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   3.2.1 Enfants&ados "normaux" ou préoccupants; fonctionnements psychiques

Articles qui décrivent des aspects normaux ou préoccupants  du "fonctionnement psychique" des enfants et des adolescents . Description de quelque situations familiales ou sociales difficiles pour eux. 

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ARTICLES PLUS ANCIENS : Ils faisaient partie de mon enseignement universitaire jusqu'en 2007-2008 ;leur aspect est parfois un peu vintage mais j'assume toujours l'essentiel des descriptions qui y sont faites:  Anorexie mentale de l'adolescent ; Carence affective (ou trouble de l'attachement) / Causes et signes ;  Carence affective (ou trouble de l'attachement)/ Les soins; restaurer la confiance de base) Crise d'adolescence "normale" ;  Enfant de 0 à 6 ans: développementy affectif ;  Imag ination de l'enfant ;Névrose ou troubles névrotiques chez l'enfant et le préadolescent (lire note 1) ; Psychoses de l' adolescent ; Psychoses de l' enfant et du préadolescent 

Note 1: Les anglo-saxons ont voulu faire disparaître le concept et le terme "Névrose", de la nomenclature..pourtant, des conflits intra-psychiques insolubles continuent à habiter l'enfant, avec leur cortège de refoulement, de mécanismes de défenses et de symptômes invalidants... Modéliser la névrose permet de planifier un traitement adapté....


Secrets d’enfants et d’adolescents ; secrets de famille ; secrets positifs ou destructeurs 
 

Résumé : L’article définit le secret (individuel) détenu par l’enfant ou l’adolescent, et le secret familial. Il discute la dynamique qui y est liée. Il passe ensuite en revue les secrets que l’on peut considérer comme positifs, les destructeurs, et ceux dont on doute de l’effet sur la personne

Abstract: The article defines the (individual) secret held by the child or adolescent, and the family secret. It discusses the dynamics involved. It then reviews the secrets that can be considered positive, the destructive ones, and those whose effect on the person is questionable      

 
Ce texte a été publié dans la revue Enfances § Adolescences, 2001, 2, 113-130. Excellente revue belge de la sociéte belge francophone de psychiatrie infantile et des disciplines associées.
 

jyh mysterieuse petite fille

  Définitions       

L'étymologie du terme secret renvoie à la racine latine cerno : tamiser les bonnes graines et séparer les mauvaises, distinguer, discerner un objet du reste, le vrai du faux. Secernere revêt la signification de séparation, mise à part, conservation écartée du reste, cachée, tandis que dis-cernere renvoie davantage à l'idée de voir, distinguer, décider (dé-cret), et ex cernere à l'idée de rejet, d'expulsion : le terme excrément y trouve son origine ( Levy, 1976 ; Mairesse, 1988 ; Epelbaum, 1995 )

 

A. Nous proposons donc comme définition : « Un secret (2)est un savoir individuel ou collectif, pouvant porter sur n'importe quoi, savoir qui est caché à beaucoup, et dont les détenteurs se sentent ou non le pouvoir de disposer »  (3) 
Définition dont nous assumons qu'elle n'est pas parfaite :   
 - ainsi, s'il est vrai qu'un secret est un savoir, il arrive que celui-ci ne soit pas conscient ( secret refoulé ) tant sa représentation consciente serait traumatisante. On dit alors parfois qu'il existe une lacune laissée en soi, de par la présence ... et la non-accessibilité du secret à la conscience ;   
 - en principe, le secret peut porter sur n'importe quoi : c'est le savoir de la chose, et non la chose, qui le constitue. Néanmoins le contenu est souvent « investi » par son détenteur : eu égard à son histoire et à son contexte actuel, il constitue une réalité importante à ses yeux ( Bok, 1983 ) Et il imagine que, pour les autres aussi, le contenu du secret a de l'importance : par exemple, il peut les détruire ou leur donner trop de pouvoir ...,
 - lorsque l'individu croit avoir la libre disposition du secret qu'il porte, l'idée de le communiquer est néanmoins souvent source d'angoisse, voire de culpabilité. Dans d'autres cas, l'individu ne se sent que le dépositaire et le gardien d'un secret qui ne lui appartient pas : par exemple, être le seul à savoir que son meilleur ami a le SIDA; quoi qu'il en soit, on voit combien le secret, paradoxalement, participe à la vie relationnelle ...

B. Parmi tous les secrets, il y a ceux que l'on appelle secrets de famille : nous entendrons par là des éléments d'informations que se sont appropriés un ou quelques membres de la famille, en excluant activement les autres de leur connaissance (4) ( Miermont, 1987 ; Benoît & al., 1988 )     


L'information en question porte souvent sur des éléments du passé, d'un parent, d'un grand-parent ou d'un descendant lointain, voire « de la famille » comme telle. Il peut s'agir d'une transgression, d'une rupture avec les normes familiales, mais aussi d'une maladie vécue comme inavouable ( psychose, suicide, violence pathologique ), ou même de l'échec douloureux d'une entreprise ( faillite )... Le secret peut concerner aussi le passé de l'enfant ( surtout sa filiation : insémination artificielle ; père biologique autre, etc. ) Mais il peut porter également sur le présent ( relation extra-conjugale d'un parent ; difficultés financières; maladie de l'enfant ou d'un parent ; transgression actuelle de la loi ... ) ( Selvini, 1997 )

        Souvent l'expérience recouverte par le secret est source de honte, de culpabilité, de modification négative de l'image de soi ou/et de la famille. Même s'ils n'en ont pas été les agents directs, elle donne l'impression à ceux qui savent qu'eux ou/et leur famille sont menacés, ont une tare ou/et une dette à payer à l'humanité, à des victimes identifiées, voire à leurs propres enfants ...    

Ainsi défini, le secret de famille est susceptible de bien des variantes et notamment :
 - quant à son contenu, aux affects et représentations mentales qu'il génère et quant à la dynamique qu'il induit chez ses détenteurs : utilisation à des fins de pouvoir et de régulation des relations; autoprotection ou/et protection des autres, etc.


Autoprotection ? Elle peut aller jusqu'à « essayer d'oublier ... chasser au fond de sa mémoire », s'interdire d'évoquer jusqu'avec ceux qui savent aussi. Dans certains cas, il y a même un véritable refoulement, avec les issues ultérieures qu'on lui connaît : de la réussite à l'échec en passant par le retour travesti du refoulé ;

            

 - quant à l'identité des détenteurs eux-mêmes : certains secrets sont connus d'un individu seul : l'épouse sait qu'elle a un amant ; le père a découvert un drame honteux dans sa famille d'origine et le garde pour lui, etc. D'autres sont connus des deux parents ou des enfants (5)  : par exemple, l'aîné se drogue ; le grand frère et sa jeune soeur ont des relations sexuelles. Ailleurs, il existe une alliance entre un enfant et un parent ( l'enfant parentifié ... celui dont on abuse sexuellement ... celui qui connaît les avatars sentimentaux de sa mère ... ) Et il y a encore d'autres combinaisons, qui incluent la famille élargie ( par exemple les grands-parents ou des personnes étrangères ) ;
 - quant à la manière dontle secret a été connu : par hasard, en référence à une curiosité elle-même secrète, par transmission explicite, etc.


Secrets « positifs » çàd contribuant à la   maturation

 

 secrets de fille

 .
 La possession de certains secrets et la dynamique qui s'enclenche autour d'eux peuvent s'avérer maturantes pour la construction du psychisme individuel, et pour la santé du fonctionnement familial.

  1. Autour de quatre ans, l'enfant découvre qu'il lui est possible de retenir une information, souvent à partir d'un petit désir qu'il a comblé tout seul ou d'une petite bêtise qu'il dissimule avec succès, même si c'est au prix d'une certaine angoisse il réalise ainsi intuitivement ce qu'est un secret et donc ce qu'est « l'intimité », l'existence d'une vie privée. C'est une découverte d'une énorme importance : à travers ses petits secrets non éventés, il mesure sa capacité à penser tout seul et de façon originale, et à mettre des barrières efficaces autour de son Moi intime ...
    Encore faut-il qu'il comprenne qu'il a le droit d'utiliser cette capacité, c'est-à-dire qu'elle ne constitue pas, par principe, une transgression à l'ordre normal de la vie psychique.

 Les parents jouent un rôle important soit pour maintenir une confusion angoissée à ce propos, soit pour faciliter sa sérénité. Mais même de bons parents ont leurs faiblesses, et il leur arrivera de contester à l'occasion un droit à la dissimulation quitte, à d'autres moments - où ils seront moins concernés - à s'en féliciter. Il persiste donc une part de conquête que l'enfant doit faire tout seul : « Je suis capable d'avoir des pensées privées, secrètes ... et j'en ai le droit : d'ailleurs, c'est bien comme cela que les grands fonctionnent et je suis d'une même nature humaine qu'eux  » Cette revendication, cette conquête d'un territoire propre, fait partie du grandissement. Winnicott parle de la nécessité d'un self secret : « Au coeur de chaque personne, il y a un élément de non-communication qui est sacré et dont la sauvegarde est très précieuse » ( Winnicott, 1970 ) Le philosophe Haarscher ajoute : « La revendication d'une sphère " secrète ", privée, dans laquelle l'Etat ne peut intervenir qu'exceptionnellement, est à la base des droits de l'homme » ( Haarscher, 1999, p. 7 ) Sinon, c'est le cauchemar décrit par G. Orwell dans « 1984 ».        

2.Corollairement, le recours au mensonge est inéluctable dans certaines circonstances : mensonge par omission - « Je ne sais pas » -, voire altération intentionnelle des faits (6)   

Sans aller jusqu'à proposer qu'on institue un véritable « droit au mensonge », admettons que l'enfant y recoure à l'occasion, au moins pour se protéger ... même si cette manière de s'adapter à l'autre apparaît parfois douloureuse et culpabilisante à celui-là même qui l'utilise.     

Nous-mêmes, thérapeutes, pouvons y être mêlés : pensons à ces cover stories dont nous suggérons l'utilisation aux enfants, dans certaines circonstances, pour protéger leur narcissisme. Ce sont par exemple des situations d'enfants hospitalisés en pédiatrie pour abus sexuel et qui doivent répondre quelque chose à leur compagnon de chambre ... ou celles d'enfants de retour à l'école après une longue phobie scolaire, qui doivent s'en expliquer avec leurs pairs.     

3. Posséder un secret confère souvent une impression ou/et une réalité de pouvoir :
 - ainsi, le petit enfant peut vérifier qu'il n'est pas constamment sous l'omniprésence du « petit doigt qui connaît tout » puisque tel secret qu'il s'est efforcé de garder le coeur battant, tel mensonge inventé pour ne pas le divulguer, n'ont pas été remarqués par son entourage. 

Plus tard, quand il sera davantage sûr des limites de la perspicacité des autres, il n'en jouira pas moins de disposer d'un trésor de connaissances qui est hors de leur portée ; il s'amusera même éventuellement à lever un coin du voile ... jeu parfois bien compliqué, rarement avoué, peut-être même pas conscient : pensons à ces adolescents qui laissent traîner leur courrier intime, les traces d'un joint ... actes manqués et culpabilité ou/et maîtrise subtile sur le parent, avec les nerfs de qui ils jouent ?

Et puis, même quand il décide de confier son secret à quelqu'un - sa maman, son meilleur ami -, c'est encore lui qui en aura décidé ainsi et choisi son interlocuteur.

 un secret fille garçon


Toute cette joie à se sentir puissant n'empêche pas la coexistence occasionnelle d'idées ou de sentiments plus négatifs : l'enfant n'est pas toujours sûr de la légitimité de son pouvoir et s'en sent coupable ...;

 - et encore : dans un groupe ( scolaire, tribu, etc. ) le fait que tel secret ne soit connu que par quelques initiés leur confère une identité propre et un pouvoir symbolique : le simple fait de connaître les mots de passe et l'endroit où est caché le trésor du groupe trace les frontières de celui-ci, et indique un champ spécifique de connaissance, qui est comme l'envers des normes et savoirs communs ... En outre, il existe parfois une dimension bien réelle de pouvoir, qui installe le détenteur du secret à un niveau hiérarchique privilégié ( par exemple, connaissance des secrets des plantes ..., connaissance du secret de l'identité de Saint-Nicolas, partagé par les parents et les enfants aînés, et non transmise aux petits ... ou, en plus moderne, connaissance des sites et salons porno d'Internet, où l'on imprime les photos osées dont sont exclus les petits ... )        

4. Le partage des secrets et leur défense en commun, entre initiés, concourt à la régulation des liens affectifs : dire un secret, c'est un cadeau que l'on tait à « l'ami sûr » ; un secret commun unit les amis et rassemble une partie de leurs forces contre l'extérieur. « Garder le secret » constitue aussi une épreuve, révélatrice de la qualité de l'attachement : quand il n'en est pas capable, l'ami d'hier est rejeté ... mais recevra peut-être une nouvelle chance demain. 

  1. Notons enfin l'importance de conquérir des savoirs nouveaux, comme (7)« arrachés » à ce qui est vécu comme le trésor secret de la connaissance aux mains d'autrui ( souvent l'autre génération, le parent ) : pensons par exemple aux ruses et à l'efficacité des jeunes hackers sur le Net (8); une fois conquis, ce savoir est lui-même souvent repositionné comme un savoir secret, tout au plus partagé jubilatoirement avec un petit groupe de pairs ... Tels sont les secrets sur les origines, la filiation, la sexualité, la mort (9)  ...       

    6. Dans une autre perspective, entre parents et enfants cette fois, il arrive aussi que le non-partage d'un secret soit structurant : ainsi en va-t-il lorsqu'il ne concerne en rien l'enfant, mais bien la vie privée des parents et notamment leur vie sentimentale ; dans ces conditions, et si en outre l'existence du secret n'empoisonne pas l'atmosphère commune, ne pas en parler à l'entant, voire lui répondre « Ça ne te regarde pas » peut constituer en un acte sain d'établissement des limites intergénérationnelles.

D'autres fois, le maintien du secret exerce un effet protecteur de l'angoisse et de la dépression: c'est le cas lorsque les parents parviennent à cacher un gros souci qui les concerne, eux. Plus encore, qui pourrait jurer que l'ignorance par l'entant de certaines réalités sombres qui le concernent, 1ui (10) , est toujours psychotoxique ? N'est-ce pas un slogan abusif que d'affirmer « Il sait toujours » ? Ne vaut-il pas mieux s'aligner sur son besoin d'être ou de ne pas être informé, qui est variable et fluctuant, et que l'on devine par signes ? ( Hayez & al., 1995 ) 

Secrets destructeurs

Inversement, dans d'autres situations, le contenu du secret est à l'origine d'influences négatives qui pèsent sur les exclus et souvent sur les détenteurs.

---- C'est d'abord le cas pour certains secrets de famille tels que nous les avons définis.

  • Leur  « pesanteur négative » est souvent aspécifique.        

Par exemple, les parents sont insécurisés par le contenu et les enjeux du secret qui absorbent mystérieusement une bonne partie de leur énergie ; ou encore, ils en sont déprimés, culpabilisés, ou vivent des sentiments d'infériorité.Leur comportement général en porte les marques ils doivent taire des démarches mystérieuses ; ils imposent des interdictions de fréquentation - ou vivent de la haine pour d'autres familles - sur un mode apparemment incompréhensible ; ils s'isolent ; l'ambiance à la maison est pesante ; de larges silences nstallent : en tache d'huile, on parle de moins en moins d'autres vécus ; corollairement, on met en place des mensonges, des mythes familiaux rigides qui imposent une image idéalisée de la famille.
L'enfant exclu du secret subit cette ambiance : il assiste à ces comportements mystérieux et se fait rabrouer quand il interroge. Son angoisse peut s'en trouver accrue : il échafaude alors des fantasmes à visée explicative encore plus terribles que s'il savait. Il peut participer aussi à la dépression de tous et vivre vaguement que sa famille est tarée, sans bien savoir pourquoi ; il peut vivre aussi la blessure narcissique et le sentiment d'intériorité typiques de ceux qui se devinent exclus d'un domaine important.
Sa curiosité intellectuelle peut subir les effets de l'interdiction de la quête du savoir : dans les pires cas, face à ses premières questions qui lui sont renvoyées comme des transgressions, l'enfant censure son désir de savoir ( Diatkine, 1984 ) D'autres devinent en partie, parce que le secret a suinté ( Tisseron, 1996 ), mais pensent que ce savoir est mauvais et ne peuvent ni le posséder ni le partager ils s'inventent donc des malentendus anxiogènes ou/et posent des comportements bizarres, symboliques, qui sont la suite logique de ce qu'ils ont compris et qui ont peut-être aussi une très timide fonction d'appel. Les plus fragiles, probablement prédisposés cérébralement, se construisent des idées délirantes dans le cadre de décompensations schizophréniques. Pour quelques-uns enfin, une façon moins négative de vivre quand même leur curiosité intellectuelle consiste à développer une passion hautement symbolique ( archéologie, génétique, psychanalyse, etc. ) 

  • La  « pesanteur négative » est parfois plus spécifique.  

 Harry Potter chambre des secrets

En voici quelques exemples :
 - enfant « chargé » de honte et de culpabilité parce qu'issu d'une filiation illégitime ; enfant inquiétant, qui pourrait en vouloir à ses parents et les rejeter s'il savait un jour ( par exemple, qu'il a été adopté dans des conditions commerciales troubles, ou malgré l'interdiction des grands-parents ) ;       
 - projections négatives faites sur l'enfant : par exemple, il est le seul garçon de la famille, ou/et il est impulsif, ou/et il a certains traits physiques qui évoquent irrésistiblement le grand-père délinquant dont il est interdit de parler ... A voir fonctionner l'enfant, on revit pourtant des affects et des questions, refoulés ou conscients, liés à ce grand-père; on interpelle l'enfant comme s'il en était le fantôme ; petit à petit, l'enfant a une certaine prescience du secret : « Le mensonge qui est constitué en secret se transmet grâce aux règles qui empêchent sa révélation ... parce qu'elles sont de plus en plus parlantes, de plus en plus évocatrices » ( Ausloos, 1987, p. 73 ) Par la suite, surtout à l'adolescence, il pourrait être tenté par un passage à l'acte, dont la signification la plus radicale lui échappe, et échappe même souvent à sa famille, quel que soit le symbolisme dont l'acte est chargé ( Miermont, 1987 ) ;        
 - demande subtile faite à l'enfant pour qu'il « répare le destin » : par exemple, il doit fonctionner comme on imagine que l'aurait fait le frère mort dont on ne peut pas parler ( cfr. le concept de délégation de Stierlin. S'il réussit sa délégation, la famille est soulagée ... mais lui ? S'il la rate : dette de loyauté et troubles divers )     

---- Les influences négatives peuvent encore émaner d'autres types de secrets, qui se vivent aussi dans la famille, sans répondre strictement à la définition du secret de famille  .

Secrets troubles qu'un adulte veut partager avec un enfant.

Ce sont souvent les circonstances qui poussent à ce « partage », parce que l'enfant a été un témoin encombrant : « J'ai volé notre voisin ; tu le sais mais tais-toi » ; « Ne dis jamais à l'expert des Assurances que c'est toi qui as provoqué l'incendie«  ; « Tu m'as vu avec cet homme ... ne le raconte pas à ton père »  
Il est plus rare qu'un adulte veuille initier gratuitement l'enfant à une vision du monde faite de tricheries, voire en faire un complice actif de ses exactions.     
Les résultats de ces manoeuvres sur l'enfant sont variables : 
 - les rares fois où elles sont intentionnelles et répétées, il n'est pas exclu qu'il finisse par s'identifier à l'adulte et par se pervertir lui-même ;
 - plus souvent l'invitation de l'adulte, unique, traumatise l'enfant ; si le secret concerne nettement quelque chose que l'enfant identifie comme « mal », il peut se sentir aussi mauvais que l'adulte, comme corrompu par le simple fait de savoir ( Tisseron, 1996 ) A tout le moins crée-t-on chez lui un conflit intra-psychique ;
 - on prête à l'enfant une puissance qui n'appartient pas à sa génération, et dont l'exercice peut lui apparaître et exaltant et angoissant-culpabilisant ;
 - dans certains cas, on exacerbe son complexe d'Oedipe de façon trouble ( être l'allié d'un parent contre l'autre )
On devine alors le malaise, l'angoisse et la culpabilité qui peuvent s'en suivre durablement ainsi que la perte de confiance dans les adultes de référence. Certains enfants s'y enlisent. D'autres s'en remettent, en se sentant peut-être un peu plus seuls et un peu plus désabusés : sans doute est-ce cela aussi grandir, c'est-à-dire assumer la non-perfection des parents ... D'autres encore finissent par refouler les scrupules de leur conscience, et par se donner le droit de fonctionner eux-mêmes à l'occasion - ou habituellement - hors normes. 


-Secrets gardés par les enfants sur certaines de leurs exactions, qu'ils estiment très graves.     

Certes, les enfants en bonne santé psychique se donnent progressivement le droit de garder des secrets, même à propos de leurs « bêtises » Mais, quand le secret porte sur une transgression autoévaluée comme (très) grave, ils peuvent vivre beaucoup d'angoisse et de culpabilité, non seulement autour de la transgression mais aussi de leur silence. Mieux vaudrait dès lors qu'ils trouvent le courage de s'en ouvrir à un confident ... en espérant que s'en suivra, soit une remise en place de leurs idées autour de la pseudo-gravité de leur acte, soit un pardon et une possibilité de réparation. Sinon, comme le dit Tisseron (1996) « Le secret devient un fait pathologique lorsque nous cessons d'en être le gardien pour devenir son prisonnier »


-Secrets imposés à l'enfant par un tiers agresseur.        


Les arguments auxquels l'agresseur recourt pour obtenir le silence sont divers : menaces physiques, apitoiement ou/et menaces morales ( suicide de l'agresseur par ailleurs aimé ... éclatement de la famille ... peine de la maman si elle venait à savoir ), mais parfois aussi séduction, et confusions créées dans les idées et les valeurs.     
Aux thérapeutes à « apprivoiser » ces enfants qui, souvent, montrent indirectement qu'ils portent un lourd fardeau : il faudra travailler avec délicatesse sur les résistances, l'ambivalence, l'angoisse de l'enfant à parler, parfois en utilisant des supports imaginaires ( histoires racontées ) ( Hayez et de Becker, 1997, p. 259 et sq. )

 

 confident smiling child         

Enfin, il nous arrive d'être incapables de prédire

que l'enfant se sentira mieux ou pire selon qu'il est mis au parfum ou reste exclu d'un secret, u'il soit ou non concerné dans le contenu de celui-ci :

 par exemple, son père biologique n'est pas le père qui l'élève, mais l'entente des parents qui l'élèvent est bonne et ils n'ont pas spontanément envie d'en parler, etc.  


En fin de compte, nous ne sommes sûrs de la nocivité du silence que dans quelques situations extrêmes. Par exemple :  
 - l'inhibition douloureuse de tous, issue de l'existence d'une réalité permanente pesante, de l'ordre du non-dit pour les détenteurs, et du secret menaçant pour les exclus ; 
 - les projections négatives ou les demandes de réparation du destin qui portent intensément sur l'enfant ;   
 - la culpabilisation active de l'enfant qui cherche à savoir ; le mensonge actif et répété par rapport à sa quête de vérité persistante.
Mais souvent, c'est beaucoup plus incertain ...

 NOTES

(2) On pourrait d'ailleurs distinguer les vrais secrets des « savoirs discrets » ( par exemple : « J'ai été à selle ce matin ... je ne le chante pas sur tous les toits ») et des « non-dits » ( informations connues par tous, mais dont on ne parle jamais, souvent parce qu'on redoute la destructivité qui s'en suivrait ) Les « secrets de Polichinelle », eux, ne sont considérés comme secret que par l'un ou l'autre de ceux qui en détiennent le contenu. Ainsi le veut leur naïveté ou leur narcissisme tout le monde connaît l'information, mais on ne leur en parle pas.  
(3) Dans sa définition, G. Ausloos insiste davantage sur la volonté de dissimulation, qui s'exerce tant par le silence des mots que par la non-apparence des signes indirects : « Elément d'information non transmis, que l'on s'efforce consciemment, volontairement de cacher à autrui, en évitant d'en communiquer le contenu, que ce soit sur le mode digital ou analogique » ( Ausloos, 1987, p. 64 )       
(4) Nous n'incluerons pas dans notre définition les non-dits que tout le monde connaît dans la famille mais sans communiquer à leur propos, et dont on ne parle pas à l'extérieur ( par exemple, l'alcoolisme du père )

(5) L'ensemble des enfants ou un sous-groupe précisément concerné.
(6) Piaget, par exemple, signale qu'il en est fait un usage « normal » et fréquent à partir de quatre ans et demi pour protéger son self et être quitte des parents (« Ce n'est pas moi, c'est mon frère qui l'a fait »)
(7) Comme ? c'est parfois une impression purement subjective ... et néanmoins structurante. C'est parfois une réalité.
(8) Certains parents empêchent cette quête du savoir par l'enfant, comme s'ils voulaient en rester les seuls détenteurs ou/et dispensateurs. Cette attitude « conservatrice » conduit parfois à de la surinformation ( par exemple en matière sexuelle ), ce qui, loin de libérer l'enfant l'infantilise ... Mieux vaut souvent que ce soient comme des frottements accidentels, des événements de la vie ( le silence gêné d'un parent, son incongruité émotionnelle, une allusion ) qui déclenchent chez l'enfant une démarche de conquête.

(9) Une jolie illustration en est donnée, au cinéma, dans le film de fiction Stand by me ( B.Reiner, 1987 ) : initiation de préadolescents à la connaissance de la mort, mais aussi à ce que sont les turpitudes d'adultes apparemment fiables ( l'institutrice ) ... et donc, mort de la naïveté de l'enfance. Dans le même ordre d'idées, dans le dessin animé Le roi Lion, Simba et Nalla partent à la découverte interdite du territoire noir.

10) Par exemple : un mauvais état de santé physique des origines de vie particulièrement dures chez un enfant adopté peu curieux, etc.

(12) Clients individuels ou familles nucléaires cfr. § II.
(13) Client individuel enfant ou/et sa famille, etc.

BIBLIOGRAPHIE 

AUSLOOS G. ( 1987 ),  Secrets de famille, 62-80, in Changements systémiques en thérapie familiale, J. Haley & al., Paris, ESF.

BENOIT J.C., MALAREWICZ J.A., BEAUJEAN J., COLAS Y., KANNAS S. ( 1988 ),Dictionnaire clinique des thérapies familiales systémiques, ESF.

BOK S. ( 1983 ),  Secrets on the ethics of concealment and revelation, New York Vintage Books.

DIATKINE G. ( 1984 ),  Chasseurs de fantômes, inhibition intellectuelle, problèmes d'équipe et secret de famille, Psychiatrie de l'enfant, XXVII, 1, 223-247.

EPELBAUM C. ( 1995 ), Collaboration avec l'école: la dimension du secret, Neuropsychiatr. Enfance Adolesc., 7-8, 304-312.    

HAARSCHER G.( 1999 ),       Secret professionnel et transparence démocratique, Journal du droit des jeunes, 189, 5-7.   

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LEVY A. ( 1976 ), Evaluation étymologique et sémantique du mot " secret ", Revue de psychanalyse, 14, 118-129.      

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NB Je vous invite aussi à lire l’article  Crise d'adolescence "normale", sur le même menu

NB A la fin de cet article inédit, vous trouverez un interview du VIf (2011) sur l'adolescence prolongée ( les tanguy...) que je n'avais d'abord pas envisagés dans ma recension

 

Introduction 

Décrire qui sont les adolescents des sociétés industrialisées aujourd’hui, c’est une mission quasi-impossible !

Leur population est très hétérogène dans l’espace, dans les cultures, dans la durée : guère de consensus entre nous pour décider quand on entre et quand on sort de l’adolescence !

 

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Alors, les sociétés procèdent à des simplifications ravageuses : elles réduisent le monde des adolescents aux plus spectaculaires, aux plus perturbés, aux plus destructeurs (1). Et elles oublient sans scrupules la grande majorité des autres, au demeurant très diversifiée. 

Je me propose donc de ratisser plus large dans ma description, mais je le ferai humblement, en m’appuyant principalement sur mon expérience professionnelle, mon expérience de vie et mes lectures. Je ne suis néanmoins pas sociologue et, en outre, il existe quelques domaines de vie dont je ne parlerai pas, parce que je n’en n’ai pas assez d’expérience : adolescents dans le contexte de l’immigration, ou de la grande pauvreté, adolescents handicapés …

 

Dans mon cadre ainsi limité, je vais décrire cinq pôles de fonctionnement : il est très probable qu’aucun adolescent n’incarne à lui seul toutes les caractéristiques d’un seul pôle ! C’est plus souvent incomplet, en partie atypique, ou alors, son fonctionnement d’aujourd’hui se situe entre les pôles, quelque part dans l’aire où on peut placer ceux-ci. Et puis, au fil du temps, le fonctionnement de chacun peut se mobiliser sur l’aire. 

 

Le pôle majoritaire : Normalité contemporaine des ados qui s’auto-référencent 

 

Le premier pôle concerne probablement 50 à 60 % des adolescents vivant en Belgique. Il mélange des dimensions de l’adolescence apparemment immuables et d’autres résolument contemporaines. 

 

 Dimensions qui ont l’air immuables

 

 

□ – A la sortie de l’enfance, accroissement significatif de l’introspection : « Qui suis-je vraiment ? Qu’est-ce qui me constitue ? Quelle est ma valeur ? ( Et questions analogues à propos des autres, du monde, du sens de la vie … ) »

□ – Fluctuations hormono-neuro-physiopsychologiques : alternances irrégulières de moments d’humeur exaltée ou dépressive ; moments d’excitation, d’énervement, de besoin d’action rapide ou manque d’énergie, passivité, fatigue, etc ; fluctuations irrationnelles de l’estime de soi …

□ – Investissements affectifs et recherche d’Idéaux en dehors de la famille : amitiés, amour, idoles …

□ – Appropriation et gestion progressive de la sexualité génitale : pratiques, orientation sexuelle. Confirmation de l’identité sexuée que l’on se donne. 

Dimensions contemporaines  :   Au centre de leur fonctionnement, l’auto-référencement 

 

En préalable, remarquons que ces dimensions ne sont pas « surgies de nulle part » et donc nos ados ne sont pas des aliens ! Ce sont les enfants de nos nouvelles aspirations, rites, centres d’intérêt et valeurs, tant dans nos familles que dan nos sociétés ou  nos cultures !Ils en sont même d’excellents révélateurs, tant nous savons qu’ils peuvent se conduire sans nuances, sans compromis, de façon « extrême » ouverte et impulsive.

 S’auto-référencer, voici bien une disposition d’esprit radicalement nouvelle ! « Je pense ce que je veux ; c’est mon droit fondamental ; je définis comme je l’entends ce qui m’intéresse, ce qui est important pour moi, ce que je crois ; j’ai aussi le droit de diriger ma vie comme je l’entends »

Celui qui parle ainsi n’imagine donc plus de penser et de se construire en obéissant à un ordre établi : ordre et valeurs de la famille, de la religion, de l’Ecole avec un grand E, etc …

C’est beaucoup plus radical que les banales plaintes de l’ado parce qu’on ne l’écoute pas et qu’on ne le comprend pas et aussi que ses revendications de liberté face à des Instances auxquelles il reconnaîtrait alors quand même un Pouvoir, mais abusif et malveillant.

Celui qui s’auto-référence ne reconnaît pas ce supplément de Pouvoir des adultes. Il se sent leur égal.

 

 Néanmoins, l’adolescent qui s’auto-référence ET reste en bonne santé mentale :

 

 

□ – s’autorégule tout seul et tient compte des Lois naturelles fondatrices de l’humanité. Autrement dit, il ne détruit pas significativement le monde et les autres pour sa propre jouissance.

□ – inclut la possibilité d’une vie sociale. Parce que d’abord et avant tout, il reconnaît un égal droit à être aux autres, sauf au groupe de ses ennemis et qu’il leur concède donc librement un certain territoire de vie.

En plus, ce même ado est un fervent adepte de la négociation, notamment face à  sa famille, où c’est essentiellement sur cette base qu’il va rendre quelques services et poser quelques gestes attendus par les parents.

Enfin, il lui arrive d’être prudent et d’éviter la revendication de ce qu’il croit pourtant être son droit, lorsqu’il ressent le rapport de force trop inéluctablement inégal en sa faveur ; il ne se sent pas tout-puissant !

 Auto-référencement et individualisme

Pas de confusion à ce propos : Certes, l’ado qui s’auto-référence met son Moi individuel au centre de son projet d’existence. Mais ce Moi n’est pas ipso facto solitaire ni égoïste !

Je viens d’expliquer que l’ado ici concerné est partie prenante d’une sociabilité raisonnable et générale. Mais il va très souvent vers davantage de rencontre de l’autre :

□ – En partant de ses choix personnels, il accepte de se donner des modèles, qui deviennent alors partiellement contraignants. A commencer, bien sûr, par le groupe de copains et par tel ou tel mouvement d’ados et de culture « jeune » auxquels il se réfère.

□ – L’ado reste très demandeur de camaraderie ( en petit groupe ) et d’amitié. Progressivement aussi, il ressent et exprime l’amour : je l’i déjà signalé au rang des caractéristiques immuables de l’adolescence mais je désire redire ici la présence de toute cette vie affective.

□ – Corollairement, l’ado a donc toujours envie de reconnaissance par l’autre et en premier lieu par les autres de son groupe d’âge qu’il a « élus »  Le paraître et l’image jouent alors un plus grand rôle qu’auparavant. Cette recherche de reconnaissance connote régulièrement la rivalité, le défi des uns aux autres, le désir de briller, d’être le plus fort, de s’imposer au groupe d’une manière ou d’une autre ( force, beauté, créativité … )

□ – Au cours de ces rencontres de l’autre et notamment de la rencontre amoureuse, l’ado fait des expériences sexuelles plus librement et avec moins de culpabilité qu’avant, sans pour entrer dans cette imagerie d’adulte qui voudrait la réduire à un obsédé de la pornographie et de la coucherie. Il existe bien un sous-groupe particulièrement et précocement sexuellement actif, mais pour la moyenne des autres, cela reste autour de seize ans qu’a lieu la première relation sexuelle : la démarche vers la fusion des corps dans l’acte physique d’amour reste quelque peu angoissante pour le grand nombre. 

Auto-référence et information

Les adolescents de cette catégorie collectent beaucoup d’informations variées un peu partout, et notamment face à leurs écrans et à Internet. Ils sont au fait des réalités du monde avec une préférence pour la musique, le sport, l’info people et la technologie elle-même. Ils sont fort débrouillards pour gérer leur vie quotidienne (2).

Ils manquent néanmoins régulièrement d’esprit critique par rapport à la qualité des infos reçues et acceptent peu de se soumettre, sans plus, à ce que l’on appelle le savoir du maître[3].

 Auto-référence et insécurité

Un corollaire de la réticence de ces adolescents à  admettre des cadres et repères externes, c’est qu’ils se trouvent et se sentent davantage seuls pour organiser leur vie, la prévoir, pour se donner des réponses à leurs questions existentielles, pour se protéger, etc … Seuls ou dans leur groupe de potes. Et ceci, dans un monde qu’on s’ingénie à leur présenter comme violent, marqué par les rapports de force, et à l’avenir économique et écologique incertain. De quoi se sentir bien insécurisés !

Mais ils ne se laissent pas abattre pour autant. Ils ont tendance à dénier leurs incertitudes et à s’étourdir dans moultes consommations et actions qui leur donnent un sentiment de force. D’où la multiplication des conduites à risque, en ce inclus les activités dites extrêmes. C’est peut-être aussi un facteur d’explication important d’une certaine dureté, d’un qui-vive agressif, de provocations mutuelles dont le nombre a augmenté, notamment dans ce champ  d’expérimentation qu’est le milieu scolaire. Ils pourraient chercher de la sorte à se rassurer sur leur force personnelle face à l’avenir !

Auto-référence et diversification des comportements et des aspirations

On pourrait s’attendre à ce que cette diversité soit énorme. Il n’en est pas vraiment ainsi. Si les jeunes de cette catégorie savent comment occuper leur temps, au moins raisonnablement bien, on les retrouve souvent dans quelques grandes catégories d’investissements : 

□ – Ils sont plutôt matérialistes, intéressés, davantage à la recherche de petits et grands plaisirs de la vie que philosophes et ascètes.

□ – Ce sont de grands consommateurs, pas facilement satisfaits, toujours à la recherche de l’objet le plus perfectionné.

□ – La technologie multimédia et les images occupent beaucoup de place dans leurs centres d’intérêt.

□ – Ils sont plutôt speedés, aiment les sensations et les actions fortes et aux résultats rapides. 

 Le pôle des ados conformistes à la tradition 

20 à 30 % des ados restent satellisés autour de ce pôle (4). Ceux-ci se construisent une bonne partie du temps en référence aux repères et valeurs de l’ordre établi, notamment de leur famille. Ils le font par adhésion interne ( conformation, conformité au sens étymologique du terme ) ou parce qu’ils considèrent normal d’obéir. Une certaine prise de distance s’installe vers la fin de l’adolescence pour nombre d’entre eux, avec des remaniements partiels de leur identité ( par exemple au niveau des croyances religieuses, de la constitution du couple amoureux … ) Mais même alors, un respect important demeure souvent présent  envers ceux qui ont été jusqu’alors « gardiens de l’ordre »

Il faut néanmoins remarquer que ces adolescents branchés sur les figures d’autorité morale du dessus se répartissent sur une échelle, des plus identifiés au plus torturés : 

L’extrémité paisible de l’échelle

 

 

Ici les ados sont tranquilles, de bonne composition, pleins de bonne volonté, intégrés dans les projets préparés pour eux.

Pour les en remercier, les adultes disent d’eux qu’ils sont « responsables » En fait, ils sont plutôt « répondants », aux attentes que l’on a sur eux. Il n’existe que petits affrontements occasionnels avec l’ordre, quand celui-ci devient trop injuste ou trop étouffant.

Il peut aussi se constituer l’une ou l’autre zone secrète, mineure où l’ado pratique un bout de double vie, non sans angoisse ni culpabilité ( telle pratique sexuelle ; tel acte de vandalisme … ) Si on l’attrape, il promet de ne plus recommencer et s’y efforce vraiment. 

 

 L’extrémité « torturée » de l’échelle 

 

Ici, les ados sont ambivalents. Une dimension d’eux considère comme inéluctable l’adhésion à l’ordre établi. Et une autre enrage qu’il en soit ainsi, cherche son indépendance tout en ayant peur de la conquérir ou s’en ressentant coupable : Il y a conflit intérieur. Qu’en résulte-t-il ? 

□ – Des  affrontements perpétuels avec les parents, plus souvent avec l’un d’eux. Pour un oui, pour un non. Pour le principe. L’ado, ici, n’est guère capable de négocier et n’ jamais d’accord avec quelqu’un qu’il ressent – à tort – comme un tout-puissant persécuteur.

□ – Du sabotage scolaire, puisque c’est là une zone très investie par les parents.

□ –  Des symptômes encore plus graves et plus durables, qui expriment le désir d’indépendance et le sabotage à la fois : beaucoup d’anorexies mentales et une partie des consommations excessives de drogues répondent à ce scénario intérieur. 

 

 Pôle préoccupant par déficit

 

 Les ados ici concernés arrivent souvent à la préadolescence avec une certaine fragilité psychique ( manque de sécurité affective, manque de confiance en soi, accumulation d’expériences traumatiques ) … Et au moment où l’intelligence introspective se développe significativement, leurs idées négatives deviennent excessives : 

□ – Impression durable de ne rien valoir, de ne pouvoir prendre place dans l’avenir.

□ – Peur d’être agressé, d’être rejeté, de ne plus être protégé comme un enfant ; peur de grandir.

□ – Sentiment que la vie est absurde, que l’aventure humaine est « no future »

□ – Etc. 

Certains manifestent alors bruyamment leur désespoir :

 

  1. Phases dépressives avérées, de durée parfois longue ( un an, deux ans ) avec la plupart des topiques que l’on retrouve chez les adultes. Dépressions tout de suite « existentielles » ( Je ne veux pas vivre dans ce monde de m…), ou faisant suite à un ou des échecs, à l’une ou l’autre rupture sentimentale.

 2.Phobies scolaires, surtout en début d’études secondaires, mélangeant fortes angoisses et vécu dépressif. A l’heure actuelle où l’on ne parvient plus à contraindre les jeunes, par exemple à se déplacer vers l’école,  elles aussi peuvent durer des mois, un an, deux ans …

 3.L’anorexie, certaines consommations d’alcool ou de drogue, des auto-mutilations peuvent aussi avoir ces connotations de désespoir, avec tentative de s’étourdir face à lui. 

D’autres ados expriment leurs craintes quant à leur valeur et quant à l’avenir de façon apparemment plus soft,  plus lisse, mais en fait tout aussi préoccupante

.

Ils ne s’insèrent plus nulle part avec pétillance et créativité. Ils traînent leur vie sans projet. A l’école, ils ne sont présents que de corps et n’ont pas vraiment l’énergie pour étudier ( d’ailleurs, ils sont largués ) Pas d’amis, et pas de projets « forts » entre jeunes. Assez souvent, pour peu que les parents démissionnent, surconsommation de l’ordinateur, et quelques illusions de réussite et de puissance à travers les jeux vidéos, le téléchargement de musique, un peu de communication. 

 Pôle préoccupant par excès 

J’y distingue deux catégories : 

□ – Les premiers, tout bruyants qu’ils soient sont cependant et durant  longtemps bien plus dépendants de leur milieu familial qu’il n’y en a l’air. Je les appelle  « tyrans domestiques », dignes successeurs des « enfants-rois »

□ – Les seconds s’auto-référencent,  comme le fait la catégorie que j’ai évoquée pour commencer. Mais en plus, ils se donnent le droit d’exercer leur agressivité sans quartier, soit usuellement, soit dans certaines circonstances isolées mais dramatiques. 

Chacune de ces catégories ne concerne pas davantage que 3 à 5 % des ados, mais ce sont eux qui attirent le plus l’attention des adultes. 

 Les tyrans domestiques (5)

 

 

Avant d’être adolescents, ils ont d’abord été enfants-rois. Ils n’ont jamais rencontré sur leur chemin une autorité forte et efficace qui les aidait à se socialiser en intégrant un cadre de vie. Pas de cadre donc ! Ils restent anarchiques, vivent au quotidien le paradoxe que voici :

 

□ – Rester dépendants d’un sein parfait, qui leur donne tout ce qu’ils demandent à la seconde où ils le demandent, sans travail de leur part.

□ – Se voir reconnu le droit à une liberté totale, principalement opérant dans le chef dans le plaisir et la consommation.

Les affrontements sont donc perpétuels avec des parents soumis au début, mendiant encore l’affection de ces adolescents, mais qui finissent quand même parfois par les rejeter, épuisés, anxieux et désespérés. 

Au menu : désinsertion et absentéisme scolaire, nombreux moments de vie en rue avec petites rapines et transgressions (ils n’ont pas la vraie audace de ceux dont je  parlerai tout de  suite) ; consommations diverses, ennuis sociaux, passivité, vie d’assistés aux promesses non fiables. 

Les autonomes violents

 

Je les appelle « autonomes » parce qu’ils ne sont plus dépendants – dans leur tête – ni de leurs parents, ni d’autres adultes. Ils partagent donc les caractéristiques d’auto-référencement qui ont déjà été décrites.

Mais en plus, ils ont développé leurs pulsions, leur organisation et leurs actes agressifs de façon que le Tiers social considère comme excessive. 

 

J’en distingue trois sous-groupes, pas exclusifs l’un de l’autre :

1. Le sous-groupe « jeunes réagissant à l’exclusion sociale » Il est parfaitement illustré par le comportement d’une partie des jeunes des banlieues françaises pauvres (6) : Haine pour ceux qui excluent et sont souvent bien nantis ; destructivité quotidienne assez diffuse (vandalisme …) ; affrontement entre soi pour le pouvoir (guerre des gangs …)

 2.Le sous-groupe qui investit intelligemment son agressivité dans une organisation délinquante prédatrice (vols, délits avec ou sans agressions physiques s’il le faut) (7)

 3.Le sous-groupe qui se donne le droit d’éliminer physiquement l’autre pour exister (8). Cet acte à visée éliminatoire n’a lieu qu’une fois (l’une ou l’autre fois) sur une vie : camarade poignardé « pour une affaire de fille », prof. poignardé parce que vécu comme injuste ; tueries dans les écoles … 

NOTES   

1.  On peut se demander pourquoi ? Voyeurisme, besoin de sensations excitantes … besoin de boucs-émissaires, habilement montés en épingle par certains politiciens … vraie sécurité devant la violence du monde, et focalisation sur ceux qui constituent l’avenir de celui-ci … culpabilité inconsciente face à cette même violence, issue de notre génération, et vérification de ce qu’elle induit chez les ados, etc … 

2.  Même s’il leur arrive encore régulièrement de s’appuyer paresseusement sur leurs parents pour les « servir »

3.  A l’école, en dehors des sciences les plus exactes, ce que dit le prof. n’est plus ipso facto vérité d’Evangile. C’est plutôt reçu comme opinion à vérifier un jour si on a le temps.  

4.  A remarquer que ces ados peuvent présenter une partie des caractéristiques de la catégorie précédente (caractéristiques que j’avais citées comme immuables ; désir d’amitié et de reconnaissance ; consumérisme, etc …  

5.  Je les décris en détails dans mon livre  La destructivité chez l'enfant et l'adolescent, Dunod, 2e édition, 2007, page 151 et suivantes sous l’intitulé les personnalités actuellement immatures  

6.  Je les décris en détails dans mon livre   la destructivité chez l'enfant et l'adolescent , Dunod, 2e édition, 2007, pages 197 et suivantes sur l’intitulé les personnalités actuellement caractérisées par un vécu d’exclusion

7.  Je les décris en détails dans mon livre    la destructivité chez l'enfant et l'adolescent , Dunod, 2e édition, 2007, pages 213 et suivantes sous l’intitulé les personnalités actuellement délinquantes essentielles.[8]  On peut parler ici d’un moment psychopathique dans la vie de ces jeunes.

 

II. En novembre 2011, l'hedomadaire le Vif m'a demandé un interview sur la question de l'adolescence prolongée (les Tanguy) : Adulescents : Tanguy et tyrans - 

 

Majeurs mais dépendants, ils empoisonnent encore, à 25 ans et davantage, le quotidien de leurs parents... Qu'on les nomme célibataires parasites, adulescents ou hikikomori, ils savent aussi, à l'occasion, se montrer méchants !

Adulescents : Tanguy et tyrans

Bubble gum rose à la bouche, elle prend un air de fausse ingénue pour proposer, sur l'affiche de la dernière campagne pour la Ford Fiesta, l'odieux marché suivant : "Si je range ma chambre, tu m'achètes une voiture ?"... Humour, bien sûr : tout passant s'identifiant au parent floué se dit certainement que la donzelle, qui dépasse allègrement les 20 printemps, peut toujours y compter. Pourtant, il n'est pas certain que ses petits copains décodent la pub de la même façon. Voyez : le nombre de jeunes adultes continuant à vivre chez leurs parents au-delà d'un âge "raisonnable" ne cesse d'augmenter. Et parmi ces drôles de mutants (adultes en droit, enfants en fait), beaucoup considèrent comme tout à fait légitime de peser, parfois lourdement, sur le budget de papa-maman.

On ne parle pas des jeunes que la gêne économique ou la difficulté à trouver un logement ou un premier emploi contraignent à rester chez leurs géniteurs. "La cohabitation de plusieurs forces adultes sous un même toit est forcément délicate... Les relations souvent conflictuelles avec leur entourage font que ces jeunes-là ne demanderaient pas mieux que de quitter le nid", assure le psychiatre Jean-Yves Hayez (UCL). Mais il en est d'autres qui choisissent délibérément de jouer les prolongations, par paresse ou par envie de profiter d'une vie confortable. Public réputé hyper-consommateur (en dépenses d'agrément : mode, gadgets, sorties...), ces grands enfants oppressants sont appelés tantôt adulescents (contraction d'adulte et adolescent - kidults, en anglais), tantôt célibataires parasites, ou encore "Tanguy", en référence au film éponyme : certains travaillent, touchent parfois un excellent salaire, mais peu contribuent aux frais du domicile familial... Dans une version nipponne extrême et vraisemblablement maladive, ils sont nommés hikikomori, zombies désoeuvrés cloîtrés dans leurs chambrettes durant des mois, voire des années, passant tous leurs loisirs à dormir, à jouer à l'ordi ou à surfer sur le Net. En 2010, il y avait 230 000 hikikomori au Japon, dont près de la moitié de plus de 30 ans... La faute, pense-t-on, à la trop grande permissivité du milieu familial, autant qu'à la répugnance des concernés à chercher activement un emploi...

 

Et chez nous ? "Dans une société beaucoup plus individualiste que jadis, c'est devenu la norme, pour le jeune, de multiplier les expériences, de jouir de l'existence, de papillonner avant de s'installer dans une relation stable. Dans cette configuration, il est évidemment beaucoup plus "intéressant" de conserver la famille d'origine comme base, surtout si les parents ne sont pas très contrariants", estime Hayez. Entendez, si "les vieux" n'imposent aucune restriction de mouvement ou s'ils réclament très peu de services en retour...

Pour le psychiatre, les Tanguy se recrutent davantage dans des milieux aisés. "Là où on leur a donné, dès l'enfance, bien plus que nécessaire. Ces jeunes ont pris l'habitude de recevoir. Chez eux, les dons d'argent, souvent en échange d'une promesse de bien se comporter, existent depuis longtemps. Ça ne les dérange donc pas d'être gâtés, de continuer à tirer profit au-delà de toute morale." Bourgeois, les Tanguy ont les moyens de voyager ; ils se montrent en général débrouillards, tant à l'étranger que dans leurs sphères professionnelle ou sexuelle. Ce ne sont pas des manchots, mais ils reviennent toujours au bercail. "Parce qu'ils manquent d'assurance, ils n'osent jamais prendre le risque de l'indépendance. Ils ont en permanence besoin du filet protecteur des parents, sur lesquels ils comptent pour payer une dette, les tirer d'un faux pas ou faire jouer une protection."

Dictateur à demeure

Sympa, le Tanguy ? Pas tant. D'autant que, nourries aux droits de l'enfant, les nouvelles générations n'éprouvent visiblement aucune gêne à réclamer toujours plus. Avant, soit on respectait ses procréateurs, soit on ne pouvait plus les sentir et, dans ce cas, on claquait la porte. Mais il ne serait venu à l'esprit d'aucun mouflet de s'incruster, tout en rendant la vie commune infernale. "Il y a des parents qui ont du mal à lâcher leurs enfants. Et des enfants qui ne veulent pas s'en aller... Le fait que, de nos jours, les uns et les autres restent ensemble plus longtemps complique la "sortie finale"", constate Tanguy de Foy, psychologue au département adolescents et jeunes adultes du centre Chapelle aux champs (UCL). Quand l'autonomie est difficile à prendre, il arrive qu'émergent parfois des situations de violence...

"A 24 ans, il mesure 1,90 mètre. Il fume beaucoup. Si je ne lui achète pas chaque jour du coka [sic], il ne fait plus rien et la vaisselle s'entasse. Je suis partie quinze jours, cet été, et il en a profité pour s'installer dans la salle à manger (sa chambre est un dépotoir) : impossible de l'en déloger..." En France, le "Forum parents" du site "Jeunes Violences Ecoute" déborde d'appels au secours laissés par des pères et mères que la prise de pouvoir de leurs tyrans domestiques désempare. Et les garçons semblent loin d'avoir le monopole de la brutalité : "A la maison, ma fille commet des vols en tout genre, témoigne une mère anonyme. Elle fouille dans mes affaires personnelles puis les détruit. Elle m'empêche de voir mes propres parents. Elle m'a griffée au cou, et j'ai des hématomes aux bras. J'aimerais bien qu'elle dégage..."

Pour contrer l'escalade (en 2009, 1 351 "enfants" ont été condamnés pour violence sur ascendant, dans l'Hexagone), nos voisins ont mis en place des lignes téléphoniques à l'adresse des familles. Premier conseil : quand l'agressivité de l'ado devient ingérable, prévenez la police - même si c'est difficile, même si c'est vécu comme un véritable déchirement...

 

Exaspérés par des rejetons dont ils s'estiment devenus les victimes autant que les otages, des couples se sont même regroupés en une "Association de soutien et d'information aux parents confrontés à l'article 203 du Code civil [qui les oblige à entretenir conjointement leurs enfants]". L'Asipa 203 entend ainsi les défendre contre leur "disqualification, parfois avec la complicité de la justice". "Des jeunes utilisent cette loi pour véritablement racketter leurs parents, expliquait récemment Sylvie Truong-Fallai, présidente d'Asipa 203, à l'hebdomadaire Marianne. Il leur suffit de s'inscrire en fac pour obtenir une pension alimentaire ad vitam aeternam ! Aux parents de se débrouiller pour savoir si (et quand) leurs chers petits ont conquis leur autonomie. Or, le plus souvent, ces derniers ne donnent plus signe de vie. Et les universités refusent d'informer les parents, dès lors qu'il s'agit d'étudiants majeurs..."

La patience a des limites

La situation semble moins calamiteuse pour les parents belges. Alors qu'en France la plupart des juges aux affaires familiales n'assortissent l'octroi d'une pension alimentaire à un jeune d'aucune contrainte pour ce dernier - se contentant de préciser que la contribution sera due par les parents aussi longtemps que l'ingrat ne sera pas autonome... -, "les juges de paix, en Belgique, font quand même preuve de beaucoup de bon sens", estime Amaury de Terwangne, avocat au barreau de Bruxelles et spécialiste du droit de la jeunesse. Le devoir d'entretien des parents, qui persiste jusqu'à ce que le jeune soit capable de s'assumer, "n'est donc pas un droit à l'oisiveté". En compensation, le jeune doit s'engager, montrer qu'il continue à s'émanciper, notamment par sa formation. Le godelureau enchaîne les cursus de manière chaotique ? Il redouble trois, quatre sessions de suite ? Il disparaît dans la nature ? Le juge est là, qui tranche "au cas par cas", selon la longueur et la difficulté des études, l'engagement du jeune et la capacité de ses proches à le soutenir dans ses choix. "La demoiselle exige-t-elle un kot et une voiture ? Peut-être que la chambre de bonne et l'abonnement de train, ce sera déjà bien..."

La jurisprudence considère que l'obligation alimentaire peut d'ailleurs cesser, "dès lors qu'on a affaire à un " prince étudiant "", ajoute Quentin Fischer, avocat spécialisé en droit de la famille et assistant à l'ULB. Mais que les parents soient séparés, et cette sanction pénalise celui des deux qui se retrouve à assumer le quotidien, vaille que vaille, avec un gaillard indolent... pour lequel aucune pension n'est plus due par l'ex-conjoint.

Une mère culpabilisée

"Il s'installe dans le canapé, vide le frigo et renonce à tout projet, témoigne cette mère célibataire. J'ai tenté de le secouer : une petite formation ? Un séjour à l'étranger ? Un peu de sport ? C'était non pour tout..." Dans les familles monoparentales, la dérive d'un fils est particulièrement lourde à gérer. Il arrive que des mères soient complètement dépassées ou physiquement terrorisées par leurs garçons. "Je me rappelle un cas pathologique : la maman avait fini par s'installer dans un cagibi de 6 mètres carrés, alors que le petit chéri de 20 ans occupait tout le reste de l'appartement... On a cheminé, cheminé, dans une médiation, raconte de Terwangne, afin d'évincer le jeune homme du domicile maternel. Puis il a fait un chantage au suicide. Et quand sa mère a enfin consenti à aller devant le juge, elle a préféré renoncer in extremis, prétextant qu'elle avait déjà été "trop absente" dans la vie de son gamin..."

Le recours à la justice n'est souvent qu'un symptôme de terribles frustrations accumulées. "Un Tanguy, assure Hayez, ça ne vous tombe pas du ciel comme ça !" Aux parents qui redoutent cette calamité, il assure que la prévention n'est pas si compliquée : "Si vous éduquez votre enfant à l'effort et au respect de l'autre ; si vous le poussez à acquérir des biens ou sa liberté à partir de son propre labeur - et non parce qu'il tend systématiquement la main ; si tous se réjouissent quand il prend des risques pour devenir autonome ; si personne n'accourt au moindre de ses problèmes... alors, vous n'en ferez pas un Tanguy." La recette paraît simple : fermeté et valorisation. Il faut avoir ce courage quotidien de ne pas tout lui donner, pour avoir un jour le bonheur de voir l'oiseau s'envoler !

VALÉRIE CO



 

 

 

Ceci constitue le texte de la conférence faite  le 22 mars 2012, à l’occasion de la journée d’étude : « Quel est l’âge de visite des lieux de mémoire tels Breendonk ? »

Pour les lecteurs non belges, Breendonk est l’un de ces endroits abominables ou les nazis ont gravement maltraité, torturé et exécuté leurs victimes, juives ou prisonniers politiques.

 

 

Il s’agit donc de réfléchir à la présence d’enfants et d’adolescents dans des mémoriaux dédiés aux souffrances injustes des êtres humains lors des guerres ou des génocides. Breendonk est traité comme paradigme. Ces visites confrontent les jeunes visiteurs à des images ou des récits très éprouvants, mais elles ouvrent à un travail de mémoire, qui leur fait prendre conscience de ces racines douloureuses, et à  un travail de réflexion sur le sens des conflits, les droits de l’homme, la dignité humaine, etc … 

En quoi les droits des enfants sont-ils concernés par ces visites ?

Le texte qui suit le montrera. Rappelons simplement en préambule que : 

- L’article 14 de la convention internationale des droits de l’enfant dit qu’il a droit à une liberté de pensée, de conscience et de religion : Encore faut-il fournir à sa pensée et à sa conscience en formation des éléments pour l’enrichir. 

- L’article 17 parle de son droit d’accès à l’information, et de notre devoir d’adultes de diffuser une information qui présente une utilité sociale, spirituelle et culturelle pour l’enfant et qui peut promouvoir son bien-être. Et justement, n’est-ce pas viser à donner davantage de plénitude et de maturité à son humanité, que de l’ouvrir à la compréhension de ces réalités douloureuses, et malheureusement toujours présentes dans l’aventure humaine ? 

- L’article 29 indique que l’éducation (entendez ici celle promue par l’école) doit inculquer à l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; C’est bien ce respect décidé personnellement qui est visé ici, à travers la prise de conscience de moments où il a grandement été bafoué !                             

Rendre accessible le mémorial de Breendonk  à des enfants à partir d’un certain âge suppose que nous ayons répondu à trois questions : Que voulons-nous leur éviter ? Quels résultats positifs en attendons-nous ? Comment préparer et accompagner leur visite ? 

 

  •  Que voulons-nous  éviter aux enfants? 

 ◊ Que ce qu’ils voient et entendent « passe au-dessus de leur tête » On les verrait alors s’ennuyer, se fatiguer rapidement et s’énerver. Ou encore, leur imagination de jeune enfant s’emparerait du lieu de visite et le transformerait en jeu de guerre. 

◊ Que, trop laissés à eux-mêmes, ils dénient le malaise et l’angoisse qu’ils éprouvent en adoptant des comportements de déni, bruyants et dissipés. 

 ◊ Qu’ils soient d’emblée hostiles à la visite et le manifestent par de la mauvaise humeur et par du sabotage plus ou moins déclaré. (1)

◊ Nous voulons éviter enfin qu’ils ne se trouvent excessivement traumatisés par leur visite.

Le premier des droits de l'enfant, qui n'est pas décrit explicitement dans la convention internationale des droits de l’enfant, est celui à l'enfance, à une certaine insouciance, à la confiance dans l'adulte et dans la société (avec le droit aux bêtises qui en résulte). Bien sûr, l'éducation progressive à la réalité du danger et du mal est nécessaire. Mais la confrontation trop précoce à des réalités insoutenables pourrait dégrader l'enfance.

S’ils se trouvaient trop traumatisés, s’identifiant massivement aux victimes impuissantes, ils manifesteraient rapidement du désespoir, de l’angoisse et même une sorte de culpabilité irrationnelle. Leur sommeil pourrait en être altéré avec de biens vilains cauchemars. Les plus jeunes pourraient même se mettre à penser que le monde est décidément horrible et que de mystérieuses menaces pèsent toujours sur leur tête aujourd’hui.

On peut largement prévenir ces stress excessifs en choisissant bien les publics de jeunes visiteurs et en veillant particulièrement à la qualité des contenus proposés à leurs sens et à leur réflexion. J’y reviendrai tout à l’heure.

 

Notons par contre qu’un peu de traumatisation, pas intentionnellement voulue comme telle et survenant au bon moment, cela fait partie de la vie. Notre devoir n’est pas d’élever nos enfants en vase clos, comme si le monde qui les entoure était une image d’Epinal. Il est bon qu’ils se sentent parfois un peu tristes ou inquiets à cause de la méchanceté des hommes, qui est une réalité ! Ces émotions pénibles, si elles ne sont pas trop précoces ni trop envahissantes, peuvent les aider à mieux s’adapter et à construire des mondes différents !

 

 Quels résultats positifs espérons-nous ?

 

Essentiellement, que la visite d’un mémorial enrichisse le savoir des jeunes visiteurs. Qu’elle enrichisse leurs connaissances sur la vie, les relations humaines avec leurs richesses et leurs risques, hier, aujourd’hui et demain. Et que ce savoir nouveau intègre des souvenirs justes à leur mémoire vivante et active ; qu’ils aient donc une connaissance sensible du livre des racines qui les ont directement porté pour beaucoup, ensemencées parfois du sang de leurs prédécesseurs.

Leur visite participe enfin de l’accomplissement du devoir de reconnaissance : c’est une manière forte pour eux aussi, les jeunes,   de  rendre hommage à ces disparus. 

Partant,  nous pouvons nous représenter schématiquement deux niveaux de savoir : 

◊ Le premier porte sur les faits, une première analyse de leur raison d’être  et une première évaluation morale : Comment ça s’est déroulé ? A cause de quoi ? Etait-ce bien ou mal ?

Au-delà des faits, ce premier niveau permet donc déjà d’ouvrir à la connaissance de réalités mi-concrètes, mi-abstraites comme : le racisme, le besoin de pouvoir à tout prix, la méchanceté des hommes, qui se déchaînentage en groupe,  etc … Et du côté des victimes, il intègre aussi : le désir de résister, de rester debout et de protéger les autres au nom de valeurs supérieures ; la force de se taire, face à la torture et donc l’héroïsme de certains, mais aussi de la compréhension sans jugement pour ceux qui flanchent dans ces horribles conditions, etc. 

 

◊  Le second niveau de savoir, lui, est élaboré de façon personnelle, avec une capacité de se distancier des convictions du groupe ou de celles des adultes. Il relève d’un travail plus fin de l’intelligence réflexive et critique et de la conscience morale individuelle. 
C’est un savoir qui porte sur le sens même de l’existence : le sens de l’homme, celui du groupe, celui de l’humanité. Et donc aussi comment participer à l’aventure humaine, aujourd’hui et demain, en intégrant entre autres les leçons du passé ?

En référence à ce savoir plus abstrait, celui des idées, des hypothèses et des valeurs qui se dégagent des faits, le jeune ici concerné peut travailler mentalement sur des thèmes comme : le pourquoi des guerres, et leurs enracinements dans les besoins économiques, le sentiment de menace et d’humiliation, le besoin de pouvoir, etc. ; les raisons d’être du racisme ; l’imprévisibilité du fonctionnement humain, qui peut parfois faire se déchaîner le sadisme et ailleurs l’altruisme, jusqu’au don de sa vie ; le principe même et les stratégies de la résistance, qui porte le risque de la souffrance d’innocents otages ; l’obéissance des subalternes aux ordres, ses limites, la place d’une ultime responsabilité individuelle ; la possible existence de mécanismes qui garantissent mieux la lucidité et l’éthique de nos pensées et de nos projets ( je pense pour ma part que l’expression démocratique des idées et des décisions reste le meilleur de ces mécanismes ) ; etc.

 

... ai 13 traumatisme psychique ...

 

  •  Les zones d’âge qui en découlent

  •  1. Les enfants en fin de scolarité primaire
  •  

Pour éviter effectivement ce que nous voulons éviter et pour atteindre des résultats de premier niveau, nous pouvons ouvrir les portes de Breendonk aux enfants en fin d’études primaires (6e et même 5e), s’ils sont d’intelligence normale et sans perturbation affective significative. Pourquoi ? 

- L’état contemporain de la circulation des informations fait que ces enfants sont informellement préparés -  parfois même mithridatisés – pour se pénétrer mentalement de la violence du monde et de la mort sauvage : ils ont déjà perçu et métabolisé de multiples expériences analogues à ce qu’ils vont voir, mais qui se déroulent souvent dans des pays lointains ; ils ont même eu connaissance de loin en loin du déchaînement du mal ou de la folie tout proches ( Kim de Gelder ; Marc Dutroux ; la tuerie de Liège… ) Ils ne vivent donc plus en vase clos. 

- A onze, douze ans, leur personnalité dispose également d’une consistance, d’une force intérieure et d’un pouvoir d’adaptation qui  leur permet de faire face à des imprévus tristes, frustrants ou menaçants, pour peu que nous les aidions à réfléchir et que nous contrebalancions le négatif perçu par des notes d’espérance. Les plus sensibles et les plus émotifs seront peut-être transitoirement bouleversés, mais pas détruits par le désespoir, et le plus important, c’est de les aider à s’exprimer et de parler avec eux. J’y reviendrai tantôt aussi. 

- A onze, douze ans, les enfants adorent s’identifier aux aînés, notamment en se donnant des thèmes de connaissance plus habituellement réservés aux adultes. Donc si nous nous montrons attentifs à leur présence et leur parlons de sujets « sérieux » ou délicats, ils se montrent intéressés et surtout réceptifs.

C’est  un âge d’or pour faire de l’information sexuelle, pour parler du SIDA, du tabac ou des drogues, mais aussi pour aborder la question du Mal dans le monde, et pour leur parler de l’intérêt de se donner une mémoire qui plonge dans l’Histoire (2).

- A onze, douze ans enfin, c’est l’apogée de l’intelligence de type « chercheur scientifique concret » « ingénieur en herbe » qui aime opérer sur les réalités tangibles de la vie et les maîtriser.

L’enfant est curieux, aime faire des expériences et  comprendre pour de vrai en dépassant les schémas de ses connaissances puériles, celles des dessins animés et celles qui sortent toutes cuites de la bouche édulcorante de papa et de maman. Il vagabonde déjà tout seul et parfois secrètement dans des zones souvent désignées comme « Enfants non admis » (3). 

En mettant ensemble tous ces éléments, nous pouvons en déduire que les enfants de cet âge peuvent être bien réceptifs à ce que nous leur présentons dans un mémorial et l’assimiler sans s’en trouver excessivement blessés.

Leur curiosité, leur besoin de comprendre peuvent même les amener au-delà des « Comment ? » vers un premier niveau de « Pourquoi ? » : Par ex., quelles étaient les motivations les plus apparentes des protagonistes dont on leur a raconté l’histoire ?

 

 2.Les adolescents des classes supérieures du secondaire

 

Si nous visons à faire se prolonger la visite par une réflexion sur le sens de l’aventure humaine, il faut être patients et attendre la fin des études secondaires (5e et 6e humanités, éventuellement la quatrième)

C’est alors que l’intelligence des adolescents se transforme en profondeur : au-delà du maniement du réel concret, ils aiment maintenant créer des idées, des abstractions, des hypothèses et travailler dessus ; ils aiment peser le pour et le contre de l’adhésion à une conviction, une valeur, une attitude…

Vers 16-17 ans, ils aiment se faire des opinions personnelles indépendantes et parfois contredépendantes de celles du maître, des parents ou même des amis de Facebook. Opinions personnelles qui incluent souvent le pourquoi des événements c’est à dire leur sens intentionnel ou leur absurdité. Opinions qui incluent souvent aussi une évaluation : « C’est bien ou mal, c’est utile, c’est con, etc …  » A travers ces énonciations singulières, ils se reconstruisent leur identité, leur style de vie et leur identité idéale : « Qu’est-ce que je ferais, moi, à leur place, si j’étais au top de ce que je désire être ? » 

Dans un tel contexte, leur faire visiter un mémorial peut les intéresser et porter les mêmes fruits que pour les enfants plus jeunes. Mais au-delà, la discussion peut se prolonger en famille, en classe ou sur leurs écrans : Qu’est-ce que j’en pense, moi ? Qu’est-ce que je trouve innommable ou positif dans ce qui s’est passé ? Jusqu’où les choix d’une nation ou d’un être humain peuvent-ils aller ? Y a-t-il encore des risques de dérapage aujourd’hui ? Quelle humanité est-ce que je veux construire ?

Le fait de partager une même humanité avec tant la victime – ou le héros- que le bourreau confronte les jeunes à une réalité qui ne leur est pas familière, réalité de l’inachevé humain et du combat perpétuel en chacun entre le meilleur et le pire. 

En conclusion de ce paragraphe, à chaque communauté familiale, scolaire ou autre de réfléchir au type d’objectif qu’elle veut atteindre. En tenant compte que la probabilité est faible pour qu’un jeune visite deux fois le même mémorial à quelques années d’intervalle. Le monde est tellement passionnant à découvrir, et le besoin de sensations neuves et inattendues est tel qu’il ne revient pas souvent deux fois au même endroit.

 

 

  •  Insérer la visite dans un projet

 

Pour que la visite porte tous ses fruits, mieux vaut qu’elle s’intègre dans un projet ! 

◊ Un projet commence par ceci : que les adultes qui accompagnent, au moins eux, soient personnellement intéressés par l’idée, donc qu’ils ne le fassent pas bureaucratiquement dans le cadre de je ne sais quelle obligation scolaire ! Lire la lettre écrite par Guy Mocquet à ses parents parce qu’on la trouve magnifique d’humanité, cela a beaucoup de sens. Le faire parce que Nicolas Sarkozy l’a exigé, c’est à  tout le moins contre-productif !

Si l’adulte est motivé, il essaie souvent de faire partager sa motivation aux enfants (4). Il pense aussi à mettre en place une information préalable, par exemple sur la seconde guerre mondiale et l’occupation. 

◊ En outre et plus précisément, surtout à l’intention des plus jeunes, nous devons préparer la visite et évoquer l’un ou l’autre moment dur de celle-ci, sans nous y réduire ni les dramatiser indûment : « Vous verrez de vrais poteaux d’exécution, où des prisonniers ont été fusillés. »  Un seul exemple « sinistre » peut suffire, au milieu de quelques autres plus « paisibles »  Puis laisser un petit temps pour les questions et les réactions des enfants. 

◊ Nous pouvons encore repérer les enfants les plus sensibles et les plus émotifs et leur accorder une attention particulière, notamment pour qu’ils s’expriment suffisamment par la suite.

Nous pouvons même envisager que l’un ou l’autre réputé particulièrement fragile soit dispensé de la visite. Mais ce n’est pas un choix facile et il faut écouter l’avis de l’enfant et y regarder à deux fois avant de ne pas en tenir compte. En effet son image sociale risque d’en prendre un coup s’il n’ose pas accompagner sa fratrie ou ses condisciples. Si c’est une école qui organise la visite pour des enfants de fin de primaire, elle peut envoyer une information écrite aux parents, qui ne dramatise pas la difficulté émotionnelle potentielle mais ne la nie pas non plus, et laisser les parents décider de la participation ou non de leur enfant. 

◊ Une discussion et des processus très analogues peuvent se concevoir à propos de la provenance ethnique des élèves. En ces temps de brassage des populations, pas impossible qu’un groupe-classe comporte des européens et des non-européens, des juifs et des non-juifs, voire même l’un ou l’autre allemand. Sur papier, il est possible de dialoguer avec ces jeunes pour leur faire comprendre que :

- ce qu’ils verront n’est qu’une illustration de phénomènes universels et toujours actuels ;

- nous ne sommes pas responsables des fautes qu’ont commises nos ancêtres et aucune Nation n’est exempte de fautes graves dans son Histoire : aux suivants à en tirer les leçons et à se conduire de façon sociable ;

- nous pouvons prévoir que de jeunes juifs pourront être particulièrement bouleversés par ce qu’ils vont voir et  requièrent donc l’empathie du groupe.

 

 Ca, c’est sur papier ! Dans les faits, si l’ambiance de la classe est positive et propice au dialogue, nous pouvons déjà en parler là. Il faudra peut-être aussi rencontrer préalablement tel jeune individuellement ou tel sous-groupe. Une discussion personnalisée avec les parents concernés peut également s’avérer très utile. 

◊ Lors de la visite, le matériel proposé aux enfants et aux adolescents doit avoir été très bien pensé. Au point peut-être de proposer un circuit spécial à leur intention.

L’on sait en effet que l’impact traumatisant d’une expérience est en corrélation avec la vision, avec un excès d’images choquantes (autour de la souffrance ou de la mort violente) surtout si elles sont présentées brutalement. Il faut donc introduire graduellement aux images aux images  plus choquantes et en limiter le nombre et même les ultimes degrés d’intensité. Par ex., je ne suis pas certain que la visite de la salle de tortures du fort doit figurer dans le circuit « Ecole primaire » Sans pour autant les supprimer toutes ; ce qui serait contraire à l’intention restant valable de marquer la mémoire de ces enfants et adolescents par des images portant sur le mal humain. Mais le mal est violent, destructeur et l’approcher ne laisse pas toujours indemne. 

A côté des images noires, il faut en montrer d’autres, aussi concrètes mais plus positives, portant sur des éléments plus neutres de la vie quotidienne, ou sur l’entraide, la solidarité, la petite fleur qui pousse dans l’herbe derrière les poteaux d’exécution. Dans le même ordre d’idées, on gagne aussi à  raconter quelques histoires positives aux enfants : comment des prisonniers ont réussi à s’évader, à narguer leurs gardiens, à s’entraider, etc. Il est essentiel de leur rappeler aussi comment la guerre a fini et comment les méchants ont été punis. 

 

Illustration de mon propos, magnifiquement issue des ressources qu’ont les jeunes pour se reconstruire rapidement : Monsieur Van der Wilt, conservateur du fort de Breendonk, me racontait un comportement caractéristique d’adolescents visiteurs : arrivés à l’air libre après visite des zones internes du fort, plutôt sinistres, certains aiment escalader l’extérieur du fort jusqu’à son sommet, malgré une rangée de barbelés dissuasifs. Dans le cas présent, je pense qu’il s’agit davantage que d’un banal comportement de défi : Ces adolescents s’évadent symboliquement, ils s’identifient à la victime qui se libère de ses entraves et se met debout, triomphante, sur le symbole du Mal qu’elle terrasse. J’espère donc que les adultes continueront à fermer les yeux jusqu’à un certain point et n’enlèveront pas leur rouleau de barbelés : la vie sociale n’est pas sans risques ! 

 

Les enfants  seront soulagés par cette part d’apports positifs, et les ados heureux qu’on ne veuille pas leur  matraquer lourdement et exclusivement une leçon d’horreur, pour qu’eux se comportent bien. Si nous ne veillons pas à ces apports positifs, beaucoup de jeunes s’identifieront à des victimes impuissantes et martyrisées. Si nous y veillons, ils croiront que le Mal existe mais n’est pas systématiquement le plus fort, et que l’être humain a des ressources pour protéger sa vie ou en tout cas sa dignité. 

◊ Pendant la visite et plus les enfants sont jeunes, plus il est important qu’ils circulent en petits groupes chaque fois accompagné d’un adulte. Celui-ci peut exercer une fonction que les psychanalystes appellent « contenant » ou « pare-excitation » Il constitue une force qui empêche les émotions les plus désordonnées de se donner libre cours et de se renforcer dans la caisse de résonance du groupe. En outre, il peut commencer sur le champ un dialogue avec le groupe. 

◊ Après la visite, la réflexion et le dialogue avec le groupe gagne à se prolonger en deux et parfois trois temps : 

-- v Endéans les 24 ou 48 heures (5) procéder à ce qu’on appelle aujourd’hui un débriefing : « De quoi vous souvenez-vous ? Qu’est-ce qui vous a frappé ? Qu’en pensez-vous ? »L’adulte qui anime ce débriefing doit à la fois laisser de la place à l’expression des enfants et des adolescents, mais aussi s’engager personnellement avec ses idées et ses émotions à lui et à l’occasion, discrètement, délicatement, après avoir écouté son jeune public, en s’efforçant de rectifier l’une ou l’autre fausse croyance. 

 

         Quelques commentaires de mes petits-fils (onze et douze ans) peu après la visite :

 

 

« Je me demande ce qu’on aurait fait si on avait été à leur place » Après vérification, « leur » concerne bien les deux statuts opposés. Et l’un ajoute même spontanément : « Oui, quand on parle maintenant, c’est facile, on dit qu’on n’aurait pas obéi, mais pour du vrai on ne sait pas »

- (En commentant la salle de tortures) : « Je ne comprends pas pourquoi ils ne s’arrêtaient pas quand ils entendaient les gens crier »

« Est-ce qu’il y en a qui ont demandé pardon ? »

- « Mais nous aussi, on s’est vengé ; on a fait comme eux, quand on les a fusillés après la guerre »

- Etc. : De quoi ouvrir de passionnants dialogues ! En évitant une erreur usuelle : l’engagement de l’adulte ne signifie pas qu’il doive avoir réponse à tout. Nous pouvons parfaitement nous engager en répondant à l’occasion : « Moi non plus, je ne comprends pas » ou parfois « Je ne sais pas. Ta question est bonne, mais je cherche aussi en moi quelle pourrait être la réponse » 

--  Y revenir une semaine plus tard : « Certains ont-ils encore pensé à notre visite ? Y a-t-il de nouvelles questions ? De nouvelles idées ? » Ce second temps est éventuellement bref, mais donne l’occasion aux plus introvertis, aux plus réfléchis ou aux plus anxieux d’exprimer à nouveau leur cheminement mental. 

--  Troisième temps éventuel : Prolonger la réflexion par d’autres travaux sur la guerre et par une première réflexion sur les droits de l’homme pour les plus jeunes et par des questions existentielles telles qu’elles ont été évoquées plus haut par les aînés.  

 

Notes 

 

1 Ce risque n’est pas une vue de l’esprit. Il se manifeste de temps en temps, par exemple avec des adolescents d’école juive qu’on oblige à des pèlerinages de mémoire à Auschwitz et autres lieux, sans discuter suffisamment  leurs motivations. On sait que les ados détestent se sentir obligés, même et surtout lorsque les attentes des adultes sont fortes.

2. Je préfère cette périphrase un peu lourde à l’expression Devoir de mémoire, que je n’apprécie guère

3.  Je pense par exemple à leurs connaissances en matière de techniques sexuelles et de pornographie.

4.  Il n’y réussit cependant pas toujours. Surtout s’il s’agit d’adolescents, mieux vaut acter qu’il en reste des « pas intéressés » ou des hostiles, plutôt que de les presser à déclarer du pseudo-conformisme. Il vaut d’ailleurs probablement mieux dispenser ces ados de la visite, quitte à leur trouver une alternative sociale au moment de celle-ci si l’on est dans le cadre d’une école. 

5.  Pas vraiment dans l’autocar ou la voiture de retour, ou il vaut mieux laisser les jeunes décompresser et se relâcher !

 

 

 

 

 

 

 

§I. Présentation d'ensemble; Description détaillée de la prise en charge de l'énurésie primaire nocturne 

Importante remarque préalable: Comme la grande majorité des auteurs, je pense qu'il ne faudrait pas parler d'énurésie avant l'âge de 6 ans, âge auquel encore environ 15% des enfants sont affectés. IL EST PLUS SAGE DE CONTINUER A UTILISER LE TERME "INCONTINENCE" jusqu'à 6ans, terme qui fait penser que la part d'incapacité physiologique est encore prépondérante. Ce n'est pas toujours vrai, c'est un peu arbitraire mais ceci procède sagement de l'idée qu'il y a des "early" et des "late" developers!

L'article qui présente le problème dans son ensemble est le suivant: 

Enurésie et incontinence vésicale I Synthèse : catégories et prise en charge

§II. Quelques vignettes cliniques paradigmatiques

 

A. Incontinence ou énurésie nocturne primaire

C'est dans ce contexte que s'applique le mieux la "philosophie" Patience, relativisation, espérance exposée dans l'article théorique. Voici quelques échanges qui en sont l'application:

-      Pipi au lit à cinq ans et demi  

 L'énurésie primaire de Guillaume (9 ans)
  Enurésie nocturne primaire de Laurent(12 ans)

B. Incontinence ou énurésie secondaires et traumatisme

-Réapparition d'ue incontinence nocturne post traumatique chez un enfant de presque 4 ans:

  Une incontinence nocturne secondaire post-traumatique (4 ans)

-Réapparition, à 6 ans, d'une énurésie secondaire chez un enfant de 11 ans. Elle est probablement liée à un vécu scolaire traumatisant, mais peut-être aussi à une colère culpabilisée contre les parents qui lui ont fait "sauter" une année :   Enurésie secondaire  et traumatisme scolaire chez un garçon de 11 ans

C. Incontinence ou énurésie secondaires et tristesse, jalousie, régression....

 Un petit garçon de 3 ans recommence à être incontinent de jour, puis très vite de nuit. Un petit frère naît à l'époque. Il l'est toujours à 6 ans, dans un contexte assez tendu. Aide pas évidente!

Incontinence diurne et nocturne de Maxime (six ans)

Cette dimension chronique, un peu désespérante, un peu tensiogène, se retrouve aussi dans les échanges : Louise (4 ans) refait pipi en journée et     "Énurésie" diurne secondaire de Louis (3 ans et demi)

Elle se retrouve encore dans le retour d'incontinence de Rafiq, liée à la fois au petit frère et à l'obligation qu'on lui fait, à lui, d'aller à l'école maternelle: Rafiq (3 ans et demi) refait pipi jour et nuit

D. Enurésie nocturne occasionnelle d'une jeune adulte

Jene suis pas spécialiste des adultes...cependant, je me suis autorisé à répondre ce qui suit face à l'appel à l'aide interpellan interpellant d'une jeune dame :

:Enurésie occasionnelle chez une jeune adulte 

 

 

 

 

  

Pathogénie : une description du processus névrotique

 

A - Porteur de ses désirs œdipiens, l'enfant pressent que ceux-ci - ou une partie de ceux-ci - sont conflictuels, c'est-à-dire contraires à ce que veulent d'autres Instances en lui. 

 

  • Désirs œdipiens ? posséder amoureusement un de ses parents : « moucher » ses frères et sœurs ; être plus compétent, plus brillant que ses parents ; être le maitre de la vie ; avoir les deux sexes, le plus beau corps du monde ; connaître les secrets des parents ; jouir de son corps sexuel, etc… 
  • Pressent " ? Parfois, il se le représente clairement mentalement (" Ce n'est pas bien de me masturber ... de fouiller dans les tiroirs de ma mère ... d'insulter mon père ...") ; parfois c'est plus confus, plus intuitif, à partir de malaises éprouvés. 
  • Sur quoi porte la contradiction " ?

 - Souvent, elle concerne d'une part tel ou tel désir ... et de l'autre, ce que les psychanalystes appellent le " Sur-Moi " ; le Sur-Moi, c'est une assignation sociale (ordre ou interdiction) qui a été introjectée (inscrite comme un impératif dans le psychisme), à partir d'expériences relationnelles concrètes. Ce conflit est paradigmatique et nous ne développerons que lui dans la suite de notre raisonnement.

Mais il existe, un peu moins souvent, d'autres types de conflits : par exemple, entre des catégories de désirs eux-mêmes (par exemple " aimer comme un conquérant indomptable, ou être aimé dans la dépendance, comme un gros bébé ! ") ... ou encore, entre des assignations sociales elles-mêmes (ce qui est introjecté à partir de relations vécues avec papa, contre celles vécues avec maman ...ou avec le groupe de pairs).

 

 

B - Alors, quand l'enfant se représente mentalement son désir conflictuel ... qu'il a la velléité de le réaliser ... ou/et qu'il le réalise quand-même vraiment ... il fait, tout de suite après ou après délai, une expérience d'angoisse et il éprouve également un sentiment de culpabilité :

 

malaise physique, idées d'autodépréciation (" Je suis mauvais ") et autres idées annexes (" Je dois me punir ; on va le savoir et me punir ou/et ne plus m'aimer ").

 

C - L'enfant en voie de névrotisation refoule alors, le plus énergiquement qu'il peut, le(s) désir(s) conflictuel(s) qui le gêne(nt) le plus : il ne sait donc plus, consciemment, qu'il avait envie de ... Et du coup. il refoule aussi les idées d'anxiété et de culpabilité qui étaient le plus centralement  à ses envies mentales ou à ses velléités de réaliser son désir interdit.

 

Dans les cas les plus graves, c'est presque tout son dynamisme vital que l'enfant évalue comme mauvais et il en refoule de larges parties, se condamnant de la sorte à une forte passivité ou, tout au plus, à être un exécutant perpétuel et dans l’ombre  du désir des autres. 

 

D - Complémentairement à cette manœuvre, et inconstamment, l'enfant peut régresser

 

et manifester à nouveau des désirs et manières d'être typiques de phases précédentes du développement, et qu'il avait plus ou moins désinvesties au fil du temps : 

Par exemple : demander à nouveau à être aimé comme un bébé ; perdre certains acquis, redevenir dépendant ; sucer à nouveau son pouce, ou se redonner des " joies " sphinctériennes, plutôt qu'oser se masturber, etc.

Par exemple : cultiver à nouveau des affrontements de puissance, comme les immatures affectifs type enfants-rois, plutôt que de se laisser aller à désirer amoureusement sa mère ...

 

E - Le refoulement de ses désirs « auto-interdits » et celui, simultané des idées d'angoisse et de culpabilité liés au conflit, subit par la suite un destin des plus variables.

 

On peut énoncer à ce propos les deux grands principes que voici : 

- S'il est vrai qu'il porte sur deux catégories d'Instances, les désirs et les idées          d'angoisse-culpabilité, le sort ultérieur du refoulement n'est pas ipso facto identique pour chacune de ces deux catégories ; des hiatus sont monnaie courante.

- Le destin du refoulement se situe sur un continuum à un extrême, il réussit totalement ... à l'autre, il échoue largement et, en quelque sorte, doit toujours recommencer son travail. Entre les deux, quelque chose lui échappe de ce qu'il tente de contenir…il apparaît un symptôme comportemental ou psychosomatique inattendu, car ce " retour à la surface " se fait sous forme déguisée : on peut alors parler indifféremment d'un succès mitigé ou d'un demi-échec ...

 

En combinant ces deux constatations-clé, les différentes cases du tableau II donnent une idée des principales catégories combinatoires possibles : 

 

 

Tableau II : Destins du refoulement et catégories de fonctionnement névrotique

 

F - Description des cases du tableau II : les principaux fonctionnements névrotiques résultant du refoulement

 

1°). Dans la case I, le refoulement des désirs œdipiens conflictuels est totalement réussi, et celui des pensées et images d'anxiété et de culpabilité que généraient ces désirs l'est également. Peut-être les désirs refoulés restent-ils bien vivants et opérants, toujours en conflit avec d'autres Voix Intérieures, mais ça se passe dans le psychisme inconscient de l'enfant ... Peut-être aussi, parfois, s'étiolent-ils et meurent-ils au fil du temps, ce qui contribuerait d'ailleurs à expliquer la non-résurgence de l'angoisse et de la culpabilité.

---- Si le refoulement portait sur un large secteur du dynamisme vital, l'enfant ne prend plus guère d'initiatives, et devient la copie conforme de ce qu'il croit qu'exige son Sur-Moi, çad ses assignations sociales intériorisées. Par ailleurs, il ne connaît guère d'angoisses - du moins celles liées à ses désirs refoulés - ni de culpabilité : ce qu'il pense et fait a l'air " ego syntone ", assumé par lui et non générateur d'autodépréciation. On désigne parfois ce fonctionnement sous le vocable névrose de caractère

 ----  Le refoulement peut également être plus ciblé, et avoir pour conséquence une inhibition dans un domaine précis: l'enfant se sent incapable de faire la chose attendue par autrui (voire même voulue par lui ... mais cette " volonté personnelle " est comme théorique lointaine, dés-affectée). 

Par exemple, enfants qui refoulent leur agressivité et se montrent incapables de se battre, même quand ils sont menacés ... enfants qui refoulent leur désir de savoir, et se montrent passifs et comme incapables face à la matière scolaire ... plus tard dans la vie, inhibitions de la capacité sexuelle (impuissance, éjaculation précoce ou frigidité), etc. 

N.B. Paradoxalement, la perception par l'enfant de ses inhibitions - analysées comme telles ou non - et des incapacités qui en résultent, ne le laisse pas toujours indifférent même si, d'une certaine manière, il les a programmées lui-même parce qu'il les ressentait comme " le moindre mal ". Elles peuvent être à l'origine d'une auto-dévalorisation ... et même d'angoisses nouvelles, générées par son intelligence ou/et son imagination, parce qu'il pense qu'on va lui en reprocher l'existence !

 

2°). Dans la case II, malgré que l'enfant refoule puissamment tous les désirs qu'il ressent conflictuels, il est quand même habité occasionnellement, voire envahi, d'idées d'angoisse et de culpabilité liées au conflit et qui, elles, n'ont pas pu rester refoulées.

Les idées anxieuses qui reviennent à la surface sont rarement très clairement l'expression du conflit central refoulé ; bien souvent, il existe des " déformations " dans la thématique anxieuse : les " rejetons anxieux " qui effraient l'enfant ont l'air bien lointains par rapport à ses idées anxieuses les plus centrales. 

Par exemple : phobie d'un animal, qui n'a apparemment rien à voir avec l'agressivité conflictuelle, ou avec le désir incestueux bien refoulé. 

Pour la culpabilité, les déformations possibles sont moins évidentes ; l'enfant se sent bel et bien coupable pour des velléités de comportement, voire de pensées en rapport avec ses désirs jugés maudits (1), mais ici la culpabilité vécue est cruelle, disproportionnée à l'acte commis : il imagine qu'il pourrait aller en prison pour l'ombre d'une pensée impertinente ... qui vise celui avec qui il est en rivalité ! ... ou pour avoir regardé son sexe d'un peu près ...

Les fonctionnements névrotiques ici concernés seront appelée, selon les cas : névrose d'angoisse  (angoisses diffuses, fréquentes, irrationnelles) ; névrose phobique (focalisation de l'angoisse, intense, sur un thème précis).

 

3°). Nous parlerons ensuite de la case IV, car la III est d'occurrence bien improbable :

 ---- Lorsque le désir œdipien d'abord censuré reste bien vivant dans le psychisme inconscient de l'enfant, celui-ci, peut rester intéressé à le réaliser quand-même. Cédant partiellement à la pression qu'il ressent, il va donner suite à son désir, mais sous une forme involontairement travestie, pas évidente à décoder, sinon en spéculant sur son symbolisme. Il n'en tire d'ailleurs qu'un plaisir mitigé : en quelque sorte, il a fait un " compromis névrotique " ... avec lui-même.

Cette réexpression, travestie du désir peut se faire dans les rêves et les productions imaginaires conscientes (fantasmes, dessins, jeux ...). Par exemple, un personnage y réalise des exploits, mais (très) loin de l'objet réellement désiré ... au terme de complications parfois très ardues ... avec coexistence de thématiques anxieuses et de culpabilité. 

Elle peut se faire également à travers certaines pensées de l'enfant, certains de ses comportements, des dysfonctions somatiques, des troubles apparemment cognitifs et instrumentaux : l'expression " symptômes névrotiques ", dans son acceptation stricte, renvoie à tous ces comportements et dysfonctions, de présentation le plus souvent incongrue, dont on pense qu'ils montrent quelque chose des désirs de l'enfant, mais bien déguisés, et qui ne sont pas reconnus par celui-ci comme volontairement programmés. « je ne l’ai pas fait exprès », dit-il sincèrement, « Et je ne sais pas pourquoi » 

Par exemple : certains types d'énurésie (surtout secondaire), ou d'encoprésie, ou de tics ... 

Ces symptômes expriment quelque chose du désir censuré, mais sont en même temps chargés d'angoisse, de culpabilité et de punition : les contraires sont en eux. 

Une "conversion" somatique qui paralyse un membre, par exemple, ça " dit " l'usage agressif ou érotique que l'on pourrait faire de ce membre, mais en même temps, quelle négation ! Quelle charge d'angoisse et de punition n'y est-elle pas portée aussi !

 ----  Le retour d'angoisses et de culpabilité a lieu lors de la production du symptôme, mais déborde largement celui-ci. Les idées anxieuses qui refont surface sont souvent déformées par rapport aux idées centrales liées au conflit. Elles se manifestent en partie à elles toutes seules, isolément, comme dissociées des moments de réalisation du désir : angoisses d'endormissement ; évitements de la vie sociale ; culpabilité et impression d'être mauvais pour mille peccadilles. Chez l'enfant, les névroses qui s'en suivent sont souvent atypiques par rapport aux grandes vignettes décrites en pathologie adulte. La névrose obsessionnelle (2) prend place ici également.

 

4°). Dans la case VI, le désir œdipien conflictuel ne parvient pas à être refoulé. Il s'exprime donc clairement (3), en direction de son objet premier. Presque par définition cependant, puisqu'il y a conflictualité, l'enfant ne programme pas paisiblement la réalisation en retour de ce désir : soit il cède à une impulsion violente, en un passage à l'acte plus ou moins irrésistible qu'il se reprochera par la suite ... soit il cède au terme d'une longue lutte intérieure : il se représente d'abord vaguement la chose interdite, essaie d'y résister, commence à y céder " dans sa tête " avec déjà angoisse et culpabilité, puis finit par perdre son combat intérieur ...

Impulsion violente ou non, il se condamne à connaître l'angoisse et la culpabilité, soit au moment même où il se représente ou réalise son désir, soit en décalage ( par exemple, la nuit, dans des cauchemars ). Les idées anxieuses, surtout elles, sont souvent transformées par rapport au conflit central ( par exemple, " un voleur va venir me kidnapper ..."). 

Le non-refoulement du désir revêt lui-même bien des nuances : 

- Parfois, c'est seulement dans le rêve ou la fantasmatisation que le désir se dit clairement casser la figure à son père ou à des personnages autoritaires ... faire l'amour avec un(e) adulte ...

- Dans la vie quotidienne aussi, occasionnellement, certains enfants ne peuvent pas s'empêcher de réaliser un désir que leurs assignations sociales estiment mauvais, et qu'ils " se feront payer " par la suite ( jeu sexuel ... affrontement d'un parent ... laisser aller d'une tendance incestueuse ... séduction outrancière, pour emballer l'adulte et l'avoir sous la main ).

Lorsque ce phénomène, quantitativement, prend des proportions abondantes, avec beaucoup de moments dissociés de culpabilité et d'angoisse, on se trouve dans le registre de l’hystérie.

Lorsque l'acte que constitue la réalisation du désir est clairement antisocial, souvent à fréquence espacé, on parle de délinquance névrotique. 

 

5°) Les différentes cases du tableau II ne constituent cependant que des pôles théoriques, destinés à faciliter notre réflexion. Sur le terrain, les fonctionnements sont parfois plus intermédiaires.

 

6° - En outre, l'enfant qui se perçoit dysfonctionner peut assez souvent se déprimer (insatisfaction de soi et peur du retrait de l'amour des autres) : une vague de symptômes dépressifs se superpose aux signes névrotiques. Lorsque ce vécu dépressif est abondant et de longue durée, le CFTMEA R-2000 parlera de : 2.5 : dépression névrotique.

 

7° - Paradoxalement, certains signes et symptômes névrotiques, s'ils mécontentent l'entourage, donnent cependant à l'enfant l'impression qu'il est plus fort que tous, ou qu'il attire sur lui l'attention de l'adulte aimé, même si c'est au titre d' " enfant raté ". Alors il ne travaille plus guère mentalement pour modifier ses idées ... mais en même temps, il a l'impression d'obtenir un résultat interdit malgré qu'il s'est efforcé de censurer ses désirs œdipiens : cercle vicieux infernal, souvent générateur d'encore plus d'angoisse et de culpabilité. 

 

8° - Des événements déclenchants peuvent provoquer le dépassement d'expressivité clinique ou/et l'exacerbation de la symptomatologie névrotique. Ce sont des événements où l'enfant a eu l'occasion, fortuite ou voulue par lui, de réaliser son désir conflictuel (par exemple, un jeu sexuel). Ce sont aussi des événements qu'il interprète erronément comme des preuves de la puissance mauvaise qu'il aurait en lui (par exemple, la mort accidentelle d'un frère rival). Ce sont encore des événements qu'il interprète, à un moment donné de sa vie, comme des signes d'une punition qu'il aurait méritée ( par exemple, le fait d'être déjà énurétique - suite à une immaturité organique - finit par être " lu " par l'enfant comme preuve de punition ) : tout ceci fait gronder davantage la Voix Intérieure des assignations sociales interdictrices, ou/et leur donne plus de poids.

Mais l'inverse est vrai également : des événements positifs (réussir quelque chose ... plaire) peuvent finir par rassurer l'enfant sur la valeur de ses désirs. Complémentairement, au fur et à mesure du grandissement, beaucoup d'enfants - mais, hélas, pas les plus névrosés- mettent spontanément de l'ordre dans leurs idées, et relativisent donc la " valeur réelle " des assignations sociales introjectées plus tôt dans leur enfance. 

 

Signes cliniques d'un fonctionnement névrotique

 

Pris isolément, chacun des indicateurs que nous allons énumérer pourrait avoir une autre signification qu'exprimer un mécanisme névrotique. La probabilité d'existence de celui-ci est d'autant plus forte qu'il y a sommation et articulations logiques entre les indicateurs.

 

A - Signes qu'un désir œdipien, même vécu comme conflictuel, ne se laisse pas refouler ou ne  le reste pas 

 

1°). Ces signes sont inconstants, en voici quelques exemples : 

  • A certains moments, l'enfant peut se montrer très possessif, séducteur ... ou en rivalité haineuse ... avec l'un ou l'autre membre de la famille. C'est le cas, notamment, chez les enfants hystériques, souvent très bruyants (4) pour afficher leurs désirs de séduction ou/et de domination.
  • Tel autre réalise sa sexualité génitale, dans l'auto-érotisme ou/et dans des jeux voire des agressions sexuelles qui ne le satisfont que très brièvement ou pas du tout.
  • Parfois, sur fond de conformisme, l'enfant laisse exploser, de loin en loin, une décharge pulsionnelle inattendue : colère impressionnante contre son rival, agression sexuelle d'autrui ... Parfois, c'est un acte antisocial ( vol, par exemple ), au travers duquel on sent sa volonté de s'emparer de la puissance de ses parents ou de la génération des adultes. 

2°). Plus que l'acte lui-même, c'est l'ambiance de celui-ci qui est indicatrice de névrose : 

  • Même au moment où le désir se réalise, c'est souvent dans un contexte tendu, crispé, maladroit, déjà entaché par l'insécurité, l'impression de mal faire ...

D'ailleurs, il n'est pas si rare que ce désir se réalise en secret ( activité sexuelle ... acte antisocial, etc. ).

  • Il n'est pas rare non plus que la réalisation de désir ait une allure impulsive, comme explosive, survenant chez un enfant habituellement très retenu ... ailleurs, il y a eu une ( longue ) lutte intérieure, avec montée d'angoisse, le passage à l'acte ne satisfait que très momentanément l'enfant ... très vite ( voire immédiatement ) sa culpabilité réapparaît. 

B - Les signes régressifs 

 

Ils sont inconstants : par exemple, se coller à un parent comme un bébé incompétent et geignard, contester bruyamment et perpétuellement. Et ceci, toujours dans une ambiance d'insatisfaction de soi, qui donne aux comportements une allure désordonnée, avec alternance (par exemple, moment régressif ... puis l'enfant redevient plus sage, " écrase ", vient demander pardon ... puis nouvelle irruption de désirs ...)

 

C - L'angoisse

 

1°). Sauf dans ce que nous avons appelé les " névroses de caractère ", l'angoisse est un indicateur systématique de la névrose.

Elle surgit un peu avant, pendant et après que l'enfant ne réalise ce qu’il croit être interdit : alors la thématique anxieuse concerne directement la rétorsion pour l’acte interdit - difficile, d'ailleurs, de dissocier angoisse et culpabilité -, et elle est souvent disproportionnée à la gravité - parfois purement imaginaire - de l'acte.

2°). Mais elle peut surgir aussi à des moments décalés, sous forme de " rejetons transformés " où, à première vue, les thèmes n'ont rien à voir avec les conflits les plus centraux : Par exemple :

 

  • Peurs de réaliser toutes sortes de performances sociales ; peur d'affronter les autres ; anxiété de séparation et/ou phobie scolaire.
  • Idées d'agressions imaginaires (" Le voleur derrière le rideau de la chambre ") ; idées de punitions cruelles pour les petites bêtises commises ; cauchemars ...
  • " Phobies " stricto sensu : peurs intenses portant ici, par déplacements successifs, sur des situations ou des objets phobogènes en réalité inoffensifs.
  • Chez l'enfant, bien des somatisations peu typiques expriment surtout des vécus anxieux. Elles s'accompagnent ou non d'une nosophobie de l'organe dysfonctionnel (par exemple, algie dans une jambe + peur qu'elle n'ait un cancer). L'ensemble " somatisation + nosophobie " ou un seul de ces deux éléments, exprime souvent une angoisse névrotique (" J’ai abîmé une partie de mon corps à cause de mes désirs interdits ") une culpabilité (" Une Instance mystérieuse est occupée à me punir "). 

D - La culpabilité (largement) irrationnelle 

 

 Est visée ici l'existence d'une culpabilité irrationnelle : toute culpabilité n'est pas ipso facto névrotique ! Est névrotique, celle que l'on vit à propos du simple fait de désirer, de penser " autrement " ... ou à propos d'actes involontaires ... ou d'actes qui n'ont dérangé que les assignations sociales du sujet, sans qu'il y ait eu transgression des grandes Lois humaines qui interdisent meurtre et inceste.

 Signes : 

  • L'enfant se vit et se déclare " mauvais, méchant ", diffusément ou à partir d'une pensée ou d'un acte précis ; il en éprouve concomitamment un malaise physique, difficilement définissable, lie à la honte, à l'angoisse, à l'impression d'être indigne de l'amour et de l'estime d'autrui.
  • II peut s'accuser rapidement, exagérer la gravité de sa faute, demander pardon, procéder des conduites expiatoires, secrètes ou manifestes.
  • II peut encore provoquer inconsciemment la punition d'autrui (" signer " sa transgression) ou s'auto punir (s’agresser par l'acte transgresseur ou peu après celui-ci ; s'arranger pour ne pas jouir de sa transgression) : sur des deux dernières intentions, on ne peut cependant que spéculer, à partir d'événements répétitifs. 

E - Signes du refoulement des désirs 

 

1°) Case I du tableau II :

  • Cas de gravité moyenne : Enfant conformiste, docile, sans initiatives, pur exécutant de ce qu'on lui demande ... sans être cependant ipso facto immergé dans la dépendance et la recherche de maternage, comme dans l'immaturité effective « bébé ».
  • Dans d'autres cas, encore plus graves, l'enfant ne s'efforce même plus de satisfaire autrui : improductivité totale (ni pour son plaisir - ne connaît plus - ni même pour prendre la place que les autres lui assignent : il ne s'en sent pas capable) ; passivité, ou tout au plus quelques activités stéréotypées ; mauvaise image de soi sous-jacente (autodépréciation ...). 

2°) Case II du tableau II : Enfant conformiste, toujours désireux de satisfaire l'autre, mais ayant l'impression de ne pas en faire assez, de toujours rater ce qu'on lui demande ou/et d'être mauvais ... envahi alors par l'angoisse et la culpabilité, et autour de ses " fautes ", à des moments décalés. 

 

3°)  Case I ou II du Tableau II : Inhibitions plus sectorisées : inattendues, juste au moment de produire une performance ( l'enfant, regardé par autrui, ne peut pas ... l'enfant, en classe, ne sait plus faire part de la leçon connaît, ou en fait une reproduction ratée, vide de sens ...), plus chroniques ( incapacité à mémoriser tel comportement ... incapacité à assimiler un mécanisme d'apprentissage ... à retenir une information riche de sens ...) ou répétitives (incapacité à réussir la rencontre avec l'autre ; incapacité sexuelle ...). 

 

4°) Entre la case II (beaucoup) et la case VI (un peu) : Enfant perpétuellement velléitaire : essaie indéfiniment de montrer sa bonne volonté, sa compétence, la justesse de ses opinions mais " à côté de la plaque " ou/et incapable de persévérer ou/et provoque une catastrophe, dont on peut spéculer qu'elle est la conséquence de l'angoisse extrême qu'il s'est fait revivre et de la montée de sa culpabilité ( avec quand même une " pointe " de réalisation de désir : par exemple, abîmer les outils de son père en essayant de bricoler ) : ici, on parle parfois de " névrose d'échec ". 

 

F - Signes d'un retour travesti des désirs refoulés 

 

Pour rappel, cette expression comme masquée des désirs refoulés est un des signes les plus typiques de la névrose. Elle s'accompagne souvent et immédiatement d'une charge d'angoisse et de culpabilité qui est " accrochée au ...", " condensée sur " les mêmes signes. Ces signes peuvent être de trois grands types : 

 

1°). Dysfonctions somatiques

 

Par exemple :

- énurésie, surtout si elle est secondaire ;

Ceci ne veut pas dire que toutes les énurésies ont pour signification de constituer des symptômes névrotiques !

On peut raisonner de même pour les exemples qui suivent :

- encoprésie ;

- tics, moteurs ou/et vocaux, isolés ou multiples, à schéma simple ou complexe ;

- conversions somatiques : atteintes essentiellement de l'appareil locomoteur ou sensoriel, avec une localisation fonctionnelle plutôt qu'anatomique, et un symbolisme sur lequel est aisé de spéculer ... Paralysie plus souvent qu'hyperfonctionnement (agitation ; algies ; espèces de tics) ...

Elles sont souvent significatives d'un fonctionnement hystérique  ... MAIS seulement 10 à 20 % des enfants à structure hystérique ont des symptômes de conversion, qui s'ajoutent aux autres signes. 

 

2°). Bizarreries du comportement quotidien

 

Par exemple : 

- Nombres " d'actes manques ", oublis, maladresses, qu'il est impossible de répertorier de façon détaillée.

- Obsessions et compulsions. Les obsessions (0) sont des pensées, des images ou/et des impulsions mentales pressantes et parasites ; certaines d'entre-elles expriment de façon à peine détournée le désir interdit (par exemple, penser à une chose obscène) ; pour d'autres, c'est plus lointain (par exemple, répéter longuement les tables de multiplication). Les compulsions (C) sont, soit des réponses - mentales ou agies - qui veulent conjurer les obsessions, soit des actes que le sujet se sent contraint de remplir selon des règles tyranniques (par exemple, certains rituels).

Beaucoup de ces 0 et C sont secrètes ; quelques-unes sont visibles (rituels), voire engagent toute la famille (par exemple, vérification obligée de quelque chose chez un parent ...). Parmi les obsessions, il faut ranger les doutes et scrupules, les questions métaphysiques indéfiniment ruminées sans réponse rassurante. 

Même raisonnement qu'à propos de l'énurésie : la présence d'obsessions et de compulsions ne signifie pas ipso facto que l'enfant souffre d'une névrose (ici, obsessionnelle). Parfois, ce sont des mécanismes cognitifs qui tentent vaille que vaille de conjurer des angoisses non-névrotiques.

Dans les deux alternatives, on peut faire l'hypothèse qu'existe une prédisposition cérébrale. 

- Certaines " habitudes nerveuses " : masturbation compulsive ... trichotillomanie, etc. ... 

 

3°). Atteintes du fonctionnement intellectuel 

 

Nous avons déjà dit que le fonctionnement névrotique pouvait entraîner l'inhibition de l'acquisition ou du fonctionnement de mécanismes d'apprentissages, ou celle de l'utilisation d'informations chargées de sens.

Il peut entraîner aussi des incongruités inattendues dans l'acquisition ou la restitution du savoir ou/et des mécanismes d'apprentissage : " fautes " et habitudes bizarres, chargés de symbolisme et dont l'expression est plus irrégulière que lorsqu'il y a lacune cognitive ou instrumentale (par exemple, enfant qui " oublie " parfois de mettre des "s" ... ce qui, dans sa subjectivité à lui, a un fort rapport avec la signification affective du pluriel dans la fratrie ...). 

 

G - L'enfant est assez souvent déprimé

 

parce qu'il perçoit son comportement dysfonctionnel et/ou l'irritation de son entourage et parce qu'il se représente mentalement comme un raté ou/et un méchant, menacé de perte d'amour et de rétorsions diverses. 

 

H - Il est rare que la réaction de l'entourage soit neutre

 

. Assez souvent : incohérence dans la prise en charge des symptômes ; mélange de dévalorisation (" Tu es moins performant que les autres ") et d'hyper investissement (" Je dois beaucoup m'occuper de toi ... tu es le handicapé de la famille "). 

 

 Regroupement des signes en quelques grands syndromes névrotiques 

 

Les plus fréquents de ceux-ci sont plus atypiques que les quatre formes paradigmatiques décrites en psychiatrie adulte dans les pays francophones. Les mécanismes qui y opèrent concernent les cases I, II et la case IV du tableau II. 

 Le traitement 

 

A - Pour l'enfant 

 

  • Psychothérapie individuelle d'inspiration psychanalytique ; si celle-ci n'est pas accessible ou/et que l'enfant n'est pas motivé, thérapie de soutien.

Pour l'essentiel, à travers l'attention et l'écoute qui lui sont prodiguées, il s'agit de montrer à l'enfant que les grands désirs dont il est porteur, et qu'il finit par dire ou/et montrer dans ses productions, font bien partie de l'ordre humain : s'il voulait gérer sa vie et ses relations comme il le désire, il resterait bien un petit humain, unique, digne d'amour et d'estime.

Quant à ce qui est interdit, il l'a excessivement compris tout seul et il en exagère plutôt la portée : il s'agit donc parfois de l'aidera relativiser les interdictions qu'il se donne, et aussi de l'aider à trouver des voies socialement acceptables par lesquelles ses désirs peuvent se réaliser ... ;

 

  • Corollairement, on veillera encore à : sa valorisation ; l'accueil bienveillant de ses projets et opinions personnelles ; une information quant à ses symptômes et à son degré de responsabilité par rapport ceux-ci ; des encouragements à se socialiser à  la mesure de ses forces ; un apprentissage du deuil ( renoncer à être un être humain parfait… et ne pas surencombré autrui avec ses handicaps ). 
  • Psychomotricité, connexe ou préalable, pour certains enfants très mal dans leur corps ( névroses d'échec ) ou qui recourent trop à la rumination intellectuelle ( obsessionnels ). 
  • Rééducations instrumentales ou réorientation scolaire si dysfonctionnements intellectuels ... mais sans pression sur la réussite, puisque l'enfant n'a pas immédiatement prise sur son symptôme : miser plutôt sur la valorisation via la rééducation. 
  • Médicamentation symptomatique éventuelle.

 

B - Pour les parents 

 

  • Objectifs principaux  : 
  • Valorisation " douce " du droit de l'enfant à avoir ses projets et désirs personnels
  • Intelligence progressive des éventuelles contradictions existant à l'intérieur des attentes dirigées vers l'enfant.
  • Attitude sereine face aux signes et symptômes névrotiques : ni insulte et rejet, ni hyper protection et autres bénéfices secondaires.

Parfois une guidance parentale suffit  améliorer ces paramètres. Plus rarement, et pour peu qu'il l'accepte, un parent peut bénéficier d'une psychothérapie individuelle personnelle. Certaines questions peuvent également se discuter lors de psychothérapies familiales 

  • Dans les cas les plus graves, séparation parents-enfant, et fréquentation par celui-ci d'un service résidentiel, voire d'un hôpital K.  

 

 NOTES 

 

1.   Ce rapport est intuitif, obscur, puisque le plus clair du désir est refoulé ... mais l'enfant en devine quand même quelque chose. 

2.   Ce n’est plus la mode aujourd’hui de parle de névrose obsessionnelle…on parle de TOCs, en en faisant des phénomènes purement cérébraux…Voire ! sans nier une possibles sensibilité cérébrale, on y trouve toujours la signification de compromis face à un conflit interne…quand on veut bien se donner la peine de chercher. 

3.   Clairement ? Parfois, il s'agit d'une manifestation très directe d'agressivité, d'amour ou/et de sexualité. Parfois, comme nous l'avons signalé en étudiant l'immaturité, la forme est plus détournée mais ici, l'enfant fait usage de son intelligence pour mieux " emballer " l'autre. Par exemple, il abuse de son statut de malade pour avoir toute l'attention ... Ce n'est pas la même chose que le travestissement du désir (case IV), où l'enfant cherche d'abord et avant tout à s'échapper à soi-même, en donnant à son désir une forme peu lisible, souvent symbolique ... 

4.   Souvent mais pas toujours : les plus intelligents et les plus forts d'entre eux peuvent ne pas se laisser déborder par leurs désirs, et travailler à donner à la réalisation de ceux-ci une forme intelligente, subtile, détournée : par exemple, " pièges " tendus à l'autre par leur volonté de domination, comme on le voit chez les adultes ... On le voit chez certaines jeunes anorexiques précoces qui " minent ", avec pseudo-indifférence, le chemin de celui qui veut les aider.