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Editorial de la revue sociale belge Badje-action 45 ( avril 2011) ( revue de Bruxelles accueil et développement pour la jeunesse et l'enfance ) 

Vous avez dit communication non-violente ? Quel superbe projet !
D'abord, tout simplement, celui de communiquer avec l'enfant ou l'adolescent : Plutôt que de s'avachir chacun derrière son écran, celui de la TV, de Facebook (réseau social, ahahah !) ou d'un jeu vidéo, on se parle entre générations, on cherche à créer une pépinière partagée d'idées, de sentiments et de rires, à travers le dialogue verbal, informel ou solennel, le jeu de société, l'activité faite ensemble, etc.



Non-violente ne veut néanmoins pas dire « à la guimauve » 

 

La communication gagne toujours à être authentique : Au sens étymologique du mot, nous mettre en question, en énoncé personnel, de part et d'autre !
Or, vraiment écouter l'enfant, quand il exprime ses opinions et vécus à lui, sans vouloir le récupérer, sans vouloir qu'il se dise mensongèrement d'accord avec ce que nous pensons, pour rester aimé, cela reste un exercice difficile, celui de l'acceptation de la différence. Et de notre côté, mises à part nos moralisations pédagogiques, nous n'avons pas toujours facile non plus à faire part de ce que nous vivons, de nos opinions - ni plus, ni moins -, de nos incertitudes, erreurs et ignorances !



Non-violente, ça ne se marie pas bien non plus avec « speedée » 

 

 Il nous faut être patients, sachant aller au rythme de l'enfant, sachant nous accroupir à sa hauteur pour écouter, donner de l'importance, nous émerveiller parfois ou nous laisser déstabiliser face à un monde d'intérêts et de raisonnement inattendus : depuis l'expression des convictions imaginaires des tout-petits, jusqu'à celle de l'intransigeance et de la passion dialectique des ados, comment être avec, sans disqualifier ni fermer les portes ?



Non-violente ne signifie pas davantage « qui doit tout dire sans tabou » 

 

 Nous, adultes, gardons un droit et un devoir de discrétion et d'aménagement de l'information. Parce que notre intimité, avec ses jardins secrets, est une réalité précieuse, tout comme l'est celle de l'enfant. Et aussi, parce que la capacité de celui-ci à ingérer de l'information trop complexe, trop angoissante ou désespérante ne s'amplifie qu'au fil du temps : à nous de bien doser ce qu'il est capable d'entendre ! Pour ma part, je n'ai jamais voulu casser le mythe de Saint Nicolas, pas plus qu'il ne me viendrait l'idée de parler trop vite de la mort au petit cancéreux qui va mal, mais ne donne aucun signe qu'il est prêt à en aborder le thème.



Non-violente n'a pas dans mon esprit le moindre parfum rousseauiste.

 

 L'enfant n'a rien du bon petit sauvage qui finit toujours par devenir raisonnable si nous palabrons indéfiniment avec lui. Je déplore, pour ma part, ces interminables explications autour des règles ou des projets familiaux où l'on redit vingt fois la même chose. Conversations mielleuses qui ressemblent à de la mendicité, mais sont plus sournoises qu'elles n'en ont l'air parce que, à part pour des détails, l'enfant doit quand même finir par céder, avec, en prime l'obligation de dire qu'il a bien compris et qu'il est d'accord.

Tous comptes faits, je préfère que nous assumions clairement une part de force : Mener une communication non-violente et authentique, c'est aussi assumer qu'adultes éducateurs et enfants ne sont pas égaux en droit à décider : tant mieux si le dialogue, l'expression de soi et l'art partagé de la négociation amènent à se mettre d'accord sur une bonne partie du cadre de vie et des projets.

Mais c'est rarement suffisant : le principe du plaisir, de même que la volupté de défier et de s'opposer peuvent être bien solidement opérants chez l'enfant et les seules bonnes paroles des adultes ne suffisent pas toujours à « socialiser » les plus désobéissants, les absolument - réticents - à - faire - leurs - devoirs, pas plus que les accro à World of Warcraft.

Et si c'est le cas, nous, adultes éducateurs, conservons une responsabilité et un pouvoir éducatif à exercer clairement et respectueusement. Il nous faut donc aussi communiquer que nous savons dire Non, via des décisions, des actes fermes, voire des sanctions.

Et c'est ici qu'existe une confusion sociétaire catastrophique autour du terme « Violent » « Violent » devrait se limiter à signifier : ce qui viole l'intégrité, ce qui détruit pour le plaisir (de casser, de se sentir fort), ce qui maltraite intentionnellement.

Or, nous ne sommes pas loin d'appliquer le terme dès que l'adulte se fâche, élève la voix, emploie un nom d'oiseau pour qualifier le comportement insupportable d'un jeune, et encore plus s'il le touche, le bouscule, s'affronte à lui physiquement : ce n'est pourtant pas de ma bouche que vous entendrez qu'une fessée occasionnelle « bien méritée » - pas érigée en système, mais en un moment symbolique rare, face à un acte intentionnel particulièrement imbuvable -, que cette fessée, donc, c'est de la violence, de la maltraitance, et que ça coupe ipso facto l'ambiance fondamentalement non-violente et respectueuse de la communication.

Je le redis, parmi tout ce qui doit être communiqué à l'enfant, il y a le pouvoir d'éducation confié à l'adulte. Celui-ci nécessite parfois l'expression et la communication d'une vraie force pour faire entendre quelques « Non » indispensables à la socialisation.