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Un jeune de 17 ans m'écrit 



Monsieur,

Je vous écris car j'ai un petit problème. Voilà, je suis un ado de juste dix-sept ans, très heureux, une copine des amis, d'excellents résultats ...

Le problème c'est que malgré une vie sexuelle très épanouissante, respect de l'un de l'autre etc., j'éprouve régulièrement le besoin d'aller sur des sites de rencontres par Webcam et de me masturber avec un autre homme ... Est-ce normal ? Est-ce grave ? Je n'éprouve pas vraiment d'excitation à voir cet homme c'est surtout le fait que l'on soit ensemble en train de se masturber. Je ne me considère pas comme Gay, peut-être bi, mais plutôt hétéro curieux.

Si je vous parle de ça c'est parce que j'ai peur que cet acte révèle des choses beaucoup plus graves sur ma sexualité ou autre, peut-être la peur d'être un pervers.

Pour l'instant je suis avec une fille, je suis très heureux et elle aussi. Je me vois plus tard avec une femme, des enfants, des amis. Après, je suis énormément curieux : je pense quelqu'un qui a essayé pleins de choses ...

A partir de là, et de quelques questions que j'ai posées à Eric, il s'en est suivi des éléments de dialogue plus personnels, que je ne transmettrai pas ici, sauf un : Eric n'a que très peu connu son père, décédé dans un accident de voiture quand il avait deux ans, et me dit avoir souffert passablement de ce manque, jusqu'à ce qu'il ait décidé de se reprendre et de « devenir un homme dont mon père serait fier », vers ses onze-douze ans.


A l'intérieur de ce dialogue avec Eric, voici une « information de synthèse » que j'ai fini par lui proposer à propos de sa pratique sexuelle

Cher Eric,

En préliminaire : pour ce qui est de ta curiosité, tu ne dois pas me faire un petit dessin : ce n'est pas fréquent, un ado de dix-sept ans qui me déniche, et puis qui se pose face à moi et m'écrit, histoire de se présenter et de savoir ce que je pense ...

Le déploiement de notre sexualité ne peut pas se comparer à celui d'une autoroute bien rectiligne ( to be straight, la bonne blague ! ) Je trouve plus juste de comparer notre sexualité à un arbre fruitier, arbre encore en pleine croissance chez toi, pas achevé, comme tu le fais remarquer toi-même.

Dans ton arbre, tu es à peu près sûr qu'il y a une branche maîtresse, ton hétérosexualité vers des filles de ton groupe d'âge : tant mieux pour toi, c'est de loin le plus simple ( et le plus habituel ! )

Mais nous avons tous aussi, constitutives de notre « arbre sexuel », des branches accessoires, plus ou moins basses, qui se déploient sans que nous les ayons demandées !

Au siècle dernier, ces « branches basses », surtout chez un jeune de ton âge, ça ne générait que des fantasmes, des rêveries, avec ou sans masturbation pour les accompagner. Même si les gens l'avaient voulu, c'était difficile de trouver, sur le terrain de la vie, des « objets » concrets pour passer de l'étape des fantasmes à celle des actes.

Aujourd'hui, avec les progrès de la technologie et de la société de consommation, les  »objets » que visent ces branches basses sont à ramasser à la pelle : si tu as des fantasmes maso, tu trouves sans difficulté des vrais partenaires ( en réel ou de façon médiatée, sur Internet ) ou tu achètes des objets de torture on line, que te proposent des milliers de sites.

D'ailleurs, c'est parfois presque le hasard d'une rencontre inattendue, imprévue avec l'objet, rencontre dictée par exemple par la curiosité, qui fait naître et grandir une branche basse qui n'était jusqu'alors qu'en germe : c'est peut-être comme cela que ça a commencé pour toi, puisque tu insistes fort sur ta curiosité : par hasard tu as trouvé un site de branle amateur, tu as voulu l'expérimenter et ça t'a bien plu !

Tu emploies alors le mot « pervers », qui a une définition scientifique bien précise. « Per-vers » ça veut dire ce qui vagabonde par rapport à la route normale, ce qui di vague et va vers des endroits pas attendus. Et donc oui, étymologiquement, dans la plupart des cas, les fantasmes et comportements issus de nos branches basses sont pervers. Ce sont des réalisations « divagantes » de notre sexualité archaïque. Mais, rassure-toi, nous en avons tous en nous de ces divagations !

Quelques uns de ces trucs pervers peuvent en outre être déclarés mauvais ( au sens moral du mot ) si du moins on franchit l'étape fantasmes --> comportements : ce sont ceux qui connotent la violence sexuelle ou la pédophilie, au moins avec des enfants impubères.

Quelques autres actes pervers, sans être strictement mauvais au sens moral, sont quand même vachement dégradants pour ce cadeau de la vie qu'est notre corps : abîmer celui-ci dans la souffrance, par exemple.

D'autres encore ont l'air plus légers, plus anodins, Ce serait, par exemple, avoir envie de se déguiser de temps en temps en fille et faire un strip-tease pour ensuite se masturber.

Te masturber comme tu le fais, est-ce un acte pervers ? Je dirais plutôt oui et un plutôt léger, car ce n'est pas vraiment la rencontre « bi » totale que tu vises ici, la rencontre affective et sexuelle d'un autre de ton sexe, mais le seul plaisir d'une branle partagée avec quelqu'un qui a des caractéristiques excitantes pour toi (un adulte), avec exhib. et voyeurisme bilatéral.

Ces potentialités perverses que nous avons en nous et que nous réalisons parfois (en 2011 ...) ne sont vraiment préoccupantes que si elles sont mauvaises (cfr supra) ou que si elles nous envahissent au point de ne plus faire que ça, ou de nous désintéresser des branches plus maîtresses de notre sexualité : ce n'est pas ton cas et tu pourrais donc te sentir rassuré par la lecture de ce texte, mais bon, j'espère que tu ne seras pas rassuré à 100%, car deux risques existent toujours :

-  celui de t'attacher de plus en plus à ce plaisir-là, jusqu'à en devenir accro en y gaspillant de plus en plus de ton temps, en désinvestissant ta copine et en n'utilisant plus dans la vie les autres ressources que tu as. Risque pas très élevé, je l'avoue, quand je te lis : c'est un peu le même genre de risques qu'avec l'alcool ou le cannabis.

- celui d'être surpris par quelqu'un que tu aimes ( ta copine ... un proche ), et de semer le doute sur toi et le chagrin dans son cœur : risque que tu as relevé toi-même ( N.B. Eric me l'avait évoqué spontanément dans des parties de dialogue pas reprises ici ) 

Donc, à toi, de décider ce que tu vas faire de cette branche basse qui t'encombre un peu : Tu peux lire aussi sur mon site l'article « Plaisirs et addictions »  ça t'aidera peut-être à décider.

Dernière question : pourquoi cette « branche basse » a-t-elle grandi chez toi pour le moment ? Quelques hypothèses :

- Le hasard et la curiosité ( d'un de tes furetages dans des liens porno : les gens intelligents sont aussi très curieux de voir et d'expérimenter de l'inattendu )

- Le plaisir vécu la première fois ( soit dit en passant, on a quasiment toujours plus de plaisir sexuel à deux, trois ... même sur Internet, qu'avec sa seule main droite )

- Comparer leurs engins a souvent intéressé les mecs ( Qui pisse le plus loin ? Qui a la plus grande ? )

- Défier un aîné, y inclus sur le plan sexuel, voir qu'il a besoin de toi pour trouver son plaisir, ça te donne euh ... un sentiment d'utilité, ça peut être excitant aussi.

Et il y a peut-être aussi des motivations qui sont davantage en rapport avec l'absence ton père :

- Charmer, séduire, obtenir de l'attention ( notamment quand tu montres pas seulement euh ... ton art érotique, mais aussi ta tête ) --> ton père n'a pas pu te donner cette attention, par la force des choses !

- Connaître les secrets les plus intimes d'un homme, les conquérir --> ton père ne t'a initié à rien.

- Etc, etc. ... ce ne sont que des hypothèses.

Voilà, cher Eric, ce que je voulais te dire.

Si tu veux continuer le dialogue, nous pouvons continuer.
Tu sais enfin que les psys sont des rapaces financiers. J'ai passé jusqu'à présent deux heures pour et avec toi. Ca me ferait plaisir que tu vires cinquante euros de ton argent de poche à une œuvre sociale de ton choix, une œuvre qui soulage vraiment la misère du monde.

Slt. be happy



Eric me répond 



Je vous remercie vraiment pour votre aide. Les choses me paraissent plus clairs dans ma tête maintenant.
Je pense avoir pris une bonne décision pour ma sexualité : j'ai mis un contrôle parental sur mon ordi et supprimé toutes les adresses MSN. Comme ça, je ne risque pas de recommencer !

Aujourd'hui je suis avec ma copine, si tout va bien et qu'on finit notre vie ensemble, tant mieux, après, si on est plus ensemble au bout d'un certain temps et que l'occasion se présente de coucher avec un mec pourquoi pas, je ne pense pas que je me ferai du mal, loin de là ... ( Toujours bien curieux de tout, Eric, c'est comme cela que je le sens ) 

Après, et je pense que c'est sûr et certain, pour ma vie de famille et sentimentale, ce sera avec une femme ! :) je vous remercie encore une fois, je vais m'occuper de chercher une bonne association pour faire mon don de 50 euros. J'ai l'impression d'avoir géré mes problèmes tout seul, sans l'aide de mon entourage, j'ai bien grandi, avant j'en aurais été incapable !

Dont acte ... Vis-à-vis de moi aussi, il a été largement autonome, tout en appréciant nos échanges ; on pourrait d'ailleurs faire l'hypothèse qu'il a fait la même chose avec moi - et moi avec lui -, en sublimé, qu'avec les hommes qu'il rencontre dans les salons glauques du Net : ensemble, nous avons semé des idées personnelles et importantes pour nous, moi homme adulte et lui jeune homme ; Mais la capacité de sublimation, c'est signe de santé mentale, n'est-ce pas ?



Mots clé 

SEX WEBCAM, webcam, masturbation, perversion, développement sexuel, développement sexuel normal, sexualité des adolescents, sexualité saine, sexualité normale.