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2.2.1.Qu'appelons-nous le " désir d'enfant " ? (11) 

Nous pouvons affirmer sans trop nous aventurer qu'à l'aube de sa vie adulte, aucun d'entre nous n'est affectivement neutre par rapport au projet d'avoir un ou plusieurs enfants, qui ne soi(en)t pas quelconque(s). 

A - Beaucoup vivent un vrai désir à ce propos, au sens positif et restrictif du terme : ensemble cohérent de représentations mentales préparatoires et d'excitation joyeuse tournant autour de l'enfant à venir et de la manière dont on l'aura - le plus souvent, via procréation - . Les parents se représentent aussi ce qu'il " devrait " devenir, plus ou moins précisément ... une fois né, l'enfant voit s'exercer sur lui, plus ou moins intensément, plus ou moins consciemment, toutes sortes de " pressions parentales " pour qu'il devienne bien comme ils l'ont désiré !

Remarquons bien que : 

- Les représentations mentales conscientes qui disent ce désir sont accompagnées d'autres, inconscientes, en harmonie ou non avec elles : le désir d'enfant a des composantes multiples et parfois contradictoires.

Plus fondamentalement dans la suite du texte, nous nous en tiendrons au terme " désir d'enfant ", pour désigner une force motrice complexe qui féconde leurs pensées et leurs attitudes : le désir, tel que nous venons de le situer, d'une manière très proche de son sens psychanalytique, y occupe la place du noyau central ... mais il peut s'exercer sur lui un travail d'autres Instances de la personnalité : l'intelligence des parents, leurs valeurs, leurs conflits intrapsychiques : il en sort une " attente résultante " sur l'enfant … que nous continuerons à appeler " désir " ... mais qui est déjà un remodelage de celui-ci.

- Le " désir d'enfant " se constitue tout au long de la vie : il se fait et se défait, son contenu se mobilise ... Peut être son noyau central le plus dur est-il " quelque chose d'inné ", émanant de l'instinct de reproduction et de survie de l'espèce. Se greffent dessus les traces, les mémorisations en nous, de nombreuses expériences parents-enfants que nous avons faites : au début, nous y étions à la place de l'enfant, et nous avons mémorisé, peut-être et par exemple, la douceur de notre mère, la manière dont notre père nous poussait à prendre des initiatives, etc. ... Par la suite, les places que nous avons occupées dans ces expériences de parentage étaient plus alternées : parfois, nous y étions toujours des enfants ou des adolescents maternés et paternés ; à d'autres moments, à travers nos rôles d'aînés, de chefs scouts, etc. ... nous y tenions nous aussi des fonctions parentales : de beaucoup de ces expériences, nous avons introjeté quelque chose, et il en est resté, par synthèse et sommation, quelques images, quelques idées auxquelles nous adhérons, et qui disent, fondamentalement, de quelle relation parent-enfant nous rêvons : nombre et sexe des enfants à venir, caractéristiques physiques et morales principales qu'on leur imagine ... 

- Le " désir d'enfant " se réalise d'abord sans que l'enfant qui le met en scène en soit conscient - dans l'imaginaire et le symbolique - via des jeux et autres comportements symboliques du jeune enfant ( jeux avec les poupées, les nounours ; jeux " papa-maman " des cours de récréation ) ; il peut connaître aussi, précocement, des premières applications " lointaines " dans le réel, à travers les idées et attitudes des aînés envers les cadets ; il entre souvent en veilleuse pendant la première partie de l'adolescence, moment de la vie où l'on se cherche soi, plutôt que de se projeter comme parent avec un autre ... puis, il réapparaît " pour de bon " vers la fin de l'adolescence. 

B - Mais ce désir positif n'est pas toujours la règle ! Ainsi certains d'entre nous, parce qu'ils ont vécu eux-mêmes une majorité d'expériences parents-enfants négatives, hostiles, au moment de leur enfance et de leur adolescence s'identifient à l'agresseur qu'ont été leurs propres parents ; ils concoctent alors l'idée que l'enfant à venir est comme un ennemi à combattre, un mauvais objet à persécuter, mater ou rejeter activement. Ils ont laissé venir en eux comme un  désir de violence et d'abus, à l'instar de ce qu'ils ont subi eux-mêmes. La position d'expectative idéo-émotionelle qu'ils ont à l'égard de l'enfant à venir n'est donc pas centrée sur l'amour, l'accueil ou la stimulation positive, mais plutôt sur la méfiance, le rapport de force, voire la mise à l'écart. 

C - En vertu du même raisonnement, nous pouvons admettre aussi que, dans d'autres cas, les expectatives idéo-émotionnelles des parents envers l'enfant à venir sont de l'ordre de l'ambivalence, avec des composantes positives et d'autres négatives.

 2.2.2 Grossesse et désir d'enfant 

A - Désir d'enfant et " simple existence " du foetus

1°) Dans une majorité de situations, les plus favorable potentiellement , un " désir d'enfant " positif a constitué une dimension à l'origine de la mise en route de la grossesse.

Désir souvent réalisé non pas impulsivement, mais dans le cadre d'une programmation, d'un projet d'ensemble de ce que sera la famille ; c'est rendu possible, entre autres, par un certain pouvoir sur le moment de la procréation ( maniement adéquat de la contraception ). 

2°)  Dans une minorité de situations, le foetus, mis en route accidentellement ou non, peut être l'objet d'un rejet ou d'une ambivalence à prédominance négative. Selon certaines études, ces vécus pénibles pourraient prédominer dans environ un quart des grossesses. 

Pourquoi ? Parce qu'il en est ainsi depuis toujours ( version " agressive " du " désir d'enfant ") ou/et parce que la procréation est arrivée à un mauvais moment ou/et qu'il s'est passé des événements pénibles pendant la grossesse ( par exemple faillite du couple parental ). Les conséquences pourraient en être : un avortement ; une fausse-couche spontanée et culpabilisée ; une naissance prématurée ; une naissance à terme, mais dysmature ; une tendance à la dépression et à la passivité et peu de désir de vivre chez l'enfant. En outre, des vécus parentaux dépressive-agressifs risquent de continuer à peser sur l'enfant après sa naissance. 

3°). Prévention et traitement : 

- Importance de manifester de la sollicitude aux parents : les inviter à exprimer les idées et sentiments pénibles que leur inspire le foetus et leur situation du moment ; les écouter ; éventuellement, leur faire faire des liens avec des situations de non-amour qu'ils ont vécu personnellement. 

- Les parents accueillis de la sorte, qui remarquent que l'on continue à avoir de l'estime pour eux, et que l'on peut comprendre que l'amour ne jaillit pas sur commande, retrouvent souvent courage et sérénité ; en tous cas, ils sont moins crispés par le foetus, dont ils se sentent moins prisonniers, vu leur alliance à eux avec un thérapeute. 

B - Désir d'enfant et premières manifestations du foetus 

Il arrive que le foetus réel se signale autrement que ne le voudrait le désir d'enfant des parents par exemple, l'imagerie médicale montre que c'est une fille alors que l'on espérait un garçon ... il s'agite beaucoup plus dans le ventre qu'on ne l'imaginait, etc. ... Les parents font là l'expérience prototypique d'une réalité interactionnelle qui demeurera souvent omniprésente : l'existence d'un certain  hiatus entre leur désir d’une part, et ce que l’enfant peut ou/et veut profondément être. 

Nous allons développer abondamment ce qui s'en suit, car notre raisonnement princeps s'appliquera à bien d'autres circonstances de la vie, sans variantes fondamentales. 

1°) Hiatus entre le désir d'enfant et ce que l'enfant peut être ? 

Il demeure malheureusement assez fréquent que des parents s'aveuglent à ce propos, et demandent à l'enfant des performances impossibles, parce que celui-ci n'a pas, ou n'a pas encore, l'équipement pour les mener à bien : par exemple, exigences excessives de rendement intellectuel. 

Conséquences fréquentes : beaucoup d'enfants s'épuisent d'abord à essayer de satisfaire leurs parents, n'y arrivent souvent pas et passent alors par des idées et des sentiments très pénibles : angoisse d'être grondés ; impression de ne rien valoir et d'être méchants parce qu'ils déçoivent leurs parents ; sentiment d'incompréhension, d'injustice et colère ... Le résultat comportemental, c'est, entre autre, que leur inhibition et leur dysfonctionnement s'accroît : ils ne peuvent même plus prester ce que permettait d'atteindre le niveau actuel de leur équipement. 

2°) Hiatus entre le désir d'enfant et ce que l'enfant veut être ?

 En soi, l'existence d'un désir positif d'enfant est une bonne chose : rien de pire pour celui-ci que de ne pas être attendu, et de devoir " devenir quelqu'un " dans l'indifférence ou l'hostilité. 

Néanmoins, la grande majorité des enfants ont, au moins en partie, un projet de vie personnel ; ils vont donc s'avérer ambivalents face à cette focalisation du désir des parents sur eux : ils aiment être aimés ... mais pour ce qui est d'être dirigés, c'est moins certain ... !

 Leurs réaction à l'attente " autre " de leurs parents se répartit sur une échelle qui va de l'acceptation-adhésion au refus clairement exprimé  

- A un pôle extrême, adhérer de l'intérieur, au désir parental et aux demandes ( attentes ) qui y font suite ; les faire siennes ; s'y identifier ... 

- Se conformer dans le seul champ du comportement observable ; obéir, par angoisse, culpabilité à l’idée de déplaire ou/et intelligence prudente ; par contre, pour cqui est de ce que l'enfant pense, c'est autre chose, mais il le dissimule. 

- Négocier, discuter, faire pression verbale ou non-verbale sur les parents pour les faire changer, et, après une lutte de durée raisonnable, accepter le compromis-résultat (... ou, bien sûr, que les parents renoncent ) ou alors, changer la position sur l'échelle ! 

- Commencer à se rebeller : velléités ou moments d'affirmation de soi plus nets, mais survis ici de mouvements de retour vers la conformité, en nombre et en intensité plus significative. 

- Se rebeller par actes manqués, efficacement, mais sans prise de conscience totale à ce sujet ; ce sont des mécanismes surtout inconscients qui produisent le plus fort de la rébellion ... 

Beaucoup de soi-disant troubles du comportement de l'enfant, beaucoup de soi-disant " non-performances " décevantes qu'il met en scène ( échecs scolaires, énurésie, etc. ...) ont pour signification, au moins partielle, et le plus souvent inconsciente dans son chef, d'être des actes d'affirmation de soi, par lesquels il marque sa différence, face à l'excès d'emprise qu'il ressent. 

- Se rebeller consciemment, sous forme d'opposition silencieuse dite à tort passive, ou sous formes de refus bien verbalisés avec toutes leurs conséquences comportementales. Ici, si chacun campe sur ses positions ce peut être l'affrontement perpétuel.

3°) Effet feed-back sur les parents 

A partir de sa manière d'être, et souvent sans le vouloir clairement, chaque enfant exerce un effet feed-back sur le désir d'enfant de ses parents, tel qu'il était constitué jusqu'alors : par exemple, une attitude conforme et satisfaite renforce les parents dans l’idée de la légitimité de leur désir … certains traits originaux de l'enfant, inattendus par ses parents, séduisent quand même ceux-ci et finissent par modifier la nature de certaines composantes de leur désir d'enfant ... l'opposition, elle, peut avoir deux résultats contraires : soit crisper les parents et rendre leur désir de plus en plus obstiné, soit les faire changer !

 

Notes

 11. Le désir d'enfant, qui définit et projette ce que sera l'enfant idéal à venir ainsi que la relation idéale avec lui, n'est pas l'apanage des parents et n'est pas strictement lié à la procréation. En effet, le désir d'enfant :

- peut se réaliser également à travers l'adoption, le placement familial et les procréations assistées - est également vécu par les grands-parents et la fratrie de l'enfant, avec ou sans contradictions avec le désir d'enfant des parents ;

- est également à l'oeuvre chez les professionnels, quand ils se représentent que Enfant Idéal est celui que leurs attitudes professionnelles contribuent à façonner, et qu'ils y oeuvrent concrètement.