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Une première description des faits:

Une maman m’écrit en urgence sur le conseil de son pédiatre:

Depuis 48 heures, Romain (18 mois) hurle et se débat chaque fois qu’on veut le changer. C’est arrivé en une fois, au premier "change" après son retour de la crèche où il est habituellement heureux d’aller.

J’ai un échange verbal avec la maman sur Skype et je me fais raconter progressivement ce qui suit:

Les parents ont l’impression que Romain veut davantage protéger son zizi - ou du moins son "devant" - que son derrière. L’observation minutieuse de toute la zone, tant par eux que par le pédiatre, n’a rien révélé: pas de lésion, pas de fissure anale ni de signe inflammatoire, pas de signes de détresse qui pourraient être liés à la miction ni à la défécation, rythme et formes des selles et de l’urine normales...rien ... l’état général de Romain semble par ailleurs excellent.

On le change quand-même comme on peut, sous ses hurlements puis il se calme rapidement et ça recommence la fois d’après.

Interrogée soigneusement, l’équipe de la crèche – d’assez grande dimension – ne se souvient de rien d’anormal. (Vous verrez par la suite que tout le monde oublie provisoirement un élément de contexte très important, parce que supposé très joyeux) Romain ne semble pas avoir été agressé par quiconque. Il y a été changé comme d’habitude. On n’y a pas commencé non plus l’apprentissage de la propreté, pas plus qu’il n’a pas existé de manœuvre de décalottement (l’enfant n’en a pas besoin).

Pas d’incident repéré non plus à la maison, où le lien parents-enfant semble tout à fait positif. Mais inévitablement, l’ambiance à la maison est très tendue car les parents sont très insécurisés par ces crises de Romain.

Mes hypothèses:

Difficile d’avoir des certitudes dans un tel contexte! Voici plutôt des hypothèses présentées par ordre de probabilité décroissante, et que je discute avec les parents:

  1. Romain s’est senti brusquement agressé par une de ces mystérieuses perceptions sensorielles qui effraient très fort les bébés (un bruit ... une grimace ... un autre qui se précipite sur lui) et ceci juste au moment où on le changeait. Et il a associé "change – événement traumatisant".

  2. Juste au moment où on le changeait, Romain a fait un gros pipi majestueux et pour la première fois de sa vie, il a compris que ce liquide sortait de son pénis et il en a eu très peur, d’autant qu’il n’avait pas le moyen d’arrêter le jet (à cet âge, il ne peut pas le contrôler!). J’ai déjà connu deux cas de ce type.

  3. Quelqu’un – adulte ou enfant – a malmené voire pincé le sexe de Romain, sans volonté de lui nuire ou intentionnellement, sans que cela laisse de traces. Et il a eu très mal et très peur.

  4. Autre hypothèse, pas très plausible pour un petit garçon de cet âge, mais qui l’aurait été davantage s’il avait eu trois, quatre ans: Romain a vu une petite fille toute nue, a constaté l’absence d’un pénis sur elle, et a eu très peur que le sien s’envole aussi.

  5. Facteur d’entretien chronologiquement secondaire: Romain est stressé par les gestes diagnostiques et par l’angoisse des adultes après coup. Il a été examiné sous toutes les coutures. On continue peut-être à parler beaucoup de son mal-être en sa présence. Peut-être les parents sont-ils trop lents, trop hésitants, trop insécurisés eux-mêmes au moment des changes aujourd’hui.

Discussion:

Les hypothèses 1 et 2 (et 3?) ont au moins un point faible, celui que l’équipe de la crèche dit n’avoir rien remarqué! Ou le prétend! Peut-être une puéricultrice sait-elle quelque chose, mais le garde-t-elle farouchement pour elle, soit qu’elle n’ait pas assez bien veillé sur l’enfant, soit qu’elle ait laissé s’effectuer une manœuvre perverse.

En ce qui concerne la première hypothèse, il n’est pas impossible que ce soit à la maison que Romain ait fait l’association "change – danger" et que les parents n’aient pas remarqué ce qui l’effrayait vraiment, mais ce n’est pas très plausible non plus! La cinquième hypothèse (les facteurs d’entretien) est très importante et l’on n’y pense pas souvent assez.

Recommandations faites aux parents:

  • Réinstaller de la discrétion et du calme autour de Romain. Ne pas le mettre au centre de l’attention autour de sa difficulté du moment.

  • Le changer vite et bien sans trop de commentaires, sans avoir l’air de lui demander la permission (les parents me signaleront à ce propos que ça va un peu mieux quand c’est sa grand-mère qui le change, mais il hurle toujours quand on veut laver son zizi. Tant mieux si la grand-mère est disponible! Tant pis si le zizi est moins brillant – parfumé pendant une quinzaine de jours, en espérant qu’il ne s’attrapera pas une balanite).

  • A la crèche, le faire changer vite et bien par une puéricultrice expérimentée, en veillant pendant quelque temps à le faire dans un endroit d’aspect agréable et qui soit différent de celui où il a pu être traumatisé.

Par ailleurs, les réactions qui ont accompagné la souffrance de Romain ont été sont suffisamment intenses pour accroître de façon diffuse le niveau de vigilance et de prudence au sein de la crèche. Poursuivre l’enquête sur d’éventuelles responsabilités plus directes ne donnera pas de résultat et sera même contre-productif, en maintenant trop une ambiance de stress.

  • Après le change et quand Romain s’est calmé, lui faire passer un message verbal énonçant que: "Papa et maman (et sa puéricultrice) sont là pour protéger son zizi et son pett. Rien de mal ne va arriver à son zizi et à son pett. Son zizi et son pett sont très jolis, très forts et il les aura pour toujours. Le zizi, ça sert à faire sortir le pipi. Le pipi c’est comme de l’eau, c’est gentil, ça ne fait pas de mal aux enfants." Pas tout ce long discours chaque fois mais des éléments bien choisis, en fonction de l’intérêt et de la résonance de l’enfant.

  • Eventuellement, d’ici trois quatre semaines le papa (ou un grand frère) peut dire à voix haute et mine de rien: "Tiens, je dois aller faire pipi." et demander à Romain: "Tu veux venir avec moi, pour voir comment c’est?" Mais sans insister s’il n’est pas intéressé ...

  • Continuer à observer Romain discrètement, et me faire part d’éléments nouveaux.

La maman me répond:

Bonsoir. Merci pour toutes ces pistes...je dois dire que l'hypothèse du "bruit" ou "évènement qui aurait pu le stresser" me paraît très plausible.
Ce jour-là, c'était le carnaval à la crèche donc beaucoup de bruit, des déguisements et de la musique ... J'ai vu les photos prises ce jour-là ... Romain n'avait vraiment pas l'air en forme: crispé ... quasi en larmes ...
Nous avons connu un mieux vendredi mais ce week-end, c'était à nouveau très difficile ... Toujours ces crises de larmes et ces jambes pliées qui nous empêchent d'accéder au zizi.
Nous avons appliqué vos conseils ... j'avoue que ce n'est pas simple pour moi mais je m'améliore, je pense. Pour le reste, Romain est en forme 
Demain, retour à la crèche.
J'ai "débarqué" à la crèche vendredi, sur le temps de midi. J'ai eu l'occasion de rencontrer la majorité des puéricultrices ... j'avais imprimé votre courriel de recommandations et l'ai parcouru avec elles. Je pense qu'elles vont tout faire pour que tout se passe bien avec Romain dès demain. 
Merci et j'espère pouvoir vous donner de bonnes nouvelles dans les prochains jours. 
Bien à vous,

(Et avant de répondre, je me fais la réflexion: Et dire que personne n’avait songé à me parler tout de suite du Carnaval! on se focalise "logiquement" sur des expériences "objectivement" traumatisantes pour les adultes, et on ne pense pas assez à la subjectivité du petit enfant: pour lui, un événement extra-ordinaire, intense, "objectivement" joyeux peut s’avérer tout aussi traumatisant. Question subsidiaire: est-il vraiment indispensable d’organiser une fête de ce type pour de si petits enfants? Masques, lancer de cotillons ou de confettis, danses un peu excitées, en ont-ils vraiment du bénéfice?)

Et je réponds donc:

Patience! Ma première hypothèse se renforce encore: par exemple, au moment du change, une puéricultrice ou un enfant déguisé, en tout ou en partie, que Romain ne reconnaît pas! Et ce joyeux inconnu se précipite sur lui pour le faire rire, ou/et lance confettis ou cotillons sur son corps, entre autres sur son zizi... Romain hurle tout de suite et bien sûr la (le) responsable ne s'en vante pas.

Laissez passer le temps de la façon la plus neutre possible et n’oubliez pas de lui parler par petites séquences.

Amicalement.

La maman me répond:

Bonjour, je reviens vers vous car je reste inquiète ...
Certes, plus de crises de larmes au moment des changes mais toujours pas d'évolution pour le reste: Romain plie toujours les jambes au moment du change et refuse qu'on lave son zizi, que ce soit sur la table à langer ou dans le bain...pour lui mettre un nouveau lange, c'est également très difficile ... cela fait plus de deux semaines maintenant ... est-ce normal?
A la crèche, même chose ... mais très souriant le matin et pas de pleurs quand je pars. Il a l'air heureux d'y aller.
J'ai remarqué qu'il tire très souvent sur son pantalon ou au niveau de son lange quand il est debout. Ca me semble être un "tic".

Je lui réponds:

Chère Madame, Patience et confiance!

Le traumatisme a dû être très fort et aucune de mes trois premières hypothèses n’est impossible. Les petits enfants ont besoin de sérénité et de stabilité, et la fête de Carnaval à la crèche (avec des masques ...) ce n’était vraiment pas une bonne idée.Si Romain a été fort traumatisé, il peut mettre jusque deux mois à oublier.

Espérons donc que son zizi est bien lavé par le seul trempage du bain et qu’il ne fera pas de balanite sous le prépuce ...

Et pour le reste, essayez de concrétiser le conseil un peu paradoxal que je vous ai donné:

  • Vous montrez comme détachés, indifférents, banalisant par rapport à cette difficulté; n’en parlez pas devant lui ...
  • Mais dites-lui quand-même à l’occasion, mine de rien, par petites touches: "Tu as un joli zizi ... ton zizi, il est à toi, il sera toujours là ... Papa et Maman veillent sur toi, sur ton corps, sur ton zizi ... jamais on ne lui fera de mal. Etc." (des petites phrases de ce genre).
  • Je reste avec l’idée que d’ici plus ou moins dix jours, papa (ou un grand frère) peut signaler ostensiblement: "Je vais faire pipi à la toilette (ou dans le jardin ...) ça c’est gai!" Et voir si Romain montre de la curiosité.

Tenez-moi au courant s’il se passe des choses inattendues.

Amicalement.

 

 

Mots-clés:

PTSD, vécu subjectif post-traumatique chez un tout petit, angoisse traumatique, angoisse traumatique chez un tout-petit, traumatisme psychique chez un tout-petit, panique chez un tout petit