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Chapitre I: Préambule

Dans ce texte, nous appellerons "consultant" (ou "psy") le professionnel responsable de la consultation, lorsque sa démarche ne requiert pas de spécification strictement liée à son diplôme. Sur le terrain, il pourra donc s'agir d'un licencié en psychologie, d'un pédopsychiatre, d'un médecin non-psychiatre, d'un travailleur social, etc.

Il serait artificiel d'imaginer une sorte de chronogramme où, au début, l'intention du consultant et le résultat obtenu par lui seraient strictement diagnostiques, et seraient suivis d'une intention et d'un résultat thérapeutiques. En réalité, les intentions sont plus mixtes, tout comme les effets obtenus.

Souvent, il existe d'emblée un effet thérapeutique (ou pathogène) lié à bien des paramètres qualités (ou défauts) de l'accueil  par le consultant; effet libératoire (... ou anxiogène) de la parole qui se dit; fantasmes liés, chez le client, à l'acte de consulter (se sentir privilégié, pris au sérieux ... ou stigmatisé); qualité des interventions précoces du consultant, etc.

Le plus souvent aussi, le processus diagnostique dure tout au long de la relation d'aide: parents et enfants ne cessent d'apporter des informations qui devraient conserver un statut mouvant "kaléidoscope diagnostique ...".

 Au début néanmoins, l'intention explicite principale de beaucoup de consultants est de mieux comprendre la situation, l'être de l'enfant et de sa famille, tout en assumant qu'ils ne pourront jamais tout comprendre, et que leur intervention est immédiatement susceptible de s'avérer soulageante ou aggravante; au fil du temps, et selon les tempéraments et écoles de chacun, l'intention thérapeutique se fait plus explicite, tout en assumant que le "diagnostic" de référence est toujours susceptible d'être remis en question. Partant de ces "intentions explicites principales" successives dans le chef du consultant, et, conscient d'être schématique, je distinguerai donc quand-même:

Chapitre II: Une étape qui se veut principalement diagnostique

LES PARTENAIRES DES ENTRETIENS

L'étape diagnostique peut démarrer d'un premier entretien, où l'on a laissé aux interlocuteurs familiaux la liberté de choisir qui seront les membres présents.

Dans la mesure du possible, il y aura aussi un ou plusieurs entretiens avec l'enfant, consacrés à dialoguer avec lui, à interagir autour de supports dits "figurés", "imaginaires" ou "projectifs", (jeux, dessins, marionnettes ...) et, plus inconstamment, à lui faire passer des tests. On veillera systématiquement à s'enquérir de l'état de santé de son corps et, s'il le faut, à (faire) demander des précisions ou/et examens complémentaires au sujet de celui-ci.

Souvent, il y aura aussi un ou plusieurs entretiens avec chaque parent séparément ou/et avec le couple parental ou/et avec chaque parent et l'enfant-problème ou/et avec les deux parents et l'enfant-problème ou/et avec toute la famille ou un autre type de sous-groupe familial.

Avec la permission des parents et, dans la mesure du possible, celle de l'enfant, on prendra également des renseignements (écrits, téléphoniques ou via rencontre directe) auprès de tiers: médecin traitant, enseignant, psychologue scolaire, travailleurs sociaux, etc.

Beaucoup de souplesse donc pour organiser ces premiers entretiens, en fonction des circonstances locales et de la créativité de chaque consultant. Signalons néanmoins l'importance que nous attribuons au "colloque singulier" avec l'enfant, rencontré seul: c'est un moment où il peut abandonner les comportements-réflexes qu'il a en présence de ses parents, et beaucoup ne s'en privent pas!

Inversement, il ne s'agit pas de vivre cette excellente pratique comme une contrainte: un certain nombre d'enfants, notamment les plus jeunes et les plus anxieux, ne supportent pas d'être séparés de leurs parents, et il faut s'adapter!

 

Par la suite, nous distinguerons une seconde étape de "communication du diagnostic et  négociation du programme thérapeutique". Redisons cependant que nous avons choisi une présentation schématique. Sur le terrain, les successions ne sont pas aussi rigides: les étapes se superposent plutôt comme des vagues. Les "communications du diagnostic", par exemple, commencent souvent précocement, par petites touches, par approximations.

CENTRATIONS DES ENTRETIENS DIAGNOSTIQUES

Une écoute soigneuse de la plainte

Nous verrons vite  qu'il faut essayer de faire détailler, déployer ce qui est dit dans la première plainte c'est à dire la saisir à un niveau concret et, comprendre le contexte interactionnel dans laquelle elle se situe ("II ne mange pas"doit déboucher sur"Racontez une fois où il n'a pas mangé ... que se passe-t-il quand il ne mange pas?") ... Au fond, ceci consiste à prendre au sérieux cette plainte initiale, à bien l'écouter, et à y revenir régulièrement comme à une référence ("Je vous rappelle que vous êtes venus me voir pour ...").

Cette écoute de la plainte (éventuelle) s'adresse à tous les partenaires (familiaux) que l'on rencontre, enfant inclus: lui aussi a quelque chose à dire sur "pourquoi il est là": si l'on sait insister un peu avec bienveillance ... l'aider à dépasser sa prudence initiale ("Si tu ne sais pas pourquoi maman est venue avec toi, tu peux  imaginer ...").

2. De la (non-)plainte à la (non-)demande

Au delà de la plainte, qui est comme le cri de souffrance ou/et d'intolérance poussé par certains, il faut essayer de comprendre dans quelle mesure il y a demande (ou non-demande), c'est-à-dire:

- Comment la famille identifie-t-elle le consultant et dans quel état d'esprit se trouve-t-elle par rapport à lui? Attend-elle de lui quelque chose de positif ou de négatif, ou rien? Est-elle disposée on non à opérer certains changements pour atteindre les objectifs qu'elle se fixe (supprimer la plainte, l'atténuer, mieux vivre avec)?

En répondant à ces questions, on touche au champ de la demande ou de la (non) demande: s'il y a demande, les demandeurs sont prêts à "faire vraiment quelque chose" pour progresser dans le sens de la demande ...

Cependant, à l'inverse de l'exploration de la plainte, qui peut être plus rapide et explicite, se faire une idée de la (non) demande prend souvent du temps et procède plutôt par petites touches.

Chacune de ces "petites touches" gagne cependant à être précise, non allusive.

3. Approcher l'état d'esprit de chacun

Chacun - le consultant inclus - étant engagé de la sorte dans la consultation avec ses idées, représentations et sentiments, on devine combien il est important de comprendre progressivement chaque état d’esprit (attentes, craintes, méfiance, indifférence ...). Bien des questions permettent par petites touches, de s'en faire une idée ... bien des allusions également, voire des déclarations très claires et spontanées des clients, qu'il faudrait pouvoir saisir au vol et faire préciser; par exemple:

 

- Par quel processus aboutissent-ils aujourd'hui chez le consultant? Quelle est leur histoire socio-médico-psychologique antérieure? Pourquoi (éventuellement) ont-ils désinvesti des consultants précédents?

- Qui est surtout intéressé par cette consultation? Qui y est plutôt hostile? Qui a des inquiétudes à son sujet (parmi les présents et les absents)?

- Qu'imaginent-ils que le consultant pourrait faire pour eux? De leur côté, sont-ils prêts, ou non, à faire quelque chose pour atténuer la problématique? Si oui, quoi? Si non, que défendent-ils à travers cette position?

(Et moi, consultant: comment est ce que je les "sens"? Quelles sont mes pensées et mes sentiments les plus immédiats à leur sujet?

De qui est-ce que je me sens proche, lointain? J'aimerais pouvoir leur dire quoi, à propos de leur plainte et de leur démarche? Etc. ).

 4. Prendre des petites vidéos de famille

 

Métaphoriquement bien sûr, un peu comme quand on filme une petite séquence pour la placer sur Youtube.

---- Ces"clips vidéos peuvent être construits avec chaque interlocuteur, y inclus l'enfant en entretien individuel.

---- En recourant au concept "vidéos", j'ai à l’esprit ce qu'est un bon preneur d’images: quelqu'un qui aime saisir la vie, telle qu'elle est, et qui "s'arrange" pour que cette vie s'exprime par sa patience. par sa bienveillance et son art de mettre les gens à l'aise, par sa discrétion et son art de se faire oublier, par sa subtilité, en fonction de laquelle il devine quel sera le "bon moment", spontané, significatif, inattendu.

---- Parmi toutes les centrations possibles des « vidéos », qui veulent chacune saisir un événement précis dans ses dimensions interactionnelles, une, bien utile, consiste à cerner la dynamique familiale autour de la plainte d'avant-plan. La plainte -"Il est énurétique, il ne fait plus rien; il est méchant"-, c'est le nerf périphérique malade du corps familial: c'est autour de ce point de cristallisation que se sont concentrées la tension, la colère, l’angoisse. la dépression de la famille. Non seulement c'est respecter le narcissisme des parents que d'en tenir compte, mais c'est également très révélateur de la dynamique familiale que de comprendre finalement ce qui se dit, se fait, se vit ... ou est absent autour de la plainte.

Concrètement, il s'agit donc de bien saisir les attitudes et sentiments de chacun autour d’expériences concrétisant la plainte: si l'on parle d'un enfant "méchant", se centrer sur l'une ou l'autre expérience où il a été vécu comme méchant; trouver ce que chacun a dit, fait dans les minutes qui ont précédé, puis, pour y faire face; situer aussi les absences de position ou de présence et leur raison d'être: mettre en place l'enchaînement de ces éléments: qui réagit à quoi, une première, une seconde, une troisième fois; déterminer ce qui peut être raisonnablement considéré comme le début et la fin de la scène; au-delà des actes et des mots, faire parler également des sentiments conscients qui se vivent.

Progressivement, clip après clip, la dynamique familiale prend forme souvent, pour bien la saisir, on aura également besoin d'autres centrations de photos, obtenues en partant de questions plus générales et de leurs concrétisations ponctuelles: que peuvent-ils dire encore du caractère de l’enfant? Comment se déroule une journée "habituelle" de sa vie? Comment voient-ils les relations dans la fratrie? Comment le papa (la maman) se voit-il, et est-il vu fonctionner, dans sa fonction de papa (de maman)? etc. ... Dans la réponse à ces questions, il y a donc intérêt à épingler l'un ou l'autre événement, et à développer à partir de lui une photo de famille où le rôle concret et les sentiments de chacun sont précisés.

---- Dans le chef du consultant, quel est l'état d'esprit le plus intéressant lors de cette démarche? voir note 15

5. L'anamnèse

----  Elle aussi peut être faite avec l'enfant seul ("Raconte-moi ton histoire ..."), avec les parents, le sous-groupe "enfant-parents", voire toute la famille. Certains la facilitent et l'enrichissent en demandant d'apporter des albums de photos de famille, ou quelques photos estimées significatives, et en les commentant avec leur(s) interlocuteur(s).

----  « anamnèse » doit être considérée au sens large du terme, et porte sur plusieurs axes:

- l'histoire du trouble de l'enfant, y inclus les éventuels démarches et commentaires auxquels il a déjà donné lieu;

- l'histoire de la vie de l’enfant, éventuellement avant sa conception (comment le "désir d'enfant" a-t-il joué pour lui?): grandes interactions avec lui; life-events; histoire du corps aussi, de sa santé et de ses maladies;

- l'histoire de sa famille: ce qui l’a fondée et la meut toujours ... qui sont les parents, etc.

- les relations de la famille et de l'enfant et de leur tissu social;

- etc.

---- Selon leur créativité, les consultants procèdent à cette anamnèse:

- en y consacrant explicitement une unité de temps et de façon systématisée, et sous une forme guidée par le consultant;

- en y consacrant une unité de temps mais en se limitant aux libres associations des parents et de l’enfant, clans un premier temps ou définitivement;

- par bribes ou morceaux, au fur et à mesure que des associations viennent aux interlocuteurs en cours de consultation ou/et que le consultant a envie de poser des questions.

6. Examens complémentaires spécifiques

Je serai bref à leur propos, la connaissance détaillée de leur contenu relevant soit d'autres disciplines (pédiatrie, neuropédiatrie), soit de compétences psy spécfiques (testologie):

----  Connaissance de l'état somatique de l'enfant

 Il est le plus souvent indispensable d'avoir des idées claires à ce sujet. C'est évident lorsque la plainte porte sur une somatisation, au sens large du terme (maux de ventre, énurésie, nervosisme, etc. ...). Mais, rappelons que le corps est susceptible d'être impliqué dans tout symptôme,

Par exemple, tel enfant a une prédisposition à l'angoisse (basalement, indépendamment de toute "erreur" éducative ou de toutes répétitions d'événements menaçants): il est bien possible que son génome y soit pour quelque chose, qui a accru chez lui le nombre de récepteurs cérébraux qui, stimulés, déclenchent le sentiment anxieux, voire des idées ou des images d'angoisse ... mais on peut se demander si des "facteurs épigénétiques" - comme des événements menaçants très précoces, pendant la grossesse - n'ont pas également favorisé la multiplication de ces récepteurs; quoi qu'il en soit, c'est devenu pour lui de l'équipement somatique ...

----  Utilisation de matériel projectif lors des entretiens avec l'enfant, observation de son  comportement et recours aux tests

Chapitre III: Communication d'une impression diagnostique - LES REFORMULATIONS EMPATHIQUES

Reformulations ponctuelles et progressives

A - Dans le même temps que le consultant explore la situation avec les moyens qui viennent d'être décrits, il peut faire des commentaires à haute voix, sur un mode empathique: au fur et à mesure qu'il pense comprendre mieux les comportements et les sentiments vécus par ses vis-à-vis et certaines de leurs raisons d'être, il peut leur faire part de ce qu'il saisit. D'abord de façon très partielle et très modeste, et puis, en mettant progressivement ses impressions ensemble:"Il semble que (tel acte, tel sentiment, telle valeur) est vraiment caractéristique de vous (de votre famille ...)".

Ces paroles de reconnaissance revêtent  bien des formes et nuances:  ce sont parfois simplement des hypothèses,  des idées qui viennent au consultant, des propositions qu'il renvoie à ses vis-à-vis sur un mode personnalisé, non péremptoire, en montrant qu'il est en recherche avec eux pour bien comprendre. Parfois même. il aura à leur dire que, à ses yeux aussi, ce qui se passe reste encore mystérieux: '' J'ai l'impression que maman te gronde, tu penses peut être que ..."

 

B - Et c'est ainsi que le consultant construit petit à petit une sorte de tableau impressionniste, exposé au regard et à la critique de ses vis-à-vis et corrigé éventuellement par eux lorsqu'ils pensent qu'il se trompe.

Cela reste néanmoins une modélisation imparfaite, incomplète, partiellement spéculative. Il y reste des "blancs". des secteurs laissés provisoirement en suspens: zones trop "brûlantes" dont le décodage trop rapide n'amènerait qu'un surcroît de résistance ... mais aussi zones qui restent opaques: à l'avenir la compréhension progressive de ces lacunes de sens apportera peut-être un soulagement dans l'accompagnement d'un problème.

La reformulation de synthèse

A un moment donné, souvent après quatre ou cinq consultations - mais c'est variable d'un cas à l'autre -. l'on aura un faisceau d'impressions suffisamment convergent, même s'il subsiste ici et là des "blancs" significatifs, que pour risquer une reformulation de synthèse. J'y attache une certaine importance, parce qu'elle va permettre de se clarifier les idées, de se situer à nouveau en face de la plainte et d'ouvrir un programme de travail pour l'avenir.

Cette reformulation de synthèse gagne à comporter les caractéristiques suivantes:

- elle est simple, non psychologisante, non intellectualisante;

- elle ne veut pas tout expliquer, elle laisse des incertitudes"C'est peut-être à cause de cela que ...": elle se contente de pointer quelques éléments en jeu, tant ceux qui contribuent au problème que d'autres, qui esquissent des solutions possibles. Elle insiste plus sur les facteurs d'entretien "probables" que sur les mécanismes générateurs "avec certitude";

- elle insiste au moins autant sur les ressources, les richesses pédagogiques et humaines qui circulent déjà ou pourraient circuler dans la famille, que sur les défaillances multifactorielles qui contribuent peut-être à entretenir le problème;

- elle est transactionnelle: elle met en jeu et les adultes et les enfants ... et le corps -le cas échéant -, et l'esprit.

Chapitre IV: Négociation d’une prise en charge

Une fois que la reformulation de synthèse est discutée avec les parents et l'enfant - avec des  mots adaptés à son âge ! - et que nous arrivons avec eux à des impressions communes, nous en arrivons tout naturellement à évoquer un programme de travail. Il comporte, en proportion variable, des parties psychologiques, sociales et somatiques.

Parfois, il s'agit seulement de prolonger dans le temps la réflexion vécue qui a été amorcée, et de la prolonger avec tout le groupe familial ou certains de ses partenaires. Parfois, d'autres propositions se formulent: une psychothérapie, la prise d'un médicament, un aménagement social ou scolaire ...

Il ne s'agit pas d'obtenir une réponse rapide et superficielle, mais d'entamer une nouvelle réflexion au sujet des propositions faites. Bien qu'existe, sur le terrain, une dialectique entre ce que l'on pourrait appeler une option de principe et une option appliquée, je les distinguerai pour  les besoins de l'exposé:

L'option de principe

Même quand il y a accord sur ce qui est en jeu,il n'est pas certain qu'il soit ipso facto possible que l'enfant ou/et ses parents se mobilisent dans la direction d’un changement pour les réduire. L'homéostasie, c'est-à-dire le maintien de l'équilibre actuel, peut avoir du sens, et nous devons indiquer à nos vis-à-vis que nous pouvons les comprendre au cas où ils choisiraient de ne pas faire de démarche supplémentaire.

S'ils choisissent et s'efforcent de progresser vers un changement - qui s'est assez souvent déjà amorcé au cours des entretiens précédents - c'est bien. Mais s'ils choisissent d'en rester là, et de ne pas mettre en oeuvre plus avant les actions qui permettraient peut-être de dépasser les blocages actuels, c'est très souvent bien aussi: à nous d'y voir l'indicateur de leur sagesse ou/et du droit qu'ils se donnent à reconnaître leurs limites, d'équipement et autres, ou même à en mettre, parce qu'ils ne désirent pas faire plus.

Ce n'est pas toujours facile à accepter: pensons par exemple à l'enfant qui serait pris en otage entre deux parents séparés, en fort conflit, et qui font tout pour se l'arracher. Il faut trouver un bon chemin de paroles où:

L'option appliquée

A -  Vers un possible changement

Un certain nombre d'enfants et/ou parents se découvrent progressivement preneurs pour aller plus loin et on peut leur indiquer les moyens auxquels on pense. Ici, et bien qu'il soit impossible d'indiquer la frontière avec la dernière précision, l'on sort de l'étape diagnostique. Et l'on en sort de façon claire: une aide se demande, l'on sait qui la demande, ce qui est demandé, et l'on sait pourquoi avec quels objectifs et dans quel état d'esprit: par exemple "On va donc se revoir entre adultes, et nous sommes d'accords pour réfléchir à l'autorité, à ce que vous vivez, à la maison, en exerçant votre autorité."..."Nous allons essayer de comprendre en quoi pourrait consister une valorisation plus grande de votre fils"... "Marc va faire l'expérience d'une rencontre avec Mme X, et il nous dira dans un mois s'il désire continuer à travailler avec elle, ou non"... Commencent ici les thérapeutiques qui seront décrites dans le chapitre suivant.

B -  Vers le deuil

Dans d'autres cas, parents, enfant et consultant se heurtent tous à la limite, du possible ( ... ou du profondément désiré): bien sûr, chacun continue à souhaiter que le problème de l'enfant disparaisse ... mais personne ne peut imaginer de mettre en oeuvre l'énergie et les moyens qu'il faudrait pour y arriver peut-être; nos vis-à-vis ne peuvent pas faire le pari - ou prendre le risque - d'une reconversion de soi, ni des habitudes qui ont été prises.

 Mieux vaudrait alors qu'il ne s'en suive pas une phase de colère, ni de dépression, mais que le consultant aide à l'installation d'un deuil partiel: deuil d'un rêve, deuil d'une attente excessive sur l'autre, deuil d'une intervention magique de la part des soignants:

"Je peux comprendre que cet effort personnel de réflexion et d'adaptation vous paraisse (impossible, dangereux, non souhaitable) ... mais, selon moi, c'est à partir de lui que votre enfant aurait pu changer ... Si rien ne se passe maintenant, quels vont être vos sentiments? "Cette thérapie aurait pu l'aider, peut-être, mais il ne la souhaite pas, et c'est son droit d'être humain". "Comment pensez-vous que vous allez réagir, dans les jours qui suivent, à cette décision que vous venez de (qu'il vient de) prendre? Quels sont vos sentiments à ce propos?" …

Et c'est maintenant que, à partir de - et au delà de - son acceptation de leur refus. le consultant peut les aider à un deuil: en entendant leur éventuelle colère ou amertume du moment, mais en n'y restant pas noyé avec eux. Leur refus connote peut-être qu'ils seront confrontés au problème initial pendant un temps indéterminé,  mais ils doivent viser à s'y adapter, tout comme nombre de personnes handicapées parviennent à bien s'adapter à leur handicap. Ils peuvent réinvestir leur énergie autrement qu'en s'acharnant à venir à bout du problème, etc. . Et puis, ils peuvent garder l'espoir qu'à la longue, la vie arrangera les choses (au fond, c'est quand même vrai que la plupart des énurésies persistantes jusque-là disparaissent à la puberté ...). Inversement, il faut se montrer vigilants pour que ne s'installent pas ici des issues stériles: en vouloir à l'enfant qui ne fait pas le cadeau de guérir: s'en vouloir à soi, comme parents, parce que l'on n'aurait pas eu "le courage" d'aller plus loin: en vouloir au consultant, que l'on déclare incompétent là où il est simplement respectueux de la liberté d'autrui, et entrer dans le "doctor's shopping".

C –  Et un vaste entre-deux

Signalons enfin que la décision claire et unanime d'aller plus loin, ou celle d'en rester tous là, ne sont que les extrêmes d'un gradient de possibilités.

Ainsi par exemple, il arrive que  certains membres de la famille soient d'accord pour aller de l'avant, et d'autres non: la réponse à celle situation se fait au cas par cas: ici, on maintient l'incertitude, tout juste comme je viens de l'évoquer, parce que cette divergence d'avis est significative d'une rivalité et d'une opposition habituelles entre les membres de la famille ... là, on "marche" avec ceux qui en veulent, parce que l'on estime que ce sera bénéfique pour eux et pour tout le monde, et accepté par les autres ... Ailleurs, on ne fait rien du tout, parce que ceux qui refusent d'aller plus loin  seraient très menacés et saboteraient le travail des autres, ou parce que celui qui s'engage (à une thérapie individuelle par exemple) peut trop protéger le confort des autres et permettre que se maintiennent trop d'attitudes inadéquates dans sa famille.

Chapitre V: Une étape qui se veut principalement thérapeutique

Voici l'éventail des principaux moyens thérapeutiques dont nous disposons pour accompagner l'enfant-problème et sa famille.

I - ORIENTATION D'UNE FAMILLE VERS UNE THÉRAPIE FAMILIALE

 Ici le consultant fait l'hypothèse que le problème présenté par l'enfant exprime, au moins dans une certaine mesure, des difficultés opérantes dans le système familial, (distorsion dans les communications ... doubles messages ... incohérence ... confusions quant aux limites du territoire de vie de chacun ... malentendus dans les images que les uns se font des autres ... angoisse liée aux forces naturelles des familles , comme par exemple l'ambivalence entre le désir de partage et celui d'intimité, le désir d'autonomie des adolescents. etc. .). En outre, le consultant pense que les forces vives de la famille peuvent être mobilisées, au moins de façon majoritaire: il a l'intuition que le système familial dispose de ressources et forces au-delà de ses blocages actuels et qu'il peut s'engager dans une recherche, s'ébranler, dépasser les impasses d'aujourd'hui:

II - LA GUIDANCE DES PARENTS

 Les indications d'une guidance parentale qui existerait à elle seule sont assez largement superposables à celles de la thérapie familiale: ici aussi, on fait l'hypothèse que certains membres de la famille - les parents au moins - pourraient améliorer la situation s'ils utilisaient plus efficacement leurs ressources naturelles et/ou s'ils sortaient de certaines impasses où ils se sont mis: en outre ou estime que ces mobilisations ne relèvent pas de l'utopie (d'où l'importance dans les premiers entretiens, d'une étape de prise d'options prudente et soignée), et qu'ils sont assez forts pour supporter des mises en question.

Pourquoi alors penser à des guidances plutôt qu'à des thérapies familiales?

- parce que le consultant le veut ainsi (tempérament, habitudes de travail, envie de rester travailler avec ces parents-là);

- parce que la famille le veut (barrière trop stricte des générations. refus (les parents ou des enfants d'être mis en présence les uns des autres: refus des enfants de collaborer à l'amélioration du problème);

- parce que au moins dans un premier temps, la confrontation directe des deux générations ne donne lieu qu'à des affrontements ou des disqualifications stériles

La guidance parentale gagne cependant à être couplée à des entretiens thérapeutiques  avec l’enfant. A certaines séances, on peut aussi prévoir des entretiens familiaux (parent(s) - enfant problématique, et peut-être fratrie).

III - LA REORIENTATION DES PARENTS VERS UNE PSYCHOTHERAPIE PERSONNELLE OU CONJUGALE

C'est une idée qu’il ne faut ni surestimer, ni fuir absolument. Il ne faut pas la surestimer parce que, même quand un parent ou le couple parental nous semble souffrir chroniquement et de façon importante, il ne faut pas oublier qu'il a choisi de consulter pour l'enfant, ce qui veut dire probablement qu'il a certaines angoisses et résistances à s'entendre mettre en question personnellement. Donc, la délicatesse reste de mise. Par ailleurs, il est dommage de ne pas signaler aux parents qu'existent certains moyens d'aide et de réflexion personnelle, qui permettraient à chacun de se sentir mieux. A chacun, c'est-à-dire eux, mais aussi, par ricochet, à l'enfant pour qui ils ont de la sollicitude: il ne faut certainement pas escamoter l'idée de l'intérêt indirect pour l'enfant:"Si vous voulez vraiment, le plus radicalement, rendre service à Luc, vous pourriez peut-être faire une réflexion plus profonde sur et pour votre propre personne".

IV - LES PSYCHOTHERAPIES D'ENFANTS

A - La psychothérapie individuelle (d'inspiration) analytique, la psychothérapie (néo-)rogérienne: invitation à se dire, au-delà du superficiel, avec ses interrogations de vie, sa souffrance, l'originalité de ses idées ... et possibilité d'être écouté ...

Ces deux formes de thérapie individuelle  présentent un large socle d'objectifs, de valeurs et de méthodes commune autour de l'écoute, de l'aide au déploiement de soi, et de l'accueil. Leur différence fondamentale porte autour de la reconnaissance d'une vie inconsciente et du travail sur celle-ci (pour les psychanalystes) et de la mise entre parenthèse de ce champ, avec travail sur le conscient (pour les rogériens).

On réserve surtout ces thérapies aux enfants qui présentent des conflits psychiques intériorisés, assez importants pour gêner, plutôt sérieusement et plutôt longtemps, leurs adaptations sociales et leur créativité.

Chaque fois que l'on engage une psychothérapie avec l'enfant: il faut également pouvoir engager une guidance avec les parents, soit en prévision des changements de l'enfant, auxquels il faudra les aider à s'adapter, soit parce que, depuis toujours, certaines attitudes parentales contribuent à entretenir le problème de l'enfant: ne pas les mobiliser serait courir le risque d'une thérapie-tonneau des Danaïdes.

B -  La psychothérapie individuelle dite "de soutien"

Elle s'inspire pragmatiquement de la thérapie (néo-)rogérienne que nous venons d'évoquer, en visant moins profond dans la rencontre de soi, et en ajoutant un engagement plus actif et un partage d'idées plus fort émanant du thérapeute.

L’indication de cette forme de thérapie est très large: au fond, il s'agit d'une "conversation sérieuse", où l'on s'intéresse à l'enfant, où l'on valorise son être, où l'on se montre compréhensif pour ses soucis et projets, où l'on parle éventuellement de soi, et où l'on ne dirige pas trop sa vie - ce qui n'exclut pas que, à l'occasion, on lui fasse l'une ou l'autre suggestion. S'y ajoutent souvent, informellement des éléments des thérapies cognitives et béhavioristes (D et E).

C - Thérapie de groupe (surtout le psychodrame): petits groupes de trois à cinq enfants: surtout intéressant à partir de la prépuberté: avant cela, les enfants ont souvent tendance à la transformer en purs moments de jeux collectifs: un peu tombée en désuétude en Europe, du moins avec son inspiration psychanalytique; mais revient à la mode avec une inspiration cognitiviste, à propos des enfants malades (dits "somatiques"), de la maltraitance, de la délinquance ...

D - Thérapie cognitiviste (N.B. assez souvent combinée à E) : on part du principe que l'ignorance, le malentendu informatif ou/et le dérapage de l'imaginaire, inscrits dans le psychisme de l'enfant, sont une source de ses problèmes. Donc, le thérapeute se charge de mettre en place de "bonnes" informations, en prenant l'initiative ou en réponse à des questions, en faisant appel dans la mesure du possible à la créativité de l'enfant ("Que sais-tu déjà? Que penses-tu? " ), et en adaptant le support de son message.

S'y joignent l'enthousiasme du thérapeute, son optimisme, ses invitations chaleureuses à agir: une fois bien informé, par exemple sur la nature de sa maladie ou/et sur les sentiments et réactions qu'elle induit habituellement - l'enfant est souvent invité à s'exercer, dès la séance, à adopter d'autres patterns de conduite. On l'aide à imaginer des scénarios probables susceptibles de se dérouler en famille ou dans la société et à y faire face autrement. Lors des séances ultérieures, on évalue avec lui ce qui s'est passé, et on lui en explique à nouveau la raison d’être.

E - Thérapie comportementale

Le risque de l'approche béhavioriste est que l'enfant n'y soit plus assez considéré comme le sujet de sa vie et de son avenir, avec ses choix - y inclus ses choix de symptômes - et ses motivations, mais comme un objet dont il faut supprimer les arêtes gênantes, pour qu'il soit conforme aux voeux de sa famille et de sa société.

Cependant, si l'on parvient à éviter cet écueil. une thérapie béhavioriste peut avoir une réelle efficacité par rapport au but qu'elle se définit. Voici alors quelles en sont les indications:

- Enfant qui accepte  vraiment le principe d'une modification d'une de ses habitudes gênantes.

- Possibilité de décrire son problème en termes de comportements observables: informations suffisantes sur les stimuli qui maintiennent ou renforcent son habitude gênante: possibilité de trouver des renforçants nouveaux qui récompensent les progrès accomplis, et d'y recourir systématiquement.

- Possibilité d'introspection et de planification chez l'enfant: il doit pouvoir comprendre les modifications à apporter à son comportement, et en programmer l'exécution

- Implication des parents, qui participent au "contrat de modification des interactions existantes".

- Vérification régulière des sentiments de l'enfant, et de son désir de continuer ou non l'expérience.

V- LES REEDUCATIONS

---- On pensera surtout à une rééducation lorsque les contre-performances s'expliquent principalement par des immaturités ou des dysharmonies des fonctions instrumentales ou de l'intelligence de l'enfant.

 Ces immaturités et dysharmonies se présentent, quelque peu schématiquement:

- Chez des enfants dont la vie affective et la personnalité sont par ailleurs bien structurées, mûres (1er grand groupe des clients des rééducateurs).

Attention cependant à ce que l'existence d'un problème instrumental n'ait entraîné à la longue des sentiments de dépression et d'échecs tels que le rééducateur sera d'abord ou/et de plus en plus perçu comme un persécuteur: celui-ci doit donc parfois pouvoir se mettre entre parenthèses (ou mettre ses exercices techniques entre parenthèses) et l'accompagnement doit être centré sur la remise en confiance de soi.

- Chez des enfants dont la croissance affective est également très immature, ou compromise par de puissants conflits: dysharmonies évolutives, carences affectives ou globales, psychoses et prépsychoses, autisme, enfants massivement anxieux (2 d groupe de clients de rééducateurs: les "très perturbés", souvent en institution ou en enseignement spécial).

Attention alors à un "faux positif": certains enfants peuvent présenter d'importantes difficultés d'apprentissage scolaire diffuses ou dans un domaine précis, principalement parce qu'ils ont un mécanisme névrotique qui, de l'intérieur, leur interdit la réussite. Pour ceux-ci, il ne faut pas se précipiter sur la rééducation, ou, en tout cas, si on y recourt, ce sera dans l'intention de montrer à l'enfant, très délicatement, qu'un adulte le considère comme un être capable de réussite.

 

---- Les types de rééducation dont nous disposons sont très nombreux. Impossible d’en dresser une liste exhaustive. Citons par exemple:

Cette aide est surtout indiquée lorsque le développement psychomoteur est immature ou dysharmonique ou/et que l'enfant n'a pas encore bien intégré les repères spatio-temporaux indispensables aux apprentissages: les tests, l'observation du quotidien et l'examen psychomoteur, montreront donc des troubles de l'orientation spatiale, de la latéralisation, de l'orientation temporelle, de la coordination psychomotrice, du schéma corporel, etc.

N.B. L'hippothérapie pourrait être discutée de manière très analogue.

 - La rééducation logopédique (orthophonie)

Ici, I'immaturité des fonctions instrumentales entraîne des troubles du langage écrit ou/et parlé, dans son versant réceptif ou/et expressif (retard de langage "simple"; dysphasie de développement; bégaiement; troubles phonatoires; dyslexie, dysorthographie). Ces signes sont présents, rappelons-le, chez des enfants affectivement normaux ou très perturbés et la rééducation s'indique pour peu qu'un conflit intérieur n'interdise pas centralement la performance visée par la rééducation.

- La rééducation de la dyscalculie.

- Diverses remédiations scolaires spécialisées.

- Rééducations de l'attention, de la mémoire:

si du moins on est raisonnablement sûr que le trouble de l'attention. de la mémoire, est bien basal. et n'exprime pas une problématique affective.

VI - L'ENFANT ET LES MEDICAMENTS PSYCHOTROPES

----  L'enfant - comme ses parents - est le sujet de sa vie et de son destin. Donc, dans toute la mesure du possible, l'idée de prendre des médicaments doit être négociée et acceptée par lui dans un premier temps. Mieux vaut également qu'il ait un rôle actif dans leur ingestion - c'est-à-dire, qu'il s'en occupe lui-même dans la mesure de ses capacités cognitives -, et dans l'évaluation de leurs effets.

Au demeurant, avant d'en parler à l'enfant, il est plus prudent de discuter du principe avec les parents, qui ont un large pouvoir de décision dans l’éducation.

Il arrive toutefois que l'on ne tienne pas compte de l'accord explicite de l'enfant: c'est évident quand il est trop jeune: mais on ne tient pas non plus toujours compte de ses réticences lorsque son refus est dicté par des sentiments anxieux ou dépressifs diffus: alors, on se substitue provisoirement à son Moi défaillant. Il en va de même à propos de l'enfant psychotique, le plus souvent. Se substituer aux décisions de l'enfant n'empêche pourtant pas qu'on lui explique et réexplique abondamment le sens positif du geste que l'on envisage.

 

----  Dans un certain nombre de cas, nous avons l'impression que l'effet de nos médicaments, psychotropes n'est que symptomatique. Ils présentent donc l'inconvénient de soi-disant calmer les choses, alors que des processus tensiogènes sont toujours présents.

De plus, on donne à tout le monde un modèle selon lequel une tension peut se calmer par un médicament: on prédispose l'enfant à devenir un gros consommateur de psychotropes, c'est-à-dire un bon belge. Cependant, il est vrai qu'une accalmie momentanée aide parfois parents et enfant à se réinvestir mutuellement.

 

---- Par contre, il existe quelques médicaments qui semblent avoir un effet causal: ils réduisent, par des chemins encore bien mystérieux, les facteurs organiques à l'oeuvre dans la genèse d'un problème d'ensemble. Leur utilisation est donc plus nettement indiquée, même si pas toujours suivie d'effet spectaculaire parce que les autres causes continuent à opérer.

VII - RÉORIENTATION SOCIALE, CULTURELLE OU/ET SCOLAIRE

Ces réorientations ouvrent à l'enfant d'autres champs de rencontre avec autrui, d'autres possibilités de réalisation de soi, des occasions de valorisation, etc. . Elles sont intéressantes pour peu que les forces vives de l'enfant se tournent  dans leur direction. Si elles prolongent légèrement un mouvement naturel en germe chez lui, et si les parents ne s'y opposent pas, l'on peut s'attendre à ce qu'elles portent des fruits. Sinon, enfant et parents résisteront peut-être à leur impact.

VIII - SEPARATION DE L'ENFANT ET DE SA FAMILLE

Ces séparations constituent parfois la moins mauvaise façon d'aider l'enfant, ses parents et le reste de sa famille à assurer leur propre épanouissement, chacun de son côté. Elles sont d'ailleurs d'extension variable, depuis l'internat scolaire de semaine avec retour le week-end, jusqu'au grand placement en maisons d'enfants ou en maison d'accueil, avec intervention d'autorités judiciaires qui réglementent, voire interdisent les contacts avec la famille

Si elles ont parfois leur bien-fondé, il y va de la responsabilité des intervenants d'en informer les familles, de réfléchir avec elles aux éventuelles résistances qui peuvent se vivre à leur sujet, et d'essayer de réduire ces résistances le cas échéant. On y pensera surtout lorsque:

- les relations parents-enfants sont chroniquement très tendues, au point que chacun ne voit plus l'autre que comme une sorte de monstre;

- les efforts tentés de façon ambulatoire pour décrisper ces situations n'aboutissent pas: chacun reste figé sur ses positions, de façon incoercible;

- l'on attend du milieu où l'enfant sera amené à vivre un accompagnement spécialisé que ses parents et leur environnement ambulatoire ne sont pas à même de fournir.

Notons encore que, entre ces deux extrêmes que sont un traitement purement ambulatoire et un séjour en internat ou en hôpital de jour (5 jour sur 5), il existe des structures intermédiaires où par exemple, l'enfant (voire l'enfant et sa mère) vont 2 - 3 demi-journées/semaine dans le lieu de traitement et où, éventuellement, une petite équipe (par exemple un psy et un éducateur) se rend à domicile pour aider la mère (et le père ...) à prendre l'enfant à charge.

IX - L'AIDE AU DEUIL

---- Voici l'idée que nous résumons sous le vocable d’"aide au deuil": dans certains cas, on a l'impression que le problème que connaît un enfant - et sa famille avec lui - restera insoluble pendant une période indéterminée, et cela d'emblée, ou après application d'un programme d'accompagnement parfois impressionnant. mais qui n'a guère porté de fruit. Lorsque cette impression est réaliste, c'est-à-dire qu'elle ne repose pas principalement sur le découragement, l'agressivité ou l'incompétence du consultant, mais qu'elle constitue la conclusion d'une évaluation ou/et d'une expérimentation bien conduite, il faudrait avoir le courage et la simplicité de la communiquer aux parents et à l'enfant, et de travailler les émotions que cette communication suscite, de sorte qu'elle ne produise ni protestation et dénégation farouches, ni abattement excessif. Au fond, il s'agit de faire constater à nos vis-à-vis que:

- leurs attitudes ne peuvent pas se modifier. malgré qu'ils souffrent du problème et que, avec bonne volonté, ils ont essayé de se mobiliser  mais sans succès: il n'y a pas non plus de moyens thérapeutiques neufs à encore aller dénicher ailleurs;

- dans le problème d'aujourd'hui. il y a donc peut-être une dimension de "handicap", à assumer pendant une période indéterminée ou définitivement.

----  Le processus de deuil - deuil du rêve de la réussite, deuil du rêve de l'adaptation optimale de l'enfant, deuil de l'enfant ou de la famille de rêve - est facilité. jusqu'à un  certain point, parce que le consultant, lui aussi, déclare forfait:"Bien que je sois compétent … spécialiste des enfants ... je ne peux pas vous aider à progresser ... vous non plus, vous ne pouvez pas l'aider autrement que vous les faites ... il me semble sage d'essayer d'accepter la situation comme elle est".

---- Reste alors au consultant à veiller que par la suite:

- On n'en veuille pas à ceux que l'on désignerait - souvent injustement - comme "le" responsable de cette limite atteinte.

- D'aucuns ne se culpabilisent pas non plus, comme si tout était de leur faute.

- On continue à être attentifs aux ressources positives existantes, à côté des limites actuellement infranchissables.

- On cherche le maximum d'adaptations concrètes pour que ces limites, toutes présentes qu'elles soient, entraînent un minimum d'inconfort, d'angoisse, etc.

- On n'enterre pas définitivement la situation: on peut la réévaluer de six mois en six mois, par exemple, pour observer si rien n'a mûri.

Bref ... déclarer le deuil ... ce n'est pas laisser tomber "sec" parents et enfants.

 

---- Le problème est encore plus délicat lorsqu'il s'agit d'opposition de désirs: ici, on demande à l'enfant d'être ou de faire ce que, de façon stable, il ne désire pas ... Ici aussi, on le dit "malade" parce qu'il proteste (exemple: certains refus scolaires); ici aussi, il faudrait pouvoir entendre sa motivation à rester lui-même, pour peu que le désir qu'il veut promouvoir ne soit pas destructeur.

 

 

NOTES

13 - Familiaux? Des analogies existent pour l’enfant placé en institution.

14 - Pas nécessairement ceux qui se présentent à la consultation: parfois, celui qui souffre le plus - au sens large du terme - est absent: grand-parent, enseignant qui a poussé à la consultation …

15 - L’état d’esprit du consultant quand il prend ses « vidéos de famille »

- Une large bienveillance pour expérience de vie et les projets des clients: dans ce qu'ils sont et font, il n'y a ni absurdité ni - la plupart du temps - monstruosités, mais bien des positions, des paroles. des sentiments qui ont du sens à leurs yeux. La bienveillance porte sur ce sens, qui est original. Plus tard viendront d'autres dimensions de l'accompagnement: bienveillance n'est pas, ipso facto, approbation. Mais il ne faut pas se précipiter.

- L'activité et le courage du consultant, qui n'accepte pas d'emblée les vérités superficielles qui circulent, ni non plus que l'on se centre massivement sur l’enfant: avec délicatesse mais avec clarté, il doit poser les questions qui permettent de mieux comprendre tous les membres de la famille, au-delà du seul enfant qu'ils exposent d'abord.

- Corollairement, le consultant devrait souvent accepter que son ignorance, large ou partielle, ne soit pas le signe de son incompétence, mais plutôt des difficultés réelles ... ou/et hésitations d'une famille à bien se faire comprendre. Le consultant qui déclare et exploite son ignorance:"Vous savez, je ne comprends encore rien à ce qui vous arrive; aidez-moi comprendre si vous voulez que je vous aide", permet souvent que la situation se clarifie, et cela pour bien des raisons: il ne triche pas avec la réalité qui est opaque; il accepte de se faire petit, plutôt que de garder le rôle d'un mage; il introduit aussi une certaine dose d'angoisse, initiatrice de créativité, clans la dynamique des consultations: face à quoi bien des familles s'adapteront en s'expliquant mieux.

16 - Dans de rares cas, il faut cependant signaler que des problèmes éthiques se posent ici, lorsque nous estimons que des enfants sont en danger physique et/ou psychique graves, et que les parents, ou les enfants eux-mêmes, ne souhaitent pas faire plus avant des démarches dont nous espérons une amélioration de la situation. Je ne décrirai pas maintenant la manière de faire face à ces situations, mais il est évident que chaque citoyen a un rôle de "tiers social", pour empêcher la destruction d'autrui, surtout s'il s'agit d'enfants (obligation de l'assistance à personnes en danger). Le consultant doit exercer cette fonction de protection s'il le faut. 

21 - Encore que, chez lui, des problèmes d'appréciation très délicats se posent lorsque l'idée de prendre des médicaments fait flamber son délire de persécution.