En cliquant sur "J'ai compris!", vous acceptez les cookies nécessaires au bon fonctionnement de ce site web.

Un papa m'écrit:

Bonjour Professeur,

Je suis moi-même médecin en Algérie. Je viens de découvrir votre site et j'ai besoin de votre aide.
Rafiq, mon fils aîné âgé de trois ans et demi présente depuis presque un mois une énurésie secondaire diurne et nocturne. Cette affection est survenue alors qu'il allait aux toilettes depuis l'âge de deux ans c'est à dire depuis maintenant un an et demi.
Cette énurésie est survenue cinq mois après la naissance d'un petit frère et après sa première rentrée à l'école maternelle. Je porte à votre connaissance aussi que cet enfant n'a pas d'ATCD particulier, son examen clinique est normal de même que le bilan paraclinique effectué dernièrement.
En attendant vos conseils veuillez agréer cher confrère mes remerciements et mes salutations les plus respectueuses.

Cordialement.

Je lui réponds:

Bonjour cher confrère,

Une énurésie secondaire - après exclusion des causes organiques - a toujours comme déclencheur un "souci" affectif, parfois bien petit aux yeux de l'adulte, mais important pour l'enfant. Une première hypothèse qui me vient à ce propos est celle de la circoncision. Comme vous n'y faites pas référence, je suppose que votre petit garçon n'a pas été récemment circoncis ou témoin rapproché de la circoncision d'un proche?

Dans un article, j'écrivais à ce propos: "... si la raison de la circoncision est culturelle ou religieuse, les garçons s'en ressentent valorisés, et leur sentiment d'appartenance au groupe est renforcée. Signalons néanmoins que, quelle que soit la raison du geste, il existe une tranche d'âge plus défavorable pour le faire, entre trois ans et six, sept ans ... ce sont les âges où l'angoisse de castration, l'angoisse d'une possible mutilation sexuelle voulue par l'adulte, est la plus forte ..." Donc, s'il a pu exister une expérience négative à ce propos, faites-le moi savoir et je reprendrai mon raisonnement ci-dessous en partie différemment.

S'il s'agit d'un autre souci, il faut arriver à dénicher lequel, avec délicatesse et avec la capacité d'observation empathique de sa maman et de vous. Par exemple, Rafiq est peut être ambivalent à l'idée de devoir aller à l'école alors que le petit frère peut encore rester à la maison! Ambivalent dit bien ce que ça veut dire: "Une partie de moi a envie de grandir, et l'autre partie est jalouse des privilèges du petit frère et voudrait dans certains domaines redevenir bébé comme lui"

Peut-être aussi, plus simplement, a-t-il eu peur de demander d'aller aux toilettes à l'école, ou d'utiliser celles-ci: à vérifier également!

Ce type de soucis, ce sont les déclencheurs. Après cela s'ajoute souvent la honte et l'angoisse, honte de ne plus être un grand garçon, honte de décevoir papa et maman, peur d'être grondé, peur d'une anomalie du pénis ... ce qui bloque encore plus la fonctionnalité de l'appareil urinaire.

Si je ne me trompe pas sur les causes (hors possible circoncision), voici, à mon sens, comment vous pourriez aider votre fils.

  • Accepter son ambivalence: A certains moments de sa vie, sa maman ou vous peuvent accepter qu'il se sente encore bébé, voire jouer au bébé avec lui (être câliné ... recevoir le bain comme quand on était petit ... reprendre une fois un biberon ou une panade s'il en a envie ... rester de temps en temps à la maison avec maman, plutôt que d'aller à l'école, parce que maman a envie de l'avoir aussi près d'elle, et pas seulement le bébé, etc. ...)

  • Lui montrer clairement que vous êtes toujours fiers de lui, très heureux de l'avoir comme fils aîné, à partir de mille petites occasions de la vie.

  • Pour le pipi: dédramatiser et relativiser. Lui dire que des "oublis" comme les siens arrivent à beaucoup d'enfants, et peuvent durer quelques semaines, quelques mois, mais que les enfants retrouvent toujours tout seuls comment commander à leur pipi. Donc semer l'espérance et le sens du relatif, et pas l'angoisse!

  • Eventuellement, s'il est très "tête en l'air" lui demander de se présenter à la toilette à des moments rituels quatre à cinq fois par jour, pour "entraîner sa mémoire à bien se souvenir" mais de façon "détachée", lointaine, sans en faire un combat angoissant avec lui.

  • Eventuellement, si ça l'intéresse, lui remettre des "protections" (langes, mais je n'emploie pas ce mot) s'il pense que c'est mieux pour que les autres ne se moquent pas de lui et aussi pour que le lit soit sec le matin.

Ajouter néanmoins, sans beaucoup de tonalité émotionnelle, que vous préférerez quand même quand il commandera à son pipi et qu'il n'aura plus besoin de ces protections.

Mais ambiance d'ensemble pour le pipi: attendre, relativiser, en parler peu, semer l'espérance et non l'angoisse, la tristesse ou l'humiliation.

Bien confraternellement.

Le papa me répond:

Bonjour cher confrère,

Tout d'abord je vous remercie de vos conseils très intéressants et surtout de l'intérêt que vous avez donné à ce problème.
C'est vrai, la dernière fois, j'ai oublié de vous parler de la circoncision: en fait nous avons été obligé de circoncire Rafiq à l'âge de six mois parce qu'il présentait un phimosis.

  • Le deuxième point est qu'il est très gâté par sa grande mère maternelle qui vit avec lui depuis plusieurs mois et depuis mon absence du foyer pour raison de travail. Cette grande mère prend actuellement soin aussi du nouveau-né duquel il est très jaloux.
  • Le quatrième point est qu'il ne présente pas jusqu'à maintenant une motivation d'aller à l'école, jusqu'au point de pleurer presque à chaque fois qu'on le réveille le matin. Il vient même de me dire hier en se tenant le ventre: "je suis malade papa et quand on est malade on ne doit pas aller à l'école" J'ai contacté les maîtresses, j'ai même assisté une fois aux cours avec lui, et pendant quelques minutes. Apparemment il n'y a pas de problèmes au niveau de cette école.
  • Le dernier point est que nous avons déjà été obligés de lui remettre des couches car il est pratiquement très difficile de changer ses linges et son pantalon dix fois par jour pour qu'il reste propre et sec.

Il me parait donc que l'idée de l'ambivalence secondaire à la deuxième naissance comme vous avez bien expliquée, est la plus proche de la réalité chez Rafiq.
Encore une fois et en attendant vos conseils intéressants et pratiques comme la dernière fois, veuillez agréer cher confrère mes remerciements et mes salutations les plus distinguées.

Cordialement.

Je lui réponds:

Bonjour cher confrère et papa de Rafiq,

Ayant lu votre second courriel, voici mes réactions:

  • La circoncision a été précoce (avant un an) et n'induit alors habituellement pas de traumatismes psychiques (autour de la castration, comme c'est le cas quand on y procède plus tard) Abandonnons donc cette hypothèse en ce qui concerne Rafiq.

  • Vous êtes davantage absent de la maison? Comment Rafiq s'entendait-il (et s'entend-t-il) avec vous? Comment a-t-il vécu votre plus grande absence? Le départ mal compris d'un papa peut angoisser secrètement son petit garçon (en raison de la qualité de la relation existante, mais aussi parce que c'est "le porteur de pénis" principal qui s'en va ... Un petit garçon laissé aux mains des femmes peut alors craindre qu'il ne soit le suivant sur la liste) Lui avez-vous donné une explication rassurante? Lui parlez-vous suffisamment (Webcam, téléphone, etc. ...) pour qu'il voie qu'il est toujours important pour vous? Son papa qui s'en va pour son travail, et sa maman qui lui fait un bébé dans le dos, c'est beaucoup pour un petit garçon de son âge.

  • Pour le reste, la jalousie signalée par sa grand-mère et son attitude par rapport à l'école me font penser à moi aussi que l'hypothèse sur l'ambivalence (grandir/rester chouchouté comme le petit frère) me paraît la plus plausible. Donc, l'ensemble de mes premières recommandations reste d'application: montrez-lui qu'il est toujours important pour vous; laissez-le "régresser" de temps en temps (une demi-journée pour rester parfois à la maison comme le petit frère, chic alors) Soyez patient et semeur d'espérance pour l'énurésie elle-même.

Et j'oubliais: à l'occasion, dites-lui qu'il a un beau zizi, fort et en bonne santé ... que son zizi n'est pas du tout malade ni menacé parce qu'il a provisoirement perdu la commande ... et qu'un jour, il deviendra aussi grand et fort que le vôtre.

Confraternellement.

 

 

Mots-clés:

énurésie, énurésie nocturne, énurésie secondaire, énurésie diurne, énurésie et honte, énurésie et culpabilité, immaturité vésicale, immaturité de l’appareil urinaire, régression, rivalité fraternelle, appel au père