger à cette problématique dans son dernier ouvrage "De l'incivilité au terrorisme". Me permets-tu d'utiliser ton envoi de septembre 2018?

 

A l'évoquer, l'interdiction de la fessée s'inscrit peut-être aussi dans le courant "politiquement correct" de l'indifférenciation qui ferait aussi des enfants les égaux de leurs parents ( égaux en valeur et dignes de respect, d'accord; égaux en capacités de discernement, pas d'accord).

 

Bon week-end et avec mes amitiés,

 

Jean-Paul.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour Loïc, le jeune derviche danseur.

Petite histoire sur l’indifférence et l’acceptation de la différence.


                                                                                                      Jean-Yves Hayez.

Vendredi 23 avril, 20h15. Les fenêtres de mon appartement donnent sur le Parc de la Source, un des poumons verts de Louvain la Neuve. Dans le parc, plus de 300 jeunes, manifestation autorisée m’a-t-on dit. Néanmoins, ils sont agglutinés par petits groupes d’une vingtaine , à des années-lumière du respect des règles sanitaires. Bière et alcool coulent en abondance et les déchets aussi, en veux-tu en voilà. Deux voitures de police sont déjà passées, lentement, sans s’arrêter, pas vraiment pour fuir le caillassage, mais plutôt par sagesse : que peuvent deux gardiens de la paix contre une fourmilière prête à s’égailler, sinon se couvrir de ridicule !


Curieusement, les jeunes ont laissé vide le centre de la pelouse, un cercle d’une quinzaine de mètres de diamètre et se cantonnent à la périphérie. Un garçon de leur âge y court tout seul, sans relâche, traçant inlassablement le même grand cercle, des écouteurs aux oreilles. Il court, bondit, gesticule en caricaturant une danse, sans quasi jamais se reposer plus que quelques instants. Voilà plus d’une demi-heure que je l’observe, par intermittences de plus en plus rapprochées, il tourne et tourne et fait le vide autour de lui, sans contact avec personne.                    
Le médecin que je suis se préoccupe de plus en plus de cette interminable ronde folle, posant la question d’une crise dans une maladie mentale.   
Je me décide donc à aller vers lui ; je traverse la pelouse d’un pas tranquille ; je suis tout près de lui…il s’arrête, un peu inquiet…je lui dis bonsoir en souriant…nous nous présentons : « Jean-Yves, Loïc».  Et il se met à communiquer gentiment avec moi. Comme je le prévoyais, rien ne correspond chez lui aux critères standards de la normalité : j’identifie quelques signes physiques et cognitifs d’un léger retard mental, quelques traits autistiques aussi,  bien qu’il me regarde droit dans les yeux, et surtout l’impression d’une immaturité affective diffuse.

 Il m’explique qu’il vit chez ses parents, qu’il a pris le train pour venir ici « près des autres ». Il se dit heureux de danser seul « Je suis dans ma bulle , je sais que personne ne me parle... c’est comme ça », ajoute-t-il avec un petit sourire comme pour s’excuser.   .
J’essaie qu’il me donne le numéro de téléphone de ses parents, pour vérifier que tout est OK, mais il refuse de le faire. Nous parlons encore un peu, je lui explique ma motivation à l’avoir contacté (médecin préoccupé). Il me dit « Oui, les autres me trouvent bizarre». Mais je suis vraiment rassuré par ce bout de communication, je le lui dis, et j’ajoute que je souhaite qu’il continue à s’amuser comme il le faisait. Je prends congé, en lui tournant le dos. Rentré chez moi, mon épouse m’apprend qu’il s’est tout de suite éclipsé, seul. Hélas, je lui ai probablement fait peur et j’’en suis bien triste.

 

L’indifférence ? Je reste sidéré par l’indifférence massive de cette foule, occupée à goûter les plaisirs des retrouvailles et de l’alcool. Personne ne s’est dérangé -dans tous les sens étymologiques du terme- pour l’approcher, lui parler, essayer de comprendre ce qui se passait et s »il existait un risque social, Pis encore, personne ne le regardait, comme s’il n’existait pas! Ils avaient eu
 l’intuition que cet inconnu n’était pas de leur monde, ni comportemental, ni social.


J’entends déjà des voix protester : « Ils avaient peur; ils n’ont pas voulu le provoquer ». Oui peut-être l’un ou l’autre craignait-il cette sorte de chaman dansant ...mais le groupe aurait pu en déléguer quelques-uns, confiants en eux et bons communicateurs, pour au moins évaluer ce qui se passait.

Ou encore : « Ce n’est pas de l’indifférence,  c’est une magnifique tolérance, voire une vraie acceptation spontanée de la manière d’être individuelle… Nous sommes en 2021 et chacun se donne le droit d’être lui-même !...  Notre société est faite d’individualités qui s’affirment ». L’argument me paraît néanmoins bien peu convaincant. Sur le plan éthique, ne sommes-nous pas invités à accepter les choix de vie de chacun, certes, mais pour peu qu’ils ne mettent pas significativement en danger la vie d’autrui ou de la personne elle-même? Auquel cas, il y a devoir d’assistance.

 

Et ici, l’étrangeté prolongée du comportement de Loïc - évocateur par exemple d’une crise de schizophrénie- exigeait que soit faite cette vérification du risque, même brièvement, même approximativement, pas par d’hypothétiques professionnels mais par ses frères et sœurs de la communauté.

Mais non, leur indifférence à celui qui n’avait pas les codes du groupe a été aussi massive ce soir-là que leur indifférence aux règles sanitaires ( au cocotier, les papy et les mamy !) et que leur indifférence écologique (merci, soit dit en passant, à l’unique jeune fille qui a fait du ramassage de déchets une vingtaine de minutes vers 22heures). Indifférence de classe sociale aussi : tant pis pour ceux qui allaient se casser le dos deux ou trois heures le lendemain matin pour ramasser papiers gras, canettes et autres débris de bouteilles de vodka.


Acceptation de la différence ? Je n’ai aucun remords quant à mon comportement. En contactant Loïc , j’ai seulement voulu vérifier la question du danger : trop de désordre mental, trop d’incohérences et de perte de lucidité aurait pu conduire à d’imprévisibles drames.

Mais ce n’était le cas : ma conversation avec le jeune se voulait à l’écoute, respectueuse, délicate et elle m’a vite convaincu que le comportement de Loïc relevait d’un projet non dangereux et élaboré librement. « Danser, tourner autour des autres, dans ma bulle, sans que personne ne me parle ». Dans l’immédiateté de cette soirée, dans le cadre de notre brève rencontre, ce projet personnel, tout imparfait qu’il soit ( il faisait lui aussi l’impasse sur la rencontre de l’autre) m’a semblé pouvoir être reconnu et encouragé. Ce que j’ai fait explicitement, avant de partir.

On ne fait hélas pas d’omelettes sans casser d’œufs et Loïc a vite disparu, effrayé sans doute malgré tout par mon statut de vieux monsieur, médecin de surcroît, susceptible d’exercer un pouvoir au-delà de ses mots : peut-être de mauvais souvenirs pour lui !

J’espère de tout cœur qu’il est allé jouer et danser ailleurs en ville. Je suis triste, je l’ai dit, et je regrette que mon approche ne l’ait pas complètement rassuré. J’ai même l’espoir de le retrouver, à partir de ce texte et de lui offrir des chocolats pour m’excuser de lui avoir fait peur (Loïc est bien sûr un prénom
d’emprunt). Mais je ne me sens pas coupable et, si c’était à refaire, j’aurais la même attitude de sollicitude.


Tout est-il dit de la sorte ? Pas encore tout à fait ! La manière de se comporter de Loïc me semble être de l’ordre du compromis, acceptable personnellement, pour se donner une certaine joie de vivre dans un moment de fête collective. C’est déjà ça !  Néanmoins, il m’a parlé très vite de sa bulle, de sa solitude, des autres qui le trouvaient bizarre. J’espère donc que les responsables de son accompagnement quotidien, parents et autres professionnels, ont suffisamment de créativité pour accepter à la fois bien des dimensions originales de Loïc , mais aussi améliorer sa sociabilité et son insertion sociale.

 

"Ne regardez pas le renard qui passe", gauchement mais ensemble


Samedi 1er mai, 10h. Parce de la Source, Louvain-La-Neuve. De la fenêtre de notre appartement, nous voyons, sur la pelouse centrale, un groupe d’une quinzaine de jeunes adultes, certains en uniforme scout et d’autres pas. Ils sont sagement assis et, curieusement, ils jouent au jeu bien connu du mouchoir (" Ne regardez pas le renard qui passe… ").

Deux d’entre eux courent autour du cercle, assez gauchement, en se donnant la main. Et leur poursuivant trottine derrière, faisant tout ce qu’il peut...pour ne pas les attraper. En regardant mieux, nous voyons alors qu’une partie du groupe est constituée par des adultes, plutôt jeunes, présentant un handicap mental.
Ils reviennent déjeuner à midi sur une des tables du parc, et je souhaite les rencontrer :je traverse la pelouse d’un pas tranquille...je suis tout près...je demande à parler à la cheffe ou au chef, car je désire tout simplement les féliciter pour leur réelle acceptation de la différence sociale. Nous nous écartons d’un mètre ou deux et dix paires d’yeux nous fixent intensément, un peu anxieux, me rappelant le regard de Loïc la semaine passée. C’est en croisant tous ces regards que j’ai compris qu’ils étaient vraiment intégrés : ce qui arrivait au groupe, c’était leur affaire à tous, ils étaient concernés, personne n’était dans sa bulle. Reste à ajouter qu’ils m’ont dit des jeunes de la 11eme unité scoute de Jambes-Montagne (si j’ai bien compris) cinq cheffes et chefs étudiants et sept personnes handicapées. Et cerise sur le gâteau dans cette ambiance de respect de l’autre, les chefs ont demandé à voir la photo prise un peu plutôt et que je souhaitais diffuser, pour vérifier qu’elle respectait bien la vie privée chacun .

La semaine passée, j’ai dénoncé , sans le regretter, l’indifférence d’une foule de jeunes. S’ils sont capables du pire, parfois, les jeunes sont aussi capables du meilleur, et je voulais en témoigner...

Réactions

 

Ma réponse à Louis, 25 ans, qui invoque l’inhibition due à la timidité

 

Pour Louis:

 

Cher ami,

J'ai un vrai respect pour la timidité, qui nous amène à d'humbles aménagements dans nos vies, peur de rater certains types de rencontres...

Cependant, si elle nous fait rater trop de choses (p. ex., un lien amoureux), comme le dit la célèbre réplique de pierre richard : "Je suis timide, mais je me soigne"

Par ailleurs, dans certaines situations, celles où il pourrait y avoir danger, la timidité ne peut pas légitimer l'inertie anxieuse...il faut remplir notre devoir d'assistance, et aller aider, en prenant notre courage à deux mains

pour Loïc, il ne s'agissait pas d'abord de lui parler, mais de vérifier s'il n'était pas fou et s'il n'y avait pas besoin de secours

amitiés

 

 

 

Soutien simple :Dr Emmanuel de becker ; Mr ;me caroline Maison, psychologue ;dr Christophe Panichelli ;Vincent Liévin, journaliste ; dr Brigite Kevers ; Pr dominique Charlier ; dr guy Loute ; dr jean-Bernard turine ; dr A Maernoudt ; dr Sophie Symann

 

Dr Patrick Castelain

Mon cher Jean-Yves,

 

Inutile de t’expliquer que le monde est complexe et que c’est à nous d’en découvrir toutes les facettes . Ce que tu fais toujours avec ton infatigable curiosité des choses et des hommes ! Tu as eu encore une fois l’ »honnêteté » et la modestie de nous en faire part, ce qui nous encourage aussi à continuer à croire dans l’humain .

J’espère que nous pourrons tous nous retrouver joyeux et  en bonne santé en bord de Meuse ou ailleurs cet automne !

Avec toute mon amitié,

 

 

Dr Valérie van Ransbeeck

Cher Jean-Yves,

Merci pour ton mail, le partage en ces temps de distanciation fait du bien.. même si le témoignage est en demi-teinte.

Amitiés 

Mr Alain Sansterre

 

Bonsoir et merci, Jean-Yves. Heureusement, le meilleur côtoie le pire.

 

Bien à toi

Alain

Mme Sofyz Terlez,psychologue

 

Cher Jean-Yves,

 

Merci beaucoup pour ton texte. 

En plaine blocus je me fais petite pause en lisant tes articles. 

Je suis très touché par ta propre indifférence au monde ( ??????????), ta langue et ton souhaite de partager ton expérience. 

 

Dr Sophie Dechène

 

Je préfère cette histoire-ci 🙂. Il reste encore des gens qui respectent les vieilles valeurs d'altruisme, de respect de la différence et ne se laissent pas envahir par l'individualisme préconisé au nom de l'émancipation et du droit à la liberté, beaucoup plus à la mode (et malheureusement bien souvent véhiculé par la psychologie).


Je te remercie pour ce partage.

Mme Roxana Kalfa, psychologue

 

Merci Jean-Yves pour ce texte émouvant, qui rappelle qu'aucun homme n'est une île, que nous sommes tous concernés par le bien  des autres, et pourtant qu'on oublie si souvent

 

Je me rends compte que c'est rare que je réponde à tes messages collectifs, mais ce n'est pas pour autant que je les apprécie moins. Au contraire

 

Merci pour ce beau travail de rappel du lien qui nous tient ensemble

 

Dr Philippe Cattiez

 

Cher Jean-Yves,

Je voulais te féliciter pour l’article de la Libre de ce lundi ("pas eu le temps hier" - triste et banale excuse)

Plein d’humanité, de sagesse et digne de ton immense expérience !

Amitiés

PhC

 

De mr Jean Masson

Je pense que ta sensibilité, ton empathie, ton métier, reviennent à la surface comme un boomerang et que ce garçon symbolisait à lui seul toute  l'indifférence du monde face, justement,  à la différence, face à la "non-norme", ....

Quant à faire sa recherche pour lui offrir des chocolats, cela semblerait incompris et certainement très décalé dans le contexte actuel...Tel est mon humble avis..

A plus...big amitiés

 

Dr Chantal Malevez

Cher Jean-Yves, ton texte m'a profondément émue et je me suis permis de le transférer à mes enfants et petits-enfants (19,17,15 ans) puis à des amis très chers (un couple a un petit fils autiste) puis à un club, le Club L dont je fais partie, club de femmes de tous âges et de toutes orientations mais unies par une profonde amitié. Bien que je pense que la meilleure diffusion puisse se faire par les réseaux sociaux, je ne suis pas très réseaux sociaux, moi-même et ne me permettrais donc pas de le diffuser ainsi.Je pense que ton texte magnifique d'humanité mérite une ample diffusion parce que au delà de cette différence que tu nous expliques , il y a aussi toutes les différences ethniques, raciales, sociales et autres que tu mets en évidence mais je ne connais personne dans le monde journalistique et ne peux pas t'aider.Bien amicalement Chantal

 

Et puis Cher Jean Yves , merci pour ton 2ème texte qui remet un peu l'église au milieu du village et témoigne d'attitudes qui peuvent être plus humaines.Mes enfants et mon gendre, mes petits-enfants ont toujours fait du scoutisme et en font encore et il n'est pas rare que dans l'une ou l'autre patrouille il y ait eu un enfant , je dirais "différent" très bien intégré par la patrouille.Mais dans ton premier article toute la problématique de l'enfant "différent", comment parfois l'aborder?

 

 Dr Jacqueline de groot

Merci Jean-Yves pour ton double temoignage.

De petites initiatives souvent invisibles ressortissant d’une créativité soit personnelle, soit à partir  d’une association quelconque , me réjouissent et éveillent en moi l’énergie de faire de même !

Belles histories qui peuvent inciter d’autres à faire de même .

Jacqueline

 

 

Françoise Leurquin, psychologue, fondatrice de l’atelier du lien   
Bonjour Jean-Yves,

 

Première réaction : ton mouvement vers lui me semble très très touchant.  Le sien aussi : tant dans l'échange que dans sa fuite ("fuite" de ou dans sa bulle "perçée":)).  Peut être que ton intervention a stoppé une crise ? T'attacher à le retrouver avec des chocolats-rustines qui font lien ?

Quelle jolie histoire !

Je n'ai pas beaucoup d'inspiration pour savoir comment le retrouver si ce n'est en diffusant peut être d'abord dans les institutions de LLN ?  Est il vraiment venu en train?  Il y a une maison dans le quartier de Lauzelle, qui accueille des personnes plus ou moins autonomes.  C'est quasi en face du bas de la rue d'aulne (où j'habitais) : en descendant, le bâtiment en face à droite.  S'il est allé au centre, il passe probablement d'office par l'endroit où tu l'as vu.

 

Ma réponse c'est très possible en effet....et même plus probable que le train

au-delà de mon attitude, j'ai vraiment trouvé glaçante, au moins ce soir-là, l'indifférence de cette foule en ripaille avec ce jeune qui virevoltait en plein milieu, pas dans un coin quelconque...j'en suis traumatisé, d'où mon écrit auto-libératoire

 

Sa réponse : Cela me touche aussi .  C'est, me semble-t-il, ce que vivent toutes les personnes confrontées à une solitude quasi radicale par rapport à des vécus impossibles à partager, voire interdits à partager (par injonction ext ou int, implicite ou explicite), incompréhensibles... et s'ils deviennent partiellement compréhensibles, c'est une telle révolution psychique, que la conscience d'être "vu ou reconnu"  mais "toujours mal vu ou mal reconnu" est quasi insoutenable, voire dangereux.  Des parties de moi connaissent bien cela (départ d'Afrique).  Ceci dit, sentir une intention bienveillante, prudente, modeste et sensible de quelqu'un fait du bien même si cela semble ne produire aucun effet. 

 

Dr Jerome Cauchies

 

Merci pour ton texte Jean-Yves sur la différence et l'indifférence. Souvent ces deux termes sont liés. Je suis certain que tu as laissé un bon souvenir à Loic que tu reverras peut-être. 

 

Dr Jacques Laruelle

 

Comme je n'ai jamais exercé la médecine en Belgique et que j'habite actuellement en Flandre, je ne puis t'aider à retrouver ce jeune garçon. Je tenais néanmoins à témoigner mon soutien à ton message poignant !

 

mme Hammarqvist

 

Ooohhh que ça fait du bien de lire que l'humanité existe! Ainsi que la préoccupation pour l'autrui. C'est magique.

 

Dr Alain Bachy

 

Merci pour ton  histoire  bien émouvante.

Personellement, je pense que je n'aurais pas perçu une situation à risque  et n'aurais pas approché Loïc. Peut-être à tort ?

Je ne suis pas pédopsyciatre.

 

Ma réponse Tu ne l’as pas vu courir en grand cercle, toujours le même, au moins 40 min Alain, c’était hallucinant….

 

Madame Gwena Ansiaeu

 

Cher Professeur,

 

Je me permets de vous envoyer ces quelques lignes, sans autre objectif que de vous dire à quel point votre texte dans LLB m’a touchée.

J’aurais également été sidérée, je pense, de voir ce « Loic » au milieu des jeunes, deux mondes qui ne se sont pas croisés.

Je pense que j’aurais eu, comme vous, cette envie, dans mes tripes, d’aller au-devant de lui et de le rassurer sur le fait que quelqu’un l’avait bien vu, et s’était inquiété de lui.

Ayant moi-même perdu un enfant accidentellement, je suis bénévole dans l’ASBL Parents désenfantés, et nous accueillons des parents endeuillés après une maladie, un accident, un incendie, un infanticide.. mais aussi beaucoup de suicides. Je suis toujours infiniment touchée d’entendre ces parents parler de ce qui s’est passé, pour peu qu’ils le sachent eux-mêmes. Certains n’ont pas vu la souffrance de leur enfant et restent avec leurs questions.

Le Covid n’arrange rien, et on aimerait voir plus souvent des gestes d’humanité et de bienveillance comme le vôtre. Ils peuvent faire une telle différence…

 

Merci d’avoir pris votre plume pour nous raconter cette scène incroyable. J’espère que les jeunes présents ce jour-là sur la pelouse l’auront lue également…

 

 

Mme Géradin

Cher Monsieur,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article consacré à Loïc.  Je suis moi-même grand-mère de 12 petits-enfants dont 8 garçons  de 22 à 33 ans.  Dont xxxxx) que vous avez suivi pendant un temps.  Il en garde un très bon souvenir, de même que ses parents.
Ils sont tous gentils, respectueux mais aussi timides.  Je ne suis pas sûre qu’ils auraient osé quitter le groupe des « guindailleurs » pour aller vers Loïc.  Cela m’attriste comme vous.  Certains, chefs de mouvements de jeunesse (scouts),  pourraient y être sensibles.  Je vais leur en parler.

 

Mr de Lobkowicz

 

bien cher docteur,

 

dans La Libre d’aujourd’hui.

 

Je comprends tellement que vous souhaitiez retrouver ce jeune garçon dans lequel je retrouve mon fils xxxx dont vous vous êtes  occupé il y a déjà pas mal de temps.

 

J'espère que ses parents prendront contact avec vous.

 

Bien respectueusement par rapport à votre travail et aussi bien amicalement.

 

 

Association Un toit un cœur

 

Je voudrais vous féliciter et vous remercier pour votre article d’aujourd’hui dans la LB

En tant que présidente et cofondatrice d’Utuc, je ne peux qu’applaudir votre attitude et vos propos

A Utuc où nous accueillons des jeunes « différents », des frères de Loïc, nous cherchons à rétablir un lien social, avec les habitants bénévoles mais aussi avec les étudiants grâce à la participation de 3 KAP

Nous cherchons, par ce biais,à faire connaître la réalité des jeunes qui vivent en marge pour diverses raisons et qui sont objets de mépris ou d'indifférence.  

Il pourrait être intéressant de vous rencontrer et de réfléchir ensemble aux actions de sensibilisation que nous pourrions mener sur LLN

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez me rencontrer pour voir ce que nous pourrions faire ensemble

Bien cordialement

Evelyne Louveaux

coprésidente 

 

christine vander borght, psychologue

 

j'ai par hasard acheté La Libre ce lundi et j'ai donc lu ton sympathique article sur le jeune derviche tourneur. Impressionnant;

 

Jean-Pol Leclerq

 

Rapidement, je réagis à tes deux derniers envois relatifs l'un à l'indifférence et le suivant à l'acceptation de la différence. Ma réaction se limitera pour l'instant à quelques réflexions sommaires et peu structurées. Peut-être, y reviendrais-je plus tard pour mieux construire ma pensée.

 

  1. Lorsque je siégeais à l'AWIPH, voici une quinzaine d'années, j'étais souvent assis face à une affiche dont le texte m'interpellait. Je ne comprenais pas le sens de "Pour l'égalité des différences". J'aurais mieux compris "Egaux avec nos différences".

 

  1. Tu évoques l'indifférence dans son acceptation de manque d'attention à l'autre. Mais ce mot signifie aussi inacceptation de la différence, ce que je retrouve dans le courant égalitariste ... qui ménerait à mes yeux à l'indifférence aux autres. Comme quoi, vouloir nier les différences ( de race, de genre, ...) pourrait en fait mener à ne plus se soucier des autres, tout le monde étant pris dans un magma de confusion indifférenciée. Loin de moi, les idées racistes mais quid de pourfendre le "père fouettard" qui fait partie d'une culture qui structure notre psychisme. Loin de moi de ne pas respecter les femmes, mais quid de la croisade de certains contre les chants étudiants. J'ai vraiment l'impression qu'on en revient à l'époque de Mac Carthy et que, à force de "politiquement correct", l'on détriut tous les repères qui aident les jeunes à forger leur identité.à un certain moment de leur vie.

 

  1. Or une identité suffisamment sûre d'elle est, à mes yeux, la base de sécurité (Pierre Fontaine aurait-il parlé, en référence à Erickson, de la confiance de base?) nécessaire pour accepter l'autre dans sa différence et aller à sa rencontre. Le flou identitaire, voire le malaise identitaire actuel de nombre de nos concitoyens me semble un des maux de la société actuelle.

 

  1. L'indifférence est à l'oeuvre en de très nombreux endroits, y compris dans certains milieux psys lorsque les besoins de soins des plus fragiles sont niés en se référant à l'absence de demande formulée, par exemple par certains psychotiques. J'ai parfois tellement l'impression que certains de nos semblables sont tellement niés dans ce qui constitue leur essence, leur être profond que je n'hésite pas à parler d' "euthanasie sociale". Certains n'existent plus pour la société, leur existence est niée.... au point qu'il arrive, comme voici une dizaine d'années, qu'un jeune psychotique meurre dans sa tente plantée dans un parc de Gand, au milieu de l'indifférence générale des nombreux promeneurs fréquentant ce parc.

 

  1. En conclusion, j'admire que tu aies osé un devoir d'ingérence et te suis reconnaissant de l'écrire. Tu t'es montré humain au risque de te faire traiter de "mêle-tout". Il est aussi rassurant de te lire à propos des jeunes soucieux des autres.

 

 

Je profite de cet envoi pour te demander si je peux adresser au journal "Le Soir" ton avis humoristique relatif à la fessée. Ce dernier mercredi 5 mai, un article est paru avec pour titre "Modifier le code civil pour interdire la fessée?". J'avais l'intention de leur adresser ton avis ainsi que ma réaction de l'époque et d'y joindre une copie des pages que consacre Maurice Berger à cette problématique dans son dernier ouvrage "De l'incivilité au terrorisme". Me permets-tu d'utiliser ton envoi de septembre 2018?

 

A l'évoquer, l'interdiction de la fessée s'inscrit peut-être aussi dans le courant "politiquement correct" de l'indifférenciation qui ferait aussi des enfants les égaux de leurs parents ( égaux en valeur et dignes de respect, d'accord; égaux en capacités de discernement, pas d'accord).

 

Bon week-end et avec mes amitiés,

 

Jean-Paul.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour Loïc, le jeune derviche danseur.

Petite histoire sur l’indifférence et l’acceptation de la différence.


                                                                                                      Jean-Yves Hayez.

Vendredi 23 avril, 20h15. Les fenêtres de mon appartement donnent sur le Parc de la Source, un des poumons verts de Louvain la Neuve. Dans le parc, plus de 300 jeunes, manifestation autorisée m’a-t-on dit. Néanmoins, ils sont agglutinés par petits groupes d’une vingtaine , à des années-lumière du respect des règles sanitaires. Bière et alcool coulent en abondance et les déchets aussi, en veux-tu en voilà. Deux voitures de police sont déjà passées, lentement, sans s’arrêter, pas vraiment pour fuir le caillassage, mais plutôt par sagesse : que peuvent deux gardiens de la paix contre une fourmilière prête à s’égailler, sinon se couvrir de ridicule !


Curieusement, les jeunes ont laissé vide le centre de la pelouse, un cercle d’une quinzaine de mètres de diamètre et se cantonnent à la périphérie. Un garçon de leur âge y court tout seul, sans relâche, traçant inlassablement le même grand cercle, des écouteurs aux oreilles. Il court, bondit, gesticule en caricaturant une danse, sans quasi jamais se reposer plus que quelques instants. Voilà plus d’une demi-heure que je l’observe, par intermittences de plus en plus rapprochées, il tourne et tourne et fait le vide autour de lui, sans contact avec personne.                    
Le médecin que je suis se préoccupe de plus en plus de cette interminable ronde folle, posant la question d’une crise dans une maladie mentale.   
Je me décide donc à aller vers lui ; je traverse la pelouse d’un pas tranquille ; je suis tout près de lui…il s’arrête, un peu inquiet…je lui dis bonsoir en souriant…nous nous présentons : « Jean-Yves, Loïc».  Et il se met à communiquer gentiment avec moi. Comme je le prévoyais, rien ne correspond chez lui aux critères standards de la normalité : j’identifie quelques signes physiques et cognitifs d’un léger retard mental, quelques traits autistiques aussi,  bien qu’il me regarde droit dans les yeux, et surtout l’impression d’une immaturité affective diffuse.

 Il m’explique qu’il vit chez ses parents, qu’il a pris le train pour venir ici « près des autres ». Il se dit heureux de danser seul « Je suis dans ma bulle , je sais que personne ne me parle... c’est comme ça », ajoute-t-il avec un petit sourire comme pour s’excuser.   .
J’essaie qu’il me donne le numéro de téléphone de ses parents, pour vérifier que tout est OK, mais il refuse de le faire. Nous parlons encore un peu, je lui explique ma motivation à l’avoir contacté (médecin préoccupé). Il me dit « Oui, les autres me trouvent bizarre». Mais je suis vraiment rassuré par ce bout de communication, je le lui dis, et j’ajoute que je souhaite qu’il continue à s’amuser comme il le faisait. Je prends congé, en lui tournant le dos. Rentré chez moi, mon épouse m’apprend qu’il s’est tout de suite éclipsé, seul. Hélas, je lui ai probablement fait peur et j’’en suis bien triste.

 

L’indifférence ? Je reste sidéré par l’indifférence massive de cette foule, occupée à goûter les plaisirs des retrouvailles et de l’alcool. Personne ne s’est dérangé -dans tous les sens étymologiques du terme- pour l’approcher, lui parler, essayer de comprendre ce qui se passait et s »il existait un risque social, Pis encore, personne ne le regardait, comme s’il n’existait pas! Ils avaient eu
 l’intuition que cet inconnu n’était pas de leur monde, ni comportemental, ni social.


J’entends déjà des voix protester : « Ils avaient peur; ils n’ont pas voulu le provoquer ». Oui peut-être l’un ou l’autre craignait-il cette sorte de chaman dansant ...mais le groupe aurait pu en déléguer quelques-uns, confiants en eux et bons communicateurs, pour au moins évaluer ce qui se passait.

Ou encore : « Ce n’est pas de l’indifférence,  c’est une magnifique tolérance, voire une vraie acceptation spontanée de la manière d’être individuelle… Nous sommes en 2021 et chacun se donne le droit d’être lui-même !...  Notre société est faite d’individualités qui s’affirment ». L’argument me paraît néanmoins bien peu convaincant. Sur le plan éthique, ne sommes-nous pas invités à accepter les choix de vie de chacun, certes, mais pour peu qu’ils ne mettent pas significativement en danger la vie d’autrui ou de la personne elle-même? Auquel cas, il y a devoir d’assistance.

 

Et ici, l’étrangeté prolongée du comportement de Loïc - évocateur par exemple d’une crise de schizophrénie- exigeait que soit faite cette vérification du risque, même brièvement, même approximativement, pas par d’hypothétiques professionnels mais par ses frères et sœurs de la communauté.

Mais non, leur indifférence à celui qui n’avait pas les codes du groupe a été aussi massive ce soir-là que leur indifférence aux règles sanitaires ( au cocotier, les papy et les mamy !) et que leur indifférence écologique (merci, soit dit en passant, à l’unique jeune fille qui a fait du ramassage de déchets une vingtaine de minutes vers 22heures). Indifférence de classe sociale aussi : tant pis pour ceux qui allaient se casser le dos deux ou trois heures le lendemain matin pour ramasser papiers gras, canettes et autres débris de bouteilles de vodka.


Acceptation de la différence ? Je n’ai aucun remords quant à mon comportement. En contactant Loïc , j’ai seulement voulu vérifier la question du danger : trop de désordre mental, trop d’incohérences et de perte de lucidité aurait pu conduire à d’imprévisibles drames.

Mais ce n’était le cas : ma conversation avec le jeune se voulait à l’écoute, respectueuse, délicate et elle m’a vite convaincu que le comportement de Loïc relevait d’un projet non dangereux et élaboré librement. « Danser, tourner autour des autres, dans ma bulle, sans que personne ne me parle ». Dans l’immédiateté de cette soirée, dans le cadre de notre brève rencontre, ce projet personnel, tout imparfait qu’il soit ( il faisait lui aussi l’impasse sur la rencontre de l’autre) m’a semblé pouvoir être reconnu et encouragé. Ce que j’ai fait explicitement, avant de partir.

On ne fait hélas pas d’omelettes sans casser d’œufs et Loïc a vite disparu, effrayé sans doute malgré tout par mon statut de vieux monsieur, médecin de surcroît, susceptible d’exercer un pouvoir au-delà de ses mots : peut-être de mauvais souvenirs pour lui !

J’espère de tout cœur qu’il est allé jouer et danser ailleurs en ville. Je suis triste, je l’ai dit, et je regrette que mon approche ne l’ait pas complètement rassuré. J’ai même l’espoir de le retrouver, à partir de ce texte et de lui offrir des chocolats pour m’excuser de lui avoir fait peur (Loïc est bien sûr un prénom
d’emprunt). Mais je ne me sens pas coupable et, si c’était à refaire, j’aurais la même attitude de sollicitude.


Tout est-il dit de la sorte ? Pas encore tout à fait ! La manière de se comporter de Loïc me semble être de l’ordre du compromis, acceptable personnellement, pour se donner une certaine joie de vivre dans un moment de fête collective. C’est déjà ça !  Néanmoins, il m’a parlé très vite de sa bulle, de sa solitude, des autres qui le trouvaient bizarre. J’espère donc que les responsables de son accompagnement quotidien, parents et autres professionnels, ont suffisamment de créativité pour accepter à la fois bien des dimensions originales de Loïc , mais aussi améliorer sa sociabilité et son insertion sociale.

 

"Ne regardez pas le renard qui passe", gauchement mais ensemble


Samedi 1er mai, 10h. Parce de la Source, Louvain-La-Neuve. De la fenêtre de notre appartement, nous voyons, sur la pelouse centrale, un groupe d’une quinzaine de jeunes adultes, certains en uniforme scout et d’autres pas. Ils sont sagement assis et, curieusement, ils jouent au jeu bien connu du mouchoir (" Ne regardez pas le renard qui passe… ").

Deux d’entre eux courent autour du cercle, assez gauchement, en se donnant la main. Et leur poursuivant trottine derrière, faisant tout ce qu’il peut...pour ne pas les attraper. En regardant mieux, nous voyons alors qu’une partie du groupe est constituée par des adultes, plutôt jeunes, présentant un handicap mental.
Ils reviennent déjeuner à midi sur une des tables du parc, et je souhaite les rencontrer :je traverse la pelouse d’un pas tranquille...je suis tout près...je demande à parler à la cheffe ou au chef, car je désire tout simplement les féliciter pour leur réelle acceptation de la différence sociale. Nous nous écartons d’un mètre ou deux et dix paires d’yeux nous fixent intensément, un peu anxieux, me rappelant le regard de Loïc la semaine passée. C’est en croisant tous ces regards que j’ai compris qu’ils étaient vraiment intégrés : ce qui arrivait au groupe, c’était leur affaire à tous, ils étaient concernés, personne n’était dans sa bulle. Reste à ajouter qu’ils m’ont dit des jeunes de la 11eme unité scoute de Jambes-Montagne (si j’ai bien compris) cinq cheffes et chefs étudiants et sept personnes handicapées. Et cerise sur le gâteau dans cette ambiance de respect de l’autre, les chefs ont demandé à voir la photo prise un peu plutôt et que je souhaitais diffuser, pour vérifier qu’elle respectait bien la vie privée chacun .

La semaine passée, j’ai dénoncé , sans le regretter, l’indifférence d’une foule de jeunes. S’ils sont capables du pire, parfois, les jeunes sont aussi capables du meilleur, et je voulais en témoigner...

Réactions

 

Ma réponse à Louis, 25 ans, qui invoque l’inhibition due à la timidité

 

Pour Louis:

 

Cher ami,

J'ai un vrai respect pour la timidité, qui nous amène à d'humbles aménagements dans nos vies, peur de rater certains types de rencontres...

Cependant, si elle nous fait rater trop de choses (p. ex., un lien amoureux), comme le dit la célèbre réplique de pierre richard : "Je suis timide, mais je me soigne"

Par ailleurs, dans certaines situations, celles où il pourrait y avoir danger, la timidité ne peut pas légitimer l'inertie anxieuse...il faut remplir notre devoir d'assistance, et aller aider, en prenant notre courage à deux mains

pour Loïc, il ne s'agissait pas d'abord de lui parler, mais de vérifier s'il n'était pas fou et s'il n'y avait pas besoin de secours

amitiés

 

 

 

Soutien simple :Dr Emmanuel de becker ; Mr ;me caroline Maison, psychologue ;dr Christophe Panichelli ;Vincent Liévin, journaliste ; dr Brigite Kevers ; Pr dominique Charlier ; dr guy Loute ; dr jean-Bernard turine ; dr A Maernoudt ; dr Sophie Symann

 

Dr Patrick Castelain

Mon cher Jean-Yves,

 

Inutile de t’expliquer que le monde est complexe et que c’est à nous d’en découvrir toutes les facettes . Ce que tu fais toujours avec ton infatigable curiosité des choses et des hommes ! Tu as eu encore une fois l’ »honnêteté » et la modestie de nous en faire part, ce qui nous encourage aussi à continuer à croire dans l’humain .

J’espère que nous pourrons tous nous retrouver joyeux et  en bonne santé en bord de Meuse ou ailleurs cet automne !

Avec toute mon amitié,

 

 

Dr Valérie van Ransbeeck

Cher Jean-Yves,

Merci pour ton mail, le partage en ces temps de distanciation fait du bien.. même si le témoignage est en demi-teinte.

Amitiés 

Mr Alain Sansterre

 

Bonsoir et merci, Jean-Yves. Heureusement, le meilleur côtoie le pire.

 

Bien à toi

Alain

Mme Sofyz Terlez,psychologue

 

Cher Jean-Yves,

 

Merci beaucoup pour ton texte. 

En plaine blocus je me fais petite pause en lisant tes articles. 

Je suis très touché par ta propre indifférence au monde ( ??????????), ta langue et ton souhaite de partager ton expérience. 

 

Dr Sophie Dechène

 

Je préfère cette histoire-ci 🙂. Il reste encore des gens qui respectent les vieilles valeurs d'altruisme, de respect de la différence et ne se laissent pas envahir par l'individualisme préconisé au nom de l'émancipation et du droit à la liberté, beaucoup plus à la mode (et malheureusement bien souvent véhiculé par la psychologie).


Je te remercie pour ce partage.

Mme Roxana Kalfa, psychologue

 

Merci Jean-Yves pour ce texte émouvant, qui rappelle qu'aucun homme n'est une île, que nous sommes tous concernés par le bien  des autres, et pourtant qu'on oublie si souvent

 

Je me rends compte que c'est rare que je réponde à tes messages collectifs, mais ce n'est pas pour autant que je les apprécie moins. Au contraire

 

Merci pour ce beau travail de rappel du lien qui nous tient ensemble

 

Dr Philippe Cattiez

 

Cher Jean-Yves,

Je voulais te féliciter pour l’article de la Libre de ce lundi ("pas eu le temps hier" - triste et banale excuse)

Plein d’humanité, de sagesse et digne de ton immense expérience !

Amitiés

PhC

 

De mr Jean Masson

Je pense que ta sensibilité, ton empathie, ton métier, reviennent à la surface comme un boomerang et que ce garçon symbolisait à lui seul toute  l'indifférence du monde face, justement,  à la différence, face à la "non-norme", ....

Quant à faire sa recherche pour lui offrir des chocolats, cela semblerait incompris et certainement très décalé dans le contexte actuel...Tel est mon humble avis..

A plus...big amitiés

 

Dr Chantal Malevez

Cher Jean-Yves, ton texte m'a profondément émue et je me suis permis de le transférer à mes enfants et petits-enfants (19,17,15 ans) puis à des amis très chers (un couple a un petit fils autiste) puis à un club, le Club L dont je fais partie, club de femmes de tous âges et de toutes orientations mais unies par une profonde amitié. Bien que je pense que la meilleure diffusion puisse se faire par les réseaux sociaux, je ne suis pas très réseaux sociaux, moi-même et ne me permettrais donc pas de le diffuser ainsi.Je pense que ton texte magnifique d'humanité mérite une ample diffusion parce que au delà de cette différence que tu nous expliques , il y a aussi toutes les différences ethniques, raciales, sociales et autres que tu mets en évidence mais je ne connais personne dans le monde journalistique et ne peux pas t'aider.Bien amicalement Chantal

 

Et puis Cher Jean Yves , merci pour ton 2ème texte qui remet un peu l'église au milieu du village et témoigne d'attitudes qui peuvent être plus humaines.Mes enfants et mon gendre, mes petits-enfants ont toujours fait du scoutisme et en font encore et il n'est pas rare que dans l'une ou l'autre patrouille il y ait eu un enfant , je dirais "différent" très bien intégré par la patrouille.Mais dans ton premier article toute la problématique de l'enfant "différent", comment parfois l'aborder?

 

 Dr Jacqueline de groot

Merci Jean-Yves pour ton double temoignage.

De petites initiatives souvent invisibles ressortissant d’une créativité soit personnelle, soit à partir  d’une association quelconque , me réjouissent et éveillent en moi l’énergie de faire de même !

Belles histories qui peuvent inciter d’autres à faire de même .

Jacqueline

 

 

Françoise Leurquin, psychologue, fondatrice de l’atelier du lien   
Bonjour Jean-Yves,

 

Première réaction : ton mouvement vers lui me semble très très touchant.  Le sien aussi : tant dans l'échange que dans sa fuite ("fuite" de ou dans sa bulle "perçée":)).  Peut être que ton intervention a stoppé une crise ? T'attacher à le retrouver avec des chocolats-rustines qui font lien ?

Quelle jolie histoire !

Je n'ai pas beaucoup d'inspiration pour savoir comment le retrouver si ce n'est en diffusant peut être d'abord dans les institutions de LLN ?  Est il vraiment venu en train?  Il y a une maison dans le quartier de Lauzelle, qui accueille des personnes plus ou moins autonomes.  C'est quasi en face du bas de la rue d'aulne (où j'habitais) : en descendant, le bâtiment en face à droite.  S'il est allé au centre, il passe probablement d'office par l'endroit où tu l'as vu.

 

Ma réponse c'est très possible en effet....et même plus probable que le train

au-delà de mon attitude, j'ai vraiment trouvé glaçante, au moins ce soir-là, l'indifférence de cette foule en ripaille avec ce jeune qui virevoltait en plein milieu, pas dans un coin quelconque...j'en suis traumatisé, d'où mon écrit auto-libératoire

 

Sa réponse : Cela me touche aussi .  C'est, me semble-t-il, ce que vivent toutes les personnes confrontées à une solitude quasi radicale par rapport à des vécus impossibles à partager, voire interdits à partager (par injonction ext ou int, implicite ou explicite), incompréhensibles... et s'ils deviennent partiellement compréhensibles, c'est une telle révolution psychique, que la conscience d'être "vu ou reconnu"  mais "toujours mal vu ou mal reconnu" est quasi insoutenable, voire dangereux.  Des parties de moi connaissent bien cela (départ d'Afrique).  Ceci dit, sentir une intention bienveillante, prudente, modeste et sensible de quelqu'un fait du bien même si cela semble ne produire aucun effet. 

 

Dr Jerome Cauchies

 

Merci pour ton texte Jean-Yves sur la différence et l'indifférence. Souvent ces deux termes sont liés. Je suis certain que tu as laissé un bon souvenir à Loic que tu reverras peut-être. 

 

Dr Jacques Laruelle

 

Comme je n'ai jamais exercé la médecine en Belgique et que j'habite actuellement en Flandre, je ne puis t'aider à retrouver ce jeune garçon. Je tenais néanmoins à témoigner mon soutien à ton message poignant !

 

mme Hammarqvist

 

Ooohhh que ça fait du bien de lire que l'humanité existe! Ainsi que la préoccupation pour l'autrui. C'est magique.

 

Dr Alain Bachy

 

Merci pour ton  histoire  bien émouvante.

Personellement, je pense que je n'aurais pas perçu une situation à risque  et n'aurais pas approché Loïc. Peut-être à tort ?

Je ne suis pas pédopsyciatre.

 

Ma réponse Tu ne l’as pas vu courir en grand cercle, toujours le même, au moins 40 min Alain, c’était hallucinant….

 

Madame Gwena Ansiaeu

 

Cher Professeur,

 

Je me permets de vous envoyer ces quelques lignes, sans autre objectif que de vous dire à quel point votre texte dans LLB m’a touchée.

J’aurais également été sidérée, je pense, de voir ce « Loic » au milieu des jeunes, deux mondes qui ne se sont pas croisés.

Je pense que j’aurais eu, comme vous, cette envie, dans mes tripes, d’aller au-devant de lui et de le rassurer sur le fait que quelqu’un l’avait bien vu, et s’était inquiété de lui.

Ayant moi-même perdu un enfant accidentellement, je suis bénévole dans l’ASBL Parents désenfantés, et nous accueillons des parents endeuillés après une maladie, un accident, un incendie, un infanticide.. mais aussi beaucoup de suicides. Je suis toujours infiniment touchée d’entendre ces parents parler de ce qui s’est passé, pour peu qu’ils le sachent eux-mêmes. Certains n’ont pas vu la souffrance de leur enfant et restent avec leurs questions.

Le Covid n’arrange rien, et on aimerait voir plus souvent des gestes d’humanité et de bienveillance comme le vôtre. Ils peuvent faire une telle différence…

 

Merci d’avoir pris votre plume pour nous raconter cette scène incroyable. J’espère que les jeunes présents ce jour-là sur la pelouse l’auront lue également…

 

 

Mme Géradin

Cher Monsieur,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article consacré à Loïc.  Je suis moi-même grand-mère de 12 petits-enfants dont 8 garçons  de 22 à 33 ans.  Dont xxxxx) que vous avez suivi pendant un temps.  Il en garde un très bon souvenir, de même que ses parents.
Ils sont tous gentils, respectueux mais aussi timides.  Je ne suis pas sûre qu’ils auraient osé quitter le groupe des « guindailleurs » pour aller vers Loïc.  Cela m’attriste comme vous.  Certains, chefs de mouvements de jeunesse (scouts),  pourraient y être sensibles.  Je vais leur en parler.

 

Mr de Lobkowicz

 

bien cher docteur,

 

dans La Libre d’aujourd’hui.

 

Je comprends tellement que vous souhaitiez retrouver ce jeune garçon dans lequel je retrouve mon fils xxxx dont vous vous êtes  occupé il y a déjà pas mal de temps.

 

J'espère que ses parents prendront contact avec vous.

 

Bien respectueusement par rapport à votre travail et aussi bien amicalement.

 

 

Association Un toit un cœur

 

Je voudrais vous féliciter et vous remercier pour votre article d’aujourd’hui dans la LB

En tant que présidente et cofondatrice d’Utuc, je ne peux qu’applaudir votre attitude et vos propos

A Utuc où nous accueillons des jeunes « différents », des frères de Loïc, nous cherchons à rétablir un lien social, avec les habitants bénévoles mais aussi avec les étudiants grâce à la participation de 3 KAP

Nous cherchons, par ce biais,à faire connaître la réalité des jeunes qui vivent en marge pour diverses raisons et qui sont objets de mépris ou d'indifférence.  

Il pourrait être intéressant de vous rencontrer et de réfléchir ensemble aux actions de sensibilisation que nous pourrions mener sur LLN

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez me rencontrer pour voir ce que nous pourrions faire ensemble

Bien cordialement

Evelyne Louveaux

coprésidente 

 

christine vander borght, psychologue

 

j'ai par hasard acheté La Libre ce lundi et j'ai donc lu ton sympathique article sur le jeune derviche tourneur. Impressionnant;

 

Jean-Pol Leclerq

 

Rapidement, je réagis à tes deux derniers envois relatifs l'un à l'indifférence et le suivant à l'acceptation de la différence. Ma réaction se limitera pour l'instant à quelques réflexions sommaires et peu structurées. Peut-être, y reviendrais-je plus tard pour mieux construire ma pensée.

 

  1. Lorsque je siégeais à l'AWIPH, voici une quinzaine d'années, j'étais souvent assis face à une affiche dont le texte m'interpellait. Je ne comprenais pas le sens de "Pour l'égalité des différences". J'aurais mieux compris "Egaux avec nos différences".

 

  1. Tu évoques l'indifférence dans son acceptation de manque d'attention à l'autre. Mais ce mot signifie aussi inacceptation de la différence, ce que je retrouve dans le courant égalitariste ... qui ménerait à mes yeux à l'indifférence aux autres. Comme quoi, vouloir nier les différences ( de race, de genre, ...) pourrait en fait mener à ne plus se soucier des autres, tout le monde étant pris dans un magma de confusion indifférenciée. Loin de moi, les idées racistes mais quid de pourfendre le "père fouettard" qui fait partie d'une culture qui structure notre psychisme. Loin de moi de ne pas respecter les femmes, mais quid de la croisade de certains contre les chants étudiants. J'ai vraiment l'impression qu'on en revient à l'époque de Mac Carthy et que, à force de "politiquement correct", l'on détriut tous les repères qui aident les jeunes à forger leur identité.à un certain moment de leur vie.

 

  1. Or une identité suffisamment sûre d'elle est, à mes yeux, la base de sécurité (Pierre Fontaine aurait-il parlé, en référence à Erickson, de la confiance de base?) nécessaire pour accepter l'autre dans sa différence et aller à sa rencontre. Le flou identitaire, voire le malaise identitaire actuel de nombre de nos concitoyens me semble un des maux de la société actuelle.

 

  1. L'indifférence est à l'oeuvre en de très nombreux endroits, y compris dans certains milieux psys lorsque les besoins de soins des plus fragiles sont niés en se référant à l'absence de demande formulée, par exemple par certains psychotiques. J'ai parfois tellement l'impression que certains de nos semblables sont tellement niés dans ce qui constitue leur essence, leur être profond que je n'hésite pas à parler d' "euthanasie sociale". Certains n'existent plus pour la société, leur existence est niée.... au point qu'il arrive, comme voici une dizaine d'années, qu'un jeune psychotique meurre dans sa tente plantée dans un parc de Gand, au milieu de l'indifférence générale des nombreux promeneurs fréquentant ce parc.

 

  1. En conclusion, j'admire que tu aies osé un devoir d'ingérence et te suis reconnaissant de l'écrire. Tu t'es montré humain au risque de te faire traiter de "mêle-tout". Il est aussi rassurant de te lire à propos des jeunes soucieux des autres.

 

 

Je profite de cet envoi pour te demander si je peux adresser au journal "Le Soir" ton avis humoristique relatif à la fessée. Ce dernier mercredi 5 mai, un article est paru avec pour titre "Modifier le code civil pour interdire la fessée?". J'avais l'intention de leur adresser ton avis ainsi que ma réaction de l'époque et d'y joindre une copie des pages que consacre Maurice Berger à cette problématique dans son dernier ouvrage "De l'incivilité au terrorisme". Me permets-tu d'utiliser ton envoi de septembre 2018?

 

A l'évoquer, l'interdiction de la fessée s'inscrit peut-être aussi dans le courant "politiquement correct" de l'indifférenciation qui ferait aussi des enfants les égaux de leurs parents ( égaux en valeur et dignes de respect, d'accord; égaux en capacités de discernement, pas d'accord).

 

Bon week-end et avec mes amitiés,

 

Jean-Paul.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour Loïc, le jeune derviche danseur.

Petite histoire sur l’indifférence et l’acceptation de la différence.


                                                                                                      Jean-Yves Hayez.

Vendredi 23 avril, 20h15. Les fenêtres de mon appartement donnent sur le Parc de la Source, un des poumons verts de Louvain la Neuve. Dans le parc, plus de 300 jeunes, manifestation autorisée m’a-t-on dit. Néanmoins, ils sont agglutinés par petits groupes d’une vingtaine , à des années-lumière du respect des règles sanitaires. Bière et alcool coulent en abondance et les déchets aussi, en veux-tu en voilà. Deux voitures de police sont déjà passées, lentement, sans s’arrêter, pas vraiment pour fuir le caillassage, mais plutôt par sagesse : que peuvent deux gardiens de la paix contre une fourmilière prête à s’égailler, sinon se couvrir de ridicule !


Curieusement, les jeunes ont laissé vide le centre de la pelouse, un cercle d’une quinzaine de mètres de diamètre et se cantonnent à la périphérie. Un garçon de leur âge y court tout seul, sans relâche, traçant inlassablement le même grand cercle, des écouteurs aux oreilles. Il court, bondit, gesticule en caricaturant une danse, sans quasi jamais se reposer plus que quelques instants. Voilà plus d’une demi-heure que je l’observe, par intermittences de plus en plus rapprochées, il tourne et tourne et fait le vide autour de lui, sans contact avec personne.                    
Le médecin que je suis se préoccupe de plus en plus de cette interminable ronde folle, posant la question d’une crise dans une maladie mentale.   
Je me décide donc à aller vers lui ; je traverse la pelouse d’un pas tranquille ; je suis tout près de lui…il s’arrête, un peu inquiet…je lui dis bonsoir en souriant…nous nous présentons : « Jean-Yves, Loïc».  Et il se met à communiquer gentiment avec moi. Comme je le prévoyais, rien ne correspond chez lui aux critères standards de la normalité : j’identifie quelques signes physiques et cognitifs d’un léger retard mental, quelques traits autistiques aussi,  bien qu’il me regarde droit dans les yeux, et surtout l’impression d’une immaturité affective diffuse.

 Il m’explique qu’il vit chez ses parents, qu’il a pris le train pour venir ici « près des autres ». Il se dit heureux de danser seul « Je suis dans ma bulle , je sais que personne ne me parle... c’est comme ça », ajoute-t-il avec un petit sourire comme pour s’excuser.   .
J’essaie qu’il me donne le numéro de téléphone de ses parents, pour vérifier que tout est OK, mais il refuse de le faire. Nous parlons encore un peu, je lui explique ma motivation à l’avoir contacté (médecin préoccupé). Il me dit « Oui, les autres me trouvent bizarre». Mais je suis vraiment rassuré par ce bout de communication, je le lui dis, et j’ajoute que je souhaite qu’il continue à s’amuser comme il le faisait. Je prends congé, en lui tournant le dos. Rentré chez moi, mon épouse m’apprend qu’il s’est tout de suite éclipsé, seul. Hélas, je lui ai probablement fait peur et j’’en suis bien triste.

 

L’indifférence ? Je reste sidéré par l’indifférence massive de cette foule, occupée à goûter les plaisirs des retrouvailles et de l’alcool. Personne ne s’est dérangé -dans tous les sens étymologiques du terme- pour l’approcher, lui parler, essayer de comprendre ce qui se passait et s »il existait un risque social, Pis encore, personne ne le regardait, comme s’il n’existait pas! Ils avaient eu
 l’intuition que cet inconnu n’était pas de leur monde, ni comportemental, ni social.


J’entends déjà des voix protester : « Ils avaient peur; ils n’ont pas voulu le provoquer ». Oui peut-être l’un ou l’autre craignait-il cette sorte de chaman dansant ...mais le groupe aurait pu en déléguer quelques-uns, confiants en eux et bons communicateurs, pour au moins évaluer ce qui se passait.

Ou encore : « Ce n’est pas de l’indifférence,  c’est une magnifique tolérance, voire une vraie acceptation spontanée de la manière d’être individuelle… Nous sommes en 2021 et chacun se donne le droit d’être lui-même !...  Notre société est faite d’individualités qui s’affirment ». L’argument me paraît néanmoins bien peu convaincant. Sur le plan éthique, ne sommes-nous pas invités à accepter les choix de vie de chacun, certes, mais pour peu qu’ils ne mettent pas significativement en danger la vie d’autrui ou de la personne elle-même? Auquel cas, il y a devoir d’assistance.

 

Et ici, l’étrangeté prolongée du comportement de Loïc - évocateur par exemple d’une crise de schizophrénie- exigeait que soit faite cette vérification du risque, même brièvement, même approximativement, pas par d’hypothétiques professionnels mais par ses frères et sœurs de la communauté.

Mais non, leur indifférence à celui qui n’avait pas les codes du groupe a été aussi massive ce soir-là que leur indifférence aux règles sanitaires ( au cocotier, les papy et les mamy !) et que leur indifférence écologique (merci, soit dit en passant, à l’unique jeune fille qui a fait du ramassage de déchets une vingtaine de minutes vers 22heures). Indifférence de classe sociale aussi : tant pis pour ceux qui allaient se casser le dos deux ou trois heures le lendemain matin pour ramasser papiers gras, canettes et autres débris de bouteilles de vodka.


Acceptation de la différence ? Je n’ai aucun remords quant à mon comportement. En contactant Loïc , j’ai seulement voulu vérifier la question du danger : trop de désordre mental, trop d’incohérences et de perte de lucidité aurait pu conduire à d’imprévisibles drames.

Mais ce n’était le cas : ma conversation avec le jeune se voulait à l’écoute, respectueuse, délicate et elle m’a vite convaincu que le comportement de Loïc relevait d’un projet non dangereux et élaboré librement. « Danser, tourner autour des autres, dans ma bulle, sans que personne ne me parle ». Dans l’immédiateté de cette soirée, dans le cadre de notre brève rencontre, ce projet personnel, tout imparfait qu’il soit ( il faisait lui aussi l’impasse sur la rencontre de l’autre) m’a semblé pouvoir être reconnu et encouragé. Ce que j’ai fait explicitement, avant de partir.

On ne fait hélas pas d’omelettes sans casser d’œufs et Loïc a vite disparu, effrayé sans doute malgré tout par mon statut de vieux monsieur, médecin de surcroît, susceptible d’exercer un pouvoir au-delà de ses mots : peut-être de mauvais souvenirs pour lui !

J’espère de tout cœur qu’il est allé jouer et danser ailleurs en ville. Je suis triste, je l’ai dit, et je regrette que mon approche ne l’ait pas complètement rassuré. J’ai même l’espoir de le retrouver, à partir de ce texte et de lui offrir des chocolats pour m’excuser de lui avoir fait peur (Loïc est bien sûr un prénom
d’emprunt). Mais je ne me sens pas coupable et, si c’était à refaire, j’aurais la même attitude de sollicitude.


Tout est-il dit de la sorte ? Pas encore tout à fait ! La manière de se comporter de Loïc me semble être de l’ordre du compromis, acceptable personnellement, pour se donner une certaine joie de vivre dans un moment de fête collective. C’est déjà ça !  Néanmoins, il m’a parlé très vite de sa bulle, de sa solitude, des autres qui le trouvaient bizarre. J’espère donc que les responsables de son accompagnement quotidien, parents et autres professionnels, ont suffisamment de créativité pour accepter à la fois bien des dimensions originales de Loïc , mais aussi améliorer sa sociabilité et son insertion sociale.

 

"Ne regardez pas le renard qui passe", gauchement mais ensemble


Samedi 1er mai, 10h. Parce de la Source, Louvain-La-Neuve. De la fenêtre de notre appartement, nous voyons, sur la pelouse centrale, un groupe d’une quinzaine de jeunes adultes, certains en uniforme scout et d’autres pas. Ils sont sagement assis et, curieusement, ils jouent au jeu bien connu du mouchoir (" Ne regardez pas le renard qui passe… ").

Deux d’entre eux courent autour du cercle, assez gauchement, en se donnant la main. Et leur poursuivant trottine derrière, faisant tout ce qu’il peut...pour ne pas les attraper. En regardant mieux, nous voyons alors qu’une partie du groupe est constituée par des adultes, plutôt jeunes, présentant un handicap mental.
Ils reviennent déjeuner à midi sur une des tables du parc, et je souhaite les rencontrer :je traverse la pelouse d’un pas tranquille...je suis tout près...je demande à parler à la cheffe ou au chef, car je désire tout simplement les féliciter pour leur réelle acceptation de la différence sociale. Nous nous écartons d’un mètre ou deux et dix paires d’yeux nous fixent intensément, un peu anxieux, me rappelant le regard de Loïc la semaine passée. C’est en croisant tous ces regards que j’ai compris qu’ils étaient vraiment intégrés : ce qui arrivait au groupe, c’était leur affaire à tous, ils étaient concernés, personne n’était dans sa bulle. Reste à ajouter qu’ils m’ont dit des jeunes de la 11eme unité scoute de Jambes-Montagne (si j’ai bien compris) cinq cheffes et chefs étudiants et sept personnes handicapées. Et cerise sur le gâteau dans cette ambiance de respect de l’autre, les chefs ont demandé à voir la photo prise un peu plutôt et que je souhaitais diffuser, pour vérifier qu’elle respectait bien la vie privée chacun .

La semaine passée, j’ai dénoncé , sans le regretter, l’indifférence d’une foule de jeunes. S’ils sont capables du pire, parfois, les jeunes sont aussi capables du meilleur, et je voulais en témoigner...

Réactions

 

Ma réponse à Louis, 25 ans, qui invoque l’inhibition due à la timidité

 

Pour Louis:

 

Cher ami,

J'ai un vrai respect pour la timidité, qui nous amène à d'humbles aménagements dans nos vies, peur de rater certains types de rencontres...

Cependant, si elle nous fait rater trop de choses (p. ex., un lien amoureux), comme le dit la célèbre réplique de pierre richard : "Je suis timide, mais je me soigne"

Par ailleurs, dans certaines situations, celles où il pourrait y avoir danger, la timidité ne peut pas légitimer l'inertie anxieuse...il faut remplir notre devoir d'assistance, et aller aider, en prenant notre courage à deux mains

pour Loïc, il ne s'agissait pas d'abord de lui parler, mais de vérifier s'il n'était pas fou et s'il n'y avait pas besoin de secours

amitiés

 

 

 

Soutien simple :Dr Emmanuel de becker ; Mr ;me caroline Maison, psychologue ;dr Christophe Panichelli ;Vincent Liévin, journaliste ; dr Brigite Kevers ; Pr dominique Charlier ; dr guy Loute ; dr jean-Bernard turine ; dr A Maernoudt ; dr Sophie Symann

 

Dr Patrick Castelain

Mon cher Jean-Yves,

 

Inutile de t’expliquer que le monde est complexe et que c’est à nous d’en découvrir toutes les facettes . Ce que tu fais toujours avec ton infatigable curiosité des choses et des hommes ! Tu as eu encore une fois l’ »honnêteté » et la modestie de nous en faire part, ce qui nous encourage aussi à continuer à croire dans l’humain .

J’espère que nous pourrons tous nous retrouver joyeux et  en bonne santé en bord de Meuse ou ailleurs cet automne !

Avec toute mon amitié,

 

 

Dr Valérie van Ransbeeck

Cher Jean-Yves,

Merci pour ton mail, le partage en ces temps de distanciation fait du bien.. même si le témoignage est en demi-teinte.

Amitiés 

Mr Alain Sansterre

 

Bonsoir et merci, Jean-Yves. Heureusement, le meilleur côtoie le pire.

 

Bien à toi

Alain

Mme Sofyz Terlez,psychologue

 

Cher Jean-Yves,

 

Merci beaucoup pour ton texte. 

En plaine blocus je me fais petite pause en lisant tes articles. 

Je suis très touché par ta propre indifférence au monde ( ??????????), ta langue et ton souhaite de partager ton expérience. 

 

Dr Sophie Dechène

 

Je préfère cette histoire-ci 🙂. Il reste encore des gens qui respectent les vieilles valeurs d'altruisme, de respect de la différence et ne se laissent pas envahir par l'individualisme préconisé au nom de l'émancipation et du droit à la liberté, beaucoup plus à la mode (et malheureusement bien souvent véhiculé par la psychologie).


Je te remercie pour ce partage.

Mme Roxana Kalfa, psychologue

 

Merci Jean-Yves pour ce texte émouvant, qui rappelle qu'aucun homme n'est une île, que nous sommes tous concernés par le bien  des autres, et pourtant qu'on oublie si souvent

 

Je me rends compte que c'est rare que je réponde à tes messages collectifs, mais ce n'est pas pour autant que je les apprécie moins. Au contraire

 

Merci pour ce beau travail de rappel du lien qui nous tient ensemble

 

Dr Philippe Cattiez

 

Cher Jean-Yves,

Je voulais te féliciter pour l’article de la Libre de ce lundi ("pas eu le temps hier" - triste et banale excuse)

Plein d’humanité, de sagesse et digne de ton immense expérience !

Amitiés

PhC

 

De mr Jean Masson

Je pense que ta sensibilité, ton empathie, ton métier, reviennent à la surface comme un boomerang et que ce garçon symbolisait à lui seul toute  l'indifférence du monde face, justement,  à la différence, face à la "non-norme", ....

Quant à faire sa recherche pour lui offrir des chocolats, cela semblerait incompris et certainement très décalé dans le contexte actuel...Tel est mon humble avis..

A plus...big amitiés

 

Dr Chantal Malevez

Cher Jean-Yves, ton texte m'a profondément émue et je me suis permis de le transférer à mes enfants et petits-enfants (19,17,15 ans) puis à des amis très chers (un couple a un petit fils autiste) puis à un club, le Club L dont je fais partie, club de femmes de tous âges et de toutes orientations mais unies par une profonde amitié. Bien que je pense que la meilleure diffusion puisse se faire par les réseaux sociaux, je ne suis pas très réseaux sociaux, moi-même et ne me permettrais donc pas de le diffuser ainsi.Je pense que ton texte magnifique d'humanité mérite une ample diffusion parce que au delà de cette différence que tu nous expliques , il y a aussi toutes les différences ethniques, raciales, sociales et autres que tu mets en évidence mais je ne connais personne dans le monde journalistique et ne peux pas t'aider.Bien amicalement Chantal

 

Et puis Cher Jean Yves , merci pour ton 2ème texte qui remet un peu l'église au milieu du village et témoigne d'attitudes qui peuvent être plus humaines.Mes enfants et mon gendre, mes petits-enfants ont toujours fait du scoutisme et en font encore et il n'est pas rare que dans l'une ou l'autre patrouille il y ait eu un enfant , je dirais "différent" très bien intégré par la patrouille.Mais dans ton premier article toute la problématique de l'enfant "différent", comment parfois l'aborder?

 

 Dr Jacqueline de groot

Merci Jean-Yves pour ton double temoignage.

De petites initiatives souvent invisibles ressortissant d’une créativité soit personnelle, soit à partir  d’une association quelconque , me réjouissent et éveillent en moi l’énergie de faire de même !

Belles histories qui peuvent inciter d’autres à faire de même .

Jacqueline

 

 

Françoise Leurquin, psychologue, fondatrice de l’atelier du lien   
Bonjour Jean-Yves,

 

Première réaction : ton mouvement vers lui me semble très très touchant.  Le sien aussi : tant dans l'échange que dans sa fuite ("fuite" de ou dans sa bulle "perçée":)).  Peut être que ton intervention a stoppé une crise ? T'attacher à le retrouver avec des chocolats-rustines qui font lien ?

Quelle jolie histoire !

Je n'ai pas beaucoup d'inspiration pour savoir comment le retrouver si ce n'est en diffusant peut être d'abord dans les institutions de LLN ?  Est il vraiment venu en train?  Il y a une maison dans le quartier de Lauzelle, qui accueille des personnes plus ou moins autonomes.  C'est quasi en face du bas de la rue d'aulne (où j'habitais) : en descendant, le bâtiment en face à droite.  S'il est allé au centre, il passe probablement d'office par l'endroit où tu l'as vu.

 

Ma réponse c'est très possible en effet....et même plus probable que le train

au-delà de mon attitude, j'ai vraiment trouvé glaçante, au moins ce soir-là, l'indifférence de cette foule en ripaille avec ce jeune qui virevoltait en plein milieu, pas dans un coin quelconque...j'en suis traumatisé, d'où mon écrit auto-libératoire

 

Sa réponse : Cela me touche aussi .  C'est, me semble-t-il, ce que vivent toutes les personnes confrontées à une solitude quasi radicale par rapport à des vécus impossibles à partager, voire interdits à partager (par injonction ext ou int, implicite ou explicite), incompréhensibles... et s'ils deviennent partiellement compréhensibles, c'est une telle révolution psychique, que la conscience d'être "vu ou reconnu"  mais "toujours mal vu ou mal reconnu" est quasi insoutenable, voire dangereux.  Des parties de moi connaissent bien cela (départ d'Afrique).  Ceci dit, sentir une intention bienveillante, prudente, modeste et sensible de quelqu'un fait du bien même si cela semble ne produire aucun effet. 

 

Dr Jerome Cauchies

 

Merci pour ton texte Jean-Yves sur la différence et l'indifférence. Souvent ces deux termes sont liés. Je suis certain que tu as laissé un bon souvenir à Loic que tu reverras peut-être. 

 

Dr Jacques Laruelle

 

Comme je n'ai jamais exercé la médecine en Belgique et que j'habite actuellement en Flandre, je ne puis t'aider à retrouver ce jeune garçon. Je tenais néanmoins à témoigner mon soutien à ton message poignant !

 

mme Hammarqvist

 

Ooohhh que ça fait du bien de lire que l'humanité existe! Ainsi que la préoccupation pour l'autrui. C'est magique.

 

Dr Alain Bachy

 

Merci pour ton  histoire  bien émouvante.

Personellement, je pense que je n'aurais pas perçu une situation à risque  et n'aurais pas approché Loïc. Peut-être à tort ?

Je ne suis pas pédopsyciatre.

 

Ma réponse Tu ne l’as pas vu courir en grand cercle, toujours le même, au moins 40 min Alain, c’était hallucinant….

 

Madame Gwena Ansiaeu

 

Cher Professeur,

 

Je me permets de vous envoyer ces quelques lignes, sans autre objectif que de vous dire à quel point votre texte dans LLB m’a touchée.

J’aurais également été sidérée, je pense, de voir ce « Loic » au milieu des jeunes, deux mondes qui ne se sont pas croisés.

Je pense que j’aurais eu, comme vous, cette envie, dans mes tripes, d’aller au-devant de lui et de le rassurer sur le fait que quelqu’un l’avait bien vu, et s’était inquiété de lui.

Ayant moi-même perdu un enfant accidentellement, je suis bénévole dans l’ASBL Parents désenfantés, et nous accueillons des parents endeuillés après une maladie, un accident, un incendie, un infanticide.. mais aussi beaucoup de suicides. Je suis toujours infiniment touchée d’entendre ces parents parler de ce qui s’est passé, pour peu qu’ils le sachent eux-mêmes. Certains n’ont pas vu la souffrance de leur enfant et restent avec leurs questions.

Le Covid n’arrange rien, et on aimerait voir plus souvent des gestes d’humanité et de bienveillance comme le vôtre. Ils peuvent faire une telle différence…

 

Merci d’avoir pris votre plume pour nous raconter cette scène incroyable. J’espère que les jeunes présents ce jour-là sur la pelouse l’auront lue également…

 

 

Mme Géradin

Cher Monsieur,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article consacré à Loïc.  Je suis moi-même grand-mère de 12 petits-enfants dont 8 garçons  de 22 à 33 ans.  Dont xxxxx) que vous avez suivi pendant un temps.  Il en garde un très bon souvenir, de même que ses parents.
Ils sont tous gentils, respectueux mais aussi timides.  Je ne suis pas sûre qu’ils auraient osé quitter le groupe des « guindailleurs » pour aller vers Loïc.  Cela m’attriste comme vous.  Certains, chefs de mouvements de jeunesse (scouts),  pourraient y être sensibles.  Je vais leur en parler.

 

Mr de Lobkowicz

 

bien cher docteur,

 

dans La Libre d’aujourd’hui.

 

Je comprends tellement que vous souhaitiez retrouver ce jeune garçon dans lequel je retrouve mon fils xxxx dont vous vous êtes  occupé il y a déjà pas mal de temps.

 

J'espère que ses parents prendront contact avec vous.

 

Bien respectueusement par rapport à votre travail et aussi bien amicalement.

 

 

Association Un toit un cœur

 

Je voudrais vous féliciter et vous remercier pour votre article d’aujourd’hui dans la LB

En tant que présidente et cofondatrice d’Utuc, je ne peux qu’applaudir votre attitude et vos propos

A Utuc où nous accueillons des jeunes « différents », des frères de Loïc, nous cherchons à rétablir un lien social, avec les habitants bénévoles mais aussi avec les étudiants grâce à la participation de 3 KAP

Nous cherchons, par ce biais,à faire connaître la réalité des jeunes qui vivent en marge pour diverses raisons et qui sont objets de mépris ou d'indifférence.  

Il pourrait être intéressant de vous rencontrer et de réfléchir ensemble aux actions de sensibilisation que nous pourrions mener sur LLN

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez me rencontrer pour voir ce que nous pourrions faire ensemble

Bien cordialement

Evelyne Louveaux

coprésidente 

 

christine vander borght, psychologue

 

j'ai par hasard acheté La Libre ce lundi et j'ai donc lu ton sympathique article sur le jeune derviche tourneur. Impressionnant;

 

Jean-Pol Leclerq

 

Rapidement, je réagis à tes deux derniers envois relatifs l'un à l'indifférence et le suivant à l'acceptation de la différence. Ma réaction se limitera pour l'instant à quelques réflexions sommaires et peu structurées. Peut-être, y reviendrais-je plus tard pour mieux construire ma pensée.

 

  1. Lorsque je siégeais à l'AWIPH, voici une quinzaine d'années, j'étais souvent assis face à une affiche dont le texte m'interpellait. Je ne comprenais pas le sens de "Pour l'égalité des différences". J'aurais mieux compris "Egaux avec nos différences".

 

  1. Tu évoques l'indifférence dans son acceptation de manque d'attention à l'autre. Mais ce mot signifie aussi inacceptation de la différence, ce que je retrouve dans le courant égalitariste ... qui ménerait à mes yeux à l'indifférence aux autres. Comme quoi, vouloir nier les différences ( de race, de genre, ...) pourrait en fait mener à ne plus se soucier des autres, tout le monde étant pris dans un magma de confusion indifférenciée. Loin de moi, les idées racistes mais quid de pourfendre le "père fouettard" qui fait partie d'une culture qui structure notre psychisme. Loin de moi de ne pas respecter les femmes, mais quid de la croisade de certains contre les chants étudiants. J'ai vraiment l'impression qu'on en revient à l'époque de Mac Carthy et que, à force de "politiquement correct", l'on détriut tous les repères qui aident les jeunes à forger leur identité.à un certain moment de leur vie.

 

  1. Or une identité suffisamment sûre d'elle est, à mes yeux, la base de sécurité (Pierre Fontaine aurait-il parlé, en référence à Erickson, de la confiance de base?) nécessaire pour accepter l'autre dans sa différence et aller à sa rencontre. Le flou identitaire, voire le malaise identitaire actuel de nombre de nos concitoyens me semble un des maux de la société actuelle.

 

  1. L'indifférence est à l'oeuvre en de très nombreux endroits, y compris dans certains milieux psys lorsque les besoins de soins des plus fragiles sont niés en se référant à l'absence de demande formulée, par exemple par certains psychotiques. J'ai parfois tellement l'impression que certains de nos semblables sont tellement niés dans ce qui constitue leur essence, leur être profond que je n'hésite pas à parler d' "euthanasie sociale". Certains n'existent plus pour la société, leur existence est niée.... au point qu'il arrive, comme voici une dizaine d'années, qu'un jeune psychotique meurre dans sa tente plantée dans un parc de Gand, au milieu de l'indifférence générale des nombreux promeneurs fréquentant ce parc.

 

  1. En conclusion, j'admire que tu aies osé un devoir d'ingérence et te suis reconnaissant de l'écrire. Tu t'es montré humain au risque de te faire traiter de "mêle-tout". Il est aussi rassurant de te lire à propos des jeunes soucieux des autres.

 

 

Je profite de cet envoi pour te demander si je peux adresser au journal "Le Soir" ton avis humoristique relatif à la fessée. Ce dernier mercredi 5 mai, un article est paru avec pour titre "Modifier le code civil pour interdire la fessée?". J'avais l'intention de leur adresser ton avis ainsi que ma réaction de l'époque et d'y joindre une copie des pages que consacre Maurice Berger à cette problématique dans son dernier ouvrage "De l'incivilité au terrorisme". Me permets-tu d'utiliser ton envoi de septembre 2018?