En cliquant sur "J'ai compris!", vous acceptez les cookies nécessaires au bon fonctionnement de ce site web.

§I. Petite tranche de vécu chez le psychothérapeute de Vincent


- Le contexte : Vincent (15ans) souffre d’une grave dépression. Déscolarisé depuis des mois et pourtant, ni lui, ni ses parents ne veulent d’une hospitalisation psychiatrique. Il est donc soigné en ambulatoire, et ses parents sont également pris en charge. Son psychothérapeute est préoccupé : Vincent lui semble bien plus radicalement désespéré qu’occupé à quémander amour et attention en faisant peur à son entourage. Lors d’une séance, le jeune déclare :

         
- Vincent (p.36 du livre) : « Oui, j’ai envie de me tuer, tous les jours... avec les médocs que je prends tous les jours, c’est pas compliqué à faire. Mais à vous je peux le dire : vous n’en avez rien à faire de moi ».      


- Le psychothérapeute, méditant dans son for intérieur, sans toutefois trop traîner avant de répondre... et puis le soir, au lit, quand ses pensées vagabondent  : « Mais bon sang, que suis-je donc venu faire dans cette galère?[1] » ; il m’angoisse vraiment,  Vincent, avec ses idées…il pourrait bien les mettre en œuvre…il est si, si désespéré, comme une banquise aride et  nue …je ne le sens pas demander de l’aide… Dois-je passer par-dessus la confidentialité et alerter ses parents ? Je ne sais pas ! Qu’est-ce qui est le moins pire, risquer de perdre son alliance, ténue, ou tenter de le protéger vaille que vaille de l’extérieur contre lui-même ? Si je le fais, sa mère va perdre les pédales et son père, ce n’est pas seulement matériellement qu’il habite à 200km ! ; il n’en a plus grand chose à faire de Vincent... Et le comble, c’est à moi que   Vincent dit que je n’en n’ai rien à faire de lui ! Il me blesse un peu, même si je pense que provocation il y a ! Même si les livres affirment que, venant du patient, c’est nécessairement du« transfert » et qu’il faut se réjouir quand le transfert est négatif. Ma sensibilité en a quand même pris un coup ; il n’a pas l’air de reconnaître mon engagement, ma sollicitude pour lui.

         
« Que suis-je venu faire dans cette galère ? »
. Travailler avec les ados, ça m’a toujours attiré ! Mais je me représentais a priori les joyeux drilles, les impertinents, les transgresseurs du quotidien, qu’il fallait aider à ne pas virer dans le vrai anti-social : celles et ceux qui allaient venir mettre du piment à retardement dans mon adolescence trop sage….Je me représentais quand-même aussi celles et ceux qui transitaient par le doute et la perte de confiance, qui passaient par l’humeur dépressive si bien décrite dans cet ouvrage….celles et ceux qui rencontraient des bugs en reconstruisant péniblement leur identité, et avec qui je pourrais partager des idées constructives, sans être vraiment directif. Je pensais à quelques embrouilles sur Internet, à quelques peines de cœur à respecter et à consoler. Je pensais à leurs parents aussi, que je pourrais écouter et aussi aider à se montrer raisonnables dans leurs attentes et ouverts à la différence : de quoi réparer, toujours à retardement, quelques petites blessures et manques de mon passé.

Mais je n’imaginais pas vraiment combien la souffrance morale de certains , leur vécu de solitude[2] , d’absurdité du monde et de la vie pouvaient s’avérer désespérés et désespérants. Je ne les imaginais pas, les fois où ils acceptent quand même vaille que vaille la relation, s’accrocher à moi comme à l’ultime bouée dans laquelle ils enfoncent leurs pauvres griffes, et tant pis pour nos sangs qui coulent….

Et donc, je ne sais par quel baume répondre tout de suite à Vincent. C’est idiot, mais c’est une chanson de Jacques Brel qui me revient en tête : « Non, Jeff, t’es pas tout seul...mais arrête de pleurer...on ira ...manger des moules et puis des frites...et on ira voir les filles chez la Madame Andrée, paraît qu’il y en a de nouvelles ». Misérables et universelles références à la boulimie et au sexe pour faire oublier la peine  ! Et bien non, je ne peux même pas lui offrir cette amitié incarnée qui descendrait dans la rue avec lui et resterait à veiller à ses côtés.... Une séance plus longue que d’habitude, peut-être, où je lui ferais mieux sentir encore ma bienveillance ? Oui, peut-être, peut-être, mais attention à ce qu’il n’en tire pas quelque bénéfice secondaire pour l’avenir ! Je ne sais pas, mon Dieu, je ne sais pas ! Sur quoi vais-je intervenir, face à ce qu’il vient de m’exprimer ?... On m’avait bien dit, quand j’étais en formation, qu’une vraie psychothérapie, c’était une aventure vécue à deux, un voyage vers l’inconnu, dans une jungle d’idées et de sentiments où, travaillant d’en haut,  les drones des chercheurs et des scientifiques n’ont jamais fait que baliser quelques itinéraires possibles et quelques zones standards.

 N’est-il pas écrit, en exergue du livre « Le début ne laisse pas présager de la fin  (Hérodote) »  ?  Le patient prend toujours des chemins de traverse et il faut l’y suivre, en s’efforçant à ce qu’il ne se blesse pas trop à d’invisibles obstacles, et en l’aidant à se sentir bien dans son choix personnel. Alors, comment parler avec Vincent qui, épuisé, perdu dans le vide…ou dans le labyrinthe étouffant de ses pensées noires, me dit « Je pense tellement au suicide et vous n’en n'avez rien à faire ».

Il n’existe pas de réponse unique à cette angoissante question : c’est avec moi, pour le moment, que Vincent se débat dans sa jungle. Avec moi, ma machette et ma boussole. Ma première réponse sera jusqu’à un certain point un pari, que j’approfondirai seulement s’il me donne un peu de répondant. Je ne peux pas décemment imaginer qu’il soit à la fois très souffrant et très reconnaissant,…


§II. L’adolescent se raconte et se construit en se racontant.


Des discours comme celui de Vincent, j’en ai entendu des dizaines dans ma vie professionnelle, et je suis passé bien des fois par les états d’âme, les incertitudes et les paris que j’attribue à son psychothérapeute. Néanmoins, dans l’ouvrage - mais au fond peu importe !-, ce n’est pas lors d’une séance de psychothérapie que Vincent « se lâche », mais en racontant son histoire de vie, en face d’un chercheur à l’écoute et bienveillant.


Les auteurs choisissent en effet résolument, comme méthode de recherche, de faire appel et confiance à la « compétence narrative » des adolescents et de se centrer sur une application spécifique de ce que l’on désigne en anthropologie comme « les histoires-ou les récits- de vie ». Les jeunes sont donc invités à se raconter, via la question: « Qu’est-ce qui a fait que tu es devenu ce que tu es aujourd’hui ? ».

Les auteurs ont même la conviction qu’il existe une résonance positive, une interaction entre l’identité qui se dit et celle qui se construit et s’installe dans la vraie vie, chacune contribuant à affiner et solidifier l’autre. L’identité narrative ne se joue néanmoins pas en solitaire : elle s’intrique et s’inspire des narrations du groupe familial, de la communauté culturelle et vice-versa.

Je suis très heureux de leur choix, celui d’une méthode de recueil puis d’analyse des données dont le noyau le plus central est qualitatif. Ils affirment (p. 71) : « Chaque histoire, chaque individu est unique et nécessite une prise en charge particulière ». Et encore (p. 71) : « Les corrélations (NB mises en évidence par les études quantitatives dites objectives ) ne peuvent être comprises, à l’échelle de l’adolescent et de sa famille, comme impliquant des « destinées incontournables », des fatalités ou des issues obligées ». Et plus loin (p. 81) : « Grâce aux récits de vie, le facteur humain peut aussi être étudié, respecté et non réduit à une donnée impersonnelle ».


Ces affirmations me semblent tellement vraies ! Si nous prétendons améliorer la connaissance et la science de l’humain, il nous faut le rencontrer dans sa singularité, avec une curiosité bienveillante et respectueuse. Et nous ferons et referons indéfiniment cette découverte formidable, dont je ne peux pas me lasser, même après 45 ans de carrière : chaque être humain est unique, composant comme il peut le patchwork de ce qu’il est avec sa génétique, son histoire, ses identifications, la part la plus personnelle de ses idées, sa part de liberté, son tissu et ses relations sociales.

 Chaque être humain est unique, et pourtant, il existe une nature humaine (probablement) universelle. À rencontrer l’autre, il y a du prévisible -jamais à coup sûr - et de l’imprévisible - toujours au rendez-vous - pour qui sait écouter et observer sans (trop ) d’a priori. C’est comme se promener dans une forêt : ce sont tous des arbres et les mêmes lois de la vie guident leur forme et leur physiologie, mais aucun n’est le clone de l’ autre. 

§III. Pour mieux intervenir      

I. A partir de la page 94, les auteurs décrivent leurs méthodes et techniques d’intervention et les discutent en détails, sans vouloir simplifier.

 La lecture en est passionnante, et les professionnels peuvent largement s’en inspirer, sans viser à en être les clones : c’est aux auteurs et à eux seuls que la méthode s’adapte parfaitement, au carrefour de leurs connaissances et de leur personnalité. Et pour les lecteurs, ces auteurs affirment judicieusement (p. 109) :  « La relation thérapeutique reste, quoiqu’on dise et quelle que soit la théorie à laquelle il est fait référence, absolument unique et hors norme[3]. La méthode doit exister, mais n’est pas une fin en soi ». Invitation sans équivoque et à ce que nous enrichissions nos connaissances à la lumière de l’expérience de nos collègues, et à ce que nous gardions confiance dans notre créativité personnelle et dans ce que vit et exprime notre personnalité singulière : c’est elle, et pas un ouvrage de méthodologie, qui entre en relation avec l’ado en détresse.

           
Les parents aussi bénéficieront de la lecture de ces pages. Elles leur rappellent fondamentalement l’importance de l’écoute, de la disponibilité et de l’engagement de soi dans un dialogue familial informel, où chacun peut faire part de son histoire de vie, se la construire et l’enrichir, en puisant dans son monde personnel mais aussi dans ce que l’autre  proche perçoit, partage ou nuance : il en résulte des chapitres communs et d’autres singuliers, avec leurs parts de mythe, et compte tenu de la réalité positive des jardins secrets et des limites qui respectent les statuts intergénérationnels.

II. Dans l’exposé des interventions, quelques points m’ont particulièrement   interpellé :

A. Les auteurs insistent pour que le travail, qui a le jeune comme « héros » potentiel principal[4], s’adresse également à sa famille : les parents et autres proches, doivent être entendus, soutenus et invités à collaborer à la reconstruction du jeune .

Ce travail double, tout fécond qu’il puisse être, pose souvent de délicates questions à propos de la confidentialité face à des révélations intimes faites en individuel. Tout ne doit pas être restitué dans le creuset commun familial, la confidentialité des propos tenus en individuel doit constituer une garantie fondamentale, au moins pour le jeune, même si ceci peut paraître paradoxal avec une autre idée fondamentale de ce livre : son discours sur lui-même gagne (souvent?) à se partager en famille. Mais ce n’est pas au psychothérapeute à le faire à la place du jeune.    


Je pense aussi à tous ces jeunes qui n’ont pas de famille, ou dont la famille n’est pas - et ne sera probablement jamais- « suffisamment bonne »[5]
Pour certains,  cette blessure de ne pas compter positivement pour les parents peut être profonde, ne cicatriser que très partiellement et contribuer à de longs vécus dépressifs. D’autres cicatrisent mieux et se remettent debout. Et l’on devine bien toute l’importance qu’il y a à chercher pour et avec eux tous, quand on soigne leur dépression, des pôles externes de substitution suffisamment stables et accueillants, pour que ces jeunes puissent y accrocher leur histoire et participer quelque peu à l’histoire de celles et ceux qui leur ouvrent leurs bras.

B. L’intervention voulue par les auteurs est encore double quand ils travaillent directement avec l’adolescent.

Leur premier objectif est concret, c’est de participer à la gestion de la vie matérielle, de soulager des symptômes douloureux comme l’insomnie et surtout d’encourager l’adolescent à sortir de son isolement et à s’exercer à agir sur le terrain de la vie.
Le deuxième objectif est spirituel, c’est de le faire réfléchir, lui faire visiter son monde intérieur, raconter qui il est, personne individuelle et membre plus ou moins intégré d’une famille et d’autres groupes sociaux, stimuler sa compétence narrative pour lui faire mieux saisir son identité.  
Non pas que les deux chantiers soient clivés : on peut passer de l’un à l’autre, soit que la réflexion sur soi prépare l’action, soit que celle-ci aide à mieux saisir son identité d’agent.  Les auteurs ne disent rien sur le nombre de professionnels requis pour mener à bien les deux projets. Ici aussi j’imagine de la souplesse, depuis l’intervenant unique jusqu’à la petite équipe d’un centre de santé ou d’un hôpital.

B1. Quelques mots sur l’objectif concret, plongeant dans le quotidien, ses tâches et ses potentialités. Les auteurs attachent beaucoup d’importance à inviter l’adolescent, avec plus ou moins d’énergie et d’enthousiasme, à continuer à s’y insérer, à la mesure de ses forces du moment et peut-être même un peu plus : éviter le décrochage scolaire total; éviter le non-travail scolaire et le glandage devant les écrans si  l’adolescent reste à la maison ; maintenir telle sortie avec les copains ou la pratique d’un sport ou d’un hobby; se souvenir d’activités que l’ado aimait faire avant, quand il était enfant et les réinventer aujourd’hui[6], etc...

 Les ados souffrant d’humeur dépressive sont plus probablement réceptifs à ces suggestions que les profondément dépressifs. Avec ces derniers, on se heurte davantage à l’inertie, au doute, aux pieds qui se traînent parce que « ça ne servira à rien ». Qu’importe, il faut savoir tenir bon, revenir à la charge de temps en temps, sans étouffer le jeune sous des pressions culpabilisantes, sans démissionner pour s’enfermer dans sa bulle avec lui, mais en se résignant patiemment à la ténacité de son immobilisme : il a radicalement besoin de la présence fidèle d’un thérapeute qui porte sa souffrance avec lui. Si le thérapeute lui indique subtilement qu’il ne le supporte plus, c’est donner à l’ado une forte poussée vers l’idée qu’il est non supportable, donc qu’il vaudrait mieux qu’il meure. Dans cette perspective, une hospitalisation peut-elle constituer une bonne idée ? On pourrait penser que oui, parce que la vie y est bien organisée et que de nombreuses activités y sont proposées[7]. Oui si le jeune et sa famille l’acceptent et s’il ne ressent pas l’invitation comme un abandon par son psychothérapeute, ici passeur de patates chaudes.

B2. L’autre volet simultané est celui de l’écoute bienveillante et quelque peu active du monde intérieur de l’adolescent : l’encourager à se dire, à mieux saisir et définir son identité...et in fine à mieux s’accepter dans la complexité de ce qu’il est : corporel, intra psychique, avec sa part de liberté et d’auto création, et social.     
Toutes celles et ceux qui visent à améliorer le sort d’adolescents dépressifs sont bien d’accord sur l’énorme importance de cette centration, mais les techniques auxquelles ils recourent pour que s’ouvrent les portes du monde intérieur de l’ado peuvent varier.

J’ai déjà signalé celle des auteurs du livre,  à la fois chercheurs et psychothérapeutes : le noyau dur, pour eux, est d’inviter l’ado à construire un récit autobiographique. Récit de vie qui reflète également et bien évidemment la psychopathologie car (p.81) : « l’histoire de vie est la forme la plus complète et intégrée de représentation de soi : elle oblige presque naturellement à faire des liens, à s’expliquer pourquoi les attitudes et les évènements se succèdent... »


Déjà indépendamment de toute parole échangée, l’engagement, le soutien et la solidité de l’autre-en-relation sont ici fondamentaux : je pense aux amis-es qui restent fidèles dans la tempête, aux proches qui continuent à investir patiemment le jeune et à croire en lui, aux autres adolescents hospitalisés eux aussi en psychiatrie et qui acceptent de laisser tomber leur masque quotidien….

Mais je pense au moins autant au psychothérapeute et à la relation positive dans laquelle il s’engage authentiquement[8] S’il contribue à redonner progressivement au jeune confiance en sa valeur, c’est d’abord et avant tout - condition nécessaire sinon suffisante !- par la qualité de relation humaine qu’il noue et vit avec lui, en permanence, dans sa tête et dans son cœur, au-delà du moment précis des séances ; pour le thérapeute, le jeune est une personne importante, qui peut vivre et  dire des choses intelligentes et sensibles, avec qui il est intéressant de passer du temps, de partager des émotions et de parler. Bien au-delà d’une méthode qui organise le dialogue en séance,  cet « être -là », amical et fidèle, contribue à ce que le jeune se force à rester en vie aux heures les plus sombres. Et ensuite, le plus souvent, cet « être-là-ensemble » finit par redonner envie de vivre positivement : le jeune désire ouvrir d’autres pages plus riantes du livre de sa vie, peut-être aussi parce que, dans son cerveau, les médicaments ont rééquilibré la circulation des neurotransmetteurs : il en feuillette encore quelques-unes avec son thérapeute puis il disparaît comme il est venu, sans dire merci, ce qui, semble -t -il, est plutôt bon signe...

Au-delà du vécu global de la relation, ce que le thérapeute dit en séance peut ébranler également la « déclinaison dépressive » du jeune ; il sème des graines d’idées qui feront réfléchir autrement. C’est bien plus que de la technique cognitiviste ; c’est le droit - et le devoir- que le thérapeute se donne à se différencier, à faire part de convictions précieuses, de petits bouts de son histoire de vie à lui...C’est le droit qu’il se donne de critiquer le pessimisme et les fausses croyances du jeune, clairement mais gentiment, sans le culpabiliser : « Je ne partage pas ton pessimisme sur toi lorsque...J’ai un autre point de vue... Je comprends autrement ce qui est arrivé ». C’est le droit encore de souligner le poids anormal d’événements négatifs qui ont traversé la vie de certains jeunes, sans qu’ils les aient le moins du monde cherchés : « Ce n’est pas très juste, tout ce qui t’arrive là... tu as bien du courage à rester debout comme tu peux », etc. A adapter aux circonstances et aux personnalités de chacun : « Réfléchis à ce que tu penses aujourd’hui, remets-le éventuellement en question à la lumière de ma différence d’idées, que je te partage amicalement ».             
Et alors, s’il existe cet intérêt profond et cet engagement de soi, nous continuerons certes à traverser, adolescent et thérapeute , bien des moments difficiles, via les silences, les énonciations noires et l’irritabilité du premier, et via les angoisses et l’incertitude à parler juste du second ; Et pourtant,  plus fondamentalement que ces nombreux orages, nous pourrons vivre cet apparent paradoxe que soulignent les auteurs dans leurs conclusions (p. 130) : « …. De la même manière qu’en consultation nous jouons avec les enfants, selon les merveilleux conseils du Dr Winnicott, lorsque nous accueillons un adolescent, a fortiori dépressif, nous nous efforçons également de «jouer». La chose est donc plus naturelle, en réalité, quintellectuelle. Nous nouons, dans une tentative de plaisir partagé, un dialogue spécifique et unique dans lequel il tente de se dire, d’être accompagné et de mobiliser de nouvelles perspectives au service de l’histoire, à la fois concrète et émotionnelle, de sa réalisation personnelle ».

NOTES 

 1]  Emprunté à Molière, Les Fourberies de Scapin, 1671.

[2]  Même si l’adolescent apprécie parfois l’aloneness, il est le plus souvent très meurtri par le loneliness.

[3] J’aime beaucoup le terme « hors norme ». Il convient parfaitement à mon « adolescent Intérieur ». Il ne signifie pas « hors des Lois universelles, anti-sociales » mais plutôt « libre ; pas prisonnier des conventions sociales mineures ; pas prisonniers des textes et des écoles ».

[4] p. 110 : le héros, celui qui fait une ré appropriation historique de sa propre histoire, c’est à dire qui protège et sert l’œuvre.

[5]  Moi aussi,  comme les auteurs, j’aime beaucoup D. Winnicott. Un jour, il fit cette célèbre déclaration  «  La vraie bonne mère n’est jamais qu’une mère « suffisamment bonne ». Il voulait dire par là que la perfection n’est pas de ce monde et que même nos meilleures réalisations positives comportent des failles. Et donc, en transposant ses dires, les meilleures des familles ne sont jamais parfaites, elles sont tout au plus « suffisamment bonnes ! (D Winnicott, De la pédiatrie à la psychanalyse, Payot, 1974)

[6]  Le but est que l’ado « achève » une petite tâche, connaisse alors un sentiment de réussite et modifie ainsi lentement son image de soi.

[7] Les auteurs reconnaissent plusieurs vertus à l’hospitalisation, au moins dans les cas graves, et je partage leur avis sur bien des points. (P. 114 et sq.).     
Un bémol cependant : ils présentent aussi l’hôpital comme une protection (efficace) quand l’adolescent est suicidaire . Qu’il protège contre de dramatiques montées d’angoisse en famille, susceptibles de précipiter le passage à l’acte, oui ! Que l’hôpital fasse de son mieux pour veiller sur l’adolescent en danger, oui ! Mais l’efficacité totale n’est jamais garantie : précisément parce que ce sont des cas graves et que nous ne sommes pas plus forts que la mort ! . 

[8] Je vous invite à lire à ce propos le chapitre Être pédopsychiatre et psychothérapeute, p.9-29 in J-Y Hayez, Psychothérapies d’enfants et d’adolescents, Paris, P.U.F. 2014

 

BIBLIOGRAPHIE 

J-Y Hayez, Psychothérapies d’enfants et d’adolescents, Paris, P.U.F. 2014

D Winnicott, De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot, 1974