We must always remember that the child needs his home and his parents more than he needs his psychiatry. (H. Caplan)

Je me propose de nommer et de décrire les personnes ou les interactions sur lesquelles se centrent les thérapeutes de notre groupe lors de leurs guidances, et quelques fonctions qu'ils y exercent. Je ferai aussi des hypothèses sur les mécanismes par lesquels ce qu'ils disent, font ou vivent en séance, peut agir sur la relation des parents et de leurs enfants. J'essaierai enfin de dégager les buts sous-jacents aux fonctions décrites, c'est-à-dire de situer leur arrière-plan idéologique.

Mais d'abord, il faut savoir ce que notre groupe appelle guidance des parents :

Première définition

La guidance des parents a une spécificité qui la distingue des autres psychothérapies individuelles, conjugales ou familiales.



1. SUR LE PLAN FORMEL 



C'est la rencontre d'un, (deux) thérapeute(s) et d'un (des) parent(s) qui signale(nt) un problème psychologique - intellectuel ou affectif - chez leur enfant, et demande(nt) qu'on l'(les) aide à le résoudre. J'y assimile les rencontres de même type avec l'éducateur d'un enfant placé et j'y rapporte les rencontres avec les autres responsables adultes de l'enfant grands-parents, instituteurs, etc ...

Habituellement, les rencontres se reproduisent dans le temps régulièrement ou non, à un rythme plus ou moins espacé, encore que le thérapeute essaie, au moins au début, que la fréquence des entretiens soit grande, tous les huit ou quinze jours par exemple. La durée de la guidance est plus courte que celle d'une psychothérapie; il est rare qu'une guidance à rythme dense dure plus d'un an, ce qui n'est pas le cas de « tranches » de guidance séparées par des intervalles libres.

2. ESSENTIELLEMENT, UNE GUIDANCE EST UN TRAVAIL EFFECTUÉ PAR LE THÉRAPEUTE ET LES PARENTS, QUI A POUR CHAMP LA RELATION PARENT&ENFANT ET VISE A L'ÉPANOUISSEMENT DE CEUX-CI 

a) Travail du thérapeute et des parents

 

Une guidance ne progresse pas sans leur étroite collaboration, même si elle est d'acquisition tardive. Côté parents, cela signifie qu'ils se sont progressivement motivés à oeuvrer à leur problème selon les formes qu'a indiquées le thérapeute. Quant à celui-ci, il s'attelle à résoudre le problème qui lui a été posé. Il répond en partie à la demande des parents; même s'il la reformule parfois, en révélant son sens caché, il ne s'en écarte pas.



b) Le champ : la relation parents-enfants

 

C'est-à-dire l'ensemble de leurs interactions et des représentations subjectives, avec leur charge d'affects, que les uns provoquent chez les autres.

 * Beaucoup de problèmes qui nous sont posés, surtout dans le domaine affectif, relèvent en effet d'une causalité circulaire où sont intriquées des réactions en chaîne entre parents et enfants et où il est difficile de déterminer le primum movens.

Dans une minorité de cas affectifs, il est apparemment plus facile de dire qu'un des partenaires est la cause du problème par exemple, un enfant est déprimé parce qu'il a un handicap. Même alors, c'est un changement dans la relation de l'enfant et des parents qui sera un important facteur d'amélioration et que visera la guidance.

Quant aux situations où leur relation n'est pas du tout impliquée - orientation scolaire, difficultés instrumentales pures - on les débrouille en consultation, mais pas en gui- dance.

 * Pour le thérapeute, il s'agit d'abord de comprendre ce qui se passe dans cette relation, de rétablir la continuité de ce qui s'y vit, de chercher quelles sont les causalités circulaires. Il ne s'agit pas de tout élucider d'un coup, mais d'être ouvert à tout sens possible qui surgira dans le discours, sans a priori; ce qui opère, c'est la capacité du thérapeute à intuitionner ce qui se passe, au moment où c'est vécu.

Eventuellement, il cherche à y changer quelque chose, en restaurant la confiance en soi, en fournissant des informations et un témoignage sur lui-même, ou en exerçant une fonction directive.

 * De son côté, après un temps d'ajustement, le client participe aux séances en sa qualité de parent :

 - il se centre sur la facette de sa personnalité qui interagit avec ses enfants et qu'on peut appeler son « être-parent » ;

 - il cherche le sens de ses attitudes parentales et il essaie surtout de les accepter dans la paix, quelles qu'elles soient. La centration sur son « être-parent » n'empêche pas que, pour mieux le comprendre et l'accepter, il se penche secondairement sur d'autres champs de sa vie : vie conjugale, éléments de son passé ...;

 - dans cette visée de vérité et d'acceptation, il effectue la même recherche de sens pour son enfant absent, non sans quelque spéculation. Ici, sa recherche est presque automatiquement globale; elle touche aux différents moments de la vie de l'enfant, et pas seulement à ses rencontres avec ses parents;

 - enfin, le client accepte de modifier les zones de son « être-parent » qui gênent sa croissance ou celle de son enfant; réciproquement, quand l'enfant est gênant, il accepte de l'inviter à de semblables changements.



c) Epanouissement des personnes

 

Au début du livre, je ne puis donner qu'une idée théorique de ce qu'est une personne épanouie. Au fur et à mesure que seront passées en revue les diverses fonctions thérapeutiques, il sera possible d'étudier chaque fois quel genre d'im- pact elles ont sur le client et son enfant, et la synthèse de ces modifications supputées renseignera plus réellement sur le sens vécu du terme « épanouissement ». On trouvera cette synthèse au chapitre VII « Réflexions sur l'idéologie », chapitre qu'il faut donc intégrer à la définition même de la guidance.

PLACE DE LA GUIDANCE PARMI D'AUTRES RELATIONS THÉRAPEUTIQUES

1. GUIDANCE ET PSYCHOTHÉRAPIES INDIVIDUELLES 



Lors d'une psychothérapie individuelle, en principe, le thérapeute ne se soucie pas explicitement de comprendre l'entourage du client ni, a fortiori, de contribuer à son épanouissement; et, quand il a dépassé une première couche névrotique d'insécurité et de culpabilité, le client lui-même ne se soucie plus guère, à l'intérieur de sa thérapie, d'améliorer le fonctionnement de son entourage. Il ne recherche plus que son propre épanouissement! En guidance, la croissance personnelle de l'enfant est également visée, entre autre dans son lien à ces personnes fondamentales que sont les parents; c'est dire que si son client ne le fait pas spontanémentr le thérapeute introduit le principe d'un renoncement partiel à la réalisation de désirs personnels au nom de la croissance de l'autre. Il ne faut pas l'assimiler trop rapidement à un renoncement des parents pour l'enfant. L'inverse se discute également en séance.

Sur le plan technique, le type de guidance que je décris est une voie d'approche « bâtarde » d'un problème. L'on y fonctionne en s'appuyant sur des écoles de pensée différentes, voire opposées : car le seul critère retenu est l'efficacité clinique. Il arrive donc que des attitudes soient superficiellement contradictoires.

ILL. : Par exemple, je suis à l'écoute de ce que dit mon client, et j'essaie de l'accepter. Puis, je lui demande avec autorité de renforcer ou de modifier un aspect de son comportement. L'acceptation de lui demeure pourtant, car son refus éventuel de ma demande ne signifie pas mon rejet futur : à moi de comprendre qu'il ne peut pas me suivre dans l'état actuel de son expérience subjective! Et s'il suit la consigne, à moi de réécouter, avec toute mon empathie, l'écho qu'elle a eu chez lui. En tout cas, je ne pense pas que la succession d'un moment directif à un moment d'écoute non-directive condamne l'existence de la guidance.

En pratique encore, une guidance a une connotation plus immédiate qu'une psychothérapie; souvent, l'on s'intéresse surtout à ce qui s'est passé récemment et l'on cherche à préparer un avenir proche. Y est liée une idée de pragmatisme : le thérapeute invite les parents à parler de situations concrètes et cherche des points de détente modestes et réalistes.



a) Thérapies non-directives centrées sur le client (école de K. Rogers)

 

 * Pour Rogers, dans une relation d'aide, l'un des deux participants cherche à favoriser chez l'autre la croissance, une appréciation plus grande de ses ressources latentes, une meilleure possibilité de les exprimer et d'en faire usage.

Au-delà des façades, des devoirs, de l'attente des autres ou de l'obligation de leur faire plaisir, le sujet en vient à s'auto-diriger : il se choisit des buts qu'il désire personnellement; il est ouvert à ses propres sentiments quels qu'ils soient, dans leur fluidité et leurs variations, sans que leur nature n'altère sa confiance en soi!

Tout en différant, comme je l'ai indiqué, l'explicitation du concept d'épanouissement, je me sens proche de cette formulation rogérienne pour cerner le but de la guidance. J'y donne toutefois une place plus nette à la croissance de l'autre, que Rogers (2) ne signale qu'en passant :

« Si le client accepte son expérience personnelle via l'acceptation inconditionnelle du thérapeute, il acceptera également l'expérience d'autrui ».

 * Mais Rogers se limite à citer quelques caractéristiques du thérapeute aptes à mener à bien le processus de croissance : sa congruence, son empathie, l'absence de tout jugement de valeur et la considération positive inconditionnelle de l'expérience d'autrui.

En guidance, les fonctions du thérapeute sont plus diverses, même si elles gardent comme toile de fond, par exemple avant et après des interventions plus directives ou plus gratifiantes, l'exercice d'une écoute empathique basale du client.



b) Thérapies analytiques 



 * Le but d'une analyse n'est pas codifié de façon univoque, comme en témoignent les dissensions d'école! Sans m'être livré à une exégèse fouillée, je le comprends ainsi : que « ça » parle, que « ça » vive chez l'analysant, et que « ça » se mette à sa place, parce qu'existe une fonction de synthèse qui l'intègre aux exigences d'autres Instances de la personnalité comme l'Idéal du Moi, garant des valeurs souvent transmises par le jeu des identifications, et le Moi qui réprime volontairement ou sublime les impulsions au nom d'autres intérêts, comme ceux de la réalité externe. Je considère également cette formulation comme une approximation acceptable du but de la guidance. Peut-être l'approche rogérienne est-elle plus totale, au moins dans le discours quotidien de la thérapie, qui envisage tous les secteurs de la personnalité, alors que, dans les faits, le discours de l'ana- lysant se centre beaucoup sur le « Ça » et ses conflits. Il est sous-entendu seulement que, ceux-ci dénoués, le reste sera donné par surcroît, pas seulement la guérison, mais aussi la construction de l'ensemble de la personne! Pratiquement, la guidance est donc plus proche de la thérapie rogérienne puisqu'on y parle couramment des valeurs, de la réalité externe et du Moi.

 * Le fondement du processus analytique est la névrose de transfert qui reproduit sur l'analyste les conflits originaires de la personne. Elle est éventuellement interprétée. Joue surtout son acceptation inconditionnelle par l'analyste, qui prend ici le nom de neutralité bienveillante : par elle, la névrose se vit dans une paix relative, dans une ambiance fraternelle d'alliance thérapeutique réciproque.

En guidance, le traitement du transfert par le thérapeute est différent par des techniques spécifiques d'alliance, il essaie souvent de le maintenir dans un mode positif, ni trop intense, ni trop régressif, qui installe une confiance de base permettant le travail. L'interprétation y occupe une place modeste.

Comme les rogériens, les analystes demandent à leurs clients d'associer librement, là, ce dont ils ont envie, ici, tout ce qui leur vient à l'esprit. En guidance par contre, les moments d'association ne sont ni systématiques ni même libres à chaque coup; il s'agit assez souvent d'associations sur demande, en réponse à une question du thérapeute, par exemple à propos du passé du client.

 

c) Thérapie behavioriste

 

Elle a pour objectif la modification de comportements qui gênent le client et auxquels il décide de s'attaquer directement. On n'y cherche pas principalement à en comprendre les causes, ni donc à diminuer les conflits internes. Bien sûr, la suppression des comportements gênants atténue les conflits externes, et accroît l'estime de soi et le sentiment de bonheur.

Les actes techniques utilisent le conditionnement et s'appuient largement sur le transfert positif du client, qui ouvre la porte à la suggestion et à l'identification.

On peut envisager, comme étape d'une guidance, d'exécuter un programme behavioriste, pour le client ou son enfant par exemple, améliorer des symptômes phobiques oedipiens sans supprimer les conflits qui les engendrent.

Mais l'objectif global de la guidance est plus large et se retrouve grosso modo dans les formulations rogérienne et analytique.



2. GUIDANCE ET THÉRAPIES FAMILIALES

 

a) Thérapie familiale stricte

 

 * Selon les thérapeutes familiaux, chaque membre de la famille envoie des « messages » verbaux et non-verbaux à ses partenaires; ceux- ci les intègrent pour adopter une manière d'être conséquente, qui est plus ou moins une réponse et qui se diffuse à son tour comme message. Les auteurs ont des avis différents quant au degré d'introjection des messages reçus par exemple la phrase : « Tu ne seras jamais qu'un voyou » prend-elle de l'autonomie à l'intérieur de son récepteur et reste-t-elle opérante même quand l'émetteur change de registre? Ou y a-t-il stricte réversibilité? En d'autres termes, la pathologie est-elle seulement liée aux distorsions actuelles de la communication ou résulte-t-elle aussi d'anciennes introjections?

Il me paraît vraisemblable qu'il y ait un certain degré d'intériorisation : ainsi, les expériences faites dans le passé ont préparé le type de messages que chacun est prêt à émettre et l'analyse de ce passé a de l'importance dans la mesure où elle montre au client ses patterns préformés, peu adaptés à la réalité d'aujourd'hui et où elle l'aide à changer ses émissions actuelles.

Cette conception des interactions et de la pathologie familiale, sur base microsociologique, peut aussi bien servir de toile de fond à des guidances qu'à des thérapies familiales.

 * La thérapie familiale vise à changer des interactions dans le système familial, analysé globalement; on ne se centre pas sur celui que les clients ont identifié comme le patient à problèmes, mais on le considère comme un point sensible, un repère de souffrance dans un réseau déficient de circulation des communications. En guidance par contre, on accepte plus facilement de se centrer sur l'enfant-symptôme, en se bornant souvent à l'étude des signaux entre ses parents et lui.

 * Pour atteindre son objectif, le thérapeute familial réunit souvent deux générations du groupe familial, habituellement les parents et plusieurs enfants. Il participe très activement aux interactions du moment présent, prend la place d'un nouveau membre de la famille et s'y installe avec force : de son intégration dépend sa capacité à changer la circulation des affects, des idées et des messages.

En guidance par contre, le thérapeute ne réunit pas deux générations, ne prend pas si ouvertement la place d'un membre invité et ne se centre pas si souvent sur les communications du moment.



b) Entretien familial 



C'est une catégorie intermédiaire entre la thérapie familiale stricte et la guidance dont elle conserve la centration sur la relation parents- enfant mais où l'enfant - patient identifié - assiste également aux entretiens : il parle en son nom propre, dit ce qu'il perçoit ou ressent au moment de la consultation; il écoute, sans déformation intermédiaire, l'avis de ses parents et du thérapeute quant au sens de ce qu'il fait et le critique éventuellement; il entend les projets de ses parents à son sujet : en soi, cet investissement de temps et de soucis accroît son sentiment d'être aimé et d'avoir de la valeur. Il donne peut-être ses premières réactions à un programme pédagogique que l'on pourra donc mieux adapter : « C'est dur, ce que tes parents te proposent là, laver ton pantalon de pyjama le matin, mais ton pipi est un produit de ton corps, et c'est ton affaire. Qu'en penses-tu? Tu trouves cela possible? Tu as une autre idée? ». Voilà qu'il est prié de sortir de son rôle passif : il a son mot à dire et ses actes à poser pour que se réparent les liens, et cela lui est signifié dès la séance. Souvent, il prend les choses en mains avec beaucoup de zèle, parfois un peu suspect : « Je pourrais dormir tout seul », « Je vais faire mes devoirs sans être aidé ».

Pour les parents aussi, c'est l'occasion d'une nouvelle rencontre, sous le contrôle du thérapeute qui leur renvoie ce qu'il remarque des mécanismes d'interaction en séance et qui clarifie immédiatement leur communication.

Malheureusement, et notamment pour des raisons culturelles, l'on accepte souvent mal d'abandonner des rôles de force entre membres de la famille de générations différentes. Quand les situations discutées sont dramatiques, les parents hésitent à les partager avec leurs enfants. Les uns et les autres ont parfois peur de parler de leur agressivité parce qu'ils redoutent son pouvoir, une fois jouées cartes sur table. Enfin, il faut du courage pour entendre ce qu'un autre pense et désire de vous, dans la mesure où ce n'est pas nécessairement ce qui est attendu!



3. GUIDANCE, CONSULTATION ET FOLLOW-UP 



a) La consultation 



Lors des premières rencontres avec les parents, leur problème nous est inconnu et nos interventions oscillent entre deux pôles :

D'autre PART, NOUS ADOPTONS UNE DÉMARCHE EXPLORATOIRE : anamnèse approfondie, passation de tests projectifs, observation de l'enfant en salle de jeu, contribuent à l'établissement d'un diagnostic précis, communiqué en tout ou en partie aux parents lors d'une réunion de discussion.

Les renseignements recueillis sont-ils une base précieuse qui permette d'imaginer une stratégie d'aide adaptée au cas? Peut-être, encore qu'une stratégie préalable trop rigide risque d'empêcher de vivre pas à pas l'accompagnement du client, là où le mène son expérience actuelle. D'autant que les clients ont tendance à s'en tenir d'abord à des anecdotes ou des souvenirs-écran.

Conduite avec délicatesse, la recherche de renseignements montre aux parents que nous les prenons au sérieux et les rassure s'ils sont anxieux.

A L'AUTRE POLE, nous considérons que la relation thérapeutique commence tout de suite et nous agissons comme dans une guidance instituée. Certains parents se sentent aidés rapidement, mais beaucoup supportent mal une entrée en matière trop rapide et fuient sous quelque prétexte un lieu où s'est immédiatement débattu le sens latent de ce qui les amène.

PRATIQUEMENT, NOUS OSCILLONS ENTRE LES DEUX EXTRÊMES, en veillant à ne pas trop menacer les parents, ni par trop de questions, ni par trop d'investissement émotionnel.

J'appelle « consultations », ces premières rencontres où se poursuivent et l'objectif de la guidance et un objectif exploratoire. Je ne parle d'une guidance que quand elle a été instituée comme telle par le thérapeute et son client, par un contrat moral posé le plus souvent après quelques séances de consultation ( voir page 273 ).

La consultation, ce sont aussi les séances où nous écoutons et répondons à des demandes qui n'impliquent pratiquement pas de dimension affective : questions d'orientation scolaire et d'évaluation intellectuelle pure; questions à propos des fonctions instrumentales pures; questions à propos de loisirs, etc ...



b) Les entretiens de follow-up 



Leur but est de permettre l'exercice d'un contrôle. En revenant après un temps d'interruption et en racontant comment se déroule aujourd'hui la vie en famille, les parents vérifient avec nous si l'épanouissement de chacun continue à y être assuré. Il s'y fait éventuellement un travail thérapeutique léger : conseil, dédramatisation d'un petit conflit, nou- velle information structurante ... En soi, l'existence du follow-up est rassurante pour les parents et gratifiante pour nous; elle contribue au maintien d'un léger transfert positif de base, par lequel persistent les identifications et les remaniements amorcés.

QUELQUES LIMITES DE LA GUIDANCE


1. LA MOTIVATION DES CLIENTS
 

Les raisons pour lesquelles les parents acceptent une définition « relationnelle » de la guidance ne sont pas nécessairement celles que nous souhaitons.

Extérieurement, certains acceptent une formulation initiale où nous leur proposons de réfléchir à leur relation à l'enfant, d'y encourager les points forts et d'y modifier les points défaillants. Mais, dans leur for intérieur, ils n'ont pas donné leur accord. R. Diatkine et J.A. Favreau (3) vont jusqu'à dire qu'ils attendent profondément et inconsciemment que nous les aidions à maintenir un statu quo qui corresponde au seul équilibre qu'ils puissent envisager.

Parfois, ils contredisent ouvertement nos propositions et recourent à une explication projective : « C'est son caractère qui est mauvais; c'est l'hérédité du côté de mon mari ».

La plupart du temps, ils ne sont qu'à moitié convaincus et leur acceptation de se remettre en question est contrecarrée par d'autres craintes, désirs ou intérêts; ils sont prêts à un certain investissement de temps, d'argent, de réflexion et de souffrance, mais pas au-delà d'une limite raisonnable, sinon ils rompent le contact ...

Dans une thérapie individuelle, nous pouvons signifier aux indécis : « Revenez quand votre motivation sera plus sûre »; mais ici, il y a grande chance qu'elle ne le soit jamais et que tout le monde fasse les frais de la rupture, notamment l'enfant dont la croissance passe par des périodes de malléabilité, puis de fixation, moins facilement réversible, des zones de conflits.

Alors, nous travaillons la plupart du temps avec des demi-désirs d'être là : ainsi, dans les cas extrêmes, nous pouvons améliorer le fonctionnement d'un enfant en donnant des conseils qui répondent à une description projective de son problème et qui détendent secondairement l'atmosphère à la maison. Ou alors, écouter simplement les doléances des parents sans les remettre en question permet qu'un travail psychothérapeutique s'effectue ailleurs avec l'enfant. Une écoute émanant d'un thérapeute qui reste d'une égale bienveillance malgré les agressions dont il est l'objet détend déjà en soi la relation parents-enfants, en dédramatisant la portée réellement destructrice de l'agressivité. Parfois, c'est le prélude d'un engagement plus profond qui suit la mise à l'épreuve de sa capacité d'acceptation.

Ces cas extrêmes, qui ont toute leur valeur clinique, entrent-ils encore théoriquement dans le cadre des guidances? Le champ de travail n'est pas accepté tout de suite - et peut-être jamais - par les parents, tout en restant un objectif implicite du thérapeute ...



2. ALÉAS DUS AU RYTHME

 

Comme le rythme des rencontres est souvent peu soutenu, l'accroissement d'insight et d'acceptation de soi obtenu lors d'une séance se perd parfois avant la suivante; les idées et les affects brassés sont refoulés à nouveau; le conflit, l'angoisse et la culpabilité se réinstallent; la famille s'efforce d'expulser le thérapeute ou de l'inclure dans les conflits préexistants il n'est pas rare, par exemple, de voir après quelques séances s'accroître le système projectif et augmenter le nombre d'accusations portées contre l'enfant ( scape-goating iatrogène ).



3. LE CONTENU DU DISCOURS 



a) Pour une part, le client parle de lui, de son monde intérieur : ses désirs, ses fantasmes, ses affects, ses conflits, ses projets... et ce qu'il dit est la traduction travestie d'un inconscient qui est loin de lui être congruent. Cette constitution du discours est la même que lors d'une thérapie individuelle. Seulement, et je viens de le discuter à propos des motivations, le client ne demande pas nécessairement à être « renseigné » sur le sens de ce qu'il dit, pas plus qu'il ne souhaite que nous l'aidions à s'accepter davantage. Alors, jusqu'où se faire, pour lui, l'écho de son discours? Jusqu'où mener un travail de restauration du sens? En tout cas, il faut accepter parfois que subsiste un refoulement important au nom de sa demande claire ou parce que, pour des raisons diverses ( circonstances extérieures, faiblesse de la personnalité ...), un écho trop grand fait à ses conflits personnels n'aboutirait qu'à détériorer les choses, au moins provisoirement. Mais il est du provisoire qui dure un an ou deux et qui, du côté de l'enfant en croissance, amène des fixations importantes.

b) Pour une autre part, le client parle de la réalité extérieure. Il s'est aperçu qu'il n'en connaît pas tout le sens ni même le contenu et il demande que nous l'aidions à s'y adapter Par exemple, il veut savoir ce que signifie le comportement de son enfant, ou quelles sont les écoles qui peuvent l'accueillir.

Malheureusement, la dissociation entre les mondes interne et externe n'est pas aussi nette qu'il y parait. Par exemple, le client demande un renseignement extérieur, mais cela a AUSSI, voire PRINCIPALEMENT, un sens intérieur : plaire ... montrer son impuissance ... tendre un piège! Cette intrication de l'interne et de l'externe ne signifie évidemment pas qu'il faille refuser l'information. A nous d'être lucides sur le double sens de la demande, de la réponse, et sur l'analyse ultérieure qu'il peut se faire du sens interne. A nous aussi de choisir ce qui est le plus important dans le moment présent répondre au problème de réalité posé, ou subvertir la question et travailler son arrière-plan personnel. Il ne faut pas oublier que, si le client est comblé par une réponse immédiate, il n'est plus guère motivé à accroître sa tension en cherchant pourquoi il avait fait sa demande.



4. LES FILTRES SUBJECTIFS



Pour Hawkins (4) , l'une des déficiences liées à la guidance est que l'on n'observe pas directement le comportement de l'enfant ou des parents. Il faut ajouter foi à la description faite par ceux-ci ou à l'imagination du thérapeute, si bien que les suggestions proposées sont parfois inadaptées à la situation réelle. Mais il ne faut pas confondre le réel externe et le vrai. Même si le discours du parent n'est pas objectif, il n'est pas automatiquement fallacieux! Et il est intéressant de prendre comme point de départ le subjectif commun du client et le nôtre pour arriver progressivement à une vérité de I'inconscient, qui paradoxalement dégage une perception plus réelle de l'enfant.

Il n'en demeure pas moins que les projets et remarques émis en séance au sujet de celui-ci lui arrivent parfois avec une certaine déformation qui est souvent involontaire dans le chef des parents : son absence coûte cher dans le jeu des résistances au changement. De toutes façons, nous gagnerions du temps à interagir directement par le triangle parents-enfant- thérapeute ( cf. Les techniques familiales, p. 21 et sq. ).



5. PLUSIEURS PERSONNES ENTRENT EN LIGNE DE COMPTE

 

Dire que la visée de la guidance est la relation parents-enfants est une vue de l'esprit. En réalité, nous nous soucions, parents et thérapeute, de l'épanouissement et des parents et de l'enfant. Or, les intérêts de chacun peuvent être opposés.

ILL. : Par exemple, j'aide une mère à assumer plus librement une tendance à rejeter son enfant. Du coup, j'aide l'enfant en remplaçant un système où il était soumis à des doubles messages par un système où l'interaction est plus claire, ce qui lui permet d'organiser nettement son adaptation, par exemple en remaniant ses investissements externes. J'ai l'impression cependant que je dois faire plus que laisser coexister, côte à côte, les désirs incompatibles de la mère et de l'enfant : je puis aider la mère à réprimer quelque peu, librement, une part de ses comportements rejetants et à mettre en jeu d'autres mécanismes : « Vous ne devez pas l'aimer, mais vous en occuper par quelque intérêt matériel ». Mais, j'énonce le principe d'une limite à la réalisation des désirs de chacun, c'est-à-dire d'un renoncement pour autrui. Mais la zone où pourrait être placée la limite est large et est fixée de façon variable par le client. Où et quand commence l'inacceptable?


Or, en amenant les clients à accepter leur monde personnel, il y a risque de déséquilibrer l'économie de leurs investissements et de les faire passer à l'acte, au moins provisoirement. C'est heureux dans la plupart des cas : les personnes reconnaissent ce dont elles ont envie, puis en prennent une distance librement consentie. Chez l'un ou l'autre, particulièrement fragile, il vaut mieux pourtant que se maintienne un grand refoulement dans le cadre d'une telle relation d'aide à rythme de travail espacé.

Notes. 



(1). Outre l'avis du groupe, je me réfère ici à quelques textes de P.J. Fontaine, « Différences fondamentales entre psychothérapie et guidance » ( inédit ); « Quelques notes à propos de la guidance des parents » ( inédit ); J. Lerminiaux, « De la consultation » ( inédit ); J. Slavson, « Psychotherapy and therapeutic guidance of parents » in Children's psychotherapy, 1952.

(2). On trouvera une bonne description de son objectif dans On becoming a person, trad. Le développement de la personne, p. 29 et sq., pp. 122, 124, 131.

(3). R. DIATKINE et J.A. FAVREAU, Le psychiatre et les parents, p. 243.

(4). R.P. HAWKINS et coll., Behavior therapy in the home; « amelioration of problem parent-child relations with the parent in the therapeutic role »,p. 99 et sq.