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Se porter candidat à l'adoption relève d'abord de motivations personnelles. Quand les candidats vivent en couple - ce qui est le cas de loin le plus fréquent -, le projet n'a vraiment de chance aboutir que si ces motivations personnelles positives (2) sont présentes chez les deux partenaires, avec évidemment des motifs et à des degrés divers. Par ailleurs, ces motivations personnelles constituent comme l'intégration de sources d'influence multiples : le tempérament de la personne l'histoire de sa vie, son ouverture ou son aveuglement face aux messages qui circulent dans son environnement sa société et sa culture ... sans parler de l'exercice mystérieux de sa liberté, ultime Instance humaine en chacun, toujours à même de se conformer, se différencier ou s'opposer ...

I - Sans prétendre à l'exhaustivité, décrivons quelques unes des sources d'influence qui, pour être d'abord externes , n'en sont pas moins susceptibles d'imprégner fortement chez les candidats la manière de " se penser parents " :

Aujourd'hui la culture occidentale n'est ni particulièrement encourageante ni particulièrement dissuadante à propos de l'adoption qui reste largement une affaire privée. On petit opposer cette " neutralité " aux pratiques qui étaient de mise à certaines époques ( par exemple riches romains qui se choisissaient une filiation spirituelle avec des adoptés qui n'étaient plus sous puissance paternelle ), ou existent encore en d'autres lieux ( par exemple, régions d'Afrique où l'enfant est très ouvertement donné à un membre stérile de la famille élargie). Ces vingt dernières années, on a même assisté à une régression de la demande ( à partir de l'essor des techniques de procréation médicalement assistées, moins frustrantes en regard des désirs les plus immédiats ), et à une raréfaction de l'offre ( à partir de la libéralisation de l'avortement, et de pratiques plus protectionnistes dans les pays du Tiers-monde ). Il n'empêche que, de loin en loin, un événement particulièrement dramatique - et perturbateur des législations locales - crée des flashes de demandes basés largement sur les émotions ( rappelons-nous ce qui s'est passé après la révolution roumaine ).

- Il ne faut pas non plus sous-estimer l'influence de l'environnement proche des amis, une belle-soeur, qui viennent d'adopter et avec qui on a toujours vécu une dimension de rivalité: la volonté, chez le candidat-adoptant, de heurter dans ses principes un père trop rigide; des adolescents qui dénoncent à tout propos l'ennui qui règne dans le cercle familial trop fermé, sont, parmi d'autres, autant de " facteurs provocants ".

II - Ces facteurs externes, nous ne pouvons les opposer que très artificiellement à des sources de motivation plus personnelles : c'est bien parce qu'ils sont introjetés et relus par le sujet qu'ils changent quelque chose dans les idées que celui-ci se fait sur la vie et la parentalité. Quant aux " facteurs internes " dont nous allons parler maintenant et que nous appelons ainsi parce qu'ils ont une existence très longue, très durable, dans le monde intérieur des idées et des sentiments du sujet, ils ont aussi souvent été générés à partir d'expériences externes événements isolés vécus comme significatifs, style de vie régnant dans la famille d'origine, etc ...



A - A propos des candidats qui vivent en couple stable.

 
 Quelles pourraient être ici les sources les plus intimes, les plus personnelles des motivations à l'adoption ? Nous en évoquerons quelques-unes, les plus fréquentes, non sans savoir que l'état " actuel " des désirs d'un être humain reste incroyablement singulier, et qu'il peut donc être dangereux de ne proposer que quelques profils-tvpes!

Nous distinguerons le candidat confronté à la perception de sa stérilité ( avec son partenaire ) et le candidat membre d'un couple à fécondité naturelle normale ( avec son partenaire ). " Distinguer " n'est néanmoins pas " opposer " en effet, la seule motivation - partielle ou totale - qui les différencie vient de leur situation à chacun face à la capacité de procréer; toutes les autres que nous allons évoquer - ici ou plus loin suivant une classification un peu artificielle - peuvent se retrouver dans tous les cas de figure et se cumuler en tout ou en partie.



1) Couple stable dont au moins un partenaire est stérile. 



Quelle que soit la cause de la stérilité - purement organique ou psychosomatique (3)- la personne qui en souffre la vit d'abord comme un drame, pour elle et pour son couple.

- Certains sont capables de surmonter la dépression et la frustration liées à cette situation, voire même de cicatriser, le cas échéant, ce qui se vit douloureusement autour des essais inutiles de procréation médicalement assistée (4). Cette réaction se rencontre surtout lorsque l'amour mutuel est fort, que la " confiance de base ", en soi, de chacun est solide, comme la capacité à faire le deuil de sa toute-puissance sur les événements. Mais bien qu'ayant retrouvé une certaine joie de vivre malgré l'absence de descendance, le couple en question ne voit pas s'éteindre en lui le désir d'enfant: il cherche donc d'autres pistes pour le réaliser, sachant que si " ce ne sera pas la même chose", ce ne sera pourtant pas « moins bien « .

D'autres demeurent excessivement chargés de révolte et de sentiments d'infériorité. Dès qu'ils ont compris qu'aucune grossesse ne surviendra, ni spontanément ni avec l'aide de la médecine, il leur faudrait tout de suite un enfant à adopter, comme un passage à l'acte qui occultera leur souffrance Si l'on s'en rend compte, on hésite à leur confier un enfant, tant on redoute qu'ils reportent une certaine agressivité sur celui-ci, vécu comme le signe de leur échec, et que, niant par principe toute différence, ils ne puissent pas répondre adéquatement à certains de ses besoins, immanquablement différents (5).


 
2) Couple stable à fécondité naturelle. 



Parlons d'abord de la motivation du partenaire premier demandeur. Cette motivation - au nom de laquelle il veut " adopter " là où le candidat de la catégorie précédente voulait " un enfant " - est donc au carrefour du jeu de ses valeurs, de l'exercice de sa liberté, et de traces d'expériences faites au fil de la vie, et qui ont créé en lui une représentation mentale de ce que c'est qu'être parent. Pour ne parler que de ces traces, et en nous limitant aux plus fréquentes on remarque que tel ou tel candidat désire surtout :

 - Reproduire comme des morceaux heureux de son enfance ou/et de son adolescence, où il s'est senti accueilli; s'identifier à une manière d'être de ses propres parents qu'il a ressentie comme généreuse, oblative et source de satisfactions.

 - A l'inverse, réparer un " vécu " de manque, de vide d'amour qui empoisonne son histoire; réparer une faute réelle ou imaginaire qu'il croit avoir commise, par exemple à l'égard d'un membre de sa fratrie.

 - Eviter de transmettre un équipement génétique qu'il croit mauvais; pouvoir aimer et élever un enfant, sans craindre de déteindre négativement sur son être, à partir des semences mêmes de la vie.

 - Faire mieux que ses propres parents ( ou sa propre fratrie ); les choquer.

 - Refuser le vieillissement et l'assoupissement; faire autre chose que le commun des mortels ( recherche d'une position d'exception ).

 - Avoir une position de domination ( échapper à la loi et à la dépendance de la reproduction de l'espèce ... choisir le " moment " et le sexe de l'enfant ...).

 - Etc.

Aucune de ces tendances n'est vraiment ni bonne ni mauvaise; toutes sont susceptibles à la fois de créer un dynamisme d'investissement important mais aussi de brouiller l'image que l'on a de l'enfant, en y introduisant trop d'éléments subjectifs : à chacun donc d'accepter de se mettre on question et de comparer ses attentes aux besoins de l'enfant!



3) Et le partenaire du candidat le plus motivé ? Et les autres enfants de la famille? 



- Nous l'avons déjà dit même s'il est normal qu'un des partenaires du couple porte une motivation à l'adoption plus forte, plus précoce, plus centrale dans son " désir d'enfant ", il ne faut pas que l'autre soit hostile à l'idée, ni même porteur d'une ambivalence à prédominance négative. Hélas, les équipes chargées d'évaluer les candidatures sont parfois confrontées à ces dissymétries, si tant est qu'elles les repèrent en effet, parfois, le second partenaire feint d'adhérer au projet pour ne pas perdre son conjoint ou, plus prosaïquement, pour occuper le temps de celui-ci ! Heureusement, de telles situations progressent rarement jusqu'à la porte d'un organisme d'adoption.

Plus souvent, le second partenaire est au moins " gentiment intéressé " par l'aventure. A remarquer d'ailleurs que lorsque l'amour au sein du couple est fort, désirer faire plaisir au conjoint premier demandeur, tout on ayant une capacité basale d'accueil positif des enfants, peut constituer une motivation tout à fait acceptable.

Quant aux enfants, y compris les adoptés, déjà présents dans la famille, il est souhaitable qu'on les associe au projet, selon leur âge, comme on le ferait pour une nouvelle naissance autorisés a s exprimer, pas vraiment décideurs, pas vraiment libres de ne pas se conformer à l'attente des parents, contrairement aux illusions que se font parfois ceux-ci à ce propos! Pose néanmoins un problème très délicat l'enfant ou l'adolescent qui manifesterait une aversion intense et stable à l'idée d'un projet d'agrandissement de la famille problème tant clinique qu'éthique ( autour du droit de chacun au bonheur ), et qui mérite mûre réflexion, voire des consultations spécialisées.



B - Et les candidatures « hors-standard « ? 



Ce sont celles qui émanent de célibataires, ou de cohabitants ne constituant pas un couple homme-femme stable et décidé à partager la fonction parentale. Un des paradigmes de cette catégorie est le couple homosexuel stable.

Outre les motivations que nous avons repérées dans les groupes précédents, on en trouve ici de plus spécifiques, telles que :

 - Chez certains célibataires phobiques, l'évitement de la confrontation à un autre adulte et, plus tard, la peur de vieillir, avec ce que cela connote de solitude et de handicaps.

 - Le refus de s'accorder à un autre pour procréer et gérer ensemble le fruit de cette union.

 - Des dimensions provocatrices et activistes ( par exemple, couple d'homosexuels qui veulent nier ou transcender la singularité de leur statut par rapport au modèle social dominant ).

Nous verrons dans le paragraphe suivant qu'il n'est pas impossible que certaines de ces motivations se heurtent aux besoins profonds des enfants.


  
III - L'évaluation des candidatures. 



Nos sociétés occidentales se donnent le droit d'évaluer les candidatures à l'adoption. Cette politique a pour heureux corollaire l'examen de plus en plus sérieux auquel se livrent les Etats pourvoyeurs d'enfants sur le contexte de chaque projet d'adoption: les filières dites d'adoption libre ou sauvage vont donc en se raréfiant.

Ces évaluations officielles sont souvent mal vécues par les candidats, qui y voient comme le signe d'une suspicion particulière qui viserait leur personne, là où les circuits de filiation naturelle, eux, ne font évidemment l'objet d'aucun contrôle à l'origine!

Cette réaction des candidats serait objectivement compréhensible si les évaluations étaient entachées a priori de cette suspicion particulière.

Or, il n'en n'est rien ou, du moins, il ne devrait rien on être le système de valeurs et les représentations de l'enfant et de la parentalité portés par les candidats, et issus de l'aventure de leur vie, sont un mélange de richesses et de failles exactement au même titre que ceux de leurs évaluateurs : ceux-ci devraient s'en souvenir et faire leur- travail avec beaucoup d'empathie et d'humilité ! Il faut d'ailleurs rappeler aux candidats qu'une fois arrivés dans lotir famille, tous les enfants - adoptés ou non - sont sur le même pied : la société fait une large confiance aux parents mais ne considère pas vraiment que leurs enfants sont leur propriété, et continue donc à se donner un droit de regard sur les familles, via services sociaux et judiciaires spécifiques.

Quant au droit de regard qu'elle s'attribue ici d'évaluer la candidature des adoptants, il procède de ce même devoir général de protection de tous les enfants, et il est davantage conjoncturel que dicté par quelqu'a priori particulier: après tout, dans ces circonstances où la création du lien parents-enfant est artificielle ( au sens le plus étymologique du terme ), autant profiter que la vie ensemble n'est pas encore mise on route irrévocablement pour tenter d'évaluer si le projet de coexistence proposé fera suffisamment le bonheur de tous.

Tenter, car tout évaluateur est susceptible de se tromper ! Tenter néanmoins, non pas on référence à je ne sais quelle liste de ci- itères destinés à ne mettre en circulation que des clones d'éducation standard, mais en voulant approcher les dimensions fondamentales de ce qui tisse les liens humains: Existe-t-il, chez ce couple, suffisamment de capacité à investir cet enfant qui va venir? Existe-t-il une capacité de rêver à son propos ( un "désir d'enfant pas trop flou! ") ? Existe-t-il, inversement, une capacité à l'accueillir dans l'altérité qu'il revendiquera, et à lui laisser faire son chemin de sujet original ? A travers mille indices, des équipes d'évaluation expérimentées peuvent se faire une idée de la " réponse vécue " des candidats à ces questions fondamentales.

On remarquera que, très souvent, dans certaines " configurations familiales " hors normes, la réponse à certaines de ces questions fondamentales ne saurait pas être positive quelle que soit la bonne volonté des candidats: citons, par exemple, certaines formes de célibats qui excluent l'idée de la complémentarité d'un partenaire adulte

 

 


 Notes. - 





(2). La plupart des choix humains se font avec ambivalence : lorsque le pôle " désir " l'emporte clairement sur le pôle " rejet " nous parlerons pour simplifier, de motivations positives.

(3). Psychosomatique, du moins au sens large du terme, jusqu'à 1'inhibition de la capacité de réussir une relation sexuelle.

(4). Ils y pensent parfois avant les gynécologues. Ou encore, l'épouse normalement fertile assume que son conjoint ne veut pas entendre parler d'insémination par donneur étranger.

(5). L'on peut rapprocher de cette sous-catégorie les parents candidats à l'adoption dans le décours rapide de la mort d'un premier enfant, adopté on non, et qui n'ont pas encore fait le deuil de cette absence douloureuse. Ils ne se donnent plus le droit de leur sexualité, ou ne veulent pas faire au disparu l'insulte de le remplacer par un enfant de leur chair ... et l'on peut donc redouter que les risques encourus par l'enfant adopté soient très semblables.