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N.B. 2. En référence à ce qui est écrit dans mon livre, La sexualité des enfants j'emploie ici le mot « incestueux » vu la longue durée et la très probable exclusivité ; c'est l'inceste le plus fréquent dans la fratrie, celui des « vieux habitués »

Sonia m'écrit:

Bonsoir,

Je suis une jeune femme de trente ans et j'ai connu l'inceste à dix ans avec mon frère de quatre à cinq ans mon aîné. Depuis, j'ai l'impression que cela m'a donné un sacré fardeau sur les points affectif et sexuel, quand je lis les conséquences de l'inceste sur plusieurs sites, je vous avoue que je m'y identifie pas mal. Je précise que je faisais du touche pipi déjà à la maternelle avec des copains, bref j'étais déjà bien éveillée à ce niveau-là.
Les quelques souvenirs me restant de cette période sont essentiellement quelques-uns uns de mon histoire avec mon frère ... des jeux sexuels assez poussés, du plaisir ressenti, je pense même en avoir redemandé de ce plaisir à ce moment-là ... Aucune pénétration ... Puis la culpabilité est arrivée, on a arrêté ( je ne sais pas qui a voulu en premier ) ... Au bout de quelques semaines ou quelques mois ( je sais pas ) ... Je l'ai dit à ma mère, elle a voulu garder ce secret et ne pas en parler, elle m'a bien précisé que c'était pas bien, faut pas le refaire ... Elle en a parlé à mon frère ... Voilà rien de plus ... Sinon nous faire allusion à deux reprises ( début d'adolescence puis vers mes vingt ans ) en disant : « vous vous rappelez de ce que vous avez fait. » ... j'en ai plus parlé de toute manière ... j'y ai pensé par contre ... culpabilisé encore ... je me sentais comme une sorte de monstre presque des fois ... Je fantasme sur ce vécu des fois depuis les faits ... et j'ai honte ... les relations avec mon frère sont assez lointaines depuis longtemps, meilleures depuis trois ans ...
J'hésite encore entre jeu sexuel entre frère et sœur et abus de la part de mon frère ... Puis mauvaise négociation du virage par ma mère ...
Qu'en pensez-vous?
Merci

Je lui réponds: 

Bonjour
Merci de votre confiance d'abord
A travers ce que vous racontez, j'ai l'impression que votre grand frère n'a pas vraiment abusé de vous, mais que ce que vous avez fait était « partagé » Bien sûr, idéalement, un aîné de cinq ans devrait être un bon éducateur pour un frère ou une sœur plus jeune, mais bon, c'est un peu idéal ... et en pleine puberté, il n'a pas pu prendre ce rôle-là ... mais ça ne veut pas dire pour autant qu'il vous a abusée.
Vous vous êtes engagés tous les deux dans une longue impasse en matière de projet sexuel et puis « quelque chose » d'intuitif vous a fait vous en sortir spontanément. C'est de ceci qu'il faut se réjouir, bien plus que du temps de l'égarement ...
Ce qui vous est arrivé arrive dans bien plus de familles qu'on ne croit. Evidemment ce n'est pas « bien » de coucher avec son frère, ce n'est pas ce qui est prévu dans l'ordre humain, mais est-on un vrai monstre pour autant ? N'y a-t-il pas, chez nous tous, cette possibilité de sortir des chemins de la sociabilité et de faire des erreurs ? Encore une fois, pour moi, l'essentiel est d'en être sortis, de par vos propres forces et désirs.
Auriez-vous attendu une autre attitude de la part de votre maman ? Elle a dit ce qui était juste (« ce n'est pas bien ») et elle a continué à accueillir ses deux enfants qui s'étaient égarés ...
Au plaisir de vous lire, amicalement

Sonia me répond:

Merci pour votre écoute et votre réponse rapide. J'ai deux réponses pour vous ( deux de mes réactions, différentes )
1/ vendredi le fait de dédramatiser les faits ne me convient que peu puisque j'y ai pensé quotidiennement plusieurs années après ...
Je ne sais pas si vous arriverez à me convaincre qu'un gamin de 14 ans et demi ne peut pas se retenir avec sa sœur de 10 ans même s'il y a du désir ... Il sait que c'est mal mais aussi que c'est malsain, les interdictions ont beaucoup plus de poids à ses yeux car justifiées en plus !!!
Son développement intellectuel et des responsabilités à cet âge-là ne lui donnent pas le droit de franchir l'étape sexuelle ...
Pour mes 10 ans, je savais que c'était mal, on faisait la grosse connerie ensemble, mais je ne me doutais pas des putains de conséquences que ça pouvait engendrer ... découverte sexuelle OK mais c'était trop tôt pour çà ... et pas avec lui ...
C'est sûr que c'est une bonne chose qu'on ait pu terminer assez rapidement ... Seulement si les actes se sont arrêtés, ma culpabilité et ma honte m'ont suivies ... et elles ne sont jamais parties ...
Je suis d'accord sur le fait que mon frère n'est pas parfait ... moi non plus et personne d'ailleurs ... mais mince ... j'avais 10 ans ...
Vous avez écrit :
« A travers ce que vous racontez, j'ai l'impression que votre grand frère n'a pas vraiment abusé de vous, mais que ce que vous avez fait était « partagé » Bien sûr, idéalement, un aîné de 5 ans devrait être un bon éducateur pour un frère ou une sœur plus jeune, mais bon, c'est un peu idéal ... et en pleine puberté, il n'a pas pu prendre ce rôle-là ... mais ça ne veut pas dire pour autant qu'il vous a abusé »
Je le ressens comme un abus, vos mots renforcent même mon ressenti, je ne suis pas la poupée gonflable consentante de mon frère pour qu'il y fasse ses premiers essais ... pour moi ce n'est pas idéal qu'il soit un bon éducateur, c'est NORMAL ... Surtout dans ce domaine !!!!!!!!!
merci pour votre écoute
amicalement

Je réponds à Sonia : 

Bonjour
Je n'ai pas voulu vraiment dédramatiser, mais vous dire que ces faits, qui restent « graves » au sens de la gravité existentielle ( c'est à dire pas banals ) existent plus souvent qu'on ne pense ... et que, à un certain moment, quand on a bien regretté, on a le droit de se tourner une page en soi-même, c'est à dire de SE pardonner.
De votre premier mail, j'avais tiré l'impression que vous étiez consentante, plus que naïvement, et qu'une ouverture vers la sexualité vous intéressait déjà ... c'est une réalité possible, même chez une enfant de 10 ANS, et fort de cette impression, j'avais développé mon petit topo en partant sur la possibilité d'un vrai co-consentement.
Dans votre réponse, vous me faites remarquer que vous étiez plutôt dans le groupe majoritaire des enfants de cet âge-là, c'est à dire consentante à une sorte de jeu, mais naïvement et sans en mesurer les implications ... 
C'est vrai, alors, que votre frère aurait pu ne pas vous initier, et aller calmer ses démangeaisons pubertaires avec sa main droite ou avec une petite copine de son âge ... c'est lâche de vous avoir « allumé » comme il l'a fait pour ses besoins à lui.
Néanmoins, vous avez grandi, vous avez eu 10 ans, puis 11, puis 12 ... et vous avez accepté que ça continue, en sachant cette fois ce que c'était, et il a fallu tout un temps, avant que l'un de vous deux dise « ça suffit » et que l'autre l'accepte, peut-être que c'est dans cette phase de silence que vous avez aussi connu du plaisir et de la satisfaction affective et que votre coresponsabilité s'est vraiment installée ... ça expliquerait pourquoi vous vous sentez toujours coupable, malgré que vous lui en voulez de vous avoir lancé dans cette aventure ( et vous avez raison de lui en vouloir )
Mais bon, relisez ma première ligne : j'espère que vous allez vous pardonner à vous-même, et réparer ce long faux pas, par exemple en agissant comme une personne bien sociable et attentive aux besoins des autres.
Amicalement

Sonia me répond : 

Bonjour,
Désolée si j'ai paru un peu nerveuse sur le dernier mail mais c'est un sujet qui me tient à cœur généralement ...
Vous avez sans doute raison, la page doit être tournée, on doit se pardonner ... il faut sans doute encore un peu de temps pour moi ...
Quand nous arrive l'inceste à cet âge-là, avec un bon début de libido mais pas suffisant pour coucher avec son frère, « ça coupe la chique » comme on dit par chez moi. (On est coupé dans notre élan) ... Pendant longtemps et encore aujourd'hui, j'hésite entre consentement et naïveté de ma part ... parce que j'ai pris du plaisir, que j'en ai demandé même ( je crois bien ) et pourtant je n'ai pas voulu démarrer cela ... je crois qu'on peut tourner le même sujet dans tous les sens, à chaque fois une interprétation différente en sortira, et ça ne règlera pas forcement l'affaire ...
A 10 ans, on a déjà une vie sexuelle, mais elle est encore beaucoup basée sur l'affectif à cet âge-là ... On n'est pas comparable aux adultes, on s'investit différemment dans ce domaine ...
On (je) découvre encore le plaisir donné par nos(mes) zones érogènes, on (je) découvre avec les autres aussi, mais je ne suis pas prête à un inceste, surtout pas à gérer ses fantômes ( culpabilité, honte ... je suis donc presque sûre que c'était plus de la naïveté qu'autre chose ...

A mes 10 ans, j'avais une libido plus importante qu'aujourd'hui, pour vous dire où ça en est aujourd'hui ...
Notre inceste n'a pas duré plusieurs années, seulement quelques semaines ou mois ( je ne sais pas ) ... heureusement ...
Je lui ai déjà pardonné depuis des années, mais je ne me suis pas encore pardonné à moi je crois bien ...
merci

Ma dernière réponse,  : 

Je ne sais que vous dire madame : bonne chance ou bon courage, ces mots peuvent sonner tellement creux !
Je pense néanmoins très sincèrement qu'il pourrait être en votre pouvoir de VOUS pardonner, de décider si la colère à l'égard de votre frère doit s'éteindre doucement, toute partiellement légitime qu'elles soit ... et puis de faire de votre vie qqe chose de bien ; le vrai mal c'est de détruire les autres ............... et vous ne l'avez pas fait.
Amicalement