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Chez les tout-petits, au moins jusque six-sept ans, l’imagination est souvent au pouvoir. 

A cette époque de la vie, une manière dont travaille l’intelligence, colorée d’affectivité, c’est d’imaginer. 

Chez certains enfants c’est vraiment débordant … chez d’autres, c’est plus mesuré mais, s’il n’y a pas de lourde pathologie mentale, comme dans l’autisme, chez tous, l’imagination est toujours à l’œuvre. Parfois, l’enfant la contrôle : il se crée des images, des récits, des explications « issus de sa seule imagination » Parfois, il est envahi par des productions imaginaires qui lui échappent très largement et dont alors, il se passerait bien : « Il y a un monstre en dessous de mon lit » 

Trésor, trésor plus souvent que cadeau empoisonné, trésor nouveau, fragile, en partie partagé avec les adultes, en partie avec les copains, qui ensemble,  discutent gravement des produits de leur imagination à chacun « Est-ce vraiment possible que Saint Nicolas faisait caca ?  Y a-t-il un dragon dans le bois ? Et puis les bébés, comment ça sort ? ». Trésor en partie gardé secret aussi, comme une certitude joyeuse et non-partageable, ou comme une conviction douloureuse. 

 

 

Pourquoi cette efflorescence de l’imaginaire, au moins dans les premières étapes de la vie ? 

 

 

D’abord et avant tout, parce que l’être humain veut comprendre la nature et la raison d’être de la réalité dans laquelle il se meut ( C’est quoi ? Pourquoi ? Comment ça marche ? ) Au début, il est loin d’avoir reçu les informations « objectives » qui meubleront progressivement sa connaissance du Réel telle qu’elle est partagée par sa communauté de vie. Et il meuble ses lacunes en les remplaçant par des « vérités imaginaires » - Se créer des explications et scénarios, plutôt que rester dans l’angoisse insupportable de l’inconnu ! 

Et cette fonction substitutive autonome ne va pas seulement s’exercer au bénéfice de la curiosité scientifique, loin de là ! Quand l’enfant éprouve un sentiment dont il ne sait que faire, quand une idée difficile parce que conflictuelle se fait jour en lui, quand une expérience pénible l’assaille, il s’apaise, il se donne des solutions mentales en faisant marcher son imagination. : Je suis toujours rabroué, battu par les plus grands ? Me voici général d’invincibles armées. 

Même les contenus imaginaires qui ont l’air d’envahir douloureusement l’enfant, on peut se demander s’il ne se les crée pas quand même, pour échapper à des vécus encore plus pénibles. Plutôt que de vivre une sourde angoisse sans objet, il s’invente un monstre sous le lit ! 

Mais tout n’est pas toujours si sombre. Au moins autant de petits enfants se racontent de temps en temps des histoires merveilleuses, dont ils sont les héros directs ou dont les héros leur ressemblent passablement, des histoires où ils comblés de biens, d’amour, de reconnaissance ou de pouvoir et où interviennent des personnages fantastiques et bienveillants. Histoires qu’ils sucent de leur pouce, ou qu’ils brodent à partir d’un film ou d’un dessin animé, d’une histoire racontée, d’une allusion faite par des adultes. En ces fins d’année, inutile de rappeler que Saint Nicolas puis le père Noël sont souvent du lot, que la famille de l’enfant soit de culture chrétienne ou non.

 

 

Comment bien accompagner ce travail de l’imagination ?

 

 

Bah, en sachant qu’il existe, tout simplement, et en le favorisant à l’occasion : « On disait qu’une fée allait venir et … » Ce peut déjà être positif que l’enfant se ressource, se console, se rassure dans des solutions imaginaires, plutôt que de s’abandonner momentanément à l’angoisse, à la dépression, à la rage … Sans en faire une solution de facilité systématique pour autant : sans critiquer les constructions imaginaires de l’enfant, nous pouvons parfois les décoder comme un signal d’alarme : il ne s’affirme jamais que via des dessins très guerriers, par exemple, oui, bon, d’accord, mais comment l’encourageons-nous à s’affirmer aussi dans sa vraie vie sociale ? 

Par ailleurs, je suis persuadé qu’il ne faut jamais faire violence sur l’enfant pour qu’il livre les parties de son monde imaginaire qu’il voudrait garder pour lui. 

Par ailleurs encore, il est toujours blessé si l’on se moque de son imagination, si on le disqualifie à son sujet, si l’on veut lui montrer lourdement qu’il se trompe. Ca ne veut pas dire pour autant l’abandonner à ses imaginations les plus pénibles. Non, il n’y a pas de loups en Belgique (2) Mais on peut faire évoluer un petit vers plus de réalisme de sa pensée sans le ridiculiser parce qu’il croit à du fantaisiste pour le moment ni même sans vouloir qu’il change d’avis tout de suite. 

Certes, dans un certain nombre de domaines « scientifiques », qui concernent le concret de la vie, nous devons donner et redonner des informations objectives sobres, pas trop détaillées, à la portée de ses grandes préoccupations : à quatre, cinq ans, il doit avoir entendu que les bébés sortent par la quiquine ( ou par césarienne, s’il a déjà été associé à cette expérience ) donc pas par le derrière, mais inutile de lui expliquer la différence entre une fellation chez les gays et une chez les hétéros : laissons cela à Rachida Dati ! Et ce que l’on constate souvent, c’est que nos informations « objectives » mettent un certain temps à s’ancrer en lui et à devenir les références de son savoir. Mais bon … c’est ainsi ! Et donc la petite fille de quatre ans qui a perdu sa maman ne cessera pas ipso facto de croire que celle-ci reviendra après la Noël, après un grand voyage même si, avec toute la délicatesse dont on se sent capable, on lui a expliqué l’irréversibilité de la mort des corps. 

Et pour Saint Nicolas, me demanderez-vous ? Bah, en ce qui me concerne, je n’ai jamais été pressé d’éradiquer ce coin de merveilleux de l’esprit des enfants. Je préfère qu’ils conservent en eux une part de rêve, une part de conte de fées, plutôt que de les transformer vite fait bien fait en super-ordinateurs rationnels. Je pense même que, avec mon épouse, nous avons été de ces parents gros menteurs qui ont dit, au moment des doutes : « Oui, certains enfants ne croient plus en Saint Nicolas. Et quand on n’y croit plus, on ne reçoit plus de cadeaux ! » Et figurez-vous que mes enfants y ont crû jusqu’à leur entrée dans l’adolescence.

Notes 

 

  1. Et non, peut-être pourrais-je dire plus tard à l’intention d’un jeune de treize ans : « moi, je ne pense pas que les revenants existent. Mais certaines personnes pensent autrement. Et puis, un être humain croit parfois aux revenants quand on a laissé partir un mort avant de faire la paix dans son cœur avec lui. Est-ce que cela pourrait être ton cas ? »

 

 

 

 

 

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