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Vu de Belgique :Les mineurs se disant transgenre et l’école secondaire

 

« Si du néant on fait l’être, l’être à son tour est néant » (Cao Xiein)

Introduction

Les écoles secondaires peuvent être confrontées à la transidentité à partir de portes d’entrée variées : 

- Un élève se déclare trans et fonctionne comme tel ; les parents cherchent à se concerter avec l’école.

Cette déclaration de transidentité dérange certains condisciples et/ou leurs parents ; elle en enthousiasme d’autres et laisse aussi pas mal d’ indifférents.

-(Plus rare) Un enfant déjà identifié comme trans à l’école primaire, et pris en charge comme tel, arrive à l’école secondaire.

-Un membre adulte du personnel change de sexe en cours d’année Comment en parle-t-on aux élèves ? Comment les y prépare-t-on ?  Y a-t-il place pour des commentaires récurrents ?

-Des élèves demandent des informations sur l’identité de genre et de sexe.

-L’équipe pédagogique se demande si, à titre préventif, une telle information doit être organisée.

-Des textes émanant d’institutions publiques font des suggestions, voire donnent des instructions, dans le domaine du genre, de l’orientation sexuelle, de l’éducation sexuelle….

-Etc. 

Nous nous centrerons sur ces réalités rencontrées à l’école secondaire. Ce qui se passe  à l’école primaire peut s’en inspirer, en tenant  en compte l’immaturité et la vulnérabilité plus grandes des enfants. 

 

Nous n’en dirons pas davantage, mais l’école primaire est bel et bien  concernée : L’on y croise parfois l’un ou l’autre enfant trans[2] et tous  se sentent de plus en plus envahis par des discours sexualisant qui viennent de l’extérieur (dessin animés/ publicités/ambiance sociale qu’ils captent …). Pour certains, c’est une intrusion traumatique.  Ils sont donc concernés, entre autres par les questions de sexuation. On les entend commenter : Une telle « est certainement lesbienne puisqu’elle a une amie avec qui elle passe son temps à la récré » (avant on parlait d’une amie de cœur…) Ou encore, affirmer sans hésitation que l’adolescence est le moment « où l’on choisit de devenir garçon ou fille… » Difficile donc que les adultes fassent l’impasse sur cette thématique , sans pour autant la monter en épingle !

 

 

Une mission d’information 

Toutes ces portes d’entrée débouchent notamment sur le champ de l’information, tant aux élèves qu’au personnel adulte de l’école.

 

« Information » est néanmoins un terme réducteur, qui peut faire penser que le plus important est de “donner une information” adaptée au contexte, en vérifiant ensuite si elle est bien comprise et si elle donne lieu à quelques réactions. 

Selon nous, la visée gagne à être beaucoup plus vaste et interactive : il s’agit d’abord d’écouter les éventuels points de vue, idées, sentiments et questions de l’interlocuteur, voire de l’ auditoire et de les aider à se déployer. Il s’agit aussi que les intervenants partagent leurs idées, questions personnelles, ainsi que les éléments de leur savoir qui ne serait pas déjà spontanément en possession des interlocuteurs. De la sorte, il se construit une synthèse d’opinions et de savoir en commun.

Nous n’en dirons pas beaucoup plus sur le contenu de l’information, qui ne constitue pas l’objet de cet article, sauf pour ajouter que : 

- Lorsque la transidentité surgit dans le champ scolaire comme de nulle part, il vaut souvent mieux, si on peut l’éviter, ne pas procéder à des séances d’échange verbal en groupe en pleine crise. On doit cependant bien  veiller à annoncer tout de suite la date prévue pour y procéder.

Mieux vaut patienter une, deux semaines pour que davantage de sérénité et de discrétion soient revenues -la vertu du seul temps qui passe ! - et pour que ce champ spécifique de construction du savoir puisse s’intégrer à d’autres, déjà en chantier (le corps, la sexualité, le rapport à soi et à l’autre, etc.) 

-La prudence s’impose ensuite . Il faut faire appel à des sources d’information écrites et orales fiables. On doit  être sûrs de leur scientificité, càd qu’elles s’appuient sur des références médico-psychologiques validées, avec des professionnels de l’enfance reconnus. On doit être sûrs aussi de leur ouverture au dialogue et à la différence des idées ,ainsi que- nous osons l’ ajouter- de la présence d’un “bon sens” partagé par une majorité dans la communauté adulte, bon sens bien utile face aux vacillements induits par l’extravagance de certaines déclarations. 

-Souvent, des équipes déjà à l’œuvre pour gérer les séances sur la vie  affective et sexuelle peuvent s’y atteler. 

 Par contre, nous déconseillons tout à fait d’inviter des associations qui se proposent d’elles-mêmes pour parler de ces thèmes spécifiques dans les classes, et qui ont souvent un langage prosélyte et idéologique. 

 Malheureusement, pour le moment et en Belgique, nous avons le regret d’ajouter que de telles associations ont infiltré bien des institutions publiques, et même des strutures sociales chargées de prévention et de santé publique et donc que certains textes qui en résultent sont d’un soi-disant avant-gardisme type wokiste qui n’a plus rien de scientifique.    

La présence à l’école d’un ou de plusieurs élèves qui s’affirment trans. Qui sont-ils ? 

 Il est important que l'école sache démêler, dans les grandes lignes, les catégories qui peuvent exister dans tout ce groupe d'adolescents qui se disent trans. En voici esquissées les principales,  en gardant en mémoire que les “entre-deux” sont fréquents.

Il n’est pas toujours facile de les distinguer quand ils ont évolué dans le temps et qu’on les retrouve tous et toutes au même âge, par exemple 15 ans. Seules une anamnèse soignée et une écoute bienveillante et approfondie permettent d’y voir prudemment plus clair ! 

La dysphorie de genre 

La grande majorité des mineurs concernés souffrent fondamentalement ou disent souffrir de ce qu’on appelle aujourd’hui une dysphorie de genre. Celle-ci peut être d’installation précoce ou tardive, profonde ou superficielle, stable ou spontanément transitoire. Elle consiste en une insatisfaction douloureuse, une disqualification plus ou moins active du corps sexuel de naissance et, jusqu’à un certain point, des attributs de genre traditionnellement liés à ce sexe de naissance . Corollairement, le mineur envie l’autre sexe et s’en accapare souvent une partie des attributs.

 On en restait souvent là dans le passé.
Aujourd’hui, ambiance sociale, réseaux sociaux et même institutions ( en partie) aidant, bien davantage se sentent boostés pour franchir le pas et pour s’affirmer de l’autre sexe. De plus en plus, dès la petite enfance, (psychologie positive aidant…) les enfants sont invités à amenés à s’auto-éduquer, à décider ce qui est bon ou mauvais pour eux, à gérer la Réalité à leur sauce. De là, à l’adolescence, faire le pas de s’auto-déterminer est presque évident…

Par exemple,  tel garçon dira, non plus : « Ce serait mieux si j’étais  une fille » mais « On me reconnaît le droit de m’auto déterminer, donc je suis une fille ( et l’état actuel de mon corps n’a aucune importance dans l’histoire) ».       
Au sein de ce groupe plus consistant qui s’affirme trans,  boostés  ici encore par l’ambiance, les réseaux sociaux, l’offre médicale et parfois même les parents (déboussolés voire admiratifs), un nombre croissant demande de recevoir des hormones qui changent l’apparence sexuée du corps. Vont-ils pour autant jusqu’à désirer  puis assumer la chirurgie de transformation accessible à l’âge adulte ? Pour certains, oui !
 

Les principales figures cliniques


  1. Une petite minorité, déjà présente dans le passé, ce sont des enfants vivant une dysphorie précoce et  profonde, qui s’avère de longue durée, voire définitive. Ils en manifestent vite quelques signes ( p.ex., à la maison, aimer porter  les vêtements de l’autre sexe ; ne jouer qu’ à des jeux attribués à l’autre sexe…), parfois déjà repérés vers 5, 6 ans. Puis, souvent à l’école primaire, ils finissent par  affirmer sûrement leur appartenance à l’autre sexe, en luttant « au finish » avec leur entourage si elle n’est pas reconnue. Ils ne sont pas ostentatoires, ni dépendants de l’ambiance sociale contemporaine, même si celle-ci leur facilite la vie. Si l’on s’en enquiert, ils peuvent expliquer, évoquant bien des souvenirs expérientiels, qu’ils se sentent ainsi « depuis toujours ». Leur histoire de vie permet souvent de trouver des facteurs qui les y ont prédisposés.

 

NB Tous les enfants d’école primaire qui se disent transgenre ne relèvent pas de cette structure. Il existe aussi des enfants « embrigadés » dans le désir conscient et plus souvent in conscient d’un voire de leurs deux parents.

        

  1. Une autre minorité de mineurs, déjà plus importante, a connu d’importantes difficultés personnelles, souvent tues, lors du passage pubertaire. Par exemple, sous l’égide d’une introspection nouvelle et d’une  estime de soi  médiocre , un remaniement personnel important des idées sur son Soi-sexué (« Je ne veux plus de mes règles…de mes érections intempestives qui me font ressembler aux types du porno… »  Par exemple aussi, des conflits psychologiques intenses leur ont interdit d’aller jusqu’à l’achèvement  de leur sexe de naissance, et ils s’en défendent en se voulant de l’autre sexe et en adoptant l’autre genre. C’est d’abord maladroit, velléitaire, objet de moqueries car ils sont « mal dans leur peau ».La difficulté de contacts e-----  l’existence d’autres problèmes psychiques sont fréquents.

    3. Une partie de ces tout jeunes adolescents, et surtout la majorité de ceux qui s’affirme tardivement transgenre, à partir de 15, 16 ans sont boostés par les réseaux sociaux et l’ambiance individualiste contemporaine davantage que par une modeste dysphorie de genre motivée plus personnellement. En d’autres temps, celle-ci se serait avérée transitoire engendrant alors tout au plus une baisse de l’ estime de soi Les anglais les appellent  ROGD (rapide-onset gender dysphoria).

 

 En eux, un voyage mental rapide se fait depuis :« Quelle fille moche je suis » vers : « Ce serait mieux si j’étais garçon » jusqu’à : « Après tout, je décide d’être un garçon (et peu importe mon corps d’origine. Je vais le changer)».

 

Mais chez eux, cette affirmation peut constituer une manière de sortir de l’ombre, pour ne plus se sentir sans importance, jusqu’à faire le buzz, mais aussi pour se sentir faisant partie d’une communauté et donc se sentir protégé.

. Elles s’ énonce également souvent dans un contexte de défi, d’affirmation de toute-puissance, de rivalité avec les autres… 

D’autres problèmes psychiques existent assez souvent chez ces ados, par exemple autour de l’estime de soi, de la carence affective, de vécu traumatique ou encore du besoin de défi et de  rébellion…mettre les difficultés de sexe à l’avant-plan peut parfois les occulter.

 

  1. Enfin, une petite minorité d’ados et même d’enfants qui s’affirme transgenre ne souffrent d’aucune dysphorie de genre. Ils sont plutôt fascinés par le genre et le sexe qu’ils n’ont pas, à qui ils attribuent davantage de plénitude qu’au leur. Ils se l’incorporent donc, le mettent à l’avant-plan de leur être , mais continuent à apprécier et à jouir secrètement de leur corps d’origine.

Exemple concret, tel garçon de 17 ans veut être Cardi- comme la plantureuse rappeuse américaine Cardi B. – Mais il se déclare aussi lesbienne, càd toujours attiré sexuellement par les filles. Il prend son plaisir sexuel en se masturbant comme les garçons, et dans ses fantasmes, «  il se tape » Cardi ; il ne recourt donc jamais à de la sexualité anale, qui aurait pourtant été analogue aux plaisirs d’auto- pénétration importants dans la sexualité féminine.

 

Pour conclure, rappelons que ces catégories sont  souvent confondues, ce qui entraîne des risques ; par exemple, coller à  un ado de type « ROGD »  une étiquette  de transgenre profond à soutenir à tout prix… D’où, l’importance que l’école adopte à leur égard une posture de respect prudent, sans encourager, ni décourager : ce n’est pas vraiment sa mission 

L’école, le cadre social et la loi 

Les attitudes que nous allons proposer nous semblent convenir si l’on a affaire à un « nouveau » transgenre, qui s’est déclaré à l’école secondaire même. Par contre l’accompagnement d’un ado, transgenre depuis l’enfance et qui arrive à l’école secondaire, nous semble beaucoup plus délicat et dépasse le cadre de cet article. Il nécessite à tout le moins, ainsi que sa famille, une prise en charge de qualité par un professionnel de la santé mentale. 

 Nous nous appuierons sur un exemple fictif : 

Mathieu (15 ans) déclare être maintenant Emelyne. Ses condisciples le savent et ses amis l’appellent déjà comme telle. Les parents ont l’air résignés. Mathieu n’a cependant pas utilisé à ce jour la possibilité que lui donne la loi en Belgique (changer officiellement de prénom à partir 12 ans). 

Eviter l’étiquetage 

La manière de désigner un jeune dans la vie quotidienne, en classe et même entre collègues, peut contribuer involontairement à l’étiqueter et donc à le rendre davantage prisonnier d’un choix, d’un style de comportement, d’un mode de pensée, etc., comme si c’était son destin !

Les applications de cette mise en garde sont innombrables, et en ce qui concerne la transidentité :

Nous devrions nous habituer à dire, même si ce semble un peu lourd : « Untel, qui se dit transgenre , qui s’affirme transgenre », du moins avant toute démarche officielle à l’Etat civil. Certainement pas « J’ai dans ma classe Untel, transgenre ou qui est transgenre ». Je ne dirais même pas « qui se vit transgenre », phrase qui entre déjà trop dans l’intimité de l’être. 

Un non-événement ?  

Pour ce qui est des adultes et de l’institution. on gagne à gérer l’arrivée ou le dévoilement d’un jeune qui s’affirme transgenre comme un non-événement. Non-événement ne signifie pas « thème tabou » et donc un bref commentaire est utile, après avoir laissé passer le temps de l’excitation et de la crise ; il émane de l’un ou l’autre professeur, de préférence le titulaire.

Voici un commentaire-type, à adapter aux circonstances et à  la créativité de chacun : « J’ai appris que Mathieu voulait maintenant être appelé Emelyne et se conduire comme Emelyne. S’il le fait, c’est que c’est important pour lui. Je demande donc à toutes et tous que les liens positifs de la classe continuent, entre élèves et avec les professeurs. Ceux-ci respectent aussi ce que Mathieu désire aujourd’hui, mais continueront à l’appeler Mathieu, comme c’est son prénom sur sa carte d’identité » 

Cette parole pourrait suffire, plus une brève réponse à l’une ou l’autre question ou commentaire spontanés émanant d’un condisciple. Ne pas demander à Mathieu qu’il explique son point de vue et ses motivations devant la classe. Surtout, que cette expérience nouvelle ne soit pas l’occasion d’un débat précipité sur le genre ! Pas de spécialiste externe invité pour la cause. 

Respecter la loi  et les règles existantes dans le chef des adultes,  sans pour autant générer de conflits  superflus 

 

Référons-nous à la métaphore de la piscine pour réfléchir à l’espace d’’autonomie du jeune-l ’eau de la piscine- et à ses limites-les bords-.:

L’ado doit pouvoir nager librement dans l’espace de la piscine, mais ce sont les  adultes qui l’éduquent- ses parents, son école-, ainsi que sa société d’appartenance, via ses lois, qui fixent les bords, et ceux-ci doivent tenir. Certes, il peut exister des négociations entre jeune et adultes, certes, les jeunes peuvent faire évoluer les lois d’une société, mais, in fine, la responsabilité de mettre en place des bords consistants revient aux lois et au éducateurs adultes ; si les bords sont trop serrés, il n’existe aucun espace de nage et le jeune s’aliène et se soumet, ou se révolte tous azimuts. Si les bords sont  trop larges ou à géométrie variable trop inconsistante, le jeune a la sensation d’être dans un ’océan sans rivage où il finit par perdre pied. Il appelle donc  au secours, mais parfois de façon indirecte en multipliant les provocations pour qu’enfin on mette de vrais bords. L’école doit garder comme bords de piscine les prescrits de la loi et son règlement intérieur, même si l’ado cherche à les défier.

 

 

La loi nous donne un état civil officiel avec, entre autres, notre nom, notre prénom et notre sexe.

En Belgique, pour celles et ceux qui s’affirment transgenre et veulent entamer une transition sociale dans cette direction, la loi prévoit trois étapes, les deux premières pour officialiser le processus :

-Un changement de prénom est possible devant l’Etat civil à partir de 12 ans, s’il est demandé avec discernement.

-Un changement de sexe est possible à partir de 16 ans aux mêmes conditions.

-Pas d’intervention chirurgicale avant la majorité (18 ans).

 

La loi maintient ces restrictions pour protéger l’enfant durant la période de vulnérabilité que constitue le jeune âge afin de le prémunir contre une décision prématurée qu’il pourrait regretter. Le changement de prénom, possible à l’état-civil,  exige de respecter un formalisme et une procédure qui sont là pour vérifier la liberté du consentement et la maturité pour y consentir. S’abstraire de cette procédure en acceptant le changement de prénom n’est pas respectueux des droits de l’enfant. 

 Or sur ses documents officiels, Mathieu est toujours Mathieu, garçon de 15 ans. Laissons ses condisciples l’appeler comme ils veulent, mais nous adultes, nous devons l’appeler Mathieu, aussi longtemps qu’il n’est pas passé devant l’ Etat civil pour changer de prénom (ce que beaucoup ne font pas !), en commentant éventuellement pour lui ou ses condisciples : « Nous ne refusons pas que Mathieu ait les désirs qu’il ait, mais nous devons respecter la loi, qui est un repère de vie pour tous et toutes. »

Nous devons lui demander d’être présent aux activités des garçons (sport, piscine) et, s’il le faut, d’utiliser les toilettes des garçons.  

Éviter les conflits superflus et gérer les autres 

Ce n’est pas toujours aisé, car beaucoup d’ ados  s’affirmant transgenre aiment provoquer les adultes autour de leur originalité  et des règles!

 

Voici quelques exemples, à adapter selon les situations :

 

Les wokistes émettent parfois l’idée  d’édifier des toilettes non-genrées, voire réservées aux seuls transgenre. Nous trouverions cet investissement financier un gaspillage scandaleux, dans une école qui ne reçoit pas les moyens financiers nécessaires à son fonctionnement optimum et dans une planète où tant et tant crèvent de misère !

 

Pour les condisciples, le « devoir de tolérance » 

Accueillir l’autre 

On entend parfois dire que, face aux mineurs qui se disent transgenre, il faut éduquer ses condisciples à la tolérance, pour peu que celle-ci ne soit pas spontanée !        
Nous trouvons néanmoins ce le terme « Tolérance » bien faible. Tolérer, n’est-ce pas admettre  l’autre « du bout des lèvres », souvent en ne lui reconnaissant pas  la même valeur ni la même plénitude du droit de vivre qu’à soi-même ? Dans les années 1950, les afro-américains étaient tolérés dans les villes du Sud des États Unis, mais à quelles conditions !   


Visons plutôt que les élèves s’accueillent les uns les autres dans leur diversité, c’est-à-dire qu’ils se reconnaissent tous la même valeur d’ humanité.

Cet accueil plénier ne connote pas ipso facto que se créent des liens affectifs positifs. C’est essentiellement une affaire de reconnaissance et de respect. Il s’agit de tenir compte des  besoins et aspirations spécifiques de chaque partenaire appelé à la coexistence territoriale, avec un droit à la négociation et à la recherche de compromis, pour que soient pris en compte raisonnablement et justement les besoins et aspirations des uns et des autres.

 Cet accueil n’exclut pas non plus qu’il faille parfois se protéger, se faire respecter ; par exemple face  à l’envahissement et au manque de contrôle de soi chez certains. 

L’autre porteur de ses « différences » 

La coexistence sur un même territoire de vie quotidienne avec un autre, par nature différent, peut prendre des formes variées, tout en restant éthiquement acceptables.

 Nous discuterons  cette question en nous centrant sur « l’autre » qui présente des différences objectives et significatives avec l’enfant, en supposant que rien d’antisocial ne figure parmi elles.

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A. Certaines sont liées à sa nature même, comme par exemple son âge, la couleur de sa peau, l’existence d’un handicap objectivé. On pourrait en déduire qu’il importe à l’enfant appelé à coexister d’accepter cet autre comme il est, profondément, au-delà de la simple tolérance. 

 Cette invitation est largement valable, à deux bémols près :        
- L’ »autre » ici concerné a parfois la capacité de moduler l’expression spontanée de dimensions naturelles en lui, notamment pour tenir plus ou moins compte de ce que vit son entourage. Par exemple, un enfant de 10 ans peut se laisser aller à son insouciance ou s’efforcer de « se conduire comme un grand » en fonction du groupe où il se trouve.
- Certaines caractéristiques naturelles d’un jeune peuvent créer chez ses proches une certaine dose d’inconfort matériel et/ou psychique. Par exemple, le manque de contrôle de soi de tel enfant handicapé peut incommoder ou menacer les autres, surtout s’il ne fait aucun effort à sa portée pour s’adapter ;

 Et donc, même si le plus profond de ce que chacun est doit être respecté, il existe toujours :

- une place pour des sentiments spontanés occasionnels, par exemple d’angoisse, d’aversion si pas de dégoût, mais qui n’ont pas à « faire la loi » en entraînant des comportements agressifs ou d’exclusion gratuits.

-  un espace de négociation qui fixe les modalités de la coexistence, voire même parfois, la simple possibilité ou impossibilité de coexister au quotidien.  

B. D’autres différences sont créées au fil du temps, au-delà de ce qu’ exprime l’équipement naturel . Pour simplifier, elles sont parfois créées par choix, en référence à un projet de vie, et parfois en référence à des souffrances psychiques ou à des circonstances sociales.    

Par exemple, le fait pour un mineur de s’affirmer ou/et de fonctionner trans peut provoquer une tension psychique dans une partie de  son entourage. Sa volonté de ne pas se soumettre aux lois de la nature peut provoquer de l’anxiété et d’autres sentiments pénibles surtout chez ses pairs, occupés à se construire eux aussi, thème que je ne peux pas détailler dans le cadre limité de cet article.

Le raisonnement développé plus haut à propos des différences naturelles s’applique aussi, bien évidemment : Respect pour la personne, pour ce qu’elle est, pour ce qu’elle crée et qui n’est pas antisocial; mais :

-possibilité d’existence d’un vécu pénible à son sujet, qui peut être entendu et respecté sans « faire la loi » ;

-négociations possibles pour régler la vie quotidienne, en cherchant des compromis pour que chacun trouve une partie de son compte. 


Il pourrait néanmoins en résulter une écoute respectueuse de ce qui se vit et des négociations, des compromis tels que le meilleur bien-être de chacun soit visé.

 

 

Nous sommes conscients d’ouvrir ici une question très vaste, qui dépasse de loin le cadre de cet article, et qui concerne mille autres applications que celle de la coexistence quotidienne avec un trans : Jusqu’où et comment écoute-t-on le vécu des adolescents ? L’aide-t-on à évoluer ? Comment se font d’éventuelles négociations ? Quelle est le rôle de l’école à ce propos ?

        
Au minimum, un professeur bienveillant qui a des dispositions pour l’écoute, un éducateur, un psychologue du PMS, un travailleur social des services de santé, peut écouter un premier niveau de ce qui se vit et servir d’intermédiaire pour une brève négociation. Mais au-delà ? Nous laissons la question ouverte

        

Nous terminerons donc par deux applications : 

 Il y aura rarement une difficulté à ce propos, car les relations amicales ou  de coopération scolaire de Mathieu avec les autres suivront probablement leurs cours. On ne peut cependant pas l’exclure, surtout si des profs veulent imposer les places en classe. Il reste possible  que tel ado, surtout les plus jeunes,  se sente menacé pour lui-même en se représentant les transformations du corps projetées par Mathieu, et ce malaise ne peut pas être balayé au nom de la sacro-sainte  tolérance.

 

Pourquoi ne pas en profiter pour faire réfléchir aussi le jeune transgenre, souvent aveuglé par ses idées du droit à l’autodétermination et se posant peu la question des effets spontanés sur l’autre? 

Ce qui ne veut pas dire pour autant que l’on accepterait une sorte de mise à l’écart groupal du  jeune en question, sous l’impulsion de l’un ou l’autre leader.

A notre sens, et pour peu qu’il ne s’agisse pas de l’expression d’un  harcèlement habituel, ce moment de perte de contrôle émotionnel en groupe ne doit être ni accepté, ni tout de suite diabolisé!


Pas accepté parce qu’allant contre le respect de la dignité d’autrui. Il doit donc être clairement désapprouvé et interdit de récidive. L’école doit le gérer comme n’importe quelle autre violence verbale entre élèves.

 

Pas diabolisé non plus : si l’on cherche à comprendre et pour peu que les auteurs s’expriment suffisamment, on constatera probablement que la racine profonde de l’insulte, c’est l’angoisse de l’étranger[3] et de l’étrange,  que l’on fantasme comme menaçant pour soi : alors, on se rassure en sortant des griffes à plusieurs. Le risque n’est cependant pas nul que de telles angoisses se refoulent puissamment et qu’il ne reste plus à l’œuvre que l’agressivité, de plus en plus débridée, par laquelle on se protège…ce peut malheureusement devenir une des formes du racisme. 

Il faut donc rencontrer les auteurs et les aider à réfléchir, en espérant que la raison se substitue au fantasme et qu’ils puissent présenter des excuses authentiques à leur condisciple !

Et répétons-le encore : Pourquoi ne pas en profiter pour faire réfléchir aussi le jeune transgenre, souvent aveuglé par ses idées du droit à l’autodétermination et se posant peu la question des effets spontanés sur l’autre?

Notes

 

[2] En référence à la personne de cet enfant, nous devrions dire : «un enfant qui se pense, se vit, se dit ou/et se montre trans », mais cette périphrase est très lourde et nous la simplifierons souvent en écrivant un enfant (un jeune, un ado, un élève) trans, sans plus.

[3] Le jeune trans peut apparaitre comme une menace, non seulement par son apparence, mais plus fondamentalement par sa décision de contester la réalité telle qu’elle est constituée naturellement : il sème le trouble ! Insécurisant, parfois, pour ceux qui sont occupés à la construction de soi en référence à cette réalité.

 

Remerciements : Mes vifs remerciements vont à l’équipe scientifique de la BBOPS, qui ont largement contribué à l’article : Sophie Dechêne, Diane Drory, Nicole Einaudi, Catherine Jongen,  Beryl Koener, Jean-Pierre Lebrun, Pierre Marchal et Jean-Louis Renchon.