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La mesure pend au nez des enfants, si j’ose risquer ce jeu de mots, et à très court terme.               
Je vous propose donc un examen de sa faisabilité, du point de vue de la santé mentale des enfants concernés

La mesure est-elle faisable ? A certaines conditions, oui! La moyenne des enfants de 10-12 ans est dotée d’une bonne stabilité et d’un bon contrôle psychomoteur, qui permet au corps de rester calme, sereinement. Ils ont aussi une intelligence concrète qui leur fait bien comprendre le pourquoi et le comment des choses. Enfin, leur monde intérieur, celui de leurs idées, leurs opinions et leurs sentiments est réaliste et n’est plus trop tourmenté par les mêmes angoisses que les tout-petits : ils sont donc capables de répondre à cette demande avec bonne volonté ,efficacité dans l’exécution, et sans traumatisme psychologique significatif. Certains se sentiront même heureux et fiers d’être associés de la sorte au monde de grands et de participer plus activement à l’effort commun.        
Reste évidemment aux parents et aux enseignants à bien les y préparer. Un échange verbal solide à propos des masques chez les enfants s’impose donc. Notez que je parle d’échange verbal, et non de « bonne séance d’information ». J’ai déjà dit à maintes reprises que nous perdions trop souvent le meilleur de la communication avec les enfants, soit par nos silences, soit au contraire en les assommant d’une masse d’informations,   même lorsque le vocabulaire est adapté à leur âge. Échanger verbalement avec eux, c’est d’abord les écouter, s’enquérir de ce qu’ils savent déjà, de ce qu’ils pensent et de ce qu’ils vivent. Après, nous pouvons partager avec eux notre vécu, nos opinions et notre savoir. Nous pouvons certes corriger quelques erreurs, combler quelques lacunes, mais il s’agit essentiellement de construire un savoir en commun, respectueux des opinions de chacun. 

Les enfants se posent avec plus d’intensité la question du pourquoi que celle du comment. Pensons par exemple aux enfants assez anxieux. Ils imagineront, sans souvent oser en parler : « Pourquoi nous maintenant ? Est-ce de plus en plus grave ? Ça veut dire quoi : forte contamination dans les écoles ? » D’autres, plus agressifs, et forts peut-être de ce qu’ils ont entendu à la maison , penseront « On le fait exprès pour nous embêter », etc. Encore une fois, il ne s’agit pas de leur expliquer, du haut d’un siège magistral, mais de les encourager à s’exprimer, à déployer leurs idées, à parler de quelques vécus plus intimes…Il est tout à fait vraisemblable qu’ils disent l’essentiel sans que l’adulte ait à ajouter quelque chose, sinon qu’il est là avec eux, pour veiller avec eux[1] 

Cet échange verbal peut évidemment se répéter dans la durée, pour évaluer ce qui se vit après quelques jours, et autour de tant et tant de corona -questions.


Dans cette ambiance où l’on communique, il restera au moins trois problèmes à prendre en compte : 

Et d’abord , le problème de la durée. Une journée scolaire avec le masque sur le nez, c’est très long. Les enfants vivent davantage que les adultes dans l’immédiat, sans planification à long terme. Ils ont aussi besoin de contacts sociaux complets, visage découvert, avec leurs pairs, pour lire l’amitié et la joie sur le visage de ceux-ci, pour se parler, se faire des mimiques, pour jouer...
Alors, il me semble important d’aménager la durée, sans perdre pour autant le bénéfice de la mesure. Par exemple, outre le moment du repas pris en commun, on peut prévoir des moments récréatifs, sans masque et avec les distances sociales respectées : pour faire des jeux de société, voire des jeux d’extérieur style « louveteaux » dirigés , avec par un adulte. En rêvant encore davantage, on peut imaginer des journées de 4heures d’école le matin. Et l’après-midi, une prise en charge de 2heures devant la télévision, avec obligation pour les enfants d’y assister. Ça a marché gentiment chez nous sur la 3, et en France avec les cours Lumni sur France 2.

                                        
Autre problème : celui des différences entre enfants. Si en moyenne, le groupe est capable de s’adapter aux masques, il y a des exceptions : enfants très hyperkinétiques, enfants souffrant d’angoisses importantes autour du masque (peut-être ceux qui présentent des traits autistiques), préadolescents que l’arrivée de la puberté rend à nouveau instables, etc. En permettant à ces enfants de ne pas porter de masques, tout en respectant le mieux possible les gestes barrière, parents et enseignants pourraient mettre en application une superbe « pédagogie de la différence » en n’en faisant ni des privilégiés ni des parias, et en encourageant le groupe à réfléchir sur l’acceptation des différences.      


Enfin, se posera la question de la tolérance et de l’empathie. Même avec leur bonne volonté, les enfants restent des enfants. Il existera donc un certain nombre d’oublis et d’imperfections dans la gestion de la mesure. Aux adultes de faire preuve de compréhension et non d’irritation progressive : l’enfant distrait ou un peu nerveux peut être encouragé à faire mieux, et pas grondé pour sa soi-disant négligence. Tous ceux qui ont fait de leur mieux peuvent être remerciés et valorisés pour leur participation à l’effort commun, et les cancres du masques soutenus, invités à réfléchir, valorisés pour leurs petits efforts plutôt que stigmatisés.

Notes

[1] On peut relire à ce sujet l’article  Un suicide et des interventions de crise. Rencontrés après le suicide d’un instituteur, des enfants de primaire, aidés à s’exprimer, avaient trouvés pratiquement tout seul ce qu’il y a à dire d’important autour du suicide.