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 Un travailleur social m’écrit 

Bonjour,

Je m'excuse de vous déranger. Actuellement, je suis face à un jeune qui me questionne beaucoup.

L’histoire a commencé il y a quatre ans, lorsque le juge m'a confié le mandat d'assistance éducative (suivi du jeune jusqu'à sa majorité). a l'époque, il avait 15 ans et venait de finir son école obligatoire.

Comme il ne se présentait pas au rendez-vous, je me suis présenté à son domicile. les parents travaillaient et n'étaient pas là lorsque j’ y allais. Durant six mois, je me suis présenté bimensuellement au domicile. la porte restait close bien que le jeune soit présent (je l'entendais).

Il n'est intéressé par aucune formation, il n'a aucun désir particulier au niveau professionnel, il a juste peur de s'imaginer à un poste et d'y passer toute sa vie. il veut du changement.

Ces derniers temps, il a travaillé durant deux mois avec des employé communaux. Cela lui a plu, mais il était soulagé d'arriver au bout des deux mois : il commençait à ressentir de la lassitude. Je l'avais accompagné et travaillé avec lui pendant les trois premiers jours, pour l'introduire dans la petite équipe.

Il dit ne pas comprendre les gens qui s'agitent pour aller bosser. lui, il ne veut rien faire. il ne semble pas s'émouvoir quand les autorités le menacent de diminuer ou de supprimer l'aide sociale.

Il dit lui-même ne pas être très satisfait de sa vie qui se limite à la TV et, en fin de journée, à rencontrer ses potes.

Il reste passif, même pour son projet d'obtenir son permis de conduire. il a envie de l'obtenir, mais il ne fait rien depuis une année qu'il parle de ce sujet pour économiser de l'argent ou trouver une activité et financer cela. 

J'ai très souvent pensé à un traumatisme. Je ne parviens pas à entrer dans son monde pour tenter d'y comprendre quelque chose. Lui se sent autrement que les autres, il a même utilisé le terme d'extra-terrestre.

Meilleures salutations à vous. 

Je lui réponds 

Cher ami,

 

Pourquoi certains jeunes en sérieux décrochage sont-ils passifs et plus encore subtilement résistants, via leur inertie persistante, par rapport à « l’offre sociale » ? Sont-ce des séquelles de traumatismes précoces, comme vous en faites l’hypothèse ? Oui peut-être, mais c’est loin d’être certain ! Je pense que si traumatisme il y a eu, il s’en exprime quelques signes indirects au fil du temps , de la famille de l’angoisse! Je ne suis donc pas convaincu.

Longue déception face aux autres et à la société peut-être, sentiment d’inadéquation … et vers les 13-14-15 ans décision prise de sortir radicalement du système ( mais ici, d’une certaine manière, avec l’accord des parents, qui  nourrissent et entretiennent et ne le mettent pas à la rue !! ) Et ceci, dans la vignette que vous décrivez si j’ai bien compris, sans tendance anti-sociale avérée ? Vous auriez signalé l’inverse !! 

Quelle leçon alors, ce jeune ne nous donne-t-il pas sur ce qu’est l’altérité ! Altérité d’un jeune de condition modeste, certes, mais altérité quand-même !

Le mandat que la société vous confie alors – parce qu’elle n’aime pas ça ! – fait bien piètre figure de « tentative de récupération sociale » destinée à être ignorée  par le jeune ( ignorée, c’est encore pire qu’avortée )

Moi, avec le tempérament que je me connais ( et les tonnes de choses que j’ai à faire, et où l’on veut bien de moi ) j’aurais été frapper quelques fois par an à une porte que je savais close, sans stress ( pour mon mandat ) ni colère ( ce jeune est plus résilient que négatif ) Et j’aurais écrit froidement à mes supérieurs : « Tout continue à aller très bien ( sans penser : Madame la Marquise ) Beaucoup d’autonomie ( la vraie ) chez ce jeune » 

 

Aujourd’hui, il semble que le jeune n’a plus peur de votre pouvoir et qu’il vous fait le cadeau de parler avec vous ! c’est probablement parce que vous l’avez mérité sans peut-être vous en rendre compte. J’en profiterais pour lui demander, non pas « Puis-je faire quelque chose pour t’aider ? » ( Ah, l’horrible formule ! ), mais bien plutôt :  « Accepterais-tu de faire quelque chose pour moi ? Ca serait important que tu m’apprennes quelque chose sur le sens de la vie tel que tu le construis. C’est tellement différent de ce que je suis ! » 

Enfin si aide sociale il existe sur le plan financier, je ne vois aucune raison de la prolonger, sauf si c’est la règle chez vous pour toutes les personnes qui sont dans son cas !

Bien amicalement. 

Ce collègue me répond 

Je suis saisi par votre conclusion car elle porte les mots du dernier entretien que j'ai eu avec Andy . Je lui ai dit que ne parvenais pas à comprendre là où il était.

Je travaille de manière instinctuelle, sur la base des acquis. Et  ultérieurement, j'ai besoin de comprendre pourquoi les choses ont fonctionné ou pour quelle raison la démarche et le soutien a été un "échec"

Vous m'apportez un éclairage rafraîchissant. En vous lisant, et si je vous comprends bien, je ne voyais pas chez ce jeune la résilience et l'autonomie car je m'étais enfermé, bien malgré moi, dans une sorte d'obsession que "son autonomie se définirait par l'accession à un travail" (en voulant échapper à une certaine pression sociale qui veut que tout le monde bosse et que, si tel n'est pas le cas, on est un fainéant, je me suis enfermé dans cette logique)

Encore merci et meilleures salutations 

Je lui réponds 

Oui, mais dans mon esprit, ne pas comprendre ne veut pas dire ipso facto qu'il y a préoccupation désespérante, mais mystère passionnant à approcher. Est-ce bien cela qu'il a saisi de vous ?

Amitiés. 

Il me répond 

Bonjour, 

Non, je ne pense pas. il se voit plutôt comme un personne curieuse, à l'écart. Il lui arrive de dire qu'il est bizarre, mais cela en comparaison avec ses pairs qui ont un travail, etc.

Et c'est là que j'aimerais le rencontrer maintenant, à voir s'il peut ouvrir les portes  de ce qu'il appelle sa singularité, sa différence.

Et j'ai l'impression qu'en lui présentant nos discussions comme une sorte de jeu d'énigmes pourrait stimuler d'avantage sa curiosité qui s'éveille très progressivement au cours de nos rencontres.

je me ferai une joie de vous informer progressivement de l'évolution.

Meilleures salutations à vous et bonne semaine. 

Je lui réponds 

Ca, ça m’a l’air parfait comme idée ! Oubliez définitivement l’idée de l'aider au sens convenu du terme et accrochez-vous à celle de vous intéresser à lui : Alors, vous l'aiderez vraiment, en lui confirmant qu'il est intéressant, important même pour un Monsieur comme vous ...

Amitiés.