3.2.1 Enfants&ados "normaux" ou préoccupants; fonctionnements psychiques

Articles qui décrivent des aspects normaux ou préoccupants  du "fonctionnement psychique" des enfants et des adolescents . Description de quelque situations familiales ou sociales difficiles pour eux. 

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ARTICLES PLUS ANCIENS : Ils faisaient partie de mon enseignement universitaire jusqu'en 2007-2008 ;leur aspect est parfois un peu vintage mais j'assume toujours l'essentiel des descriptions qui y sont faites:  Anorexie mentale de l'adolescent ; Carence affective (ou trouble de l'attachement) / Causes et signes ;  Carence affective (ou trouble de l'attachement)/ Les soins; restaurer la confiance de base) Crise d'adolescence "normale" ;  Enfant de 0 à 6 ans: développementy affectif ;  Imag ination de l'enfant ;Névrose ou troubles névrotiques chez l'enfant et le préadolescent (lire note 1) ; Psychoses de l' adolescent ; Psychoses de l' enfant et du préadolescent 

Note 1: Les anglo-saxons ont voulu faire disparaître le concept et le terme "Névrose", de la nomenclature..pourtant, des conflits intra-psychiques insolubles continuent à habiter l'enfant, avec leur cortège de refoulement, de mécanismes de défenses et de symptômes invalidants... Modéliser la névrose permet de planifier un traitement adapté....

 

 

 Définition et discussion

  

La carence affective, c'est l'ensemble de pensées et de sentiments pénibles et de comportements qui les expriment, et qui résultent d'un non-investissement ou d'un rejet précoces et prolongés de l'enfant. C'est un trouble de longue durée, dont il n'est pas certain qu'on puisse guérir radicalement celui qui en est porteur, même en le réinvestissant et en lui donnant des signes nouveaux de sa valeur. 

 

 Synonymes et répertoriage dans les nosographies

 

Pour désigner l'état de carence affective d'un enfant à partir de l'âge de deux, trois ans, on parle aussi d'abandonnisme, d'enfant abandonnique, de névrose d'abandon, ou de syndrome d'abandon. Lorsque le tableau clinique se manifeste déjà chez le bébé, on parle aussi d'hospitalisme. Inconstamment, une minorité de ces enfants peuvent présenter un retard de croissance lié étiologiquement et de façon importante à l'hostilité dont ils ont été et sont l'objet : alors, on parle parfois de " failure to thrive ", dans la littérature usuelle anglo-saxonne et de " retard de croissance psychogène " dans le CFTMEA ). 

 

 Etiopathogénie 

 

- Bébés qui, pendant longtemps, ne reçoivent pas leur compte en nourrissage " spirituel " ( cfr supra : affection, protection, stimulations, langage ) ; voire même, remplacement du nourrissage positif par de l'hostilité ; ou encore, discontinuités importantes dans les sources de nourrissage, exercées dans le chaos, sans souci que le bébé s'y retrouve, avec, en résultante moyenne, un investissement assez faible de lui. 

- Dans des conditions normales d'éducation, le bébé introjette un fond stable de représentations mentales positives, issues des expériences gratifiantes majoritaires qu'il aurait faites : on dit qu'il est doté d'une bonne " confiance de base ". 

Ici, l'inverse se produit : l'enfant est majoritairement vide de représentations bienveillantes ... voire rempli de représentations hostiles, en vertu desquelles il se sent en permanence non-important, disqualifié ou/et menacé d'agressions. 

- Il s'en suit des comportements eux-mêmes peu gratifiants, et destinés à tout le monde, souvent à l'origine de " cercles vicieux ". 

N.B.    Qu'arrive-t-il lorsque ces expériences d'indifférence ou d'hostilité arrivent plus tardivement dans la vie de l'enfant ? La réponse est liée à la qualité de " confiance de base " préalable dont il était doté : 

- Si celle-ci était précaire, une carence affective claire et nette peut s'installer. 

- Sinon, l'enfant peut assumer son sort, continuer à croire à sa valeur et réaliser positivement leur potentiel : enfant résilient dit-on aujourd'hui. 

- D'autres refoulent efficacement leur souffrance morale du moment et, forts de leurs acquis précédents, décident de " rouler pour eux tous seuls " en parfaits matérialistes ( porte ouverte vers la délinquance essentielle), ou, pire encore, ils décident de se venger en faisant le Mal ( porte ouverte vers la perversité). 

 

D - Clinique 

 

Chez le bébé 

 

Dans les rares cas où la négligence affective ou/et l'hostilité sont très précoces et intenses, le bébé manifeste rapidement les signes de l'hospitalisme : tristesse entrecoupée de moments de protestation geignarde, d'irritabilité ; repli sur soi, apathie, absence d'intérêt pour l'environnement ; éventuellement, somatisations ( par exemple, vomissements ) ou/et troubles des conduites psychophysiologiques ( par exemple, anorexie, sommeil difficile ) sensibilité aux infections ; retard de croissance, jusqu'à la cachexie et la mort. 

 

Chez l'enfant plus âgé : 

 

1*)  Signes centraux : La carence affective se représente mentalement, se vit ( affects ) et s'exprime comportementalement, pour ce qui est de son noyau le plus central : 

- -Surtout avec une tonalité de désespoir et d'auto-dépréciation : " On ne m'aimera jamais ... et je ne vaux rien " .

S'en suivent : un fond de passivité, avec au mieux, des velléités d'entreprendre quelque chose, suivi de découragement rapide. 

-- Chez d'autres, le tableau clinique est plus bruyant, et se rapproche fort de celui de la dépression

-- ou encore, surtout avec une tonalité agressive, jusqu'à la haine.

2*) Tentatives de compensation à l'oeuvre chez une partie de ces enfants : 

-- Recours à la captativité : « cannibalisme affectif » ... les petites frustrations, voire les mises à distance ou les rejets émanant des personnes " cannibalisées " sont souvent vécues très dramatiquement ... Ou alors, le sujet " débranche sèchement " la relation et part immédiatement à la recherche d'une autre " Bonne Mère ". 

-- Soit encore, recours à des fabulations tenaces. Par exemple, fabulation isolée de certains enfants vivant en institution depuis toujours : " J'ai une mère adorable qui m'attend quelque part ". Par exemple, fabulations diffuses d'autres enfants, portant à la fois sur le danger, puis sur leur valorisation narcissique :" Des bandits pillaient une banque, et je les ai arrêtés ( sous-entendu : et donc, on m'a enfin reconnu et aimé !  

-- Repli positif (vaille que vaille) sur soi : l'enfant ou l'adolescent essaie, tout seul, de se dire qu'il ne peut compter que sur lui, et, qu'après tout, il a le droit de se faire du bien, sans trop de considérations pour les autres, par nature si égocentriques. Dans cette perspective, il est plutôt rare qu'il s'en tiendra à de simples " auto-chouchoutages " acceptables. Plus souvent, il se donnera des plaisirs à risques : consommation de produits anesthésiants de son inconfort ( alcool, drogues, médicaments, inhalants des enfants de la rue ...), ou il passera par des actes antisociaux, destinés à augmenter son confort ( vols ), mais aussi à montrer sa haine de la société ( destructions ). 

Parfois cette dimension de " haine affichée " face à un ordre social persécuteur est vraiment forte, jusqu'à relever d'une sorte d'ivresse de toute-puissance ( une des significations du terme " psychopathie " ). 

-- Mise en place de masochisme : l'enfant parvient à vivre un plaisir corporel diffus au moment d'une expérience relationnelle négative ; il peut en devenir dépendant, et donc, en provoquer activement le retour : par exemple, enfants peu aimés, à la limite d'être l'objet de violence, et qui se fixent dans des comportements d'échec exaspérants pour autrui. Il peut s'en suivre une exacerbation de la violence dirigée vers l'enfant : en miroir, chez l'adulte, elle se teinte d'une dimension sadique ... De loin en loin, un enfant battu meurt, prisonnier avec son entourage de cette logique masochico-sadique. 

 

Le traitement 

 

- Attitudes portant sur la vie quotidienne : apparemment, c'est simple : le réinvestir avec persévérance, fidélité, sans se laisser rebuter par ses actes de méfiance et d'agressivité ; mettre des limites à son éventuel cannibalisme, et prendre l'initiative de revenir vers lui s'il supporte mal les frustrations qui s'en suivent ; le revaloriser ; l'aider à identifier ce qu'il y a de bon en lui ; être tolérant face à ses incapacités ( achever des projets ). 

- Les cas plus graves bénéficient d'une thérapie individuelle conjointe mélangeant interprétations et encouragements à de nouvelles habitudes sociales. L'écueil possible, c'est que l'abandonnique ne la vive que comme un lieu seulement destiné à se réapprovisionner en amour.

 

 

   paru dans la revue belge de l'UNESSA Ethica clinica, 2021, 101- maladies de jeunesse, n° sur l'adolescence

DEFINITION ET GENERALITES

Le terme « discernement » est à géométrie variable selon les auteurs qui en parlent et selon les contextes. Il va et vient de façon mouvante en chacun, notamment pendant l’enfance et l’adolescence[2], où il se structure progressivement. 

1.Son noyau central, c’est une opération cognitive relativement complexe qui nous fait « capter … piger » adéquatement ce sur quoi nous nous centrons et travaillons mentalement.

Adéquatement ? voilà bien le hic, la difficulté la plus radicalement insoluble de cet article : Ce sont des tiers, essentiellement des adultes supposés sages, savants et expérimentés qui statuent sur ce qu’est la bonne connaissance de la réalité et donc sur l’effectivité du discernement. Plus bas dans le texte, quand je parlerai des altérations graves et des falsifications, ce seront eux aussi qui statueront.

 Je suppose qu’ils constituent un « Tiers social » capable d’une évaluation objective « suffisamment bonne »[3] …mais in fine, nombre de leurs certitudes restent incertaines à des degrés divers : Galilée a dû affirmer que la terre était plate, face aux sages de son époque.

 

Dit de façon plus scientifique : La faculté de bien apprécier les choses (Mabaka, 2012) ; la capacité de distinguer une chose d’une autre, et donc l’aptitude à choisir (Henaff, 2010) ; la faculté de reconnaître la nature réelle d’une situation, finement, distinctement, via l’opération des sens et de l’esprit (Wikipedia). C’est donc tout le contraire des erreurs de bonne foi, des sophismes, des affirmations idéologiques, de l’impuissance mentale, des mensonges et de l’autosuggestion, de la confusion mentale ou du délire.

Le discernement commence souvent par une intuition, c’est à dire une prise de conscience globale, immédiate, subjective, individuelle qui est prolongée et affinée par un mélange en proportions variables d’expérimentation et de processus cognitifs comme la capacité de représentation et de synthèse mentale, le raisonnement, la capacité de comparaison, l’anticipation, etc.

  1. Le discernement n’est pas un tout ou rien. Il se met en place progressivement, avec une richesse ou une pauvreté variable d’une personne à l’autre. Les champs où il peut s’appliquer sont innombrables, et, pour chaque personne, il n’ a pas nécessairement la même qualité pour chacun d’eux. On devrait donc statuer en fonction de la personne, du contexte et en référence à son champ d’application du moment.

Parmi ceux-ci, je cite, sans vouloir être exhaustif : 

- L’appréhension des données d’une réalité concrète, matérielle, vivante ou humaine (soi-même ou les autres) ; la capacité d’en faire une représentation mentale de synthèse, qui en inclut les composants importants.

- Si ce sont des réalités humaines, s’exerce en outre « l’intelligence sociale » qui capte le monde intérieur, les sentiments, les états d’âme, et les idées non-dites de soi ou des autres.

- Une opération dans la durée : saisie des données d’expériences passées, voire de l’Histoire, et de leur sens ; capacité d’anticipation : probabilité (s) d’évolution des choses, spontanément ou en référence à des choix posés ; capacité critique ;évaluation des dangers, des risques, des bénéfices ou des torts à venir  ; saisie des buts, des intentions, des effets et résultats escomptés, etc.

- Capacité d’évaluation morale  : Qu’est-ce qui est permis et défendu ? Jusque dix-onze ans, la morale est dite « conventionnelle », et l’enfant assimile le permis et le défendu avec le Bien et le Mal. Après, une conscience morale autonome est susceptible de s’installer, et le préado puis l’ado, peuvent dissocier en partie le permis et le défendu et le Bien et le Mal, notions qui leur sont souvent en partie au moins énoncées par autrui, mais sur lesquelles ils font in fine un travail d’appréciation personnelle.

  1. L’ opération centrale du discernement concerne donc la perception adéquate, la représentation et le raisonnement.

Tout peut alors se passer dans le mystère d’une méditation silencieuse et s’y limiter ; on le constate régulièrement chez des jeunes introvertis, secrets, mais qui peuvent montrer par leur comportement qu’ils ont bien compris les enjeux d’une situation

Plus souvent, spontanément ou en réponse à des questions, les jeunes expriment plus ou moins complètement ou/et sincèrement ce qu’ils ont discerné. Parfois, ils n’osent pas se livrer, sont honteux de le faire ou sont en opposition avec l’adulte. Alors ils peuvent se bloquer, mentir, ne livrer que de tout petits bouts de ce qu’ils pensent. La question de la concordance entre leur intériorité et leur expression doit toujours être posée et analysée, surtout s’il s’agit de matières graves et délicates, comme la mort, la sexualité, la séparation du couple parental, un acte antisocial commis, etc.

  1. Le discernement inclut la capacité de faire des choix et de décider de façon responsable :

 « Le discernement consiste en une maturité cognitive et émotionnelle suffisante pour comprendre le but, les effets et les conséquences d’un choix » (Mirabaud, 2013).

 Cette affirmation doit cependant se nuancer : 

- D’abord, c’est dans l’exercice de l’anticipation que les enfants et même les adolescents sont les moins compétents. Ils vivent d’abord et avant tout dans l’immédiat et ne se projettent dans l’avenir que sur des durées courtes : quelques semaines, au terme desquelles arrivent les grandes vacances …

- Se pose aussi la question du conformisme ou de l’anticonformisme. Elle se pose pour tout le monde, mais spécialement pour les mineurs d’âge, j’y reviendrai en détails un peu plus loin. Pour faire bref, notre travail mental n’est jamais celui d’un pur esprit ni d’une volonté et d’une liberté totalement indépendantes des influences et attentes de l’environnement. Notre discernement n’est jamais totalement autonome, solitaire, coupé de l’opinion des autres. Dans de nombreuses situations, l’influence d’autrui n’entraîne pas de lourdes et dramatiques erreurs ni gauchissements des choix. Parfois hélas, ce n’est pas le cas.

LE DISCERNEMENT CHEZ LES MINEURS 

 

 

Il n’existe pas d’unanimité à son sujet : leur faculté à discerner est très diversement appréciée par la communauté, tant celle des scientifiques que celle des éducateurs et autres témoins de sa vie. Il est loin, le temps où la Bible avait fixé l’âge de raison à sept ans, en faisant de cette affirmation une référence indiscutée ! 

De nombreux écrits émanent du monde juridique, discutant le discernement du mineur autour d’actions délictueuses, sa responsabilité et le bien-fondé de sanctions éducatives ou pénales visant son âge. Les opinions des auteurs vont un peu en tous sens.

On retrouve les mêmes divergences en droit civil, dans les lois qui définissent la citoyenneté, ses droits et ses devoirs. Je vous invite à relire à ce propos la recension que j’avais faite à propos de la gestion de leur corps par les mineurs[4]  : par exemple le mineur, de par sa seule décision ,et après vérification de son discernement- dont on le croit donc capable !-  a le droit de changer son prénom de genre dès 12 ans[5] ; il a le droit à la contraception, à l’avortement, à refuser qu’on lui prélève des organes après sa mort. Il a même le droit de demander l’euthanasie[6] … Mais il n’a pas le droit de vivre des relations sexuelles avant 14 ans, et ici avec nombre de restrictions, et avant 16 ans, avec beaucoup moins[7] ; il n’a pas le droit d’interrompre sa scolarité avant 18 ans et de vouloir travailler précocement, etc.

Et dans le domaine pénal, en Belgique, on continue à parler de « protection de l’enfance » jusque 18 ans. Cette philosophie de la protection connote l’idée de l’existence d’un discernement et d’une responsabilité progressifs, mais vise plutôt l’éducation que l’application de vraies peines avant 18 ans[8]. C’est une position que je trouve positive et constructive, mais aujourd’hui, de lourdes pressions sécuritaires voudraient abaisser l’âge de la responsabilité pénale. Et on a fixé à 14 ans l’âge où un mineur pouvait être frappé d’une amende administrative par des autorités communales. N’est-il pas illogique de distinguer des incivilités légères, susceptibles d’être punies directement et des actes plus graves, relevant de la philosophie de la protection ?

Bref, ça tire à hue et à dia, et pas toujours en référence principale à des convictions scientifiques ni éthiques : il existe bel et bien une « instrumentalisation » de la notion de discernement chez le mineur : on invoque son existence si ses choix correspondent aux attentes sociales, mais on le conteste si son choix dérange les idées fortes du moment. Par exemple, une idée contemporaine forte, par les temps d’égalitarisme qui courent, c’est qu’après séparation parentale, l’hébergement égalitaire est la seule bonne voie d’épanouissement pour les enfants. Et donc, l’enfant qui a l’air de ne pas en vouloir, parce qu’il se sent beaucoup mieux chez le parent A, ou parce qu’il est très fâché sur le parent B ou a remarqué le manque de vrai amour de celui-ci, cet enfant-là est vite réputé être ’ « aliéné » par le parent A …

Face à cette disparité, je me sens autorisé à vous faire des propositions personnelles. Elles s’appuient sur mon expérience de vie, sur celle de quarante-cinq ans de rencontres professionnelles avec des milliers d’enfants et d’adolescents, et enfin sur mes lectures et dialogues avec les opinions de bien d’ autres. 

S’appuyer prudemment sur des guidelines

Il existe des guidelines, des repères, mais ceux-ci n’ont jamais qu’une valeur statistique, donc à manier avec prudence !  Pour les principaux, on peut se référer à :

  1. L’âge (oui, évidemment quand-même !) A.C. Van Gysel (2004) dit : « Si l’enfant est doté de discernement – ce que l’on doit présumer à partir de douze ans – il devrait être associé au choix de son nom patronymique. » Moi-même, dans un autre ouvrage (Hayez, 2007), j’écrivais : « Une connaissance adéquate de la réalité externe concrète s’installe largement pendant l’âge de l’école primaire : les enfants de huit-neuf ans, d’intelligence normale et hors maladie, la connaissent bien. » Et un adolescent suisse, dans un groupe consacré au discernement en matière de santé, exprimait : « Je pense qu’on acquiert le discernement tout au long de son enfance et de son adolescence, que le chemin que fait chacun est individuel et aussi que ça commence déjà tout petit.» (Mirabaud, 2013)

 2.L’impression globale soit de maturité, soit d’immaturité qui se dégage de la personnalité du jeune, tant observée dans son quotidien que repérée via des entretiens spécifiques. (Mabaka, 2010)

  1. L’équipement en intelligence. Avant l’âge de trois ans, il est très peu probable que l’intelligence se soit suffisamment déployée, au-delà de l’identification de situations très concrètes et familières, que pour parler vraiment de discernement.

Attention, il ne faut toutefois pas en déduire que l’enfant de moins de trois ans est incapable de tout repérage concret ou de toute réévocation sensée. Il peut déjà identifier ce qui est spécial, hors codes de conduite habituels, hors-quotidien, et en faire part à quelqu’un en qui il a confiance, et ceci avec ses moyens d’expression limités. Je fais référence par exemple ici à des agressions corporelles, notamment sexuelles, qu’il aurait subies, même si elles prennent des formes séductrices et soft. Il en parle alors assez souvent en différé ou il rejoue celui-ci avec ses poupées, lors d’une expérience anodine et vaguement évocatrice de l’abus. Malheureusement, on prend très régulièrement prétexte de son très jeune âge pour ne pas le croire et ne pas l’aider[9] !

On peut raisonner de la même manière pour ceux qui sont porteurs d’un retard mental, au fur et à mesure qu’il s’accroît en gravité, ou pour les psychotiques et les autistes. Leur discernement est souvent erratique ou diminué, de là à dire qu’il n’existe jamais …

... ai 04 Autisme ...

Leonardo di Caprio, jeune autiste de 16 ans dans le superbe film: What' eating Gilbert Grape (Hallström, 1993)

 4.L’ignorance ou son inverse, la richesse des connaissances déjà acquises, qui a des répercussions sur l’élaboration et l’adéquation cognitive du discernement. Mais pas sur l’intuition, ni sur le discernement de réalités plus existentielles : les états d’âme des adultes proches, les menaces sociales, la maladie et la mort, etc. 

 5.La sérénité de l’ambiance ou l’existence d’émotions fortes dans le monde intérieur du mineur. Ces dernières brouillent toujours l’exercice de la cognition, qu’il s’agisse de l’excitation sexuelle, de la joie, du stress, de la dépression, etc.  

Le discernement est susceptible d’être dissocié de l’ âge. 

  1. 1. J’ai connu nombre d’enfants très jeunes qui, porteurs de mystérieuses antennes sensibles, avaient déjà une capacité de discernement significative. Elle portait régulièrement sur des réalités existentielles, affectives et sociales parfois lourdes, alors que la complexité du réel concret leur échappait parfois davantage[10], infiltrée par le travail compensatoire de leur imagination. 

Certains étaient à même d’énoncer verbalement leur discernement ; d’autres en faisaient part dans leurs dessins et dans leurs jeux. « Tu es triste, maman ? » dira tel petit de trois ans et demi qui « sent » bien que ça ne va plus très fort dans le couple parental. Malheureusement, il s’entendra trop souvent répondre : « Non, maman a juste une poussière dans l’œil. » 

 Voici une illustration plus détaillée de cette capacité, extraite du livre   La parole de l’enfant en souffrance (Hayez, de Becker, 2010, p. 117) 

. "...Grégoire, quatre ans, rend visite à son arrière-grand-père à l'hôpital. Bardé de tuyaux, le vieil homme dort profondément, en phase terminale dans un service de soins palliatifs. Grégoire se renseigne sur l'appareillage et ajoute gravement, les jambes un peu ballantes sur le lit où il est assis, comme une affirmation tranquille plutôt que comme une question : « Alors, il va mourir, bon-papa ? »

Les deux premières années de la vie de Grégoire, le vieux monsieur était encore en bonne santé et il existait entre lui et son arrière-petit-fils une touchante connivence affectueuse. Aussi, lorsque Grégoire se retrouve peu après dans la salle « spirituelle-œcuménique » de l'hôpital, il observe les adultes qui se recueillent et il dit spontanément : « Moi,  je prie pour mon ami, Bon-papa Roland. »

Deux jours après, il est encore au chevet du mourant. Il va vers lui, met sa petite main dans la sienne, déjà inerte, et commente tout haut, d'une voix paisible : « Bon-papa Roland, je serai toujours ton ami. »

Brave petit psychothérapeute de quatre ans qui est le premier à mettre des mots sur ce qui étreint la poitrine des adultes ! Heureusement, ici, la famille présente ne fait pas ce que l'on fait si souvent : blesser le tout-petit en déniant et en lui faisant croire qu'il n'a rien ne compris à rien. Un petit choc d'émotion passé, on accueille la parole de Grégoire et, un peu sous le prétexte de l'aider, lui, à bien comprendre ce qu'il a déjà compris pour l'essentiel, on parle de la mort toute proche de l'aïeul, de ce qu'elle est et des sentiments qu'elle suscite." 

  1. A l’inverse, nombre d’adolescents sont habités par un vécu de toute-puissance, par des désirs de défi et de transgression ou/et par le besoin d’éprouver des sensations fortes à tout prix ; ils s’aveuglent donc sur les conséquences de leurs choix : on les voit alors prendre des risques inconsidérés, jeter des pierres du haut d’un pont d’autoroute ou malmener des petits pour se sentir vivre, sans mesurer le danger qu’ils courent ou font courir ou le tort qu’ils génèrent.

J’ai fait cette constatation un certain nombre de fois en matière sexuelle : Tel ado souvent jeune, réputé « normal » voire fort sociable, s’en prend sexuellement à un cadet (sa sœur de dix ans – voire un tout petit) : il séduit, promet, joue plus ou moins de son autorité, puis cherche son plaisir et ne se rend pas tout de suite compte du traumatisme qu’il crée. Parfois, le discernement revient vite et il s’arrête de lui-même. Dans nombre de cas, si sa faute est découverte et si on l’amène à réfléchir sans l’étiqueter tout de suite comme monstre, il se sent coupable, regrette sincèrement et ne recommence plus. 

 Il est utopique d’imaginer un discernement non-coloré de conformisme 

Le conformisme concerne certainement les mineurs, mais pas seulement eux ! Il colore jusqu’à un certain point l’analyse cognitive d’une situation, et au moins autant les évaluations et choix qui peuvent y être liés. 

La qualification « conformiste » veut dire que les mineurs concernés ont pris en partie la forme d’une source humaine avec laquelle ils interagissent, souvent profondément, de façon rapprochée, dans une ambiance d’affectivité et d’estime positives. C’est un processus autant cognitif qu’affectif : 

Cognitif ? A ces jeunes, il paraît « raisonnable, intelligent » de penser le monde comme la source le pense et d’agir comme elle dans certains domaines.

 Affectif ? Il existe une imprégnation, jusqu’à une identification plus ou moins intense, spontanée et inconsciente, au way of life and think de la source aimée, estimée et apparaissant plus expérimentée. A la fin, on ne peut même plus dire que le jeune fait comme l’autre :  il est toujours lui, mais réplique consentante de l'autre là où il s'est laissé aller à s'identifier à la manière d'être ou à épouser les opinions de celui-ci.

La liberté est susceptible de se nicher partout, même dans le fait de se conformer. Un enfant conformiste n'est pas un enfant qui n'aurait pas de pensée personnelle. Il pense que ce qui est bien, c'est de penser comme sa source, parce que c'est là que se trouve la vérité !

Les sources du conformisme sont souvent des personnes proches : parents, maîtres à penser, amis de toujours. Dans leur chef, consciemment ou non, il existe parfois une volonté de s'imposer au jeune, de faire passer en lui des rêves, des idées, des attentes ... ailleurs, ces personnes laissent vraiment le jeune libre d'être lui-même et ne se rendent pas compte du processus en train de s'installer. 

Quand on évoque le conformisme, on pense souvent spontanément à des mineurs d’âge « vieillots » qui ne se démarquent pas d’une culture et de valeurs familiales « traditionnelles » Mais le conformisme s’exerce dans tous les sens. Nombre d’ados se conforment pendant plusieurs années au style de vie de leur groupe de pairs.

Je ne dirai quasi rien de l’anticonformisme, qui est souvent plus superficiel et transitoire que le conformisme. D’ailleurs, plus fondamentalement c’est aussi un conformisme … un conformisme à ce qui est contraire (à l’ordre parental) et qui est promu par le groupe des pairs.

J’expliquerai plus tard qu’il faut s’incliner devant lui, comme devant le conformisme, si « une certaine limite » de bon sens, de danger ou d’adhésion à des antivaleurs claires et nettes n’est pas dépassée. 

 

J’ai trouvé un bel exemple de cette imprégnation inévitable du discernement par le conformisme :

Revue Femmes d’Aujourd’hui 2014-9, p. 63, en lisant le témoignage d’une maman : « J’avais promis à mon fils qu’il ne souffrirait pas. » Le petit garçon de sept ans est en phase terminale d’un cancer métastasé. Sa maman a toujours eu avec lui un dialogue authentique sur son état de santé, la progression de sa maladie, et même sa mort proche et inévitable. Après sa dernière rencontre avec sa famille, l’enfant regarde sa montre avec l’air de dire : « Bon, tout le monde est là parce que je vais devoir y aller, moi … » Dans d’autres circonstances, il avait déjà évoqué nombre de détails concrets autour de sa mort. Eh bien, en acceptant la venue rapide de sa propre mort, via euthanasie passive, je pense que ce petit garçon a été lui-même, en ce inclus dans une conformité avec le désir de sa maman qu’il ne souffre pas et que sa mort soit digne. 

Malheureusement, les situations inverses sont moins rares : un certain nombre d’enfants qui voudraient mourir pour ne plus souffrir ne l’expriment pas, parce qu’ils devinent à tort ou à raison que ce serait intolérable pour leurs parents. Ici, je ne parle pas de conformisme (adhésion profonde à …), mais plutôt de loyauté, d’obéissance, de mélange d’amour et de culpabilité qui se refuse à faire de la peine … 

Altérations graves du discernement et falsifications de son expression 

1.Les dynamiques psychiques principales[11] susceptibles d’altérer gravement l’essence du discernement sont le conformisme intense à une personne elle-même sans objectivité et l’erreur de bonne foi

Conformisme devenant inacceptable : par exemple, après séparation des parents, les jeunes qui se soumettent à l’opinion d’un parent dit aliénant, et qui pourtant sont capables d’un bon discernement dans bien d’autres secteurs de leur vie[12]

Erreur de bonne foi[13] : Quelques facteurs y prédisposent: l’ignorance, la pauvreté intellectuelle et culturelle, des émotions trop fortes et encore la puissance et les vagabondages de l’imagination, par lesquels l’enfant colmate vaille que vaille sa méconnaissance provisoire de la réalité. 

Tel enfant d’âge scolaire, surpris à un jeu sexuel, peut être persuadé qu’il va aller des années en prison, même si ses parents l’élèvent habituellement sur un mode cool : c’est que, à l’instar de Prométhée, il se sent confusément coupable d’avoir volé le feu sacré de la sexualité à la génération précédente. L’adolescent gravement dépressif pense que l’avenir qui l’attend est abominable et qu’il ne prendra jamais sa place en société. L’ado excité par ses pulsions pense qu’il peut faire tout et n’importe quoi, et que les autres l’encaisseront sans trop de souffrance.

  1. Et l’inauthenticité dans l’expression ? Quand le jeune falsifie volontairement le contenu de ce qu’il a discerné, il ment. Souvent, c’est par omission : alors il se tait ou prétend ne pas savoir qu’il sait. D’autres mensonges sont plus actifs, au service de la prudence, du plaisir ou du pouvoir, de la mise en vedette de soi, voire de la volonté de faire souffrir l’autre.

Le pseudo-conformisme est une combinaison de mensonge et de soumission : Ici, l’enfant dit ce que l’adulte veut entendre et qu’il ne pense pourtant pas intimement, par peur de se différencier, de déplaire ou/et d’être puni.

 3.La suggestibilité a un statut hybride, entre le pseudo-conformisme et une application superficielle et labile du conformisme. Ici l’enfant « se laisse influencer », se persuade que ce qu’on lui dit est vrai (autosuggestion), mais au fond de lui-même il doute parfois, tout en maintenant majoritairement sa politique de l’autruche. 

Dans les séparations parentales difficiles, lorsqu’un jeune refuse ou veut réduire drastiquement ses contacts avec un parent, il n’est pas impossible qu’il fasse part de la sorte d’un discernement légitime : après tout, la reconnaissance filiale, cela se mérite et tous les parents n’aiment pas assez ou ne font pas le nécessaire pour la mériter. Pour ma part par exemple, je puis comprendre qu’une fille lucide, autour de sa puberté, ne veuille plus entendre parler de son père qui a déserté le foyer familial pour une jeune de vingt ans. Il faudrait laisser le temps faire son œuvre et non pas imposer une reprise de contacts via violence judiciaire !

Mais plus souvent, ces positions de refus sont en résonance avec l’attitude du parent gardien et constituent un mélange de conformisme, de pseudo-conformisme et de suggestibilité sur lequel il est bien difficile de travailler[14].

Gérer le discernement chez les jeunes et  ses aléas 

Quelles responsabilités avons-nous, communauté d’adultes, face au cheminement du discernement chez le mineur et à ses aléas ? Je vous fais quatre propositions à ce propos : 

1.Reconnaître la possible existence de ce discernement, même pour des matières très graves.

1.1 Même l’enfant en âge préscolaire est capable d’un discernement déjà synthétique, nous l’avons déjà évoqué. Mais pour qu’ il exprime ce qu’il pense, encore faut-il aller à son rythme - s’accroupir à ses côtés avec un sourire bienveillant, en quelque sorte -, le laisser parler, lui donner de l’importance, ne pas lui dire tout de suite que ce n’est pas ça, ou pas tout à fait ça,  et qu’il se trompe….

A l’école primaire, le discernement tant du monde matériel que des sentiments peut déjà s’avérer très fin. Je vous invite à lire à ce propos le texte : Un suicide et des interventions de crise[15] : des enfants de toutes les classes du primaire s’expriment peu après le suicide d’un instituteur. Je les écoute, je leur donne de l’importance, je valorise leur pensée et j’exprime aussi la mienne, parfois différente et ils construisent quasi à eux seuls un exposé scientifique sensible sur les raisons d’être du suicide, sa prévention, l’aide à apporter aux proches, etc.

Une partie du travail psycho-social avec les adolescents s’appuie sur leur discernement et tente d’en favoriser le développement : partir de ce qu’ils savent déjà, faire appel à leur pouvoir de réflexion, donner un témoignage personnel engagé, différent, sans vouloir combattre à tout prix leurs idées, leur faire prendre la place de l’autre dans un jeu de rôles, reconnaître leur liberté de penser et aussi celle de décider quand elle existe vraiment….

1.2 A quoi nous invite cette présence d’un discernement précoce ?

        
- D’abord à l’émerveillement ! C’est ce sentiment qui m’habite au fil de quarante-cinq ans de dialogue avec mes jeunes patients : quelle joie j’ai toujours eue à les entendre réfléchir, construire en tâtonnant leur image du monde, partager leur savoir quand ils avaient la juste intuition de ma bienveillance. Comme c’est beau, cette intelligence humaine qui croît et se transmet de génération en génération !   


- Mais aussi à la lucidité quant à leur pouvoir de capter ce qui se passe autour d’eux. Certes, ce n’est pas un pouvoir absolu ! Une partie des enfants reste plus ignorante que d’autres, sans curiosité, sans antennes sensibles, sans empathie ! Et pour tous, quelques secrets très bien bétonnés resteront des secrets.     
Mais en moyenne, ils perçoivent quelque chose de ce que nous voudrions pourtant leur cacher: la mauvaise situation financière de la famille, la maladie grave d’un proche, les raisons de la dispute avec les grands-parents, etc... Et si nous les laissons seuls avec les fragments qu’ils ont captés, il peut en résulter bien des malentendus, de sourdes et interminables dramatisations et angoisses ! 

  1. Rectifier les erreurs de bonne foi?

A nous de décider si nous allons aider tout de suite le jeune, ou faire confiance au temps qui passe : son intelligence va mûrir, ses sources d’ informations vont se multiplier, et bon nombre d’erreurs de perception ou d’évaluation se corrigeront d’elles-mêmes. Si nous l’aidons trop, nous encourageons sa passivité ; si nous le laissons trop seul, une ignorance angoissante peut persister : après des mois de pandémie, les enfants d’âge préscolaire savaient tous qu’ilallait mettre un masque, mais peu pouvaient expliquer ce qu’était exactement le coronavirus et si et comment il pouvait s’en prendre à eux, et si on allait les piquer !


Pour ma part, je laisse souvent leur créativité faire son chemin auto-correcteur : je n’ai jamais voulu briser la magie enfantine autour de Saint -Nicolas, ni même mettre de l’orthodoxie adulte dans les théories des petits enfants sur les bébés et la sexuation.

        
Les bonnes raisons d’intervenir me semblent être l’ angoisse significative et durable, la souffrance morale excessive générée par l’erreur de bonne foi ou encore les dangers qui pourraient en résulter via les choix posés. Par exemple, j’ai toujours été partisan d’une solide éducation (information?) sexuelle à l’école pour les jeunes adolescents, surtout de milieux peu cultivés... une manière de lutter contre le machisme ou les grossesses prématurées.

  1. Et les altérations graves du discernement, en référence à des approvisionnements en informations toxiques, et surtout en référence à du conformisme négatif ?

Le protocole que je vais proposer s’applique aussi quand on a à faire à un mélange de conformisme, de suggestibilité et de pseudo-conformisme, mais alors, la mobilisation du jeune s’avère plus facile.


Pensons par exemple aux adolescents imprégnés d’idées racistes ou très délinquantes ou à ceux et celles qui voulaient rejoindre Daesh. Plus près de notre quotidien, pensons aux enfants et adolescents, déjà évoqués, qui refusent le contact avec un parent séparé parce qu’ils se sont laissés aliéner…ou encore aux enfants des témoins de Jehovah qui refusent  certains soins de santé       pour eux-mêmes.
Dans tous ces cas, et de façon résumée, nous pouvons :


3.1. Le plus fondamentalement, viser à ce que leurs idées toxiques changent. Mais c’est tout, sauf simple. Il ne suffit évidemment pas de leur dire qu’ils sont dans l’erreur, leur en faire reproche, et exiger qu’ils pensent (et agissent) autrement !

 Il faut les réapprivoiser doucement, en désirant avoir une relation positive avec eux. Faire preuve d’empathie, et s’intéresser vraiment aux sources qui les ont fait se diriger vers l’erreur : ils ont prêté l’oreille à des islamistes enragés, mais pourquoi ont-ils eu besoin d’aller traîner de ce côté-là ? Ne pas se montrer non plus trop passifs ni complaisants en les écoutant indéfiniment ressasser leurs arguments. Au fur et à mesure que (l’on a l’impression que) la relation s’installe, parler de façon personnelle, exprimer nos différences, etc...   

3.2. Les éloigner de la source toxique à laquelle ils se conforment? Ce n’est pas toujours réaliste ni évident, à l’ère d’Internet. Et cela peut poser de délicats problèmes éthiques : Va-t-on séparer un enfant du parent aliénant auquel il est très attaché ? Certaines écoles le recommandent, mais à mon sens la décision doit être prise au cas par cas.   

3.3. Il faut également pouvoir s’arrêter d’insister pour modifier la pensée du jeune. A un certain moment, cela devient contre-productif. Il s’obstine de plus en plus dans ses croyances. Il faudra parfois nous résigner à laisser le jeune maintenir des affirmations douteuses : « Cette méchanceté que tu attribues à ton papa, c’est ce que tu crois, toi, pour le moment … c’est ce que tu souhaites me dire, toi, pour le moment …moi, je ne vois pas tout à fait les choses comme toi… » 

3.4. Au moins pouvons-nous essayer que, quoique le jeune pense, il ne s’en suive pas des décisions, choix et actes dangereux ou mauvais pour lui et pour autrui. Que son altération de discernement reste au niveau de sa pensée, et pas dans des concrétisations de terrain.  

4. Du discernement dans les idées jusqu’ aux décisions.


Je finis de dire que nous devons combattre les décisions mauvaises, toxiques. Mais dans la majorité des situations où le principe d’un choix, d’une décision se pose, ce n’est pas de celles -ci dont il s’agit.   
Laissons-nous donc interpeller par quelques questions :

        
4.1. Ne pouvons-nous pas accepter plus souvent les choix d’un jeune qui nous dérange, alors qu’il exprime pleinement son vécu et son projet de sujet humain ? J’ai dit plus haut que nous étions souvent tentés par une instrumentalisation du jeune, qui nous fait penser que ses seuls bons choix sont ceux qui vont dans le sens de l’attente sociale, surtout quand elle émane des adultes qui ont le pouvoir, et la volonté de peser sur les aspirations sociales.

Ainsi, s’il est de bon ton en 2021 de se déclarer bambin transgenre-ça vous fait même passer aux talk-show des TV branchées !-, il est toujours périlleux de dire, après la séparation de ses parents, que l’on voudrait vivre (bien) plus de temps chez l’un que chez l’autre. Et combien d’enfants obligés de faire de la musique, du hockey, un mouvement de jeunesse alors qu’ils essaient en vain de dire qu’ils n’en veulent pas. Et tous ces adolescents définitivement dégoûtés de l’école, à qui l’on n’offre comme alternative que l’une ou l’autre expérience pilote entre désinsérés plutôt sages et éducateurs plutôt branchés. 

4.2. A l’opposé, ne devons-nous pas continuer à protéger les jeunes, en ne leur demandant pas à eux, personnellement, de prendre telle ou telle décision pourtant logiquement liée à leur discernement cognitif. Prendre la décision serait pour eux trop angoissant, trop culpabilisant, voire simplement trop frustrant. « Alors, c’est moi, adulte qui décide, et je te laisse vivre ton enfance avec une bonne petite charge d’insouciance ». Ce n’est donc pas lui qui décidera si on va piquer ou non son vieux chien malade. Pas plus qu’il ne décidera certains gestes désagréables qui concernent sa santé. Ce n’est pas lui non plus qui décidera officiellement du rythme de ses séjours chez ses parents séparés, même si je finis de dire qu’on devrait souvent davantage tenir compte de son point de vue. Etc.

4.3. Il existe cependant quelques situations où il fait un choix douloureux, et où les adultes pourraient se résigner à décider d’y adhérer. Parce que, d’un point de vue éthique, en référence à des valeurs humaines importantes, son choix a du sens. 
Par exemple, tel enfant d’âge scolaire, réputé « parentifié », veut rester vivre auprès de sa mère psychotique, isolée      mais capable d’une      autonomie minimum.           
Par exemple, tel ado, en phase terminale de maladie, donne à ses soignants bien des signes qu’il aimerait être euthanasié. Mais il ne le demande pas, voire le refuse officiellement, parce qu’il pense que ses parents ne le supporteraient pas. 

Notes

[2] Dans ce texte, « mineur » ou « jeune » désigne tous les moins de dix-huit ans. S’il faut spécifier, je parle d’ « enfant » (moins de douze ans), d’ « enfant préscolaire » (moins de six ans)  ou d’ « adolescent » (plus de douze ans). 

[3] En 1974, D.W. Winnicott   affirmait que la vraie bonne mère n’est jamais que celle qui est « suffisamment bonne », c’est à dire qui assume sa part inéluctable et de richesses morales et d’imperfections ! Cette affirmation peut être transposée à l’ensemble des situations humaines, chaque fois marquées par des richesses et des manques (D.W. Winnicott,1974) 

 

[4] Lire à ce sujet l’article : Les mineurs belges ont-ils le droit de disposer de leur corps ? Il en fait la recension jusqu’en 2014. Web lien : https://www.jeanyveshayez.net/textes-sur-des-problemes-ethiques-et-de-societe/354-3-1-8-6-les-mineurs-ont-ils-le-droit-de-disposer-de-leur-corps  

[5] Loi sur les personnes transgenre, 25 juin 2017

[6] Loi du 28 février 2014,toujors s’il est capable de discernement-et l’on croit donc que c’est possible, et ici, en outre, avec le consentement des parents

[7] C’est à 16 ans que le droit à des relations sexuelles consenties s’applique très largement. Entre 14 et 16 ans, même s’il y a consentement, le partenaire ne peut pas avoir plus de 5 ans de différence d’âge sur le jeune, ni avoir de l’autorité sur lui.

[8] Dès 16 ans, il peut néanmoins exister un dessaisissement du Tribunal de la jeunesse : en principe, il sanctionne des actes commis après 16 ans par des mineurs très rétifs aux propositions éducatives des Tribunaux.  

[9] On peut lire à ce sujet l’article Tout-petits et allégations d’abus sexuel Web lien : https://www.jeanyveshayez.net/abus-sexuels-sexualite-contrainte-epines-sexuelles/420-3-1-1-n-tout-petits-et-allegations-d-abus-sexuel

[10] On peut lire à ce sujet l’article Les tout-petits, l’école maternelle et la Covid-19 Web lien :https://www.jeanyveshayez.net/enfants-ados-normaux-ou-preoccupants-fonctionnements-psychiques/438-3-2-1-b-les-tout-petits-l-ecole-maternelle-et-le-covid-19

 [11] Je ne dirai rien ici du délire des psychotiques, ni de la confusion mentale exprimant une pathologie cérébrale, transitoire ou non

[12]Il ne faut néanmoins jamais proclamer hâtivement qu’il y a aliénation parentale. On peut lire à ce propos l’article Les ruptures de contacts, voire de lien parental, après séparation des parents. Lien web: :https://www.jeanyveshayez.net/enfants-ados-normaux-ou-preoccupants-fonctionnements-psychiques/424-3-2-1-aa-l-alienation-parentale-bis

[13] Les psy parlent parfois ici de fausses croyances, surtout s’il s’agit d’émettre et d’adhérer à une idée, une opinion erronée. Ces fausse croyances sont fréquentes dans nombre de pathologies mentales comme p. ex., la dépression.

[14] Relire la note bas de page 12

[15] On peut lire l’article Un suicide et des interventions de crise. Web lien : https://www.jeanyveshayez.net/traumatismes-psychiques/326-3-1-29-4-un-suicide-et-des-interventions-de-crise

 

 

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Hayez J.-Y., de Becker E., La parole de l’enfant en souffrance, Paris, Dunod, 2010

Hayez J.-Y ,Un suicide et des interventions de crise in Psychothérapies d’enfants et d’adolescents, Paris, PUF, 2014

Hayez J.-Y. Tout-petits et allégations d’abus sexuel in L'hébergement de l'enfant, réflexions pluridisciplinaires", sous la dir. du Jeune Barreau de Mons,  éd. juridiques Anthémis, Wavre, 2019

Hayez J.-Y.  Les ruptures de contacts, voire de lien parental, après séparation des parents.   sous presse in l’aliénation parentale, éd. Universitaires de Lille, 2021

 Hayez J.-Y, Les tout-petits, l’école maternelle et la Covid-19, Revue de santé scolaire et universitaire, 67, 19-22 

Henaff G., L’enfant, l’âge et le discernement, Lien social et politique, 2000, 40,41-50

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 Mabaka P., Le discernement de l'enfant dans les conventions internationales et en droit comparé , Recherches familiales,  2012, 9 , 143-152

  Mirabaud M., Barbe R., Narring F. Les adolescents sont-ils capables de discernement ? Une question délicate pour le médecin, Rev Med Suisse, 2013, 9, 415-419

Van Gijsel A-C., La cour de Strasbourg et la réforme des règles de transmission du nom de famille, Journal du droit des jeunes, 2004, 331, 15-17

 Yvorel J-J., Le discernement : construction et usage d'une catégorie juridique en droit pénal des mineurs. Etude historique, Recherches familiales,  2012 , 9, 153-162 .

Winnicott D.W., De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot, 1974

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                             

Cet article a été publié dans la revue française :  Revue de santé scolaire et universitaire, 67, 19-22 en février 2021. Vu les circonstances sanitaires exceptionnelles, Elsevier, la maison d’édition a autorisé sa diffusion en Belgique. Il a figuré entre autres sur le site de la ligue des familles.

Résumé

Beaucoup d’enfants de moins de 6 ans ont été effleurés ou atteints psychiquement par la pandémie de Covid-19. L’école maternelle est un lieu de socialisation et d’affectivité. Mais après le confinement du printemps 2020 , l’ambiance et les règles de vie ont été modifiées. Plutôt que laisser les tout-petits à la solitude de leurs idées, souvent angoissées, l’école maternelle peut contribuer à les clarifier et à les pacifier.

 

 Pas de doute, c’est bien l’école qui pourrait s’interposer entre ce bambin et le corona ! 


 Depuis mai 2020, l’école maternelle accueille de nouveau les tout-petits. Une majorité d’entre eux se sentent concernés au moins confusément et à temps partiel par la saga du covid-19.

L’école peut-elle contribuer à donner de meilleurs repères à ces enfants et à les apaiser ou au contraire, les laisser à la solitude de leurs idées, voire à en aggraver la confusion?      
C’est le thème de cet article, d’abord et avant tout un témoignage de clinicien, rédigé et à lire avec prudence et humilité.

D’abord parce qu’une situation n’est pas l’autre : je pense notamment à ces tout-petits, soulagés de retrouver refuge inconditionnellement à l’école parce qu’à la maison c’est l’enfer de la grande pauvreté, de la mésentente conjugale, de la maltraitance ou des sollicitations sexuelles abusives, en croissance par ces temps difficiles de restrictions sociales et économiques.

 
Prudence et humilité aussi, parce qu’une part du traumatisme collectif est inévitable, même chez les tout-petits : ils participent à la vie de la communauté et s’en imprègnent...

 

& I. Une école qui materne

I. Le langage commun indique que les petits vont « à l’école maternelle »

Les deux signifiants sont bien soudés : il y a écolage - apprentissages cognitifs et sociaux-, dans une ambiance maternelle. 

 A. Je ne détaillerai pas le thème de l’écolage cognitif, tout important qu’il soit, qui n’est pas du domaine de ma compétence. Quant aux apprentissages sociaux, ils se font à la fois sous l’impulsion des adultes (« On attend son tour pour parler ») et spontanément, entre pairs. Chez tous les mineurs d’âge, lors du confinement ,« Ne plus voir mes amis », c’est la plainte qui a été entendue le plus souvent. Et elle n’est pas anodine ! L’être humain est social, et sa socialisation s’enrichit et se régule au contact de ses pairs. Mieux encore: la connaissance et l’estime de soi, comme l’acquisition de bien des compétences personnelles, ont besoin du miroir de l’autre... l’autre, à la fois l’alter ego, le miroir en qui on se reconnaît, et   celui qui est « radicalement différent », qui ouvre à la diversité du réel.

Et donc, les tout-petits se recherchent, forment des petits clans rapides, pour jouer, entre cohabitants occasionnels du même espace, ou des groupes stables véritablement amicaux. Ils courent joyeusement l’un derrière l’autre, se cognent, se chamaillent pour rire, se touchent, s’embrassent, voire s’explorent plus intimement. Ils se montrent et comparent leurs petits trésors, construisent ensemble un savoir tâtonnant sur le Réel, se partagent leurs premières compétences...l’opinion de l’ami a beaucoup d’importance, pour confirmer le droit à être soi-même et pour grandir en connaissances…

 Et donc, les faire vivre en groupe, dont l’adulte surveille les débordements occasionnels, est de toute première importance tant pour la construction de l’identité que pour celle de la socialisation de chacun.

   B. Et l’ambiance maternelle, comme la chaleur rassurante d’un beau soleil de printemps ? Elle est fondamentale, elle aussi, et comporte indissolublement une part de « pleins » et de manques.

----- Les «pleins », ce sont toutes les attitudes qui visent à :
- Vivre et manifester de l’affection pour le tout- petit. Sous des formes bien identifiables par lui: mimiques affectueuses, câlins, paroles gentilles, petites attentions spontanées...      
- Lui prévoir un lieu de vie accueillant ; veiller à ce qu’il se sente bien.  
- Accepter son immaturité et sa dépendance et satisfaire beaucoup de ses besoins matériels et spirituels.       
- Protéger contre les dangers. parfois lassante

---- Néanmoins, il serait illusoire et contreproductif de vouloir exercer ces attitudes en permanence et à la perfection. La bonne croissance du petit nécessite à l’inverse une dose minoritaire de manques, adaptée à ses forces, pour qu’il se sente invité à quitter le nid, pour qu’il se débrouille davantage tout seul et s’autonomise.        

II. Et à la première rentrée post-confinement, qu’en a-t-il été?

A. En mai 2020, pour la première rentrée post-confinement, « l’offre » faite par l’école aux enfants été variable, selon la rigueur ou la souplesse avec laquelle les elle a misé sur l’hygiène et la protection contre le virus, ou sur la sécurisation et le bien -être psychique des petits arrivants.   
En moyenne cependant, l’effectivité du maternage en a pris un coup, sans doute en partie inévitable.   
La rentrée des petits belges a trop souvent été tristounette, si pas inquiétante : division en deux ou trois du groupe-classe; fléchages au sol et écartement des sièges; disparition d’une bonne partie du matériel ludique, pour raison de désinfection; répétition à haute voix des gestes barrière, plutôt que chanter la comptine des trois petits chats; à la récré, mise en place de « bulles » bien séparées, et interdiction d’aller jouer avec les amis de la bulle d’à côté. Mais le pire ça a été ce qui concernait « Madame », cette référence familière sur laquelle ils comptaient, une fois quittés les bras des parents ! C’était parfois une ou deux autres, et, différentes ou non, les voici masquées au moins à temps partiel et donc indéchiffrables Les voici également lointaines : pas de bisous à l’arrivée et au départ... parfois même, pas de rapprochement lors des pleurs et autres chamailleries.  


ILL. Depuis la rentrée scolaire, Sarah (4ans) semble aller plus mal. Dès le deuxième jour, elle pleurniche « Pas école...pas école ». Elle s’y laisse pourtant conduire mais, au dire de son institutrice, elle passe la journée tristement, passivement, demandant plusieurs fois où est telle ou telle amie (mise dans l’autre groupe). Après l’école, à la première petite frustration, elle éclate en sanglots, puis crie, ne se laisse pas approcher. Plusieurs fois, elle commence par abîmer de la nourriture. Finalement, après 30 minutes de désespoir, elle se laisse quand même apprivoiser et se calme sur les genoux. Pas moyen de communiquer avec elle sur ce qu’elle peut bien vivre et penser!        
Vérification faite: Sarah et sa petite sœur viennent de perdre brutalement trois mois de maternage où elles ont été très chouchoutées, faciles à vivre à la maison. Les parents ont bien essayé de lui expliquer le bien-fondé du retour à l’école, mais là, rien ne s’est passé comme prévu : austérité d’une école très hygiéniste ; division des enfants et absence d’amies tant attendues ; même l’ institutrice a changé, pour des raisons d’organisation et la présence fréquente du masque est bien inquiétante pour Sarah.

B. A-t-on fait mieux à la rentrée de septembre ?   

Beaucoup d’écoles ont pris conscience des difficultés qu’elles engendraient, et se sont promis d’améliorer les conditions de rentrée de septembre 2020.

Elles se sont efforcées de prendre en compte des éléments importants comme : l’aspect général de la classe, qui doit rester accueillant, joyeux, optimiste ; la distance qui y sépare les enfants doit être réduite au mieux ; les petit(e)s ami(e)s devraient pouvoir jouer ensemble à la récréation ; l’institutrice doit rester souriante et accueillante, sans masque autant que possible, permettant l’approche des enfants qui en ont besoin.

Hélas, la situation sanitaire de l’automne joue contre elles: la pandémie explose ; de nombreux enseignants tombent malades ou sont mis en quarantaine ; quarantaine aussi pour bien des petits ! Il est donc de plus en plus difficile de maintenir un maternage et un écolage stables et sereins.
En plus, hors de l’école, les tout-petits sont soumis à une angoisse et une tension socio-familiales qui va s’accroissant : l’ennemi, toujours mystérieux, semble se rapprocher à vive allure: ils entendent évoquer la maladie, voire la mort, de personnes qu’ils connaissent bien, en même temps qu’on vilipende les jeunes - leur grande sœur peut-être « qui se conduisent mal et ramènent cette saleté dans la maison » ».
Dans cette ambiance où tout le monde vacille, comment définir les priorités des parents et de l’école ?


&II. «Et le loup souffla, souffla. Et du petit cochon la maison… ??? »

 Notre maison, en paille ou en briques ?


Après avoir discuté du besoin de maternage des tout-petits, évoquons leur besoin de sécurité (2). Même si le navire social prend l’eau, il est fondamental de veiller davantage au sentiment de sécurité des tout-petits.

Pour entamer l’exploration du monde au-delà du nid, chacun à son rythme, ces bambins gagnent à ce qu’on leur aménage d’abord le chemin comme on peut : monde externe suffisammant secure, par nature ou/et parce que de bons protecteurs en ont écarté les sources importantes d’agression. Ici également, comme déjà signalé, sans viser une impossible et contreproductive perfection.

Or, depuis que la pandémie sévit, ce n’est plus dans cette ambiance acueillnate et encourageante que baignent les enfants. Ils ont été rarement les cibles, mais toujours les témoins associés à l’agression et à l’insécurité qui déferlent sur le monde.

 Ils devinent , sans toujours le commenter qu’est apparu un loup mystérieux, invisible, puissant, dont la méchanceté effective est difficile à évaluer. . Est-ce la grosse boule avec des picots qu’on montre souvent à la télé ?  Et les adultes ont l’air de ne pas toujours savoir comment le chasser. Pire encore, sans toujours comprendre de quoi il s’agit, ils s’entendent même parfois dire qu’eux-mêmes peuvent devenir comme le loup et rendre malades leurs grands -parents jusqu’à les tuer . C’est  « le Petit Chaperon rouge » à l’envers !         

Il y a eu des hauts et des bas dans les messages anxiogènes diffusés et captés au vol.

Lors du confinement de mars 2020, les parents les ont gardés à la maison pour les protéger !   

Et voici que, début mai , le loup a semblé commencer à battre en retraite. On a réouvert les portes. Et beaucoup de parents, les moins anxieux, ont annoncé :« Chouette, vous allez retourner à l’école et enfin revoir vos amis ». Traduction en langage moins de 6ans : « Il n’y a plus de danger ».         
Or, en franchissant la porte d’une partie des écoles, ils ont constaté que c’était toujours le pied de guerre, parfois même avancé : Relisez plus haut ce que j’en ai décrit à propos des lacunes du maternage 

Scénario à l’identique début septembre. Depuis l’annonce « La rentrée va être normale pour tout le monde » jusqu’à l’affolement progressif en octobre.

Les plus sensibles de ces bambins et ceux qui réfléchissent déjà bien ont largement perdu leurs repères et leur sentiment de sécurité      

ILL « Nous sommes en guerre, déclame avec force Gaspard (5ans) , un petit belge smart, dans un jeu de rôle solitaire mais audible par les parents, début mai, deux mois après la célèbre allocution présidentielle:début mai, deux mois après la célèbre allocution du président de la République française. «La chloroquine, ça ne sert à rien,  il faut boire de l’eau de Javel », ajoute-t-il en agitant un flacon de savon liquide « … les écoles, les crèches et les collèges seront fermés…si une école ne ferme pas, ce sera une amende très cher, très cher très cher…  ». Jeu de rôles, traumatic play  (3) tentant d’exorciser son angoisse, chez cet enfant lucide et résilient, qui s’identifie aux discours des puissants de ce monde, parce qu’eux donnent l’apparence de dominer la situation.Son injonction péremptoire repose la question de l’adéquation des locaux et de l’attitude des enseignants - école sanatorium versus école souriante- Elle pose aussi la question de la parole, que je vais aborder maintenant.  



&III. Fonction de la parole, à géométrie variable.

IL existe des familles où la communication avec les jeunes enfants est des plus adéquates. Les parents ne précèdent pas artificiellement et inutilement le besoin d’informaon ; ils écoutent leurs enfants, réfléchissent et discutent avec eux et construisent un savoir commun.

Ailleurs, hélas, et bien trop souvent, la communication pèche soit par défaut, soit par excès. Le modeste chercheur clinicien  que je suis a vécu, à l'automne 2021, la très grande joie de constater que les considérations qui vont suivre, consacrées à la nature de la communication avec le tout-petit, étaient identiques à celles qui figurent dans The Lancet : 

 Protecting the psychological health of children through effective communication about COVID-19,   Louise Dalton, Elisabeth        Rapa Alan Stein The Lancet, 31 mars 2020

II. Parfois, des lacunes dans le dialogue

Une partie (minoritaire ?) des tout-petits ne bénéficie guère d’un temps de dialogue significatif et adapté, autour du corona ni de bien d’autres choses de la vie. Les parents n’imaginent pas le travail mental de ces enfants à propos des événements, ni même qu’ils peuvent déjà avoir des préoccupations sérieuses. Et leurs bambins qui s’entendent trop souvent rétorquer « Tu es trop petit pour… » ont l’art de dissimuler ce qu’ils enregistrent et de ne pas se montrer explicitement curieux.(4)

 Ils ont donc juste été exposés aux messages inquiétants et contradictoires des médias ou des adultes parlant entre eux.
De retour à l’école, beaucoup de ces petits étaient donc chargés d’idées confuses, fausses et angoissantes.  

   

 

Et s il avait tué maman, quand je reviendrai de l’école ?



II. D’autres fois, une surinformation

Inversement, d’autres tout-petits ont été surinformés, pas tant via les noirs messages des médias que via le zèle de leurs parents. Parents ici « branchés », qui trouvent essentiel le dialogue avec leurs enfants, dès la naissance ; dans leur désir de bien faire, ils en font trop, en leur donnant d’initiative des informations abondantes, compliquées et sans tabou; ils ne mesurent pas combien trop de détails, contradictoires et nécessitant le maniement des probabilités, sont finalement confusionnant et anxiogènes, dépassant les capacités d’intégration d’un bambin, même bien éveillé !
Justement, celui-ci va continuer à penser, et son imagination le scotchera parfois à de fausses croyances pessimistes : « Une méchante bêt est sous mon lit...Je peux apporter la mort...tout le monde est en grand danger…c’est la guerre… ».


ILL. J’en ai eu à traiter quelques-uns, surtout les plus jeunes, réputés intelligents et sensibles, et gentiment surinformés. Ils étaient devenus anormalement nerveux, agressifs à tout bout de champ, comme si le monde entier pouvait apporter la mort et nécessitait leur qui-vive, avec des monstres nouveaux qui hantaient l’endormissement.         
J’ai pu les apaiser aisément, en écoutant soigneusement l’embrouillamini de leurs préoccupations personnelles, en rectifiant et en simplifiant quelques informations,  cette fois en présence et avec l’aide des parents, désolés d’en avoir fait trop. J’ai également fait mettre en place quelques aménagements concrets. Pour Noah (3 ans), mort d’angoisse de ne plus voir ses grands-parents, un certificat médical, avec l’accord de tous les intéressés, expliquant qu’il était indispensable de présider à des retrouvailles, confinement ou non. Pour d’autres, de ci de là, un peu de magie (Tout le monde sait que le corona, une toute petite mouche, a très peur des enfants. Donc, si ceux-ci -par le plus grand des hasards- , en voient un, il suffit de crier très fort « Bouh ! ».       
Et en plus, les parents peuvent acheter une tapette à mouches, à mettre à la ceinture ou sur une table de nuit.          )

 

&I V. Paroles, silences et actes qui apaisent à l'école.


Le covid-19 agresse quasi toute l’humanité pour une durée indéterminée.
Parmi tous ses dégâts, directs ou non, il y a des atteintes psychiques, possibles dès le plus jeune âge. On peut parler d’un traumatisme collectif, d’intensité faible à moyenne pour le grand nombre.

Papa, maman , cachons-nous vite. Il est super méga grave. Plus méchant que Godzilla !

 Comment en tenir compte et essayer de l’apaiser à l’école maternelle ? Côté parole, deux volets d’attitudes opposées gagnent à être déployées : le silence et le dialogue.

I. Le silence sur le Covid-19?

La majeure partie du temps scolaire devrait être consacrée à ne pas penser ni parler corona, à se donner des objectifs positifs et à les réaliser. Pour les enfants, jouer, chanter, faire des apprentissages cognitifs… Pour les enseignants, s’investir dans le travail, se discipliner à échanger des propos positifs avec les collègues. Si les enfants sont présents, cette centration « autre »des propos des adultes est de première importance. Attention donc à la poussée des émotions et du sensationnalisme (« Vous connaissez la dernière, avec les masques qu’on aurait dû nous livrer? Et la maman de madame Nicole est aux soins intensifs !!!  »).

 

Beaucoup de considérations émises ici peuvent être transposées à la famille ou à un groupe informel d’adultes, moyennant quelques adaptations

Ainsi en va-t-il de la centration « autre » des idées et des propos. Cela peut s’avérer apaisant, mais demande de la volonté, sans effritement progressif : une grande partie de la journée, fermer radio ou TV, avec leur surenchère d’informations dramatisées; faire appel à notre « Moi raisonnable et objectif », qui peut continuer à s’intéresser aux dimensions belles, bonnes et positives du monde et aux ressources présentes chez chacun.l 

 

 II. Prévoir des moments ritualisés pour permettre et encourager la libre expression des enfants

 Par exemple, à l’école maternelle, 20 à 30 minutes en début de journée…(5) Les enfants peuvent y raconter ce qu’ils trouvent spontanément important et, le cas échéant, on peut les mettre sur la piste du Corona (« Qui sait pourquoi pourquoi les instituteurs des grands ont un masque ?  »). Le plus souvent, il ne faudra pas vraiment insister pour que viennent sur le tapis des bribes de corona-savoir proclamés avec excitation, des questions, des émotions...

Ils n'ont rien compris...et ils ontont tout compris !

         
La conduite du dialogue qui s’en suit répond à des règles usuelles :     

A ’est bien d’un dialogue dont il s’agit, et pas principalement d’une séance d’information, où l’adulte-savant expliquerait ce qui convient à des ignorants ; les enfants sont invités à parler, à déployer ce qu’ils savent partiellement, et on les écoute dans les détails, à leur rythme, sans jamais les ridiculiser.(« Qui connaît des gens qui l’ont eu ?Qui sait pourquoi on doit se laver les mains ?Comment fait-on pour soigner ? Beaucoup d’enfants ont parfois eu peur...peur de quoi, par exemple ?... Est-ce possible que des choses graves se passent ? »).

.Là où surgissent des lacunes significatives ou des erreurs, l’adulte a le droit et le devoir de donner son témoignage et de partager son savoir, sans tyranniser les enfants par la toute- puissance de ses idées. Le but, ce n’est pas de rassurer - anesthésier à tout prix, mais de construire un savoir commun, avec ses zones d’incertitude. Le risque n’y est pas absent. L’engagement responsable de chacun y est mentionné et surtout, les tout-petits doivent savoir qu’ils peuvent compter sur les adultes qui veillent à leur bien-être et à leur protection.

B. Quand l’adulte invite l’enfant à se dire, trois champs gagnent à être explorés : ce que l’enfant sait (sa représentation mentale de la réalité), ce qu’il pense ( ses questions ou convictions personnelles, autour de ce qu’il perçoit et de ce qu’il sait), et ce qu’il vit (les émotions qui accompagnent, et leur raison d’être)(6) [1]

C. Je me centre maintenant sur le plus délicat, qui fera probablement débat chez les lecteurs et soulève une question éthique: à mon sens, ce savoir construit ensemble doit être un savoir simplifié... Authentique dans son contenu, mais n’incluant pas des détails compliqués, trop abstraits, sans fin, qui dépassent la capacité de compréhension du tout- petit. N’exposant pas non plus les détails les plus angoissants, dont la probabilité d’occurrence est faible, ou qui ne concerneront (très probablement) en rien la vie de l’enfant (7). C’est exactement comme quand on lui épargne la vision des scènes les plus horribles aux informations télévisées, ou dans les films de fiction. On sait bien que, emporté par son imagination, le tout-petit se focalise souvent sur le plus angoissant de ce qu’il a entendu, transformant une très faible probabilité en disparition certaine de ses parents ou en monstre caché derrière le rideau.

Voici un exemple de simplification : en dialoguant avec un tout- petit sur le virus et les enfants, nous avons conclu ensemble que « Le virus laisse tranquille les petits-enfants. Même quand il les touche, ils n’ ont rien du tout, ou seulement un gros rhume ». Et, puisque mon petit interlocuteur n’y faisait pas référence, je n’ai pas ajouté que : « Pourtant, le risque zéro n’existe pas et quelques petits enfants sont morts dans le monde ». Issu ici de ma seule initiative, il me semble que cet ajout serait toxique : l’enfant se scotcherait sur cette probabilité rare et développerait des angoisses de mort indues. Et donc, au fond, je l’aurais davantage trompé que si je m’en tiens au plus probable…en en faisant implicitement dans mon discours une généralité ! Évidemment, si le tout-petit est déjà informé de la mort d’enfants, pas question de lui mentir :on repart sur de l’écoute et sur une invitation à un travail mental pour qu’il nuance correctement son information !

De la même manière, j’évite de parler sans nécessité des millions de confinés dans tant de pays, des dizaines de milliers de morts quotidiens, des souffrances des grands malades dans les salles d’urgence, etc...         
Dans cet ordre d’idée, je vous propose une synthèse abrégée du partage de savoir que, par bribes et morceaux, j’aime construire avec mes plus jeunes patients (3-4 ans), quand leurs propres connaissances et leur angoisse ne m’obligent pas à en dire plus: « Le virus-corona c’est comme une toute petite mouche. C’est difficile de la voir, car elle est vraiment petite. Elle vit seulement dehors. Elle a peur des petits enfants, donc, si tu en vois une un jour, tu cours après en criant « Bouh... ». Elle se sauvera. Parfois, elle vient se poser sur notre corps , nos mains, notre visage...ou sur nos vêtements et on ne la voit pas. Si elle pique un petit enfant, ce n’ est pas grave, il a juste un rhume. Mais elle peut sauter, depuis toi, sur le corps ou les vêtements d’ un adulte et lui, il peut être davantage malade ( De là, il est aisé de parler du pourquoi du lavage des mains, de la distance sociale, de la raréfaction des bisous, etc.). Tes parents et les autres grandes personnes font tout ce qui est possible pour le chasser, pour veiller sur toi, pour bien te protéger... » 


III. Et l’entraînement à des actes?


Lors d’un traumatisme, au-delà du dialogue, il est important d’aider la victime à se sentir davantage puissante pour mieux contrer l’agresseur présent et à venir, voire, plus simplement, pour accélérer le retour du bien-être.    
Cet objectif s’applique déjà aux tout-petits :

Par exemple, lors du confinement du printemps, certains ont fait des beaux dessins pour les soignants : c’était déjà une création active !

           
On leur demande aussi de collaborer aux gestes barrières qui sont à la portée de leurs capacités et qui empêchent le méchant corona d’attaquer les autres : se laver les mains, maintenir une distance sociale face aux adultes non-membres de leur foyer (en ce inclus l’absence de bisous). C’est pratiquement tout ce qu’on peut attendre d’eux. Attention à deux écueils :       
- Faire de cette attente des adultes une obsession, répétée 20 fois par jour.
- Gronder le tout-petit qui n’y penserait pas. Il s’agit plutôt de l’aider gentiment et patiemment à s’en souvenir, et de féliciter à l’occasion ceux qui y pensent spontanément.



J’ai déjà évoqué par ailleurs l’intérêt à stimuler la puissance positive de l’imaginaire. Rappelez-vous la tapette a mouches pour les plus jeunes. A l’école, sans trop sortir du moment rituel, on peut aussi faire faire un dessin ou une petite pièce de théâtre où le méchant corona est taillé en pièces, etc.

ILL.  Laissons le dernier mot à la résilience de Tiago et de Louise, 4 et 5 ans. Ils font de la potion : fleurs sauvages et du jardin , feuilles, quelques cailloux, de la craie écrasée, un peu de terre et de l'eau. Ils mélangent énergiquement et la versent tout autour de la maison.         
Cette potion, expliquent-ils, attire le Corona virus et le tue.         
La potion forme une barrière autour de la maison et ses habitants sont protégés, ils ne seront pas malades!  
Celui qui en veut peut demander la potion, surtout les personnes âgées. 

Notes

 

(2) Certains diront que le besoin de sécurité fait partie du maternage. Peu importe l’académisme ; je l’en ai dissocié ici pour la simplification de l’exposé.

(3)  Traumatic play , jeu inventé par l’enfant dans les suites d’un traumatisme, pour retourner la situation et reprendre le pouvoir, en s’attribuant le rôle d’un acteur puissant. Pa exemple, après avoir provoqué un incendie, l’enfant joue au pompier. Il peut aussi prendre le rôle de l’adulte qui punit, ou faire une piqûre à son nounours favori.

(4) Et pourtant, comme ils pensent, ces tout-petits, quand on leur  laisse la place pour le faire et s’exprimer. Une illustration, issue de ma dernière consultation, sans lien avec le corona : J’ai face à moi une famille de quatre personnes, P., M., Louis (10 ans) et Augustin (presque 5ans). Louis, dominant et possessif, prend quasi toute la place et Augustin doit se faire tout-petit. On parle de l’énurésie nocturne de Louis, qui serait renforcée parce qu’il a besoin de boire beaucoup d’eau en se brossant les dents le soir. Puis on parle d’autre chose. Après 2,3 minutes, Augustin se lève et va murmurer à l’oreille de sa maman « Louis ne fera plus pipi s’il se lave les dents le matin »

(5)  Bien sûr, le petit enfant qui en parlerait spontanément hors rite doit être écouté lui aussi, si possible sur le champ, mais plutôt discrètement, sans attirer l’attention du groupe.,

(6) Cette dynamique est bien illustrée dans l’article Un suicide et des interventions de crise,  [1]où j’ai accompagné les enfants d’une école après le suicide d’un instituteur.

(7)  Ce choix de ne pas parler de tout, ne justifie en rien certaines positions phobiques des adultes. Ici, ils cachent à l’enfant des choses qu’il devrait pourtant connaître - par exemple, la grave maladie de sa maman qu’il faut ménager-. Et ils le font pour se protéger, eux, là où ils devraient permettre à l’enfant de se préparer et de s’adapter. 

Référence

[1] Hayez JY.,  Un suicide et des interventions de crise,   p.273-294  in Hayez JY., Psychothérapies d'enfants et d'adolescents, P.U.F., 2014

 

 

Extraits de mon syllabus 2007 "Pychiatrie et psychopathologie infantile"

suivi d'une illustration : Comment les petits enfants se représentent-ils et "vivent-ils' leur bouche et leurs dents?

suivi d'un interview dans Sudpresse :"Les jouets ont-ils un sexe?

 

L’âge « nourrisson »

 L'appellation " âge nourrisson " évoque la dépendance du bébé, et le besoin qu'il a d'être abondamment nourri pour croître : 

- nourri au sens matériel du terme, par des approvisionnements qui comblent ses besoins matériels : aliments, chaleur, nettoyage, calme, etc. ... ; 

- nourri d'amour, d'investissement de lui, manifesté, entre autres, par des signes physiques (contacts corporels positifs) et par des mots tendres ; 

- nourri de protection, d'actes qui préviennent, réduisent ou suppriment les agressions dirigées contre lui, et les expériences d'inconfort prolongé ; 

- nourri de stimulations, d'invitations expérientielles à exercer sa curiosité et ses compétences ; 

- nourri de paroles, qui disent l'amour qu'on a pour lui, et qui le nomment, lui, ainsi que le monde qui l'entoure. 

Cet accent que nous mettons sur l'importance d'un nourrissage abondant, matériel et spirituel, ne nie en rien la reconnaissance de l'existence de compétences précoces chez le nourrisson ni donc la capacité qu'il a de provoquer et de moduler en partie l'attention de l'adulte à son égard. 

Au fur et à mesure qu'il reçoit ce nourrissage avec les chemins spontanés par lesquels s'expriment ses compétences, le nourrisson fait le plein en confiance de base (E. Erikson) [12] : il vit agréablement la certitude intérieure d'être aimé et de se mouvoir dans un environnement sûr, et donc la certitude qu'il peut aller de l'avant sans (trop) de risques. Il utilise donc hardiment les compétences de plus en plus nombreuses qu'il possède, liées à sa maturation neurologique, cérébrale et somatique, catalysée elle-même par les stimulations dont il a été l'objet et le bain de langage dans lequel on le fait vivre. Métaphoriquement - et concrètement - parlant, il se met debout ! 

C'est entre douze et quinze mois que les parents sont le plus clairement confrontés à cette mise debout. Alors, leur tâche à l'égard de leur grand bébé se modifie partiellement : il a toujours besoin d'amour, de langage et de moments de stimulations ... mais il a de moins en moins besoin qu'on fasse pour lui les gestes de la vie quotidienne. Il sait de plus en plus " faire tout seul " et il attend qu'on lui ouvre le chemin ... qu'on se retire un peu ... qu'on le laisse faire : la protection doit donc être moins omniprésente, de même que l'approvisionnement matériel par autrui : il faut qu'existe un sevrage spirituel, qui reconnaît qu'il progresse bien dans son individuation et qu'il est capable de poser des gestes autonomes.

 

L’âge tout-puissant

 

Un enfant conquérant 

 

 A supposer que la confiance de base ait été bien acquise, l'enfant, maintenant, se met jubilatoirement debout et part conquérir le monde 

Lui qui, grâce à sa progression cognitive, se reconnaît bien et identifie les grandes bases de son environnement ... lui qui peut se nommer aussi, nommer les choses, dire " Oui " ou " Non " " Veux " ou " Veux pas " ... 

Lui qui, grâce à sa maturation neuromusculaire, est capable, non seulement de marcher, mais aussi de se livrer à des gymnastiques adroites et de dominer de mieux en mieux ses conduites psychophysiologiques ... 

Il ne se prive pas de l'utilisation abondante de ces fonctions nouvellement acquises, au service de l'affirmation de soi, de la mise en acte de ce Soi global dont il vient de prendre possession. Il exprime une bonne partie du temps (16)  ce que l'on appellera " sa volonté de toute-puissance ", " ses pulsions et désirs (17) agressifs " pour explorer, conquérir, prendre, dominer, voire détruire pour le plaisir. Il est naïvement persuadé qu'il peut tout, qu'il est le plus  ou qu'on lui passera tout !  

Au début, les parents catalysent souvent ce mouvement d'expansion en en encourageant les premiers signes. 

Par la suite, face à ce qui est à la fois un signe de la force intérieure de l'enfant, mais aussi de sa capacité à être excessif dans l'égocentrisme, celui-ci devrait rencontrer sur son chemin : 

- la reconnaissance (joyeuse) de sa force ... l'appel fait à celle-ci ; 

- l'interdiction claire de ceux de ses excès qui sont destructeurs, qui compromettent la joie de vivre de l'autre, qui agressent le corps, qui démolissent ...

 

 Mettre des limites, une réalité sur laquelle il est délicat de statuer! 

 

Certes, au début, lorsque confrontés à des excès désagréables, les parents veulent remettre l'enfant à sa place, ils se heurtent à des protestations passionnées, du moins dans un premier temps : l'enfant a l’air de ne vouloir rien entendre, crie, tempête et persévère 

Puis, petit à petit, l'enfant se socialise : les affrontements directs avec les parents vont en diminuant lorsqu'il a l'intuition que l'autorité de ceux-ci s'exerce à bon escient ; il dirige davantage l'expression directe de son agressivité vers le monde de ses pairs et dans le champ de l'imagination. Cette dimension plus raisonnable s'installe essentiellement si les parents peuvent reconnaître son grandissement : accepter qu'il se débrouille davantage seul, tenir compte de ses demandes, l'écouter, lui donner une place utile, etc. ...

 

 Identification de l'angoisse 

 

Inversement et paradoxalement, l'expérience de l'angoisse est mieux repérée comme telle par l'enfant : il n'est pas rare qu'elle gagne en fréquence et en intensité

Certes, le nourrisson faisait déjà confusément de multiples expériences d'angoisse, malaise qu'il pouvait exprimer par ses dysfonctions somatiques et autres troubles des conduites psychophysiologiques. Mais maintenant, l'expérience anxieuse est plus identifiable comme telle, comme partie du Soi psychique : le petit enfant peut dire " A peu(r) ", voire évoquer ses images mentales du moment (" Méchant loup ... Papa fâché ») 

Pour beaucoup de ces petits enfants, les expériences d'angoisse se multiplient dans la vie éveillée et même dans la vie nocturne (cauchemars ou/et éveils nocturnes anxieux). A première vue, ce " courant d'angoisse " peut sembler contradictoire avec le courant d'affirmation de soi dont nous venons de parler. 

Il en est pourtant ainsi sur le terrain de la clinique et nous aurons, bien souvent encore, l'impression d'un fonctionnement mosaïque, voire contradictoire, de l'être humain (18).

 

 Enfin, les moments de grande tristesse si pas de désespoir

 

commencent à apparaître clairement eux aussi. Chez beaucoup, ils sont peu fréquents et peu durables. Chez d'autres, probablement porteurs de prédispositions organiques, l'intensité est plus forte. 

 Ces phases de dépression sont le plus souvent en rapport avec des événements externes négatifs, que l'enfant interprète souvent de façon trop pessimiste : par exemple, l'arrivée d'un puîné peut être vécu par l'aîné comme le signe qu'il ne compte plus du tout. Nous détaillerons ces questions avec l'étude de la dépression. 

En résumé, la majorité des enfants de cet âge s'affirme donc souvent de façon bruyante et demande encore assez souvent aux parents - à d'autres moments - que se continue la relation de nourrissage affectueuse connue à l'âge nourrisson (allers et retours entre ces deux positions) et connaît des moments d'angoisse (appels bruyants au secours, éventuellement sous forme de crises de colère désespérées ; qui-vive agités ; inhibitions silencieuses, momifiées ou bruyantes). Parfois, ils peuvent se défendre de l'angoisse par un passage à l'acte destructeur (mordre, frapper, casser, ...).

 

L’âge amoureux ou œdipien du développement

 

A. Vers 4 ans, prise de conscience de la sexuation du corps propre et découverte progressive de la différence et de la complémentarité des sexes ; premiers vrais intérêts et expérimentations de la sexualité  cfr les articles La sexualité  des enfants et des adolescents: généralités   et

Développement de la sexualité consentie chez l'enfant et l'adolescent,

 

B - Vers trois-quatre ans, chez les enfants en bonne santé mentale, des pulsions et des désirs d'amour s'expriment fortement ; nous leur donnerons la qualification " œdipiens ". Ils coexistent avec les pulsions et désirs agressifs qui seront décrits plus tard ou se mélangent à eux (intrication). Il en résulte que : 

- un des parents, souvent celui du sexe opposé, est l'objet principal d'un mélange de pulsions ou de désirs amour-domination ... amour conquérant où l'enfant cherche à être le petit " roi de cœur " ou la petite " reine de cœur " de celle ou de celui qu'il chérit ;

 - l'autre parent, qui apparaît, lui, comme le rival, le gêneur du parfait amour se trouve souvent cible d'agressivité et incitant à la compétition. Néanmoins, à certains moments, il est tout aussi aimé que le premier : pulsions et désirs sont susceptibles d'aller et venir, sans rigidité. Il ne faut pas céder aux simplismes ; si l'enfant est souvent amoureux du parent du sexe opposé et en rivalité avec celui de son propre sexe, d'autres combinaisons sont possibles, sans que ce soit ipso facto anormal ; 

- à d'autres moments, chaque parent (ou le couple parental), est perçu comme le détenteur de la puissance, de la maîtrise sur la vie, entre autres grâce à des pouvoirs secrets acquis au fil du temps. Alors, c'est à nouveau surtout l'agressivité qui s'exprime, de façon violente ou rusée, pour les diviser ou/et leur dérober leurs secrets et leur puissance ; 

- frères et sœurs éventuels sont investis, eux aussi, par l'amour ou/et l'agressivité : rivalité, jalousie, admiration, recherche de parentage, " simples " exutoires pour l'agressivité plus ou moins ludique, ou pour satisfaire la curiosité sur les grandes questions de la vie, etc. ... ;- l'enfant s'aime lui-même : narcissisme secondaire, " sexué " : joie d'avoir un corps avec ses caractéristiques physiques, ainsi que des qualités morales ; exhibition de soi ; capacité de se faire du bien ; foi dans ses ressources propres ; capacité de prendre du plaisir en soi ( souvent sexuel-génital ), etc. ... 

C - Il faut encore remarquer que les pulsions et désirs amoureux et la manière d'entrer en relation avec les autres revêtent souvent une note passablement ou franchement masculine (intrusion), franchement féminine (captation) ou mélangée, en corrélation variable avec le sexe biologique de l'enfant. Interviennent ici, très probablement, des facteurs d'équipement et des données culturelles. 

D - L'existence de cette dynamique œdipienne finit par poser problème à l'enfant parce qu'il a l'impression spontanée (ou/et qu'on lui fait remarquer) que la réalisation de ses désirs est interdite au-delà d'un certain degré d'intensité (tabou du meurtre et de l’inceste) : le conflit intrapsychique qu'il vit à ce sujet est à l'origine de beaucoup d'angoisses typiques de cet âge 

Pour accepter la dimension la plus fondamentale de l'interdit, sans renoncer pour autant à ses désirs, l'enfant va essayer de sublimer le mode d'expression de ceux-ci, en s'identifiant pour ce faire à beaucoup des comportements de ses deux parents et surtout du rival homo-sexué ( il adopte un style de vie en partie analogue ; il privilégie l'expression de la tendresse plutôt que ses demandes de corps à corps sexuel ; il réalise des performances socialement acceptables, plutôt que de donner des coups de pied à son parent, etc.). 

Il va aussi renoncer - parfois péniblement - à la possession totale du parent aimé, via la répression consciente ou le refoulement d'une partie de ses désirs et via leur déplacement dans le monde social, avec des enfants de son âge. 

 

L'attitude des parents est fondamentale pour que s'effectue cette progression. Il s'agit pour eux de savoir manier les contraires : 

 

 - Accueil de ce " mouvement de la vie " ..., dans son principe et, plus concrètement, dans certaines de ses formes (tendresse, jusqu'à un certain degré de sensualité ... affirmations agressives de soi, même " fortes " ... un certain degré de rivalité, etc. ...).

- Reconnaissance de la valeur de l'enfant : son corps sexué et ses qualités. 

- Acceptation de la croissance de celui-ci : il " vit " de plus en plus et les parents, eux, déclinent tout doucement. De temps en temps, les chemins se croisent : il est donc souhaitable de reconnaître que l'enfant est parfois plus compétent, plus fort que ses parents. 

 - Interdiction de ce " petit quelque chose en plus " qui voudrait   la possession totale de l'être aimé et/ou l'activité sexuelle avec lui ;- l'élimination du rival ; ou/et la toute-puissance face à ce qui est supposé être le pouvoir des parents. 

 - Renvoi de l'enfant  dans sa génération en ce qui concerne le partenariat amoureux et sexuel ;- à lui-même en ce qui concerne la compétence : " Tu as des ressources en toi ".- invitation aux sublimations et à l'identification. 

 Si existe cette attitude nuancée ... et pour peu que l'enfant la lise bien, que ses prédispositions le lui permettent et que l'usage qu'il fait de sa liberté le confirme : 

- l'enfant est confiant en soi ; confiant (et aimant) sa " valeur sexuée " ; créatif ; 

- aimant toujours le parent qui est son premier choix ... mais sur un mode plus tendre, plus filial ; 

- réconcilié avec l'autre et s'étant assez bien identifié à lui ; 

- ayant sublimé une bonne partie de ses pulsions et désirs les plus directs (en accord avec lui-même ... et pour les beaux yeux de ses parents) ; 

- ayant déplacé ses pulsions et désirs les plus directs dans sa génération. 

- il n'en est pas pour autant devenu un mouton : sur fond de ce qui précède, il existe quand même une capacité de négociation (pour faire plier parents et aînés) et même, des moments plus irrationnels d'affirmation de soi pour le fun, contre toute attente

.A la préadolescence, cette stabilité est remise en question : nouvelles montées de pulsions et de désirs, œdipiens et plus archaïques ; et dépression du jeune qui se sent changer, et ne se maîtrise plus ; maladresses des parents : fond de relations plus agressif aux parents, entrecoupé de flashs de grand amour. Nous y reviendrons plus tard.

 

Une illustration : comment les petits enfants se représentent-ils et "vivent-ils' leur bouche et leurs dents?

 


II. L'enfant et sa bouche 



Sa bouche, c'est un des tous premiers organes que l'enfant repère : il la sent fonctionner, l'explore avec ses doigts ou avec des objets ou il joue avec elle, l'ouvre et la contemple dans le miroir. Il la découvre aussi indirectement en regardant et inspectant la bouche de ses familiers, ou en jouant avec eux à tirer la langue ou à faire des bruits amusants.
D'intuition, il sait que c'est un organe fonctionnel-clé, qui lui sert à manger, boire et parler. Il sait aussi que c'est un organe sensible, douloureux à l'occasion : quand elle est atteinte par des maladies spécifiques, quand il a reçu un coup ou s'est mordu la langue, quand elle reçoit du trop chaud ou du trop froid, quand il y a un problème aux dents, ça peut faire très mal
Mais c'est aussi un endroit très intéressant, qui lui apporte d'importants plaisirs transitoires ou durables : téter, manger et boire, jouer avec la nourriture en bouche ou la cracher, comme ce peut être gai ! Autant pour la succion du pouce ou des doigts, celle de la « tutute » et l'introduction exploratoire de divers objets dans la bouche. Il y a encore le plaisir de lécher. Dans la suite de la vie apparaîtront le plaisir d'exercer sa bouche dans des vocalises, celui de chanter, de crier, de proférer des gros mots ou de produire de beaux et intelligents discours. Et les bisous ? Il les donne d'abord pour faire plaisir et souvent sur demande. Mais plus tard, ce sera plus perso, l'enfant utilisera sa bouche dans ses interactions affectueuses et amoureuses, en allant des bisous mouillés aux french kisses, voire à des utilisations lewinskiennes de la bouche au hasard de ses fantaisies sexuelles. 

La bouche est encore un des lieux par lesquels s'expriment l'affirmation de soi et l'agressivité : mordre - ce qui inquiète souvent un peu trop puéricultrices et institutrices de maternelle ! -, cracher, tirer la langue, verbaliser son agressivité ... tout cela passe par la bouche. Occasionnellement, l'activation de celle-ci est un signe et un symbole de la force que l'on ressent ou non en soi et du droit de propriété que l'on se donne ou non sur son corps : par exemple, face aux sollicitations faites par l'adulte pour accepter la nourriture, certains enfants ferment énergiquement la bouche, d'autres crient et d'autres se laissent faire docilement. Enfin, la bouche est vécue comme une porte d'entrée vers les mystères et les profondeurs du corps. Certains enfants, surtout mais pas seulement à la maternelle, imaginent même que c'est par elle que sortent les bébés, voire qu'on les fait entrer dans le ventre des mamans. D'autres redoutent que, s'ils laissent les doigts de l'adulte s'y introduire pour l'une ou l'autre raison, celui-ci pourrait faire intrusion dans tout leur corps, connaître leurs secrets, en prendre des morceaux, voire le détruire. S'ils le vivent ainsi, ils peuvent faire de fortes crises d'angoisse et d'opposition, quand on veut leur introduire dans la bouche un objet non usuel ( thermomètre, instrument de soins ) ou un médicament au goût étrange.

En résumé, l'enfant se sent porteur, mais pas tout de suite propriétaire d'un organe intéressant, qu'il aime bien pour tous les usages fonctionnels, plaisants ou agressifs qu'il en fait. Mais cette même bouche peut être à l'origine de bien des angoisses, modulées par le tempérament de l'enfant et par l'ambiance plus ou moins sereine dans laquelle il vit : angoisse d'avoir mal, tout simplement ou angoisse d'être privé de parties de son corps ou angoisse d'une possible invasion par l'adulte, qui commence par la bouche, mais ... ou angoisse qu'on ne veuille punir sa bouche, à cause de tous les excès auxquels il s'est livré, etc.

Souvent angoisse et opposition sont intriquées : c'est parce qu'il se sent menacé et qu'il a peur que l'enfant crie, se débat et ferme farouchement la bouche.

 


III. L'enfant et ses dents 

 


Le vécu de l'enfant par rapport à ses dents se superpose largement à ce qui vient d'être dit à propos de la bouche. Les dents, elles aussi, constituent un lieu du corps fonctionnel, sensible à la douleur, source de plaisir - le plaisir de mordre, à pleines dents bien sûr ! - et moyen d'expression de l'agressivité — ici, c'est dans la fesse bien tendre de son ennemi que l'on mord ! — ... Chez certains enfants, les dents sont aussi l'occasion de luttes de pouvoir plus ou moins déclarées avec les parents : Ah, tous les ces enfants soi-disant tête en l'air qui « oublient » de se laver les dents, et à qui il faut le rappeler tous les jours pendant des éternités !

Plus spécifiquement, les dents, c'est aussi un petit bout de corps détachable ! Vers six-sept ans, ce détachement est physiologique, et la grande majorité des enfants le supporte bien : ils comprennent que c'est un signe de leur grandissement, que d'autres dents plus fortes arrivent et tout comme dans les seniories, leurs classes sont peuplées de joyeux édentés. En plus, la petite souris vient parfois emporter le petit déchet précieux, caché avec maman sous l'oreiller, pour l'emmener au paradis des dents de lait, et elle va la remplacer par d'horribles sucreries ! Quoi qu'il en soit, au moment de cette perte de dents, l'enfant ne se sent plus « au lait », mais bien au parfum des blagues salaces de la cour de récréation. Mais quand l'ablation n'est pas naturelle et surtout si elle a lieu plus précocement dans la vie, c'est assez souvent ressenti comme un signe du pouvoir des adultes sur le corps, et comme un signe avant coureur de détachements encore plus affreux ! ( cfr. supra )

 


Interview publié dans Sudpressse en novembre 2010 : saint Nicolas: les jouets ont-ils un sexe?

 

 

Nous avons interrogé Jean-Yves Hayez, pédopsychiatre, professeur émérite à l’UCL sur l’importance des jeux selon que l’on soit fille ou garçon. Rien de grave, selon le professionnel sauf si votre gamin s’entête à ne jouer qu’à la la poupée.

 

Avant l’âge de 5 ans, les tout petits expérimentent tous les jouets. “ Ils n’ont pas conscience de la connotation sexuée des jeux, explique Jean-Yves Hayez,, professeur émérite à l’UCL. Et puis progressivement, les parents, les enseignants vont orienter leur choix pour que cela devienne conforme à l’idée que notre culture se fait du masculin et du féminin. Dans une large mesure, cela ne me dérange pas. Il est même plutôt important qu’il existe des repères. Ce qui serait inacceptable, ce serait de dévaloriser une des catégories de jouets. ”

Le professeur explique que la plupart des enfants vont s’aligner sur cette orientation. Seule une minorité va se rebeller en réclamant des jeux destinés à l’autre sexe même s’ils savent que ce n’est pas pour eux a priori. “ Ce n’est pas malin de leur interdire car finalement, c’est les critiquer et semer le doute en eux. Maintenant, je pense qu’il faut avoir à l’œil les enfants dont le choix devient trop rigide. Par exemple, si un petit garçon de 6, 7 ans ne veut jouer qu’à la poupée et avec rien d’autre, si une fille ne veut jouer qu’aux sabres laser, il faut peut-être les observer et essayer de comprendre si, finalement, ils se sentent bien dans leur corps. Peut-être qu’ils ne sont pas si heureux que ça d’avoir le sexe qu’ils ont. ”

Concrètement, si un petit garçon de 5, 6 ans réclame une poussette, il faut lui dire que ce n’est peut-être pas la première chose qu’on aurait envie de lui offrir. “ S’il insiste vraiment, il faut lui donner. Maintenant, s’il fait une fixation, s’il ne joue qu’avec ça, il faut le surveiller. ” Et les filles ne sont-elles pas discriminées justement avec tous ces jouets liés aux tâches ménagères? “ Les fillettes sont peut-être très heureuses de recevoir une dînette ou une cuisine. C’est peut-être moins évident pour une machine ou un séchoir, sourit le pédopsychiatre, mais il ne faut pas projeter nos problèmes d’adultes sur les enfants. ”

 

 

 

Le texte qui suit a été rédigé par Françoise Peille, psychologue clinicienne, Ancienne attachée CHU hôpital St Vincent de Paul Paris

Le confinement, les adolescents les  enfants

 

J’arrive où je suis étranger

 Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre pour le givre
J’arrive où je suis étranger

D’où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu’importe et qu’importe hier
Le cœur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon

Louis ARAGON

Cette inquiétante étrangeté que nous venons de vivre  m’a fait  penser   au  journal intime sous forme de lettres qu’auraient  pu écrire deux adolescentes, l’une Amina confinée dans un foyer de l’ASE, l’autre Marie confinée dans sa famille /Elles ont toutes deux 14 ans

Amina, dans son journal intime, qu’elle n’a plus touché depuis le confinement écrit ainsi la nuit.

 Bientôt dans quelques jours m’a-t-on dit on reprendra une vie normale, mais pour moi qu’est-ce une vie normale ? Il me semble que pour les gens, je n’ai pas une vie normale mais pour moi c’est ma vie.

Je dépends de l’Aide Sociale à L’enfance. Les uns disent c’est un cas social d’autres disent, c’est une enfant abandonnée ; moi je ne sais pas comment me définir.

 Voilà mon histoire : j’ai été confiée à l’ASE à l’âge de 3 ans j’ai peu de souvenirs d’avant ;  on m’a dit que ma famille c'est-à-dire mes parents étaient en difficulté sociale et qu’ils ne pouvaient m’élever. J’ai été dans une famille d’accueil pendant plusieurs années avant d’être ici dans un foyer .Je garde un bon souvenir de ce temps avec ceux que j’appelais  papi et Mamie   qui étaient gentils avec moi mais dont je n’ai pas  de nouvelles car  ils sont partis loin en province mais je me suis toujours sentie une étrangère,  surtout à l’école : chaque année on doit remplir la feuille avec le métier de vos parents et à chaque fois je sentais un coup au cœur pour remplir cette feuille et même en 2020 c’est encore pareil . Je ne comprends pas comment on n’a pas changé  cela, alors qu’on ne cesse de parler des droits des enfants !!! Mais comme dit la psychologue que je voyais  quand j’étais plus jeune : ce n’est pas les droits des enfants dont on devrait parler mais de leurs besoins

Pendant le confinement du moins dans les débuts j’étais bien, je pensais d’abord que j’étais comme tous les ados de mon âge confinés dans leurs chambres ; je restais des heures assise sur mon lit à regarder des  vidéo personne pour m’embêter  ni enfants ni adultes quoi le rêve !! ; Je ne regardais pas trop les infos parce qu’ils passaient leur temps à se disputer sur ce qu’il fallait faire : les masques ou pas,  les gestes barrières et les nombres de morts qu’on égrenait tous les soirs : tout cela ne concernait pas les  enfants et les  jeunes en général.
Maintenant ils ont décidé de dé confiner alors pour moi ??

Fini le calme : On va entendre à nouveau les portes qui claquent, les cris, les insultes de toutes part .Vont revenir les éducateurs. Il y a ceux qui prennent soin de nous sérieusement mais il y en a beaucoup «  qui n’ont rien à cirer » de leur travail et donc de nous. Des chefs de service qui n’écoutent pas nos plaintes même quand elles sont justifiées, peut-être parce qu’ils ont peur de se coltiner avec la violence de certains ado peut –être aussi parce qu’ils craignent les autorités au-dessus d’eux. Bref tout ça, parce que ce n’est pas leurs enfants parce que dans les familles les parents ne demandent pas tous les quatre matins à quelqu’un comment ils doivent faire ?

Moi je n’ai pas de famille ou bien j’en ai eu une mais elle n’a pas du savoir-faire avec moi puisqu’on m’a retirée ; un jour j’ai voulu voir mon dossier et j’ai su qu’un juge m’a retirée de ma mère pourquoi ?? Ce n’était pas écrit !!!

Parfois je suis triste pensant que je ne suis pas comme les autres et que je ne serai jamais comme mes copines de classe dans leur famille Mais d’autres  fois  quand j’ai le moral je pense que j’ai de très bonnes copines avec qui j’échange, je travaille bien en classe ce qui me permettra d’avoir un métier (ils appellent çà l’ascenseur social » et avec le caractère que ma vie a forgé, je m’en sortirai. 

Marie, 14 ans,    confinée dans sa famille  reprend son journal délaissé depuis quelques mois

Voilà que je te retrouve après plusieurs mois. Il faut dire que ce qu’on vit, en ce moment est très bizarre : mes parents et les adultes en général disent  que c’est inédit, étrange et incompréhensible avec les codes dont nous disposons. Tout le monde est privé de liberté, confiné, sort pour les trucs urgents c'est-à-dire les achats alimentaires, les sorties pour les animaux de compagnie (on a un chien à la maison et les 3 enfants se disputent pour le sortir) et pour le sport ou autre, chacun a une heure pour s’aérer comme hygiène quotidienne autour de un kilomètre de chez soi Il existe un papier comme laisser passer qu’on appelle « déplacement dérogatoire, autorisé». Nous devons l’avoir avec nous quand nous sortons.

Voici que je me retrouve  à 14 ans dans une situation particulière générée par ce confinement. Mon contexte familial est sans doute banal parce que je vis comme beaucoup d’autres enfants dans une famille recomposée. C’est ma vie, elle me fait souffrir parfois et sans doute davantage depuis le confinement qui a chamboulé tous mes repères

Mes parents ont divorcé quand j’avais 7 ans ; je suis à la garde de ma mère mais je vois régulièrement mon père. Cette régularité n’a pas toujours été ; souvent elle venait de lui  il n’avait pas le temps… parfois elle venait de moi par exemple quand j’ai eu mes deux demi frères. En fait ma mère s’est remariée avec mon beau père et a eu deux garçons avec lui  qui ont maintenant 10 et 8 ans. Maintenant ça va à peu près mais quand elle a eu mes frères, non mes demi-frères, elle ne s’est pas bien occupée de moi et j’allais plus souvent chez mon père. Mon père lui,  a souvent des amies à sa maison mais pas toujours, et aucune à demeure ; cela je préfère même si ma mère dit qu’il est instable et que ce n’est pas bien.

Alors le confinement pour moi ? Tout a été chamboulé dans ma vie. Bien sûr comme les autres élèves j’ai fait mon travail par télé distance et cela était assez facile. Ma mère était elle aussi en télétravail donc beaucoup moins disponible pour nous,  mais trop pressente, et elle m’a déléguée  pour le travail scolaire de mes frères. Si au début j’aimais un peu ça c’est devenu très vite un cauchemar  tout me revenait, :  leur naissance, l’absence de ma mère, l’abandon de mon père etc. 

Mon père je l’ai vu très peu pendant ces deux mois, d’abord son métier-il est infirmier- et n’a pu beaucoup se libérer pendant cette période où il était comme on disait dans les journaux « au front ». A la fois je l’admire pour ce qu’il fait  mais en même temps je pense qu’il ne s’occupe pas beaucoup de sa fille ; le soir quand à 20h on applaudissait les soignants une voisine dans mon jardin me disait on applaudit ton père !!! Alors cela  faisait plaisir un peu !!! Mais cela me donnait un arrière-gout amer.

  Maintenant on annonce dans quelques jours la fin du confinement ;

Alors quel sera notre demain pour nous les enfants et pour moi ?  

L’école ne reprend que petit à petit avec  des précautions dingue ! Il parait nous a dit la voisine qui est institutrice en maternelle qui recommence la première qu’elle a 18 pages de consignes pour accueillir des enfants de cinq ans ; ils ne pourront plus se toucher ni jouer au ballon ni prendre des cubes sans que ce cube ait été lavé et que le gamin se soit lavé avant et  après ; comme dit cette dame à ma mère autant rester chez soi !!! ;

Je pense que ma mère va reprendre son travail en présence, un jour sur deux ; mes frères doivent reprendre dans une semaine ou deux ouf !!!

Mon père ? je pense que je vais le voir  une semaine sur 2 les weekend mais je suis assez angoissée. Vais –je le retrouver le même ? Je pense et j’espère qu’il a hâte de me revoir  mais j’ai plein d’incertitudes dans ma tête  à ce sujet comme à beaucoup d’autres.

J’ai toutes les préoccupations des ados sur la vie l’avenir etc mais en plus celles de ma situation familiale : Pourquoi mes parents se sont séparés ? Est-ce qu’ils ne  m’aimaient pas assez pour rester ensemble ou alors est ce  que c’est à cause de moi-  ?, ils m’ont dit tous les deux que je n’y étais pour rien et qu’ils m’aimeraient pareil ce qui n’est pas vrai parce que impossible puisque ce n’est plus pareil !

Réflexions personnelles de l'auteur 

 L’apparition de ce virus d’abord en Chine puis en Europe avec ses conséquences sanitaires et sociales a été  un traumatisme collectif  et aussi individuel dont l’impact avec le confinement a  des effets pour chacun selon son rapport au monde.

Dans un premier temps on pouvait penser que ce sort commun de l’humanité et sa lutte contre ce virus nous aurait unis dans l’adversité et cela a pu être ainsi  dans un premier temps, le temps  de la sidération .Cependant, on a très vite compris comment  cette catastrophe  nous a ramené chacun de nous dans ce qu’il a de plus intime et souvent de ce qu’il y de plus fragile en nous. Beaucoup de philosophes, sociologues et autres experts en feront l’exégèse.

Cette épidémie, par le bouleversement qu’elle provoque dans les quotidiens, par l’incapacité de quiconque à en maîtriser l’évolution, ébranle la croyance en un monde qui serait ordonné, objectivé par la science. 

Je me centrerai sur les enfants et ce que leur témoignage et les échos que j’ai pu en avoir nous fait comprendre.

Pour ce qui est des enfants confiés dans des institutions notamment ceux confiés à l’ASE tous leur repères ont été chamboulés et toutes leurs angoisses exacerbées. Un petit garçon de 5 ans dans un foyer s’accrochait à la  porte de l’établissement pour réclamer de voir sa mère ; plusieurs soirs il  ne voulait pas se coucher et malgré les paroles de l’éducatrice,  rien ne pouvait l’apaiser. Quand cet enfant était en détresse, ce n’était jamais la même éducatrice qui pouvait être une référence affective  puisque les adultes professionnels étaient aussi bousculés donc peu disponibles.

Un éducateur témoigne et souffre de son impuissance pour consoler des petits qui n’ont pas eu de visites ni de sortie chez leurs parents  Une éducatrice d’un foyer d’ados témoigne :

On est plus susceptible de faire des crises pendant ce confinement. Un jeune en a étranglé un autre, l'éducatrice a dû le taper à coups de balai pour qu'il ne le tue pas. Un autre éducateur s'est pris une chaise et s'est ouvert l'arcade. On a dû intervenir, et même faire appel aux flics.

Des paroles d’ado entendues :  

« On n’est pas dans un foyer pour vivre des choses plus difficiles que chez nous »

Mes parents étaient violents et on m’a retiré ; Ici maintenant c’est bien pire dit une adolescente.

Je ne suis pas contente qu’il n’y ait  pas d’école. J’y avais beaucoup de copines et au moins là on vivait dans la normalité de la société.

Un éducateur en AEMO [1]fait part de son expérience avec les jeunes dont il s’occupe

Les jeunes en studio, on passe les voir habituellement plusieurs fois par semaine. Là, ils se retrouvent seuls dans 15 m2 avec peu de ressources pour s'occuper. Souvent, ils n'ont ni télé, ni Wifi.

L'enfermement peut aussi les ramener à des événements traumatiques qu'ils ont vécus dans leur enfance. Beaucoup ont perdu la notion du temps ; dormant le jour et vivant la nuit. 

Une adolescente dans un studio écrit à une copine :

La première semaine je suis tombée malade. J'avais du mal à respirer et j'avais des montées de fièvre. C'était angoissant de rester seule.

Une jeune fille Marie 17ans qui avait été retirée récemment de chez sa mère à la suite de violences familiales  s’exprime ainsi

J’ai attendu trois ans pour qu’on me croie et maintenant je suis en foyer et plus personne ne s’occupe de moi ni ne me parle depuis le confinement .Il y en a beaucoup qui sont ici pour d’autres raisons Peut-être qu’on est protégé de la violence mais c’est tout, comme si la «  Protection sociale  » était confinée aussi !

Beaucoup de témoignages similaires ont pu être recueillis dans ces situations d’enfant, enfant en situation de handicap, enfant hors de sa famille et confié à des Services sociaux, enfant dont l’équilibre familial a été perturbé par un divorce récent ou moins récent mais qui n’était pas stabilisé sur le plan affectif

Il semble que pour les enfants les conséquences délétères se sont révélées à plusieurs niveaux.

La  continuité : Le changement brutal de mode de vie qui nous a tous perturbé plus ou moins a été très difficile pour eux. On sait que pour tout enfant et surtout à des périodes clefs de son développement la permanence des personnes qui s’en occupent,  les rythmes journaliers  manger dormir aller à l’école, jours sans école et loisirs habituels sont des facteurs indispensables à son développement : les périodes clefs étant la petite enfance et l’adolescence qui elle est   déjà par essence un bouleversement physiologique et psychique difficile à gérer pour l’enfant et son entourage .Cette pandémie a mis en cause la structuration  de l’espace et du temps ce qui est dit par les adolescents : très vite je ne savais plus quel jour on était, et à propos d’un  adolescents l’éducateur rapporte qu’il dort le jour et vit la nuit tous les repères étant chamboulés   

La confiance : les adultes et les enfants plus encore ont besoin de certitude dans leur façon d’être au monde. Or dans cette période où la seule certitude est que l’évolution est incertaine. Or chacun après la période de sidération et de stupéfaction veut trouver des boucs émissaires qui n’ont pas su ou pas pu faire face

Cette inquiétude et cette dissension des adultes ne peut qu’altérer la confiance des enfants envers les adultes c'est-à-dire leurs parents Cette mise en scène du doute que l’on entend toute la journée  ne peut que susciter les thèses complotistes pour les plus fragiles et atteindre la confiance des enfants. D’une manière générale les enfants ne sont que des éponges qui éclusent les angoisses des adultes qui leur sont proches. Ils ont été  pour la plupart soumis à une injonction paradoxale : n’ayez pas peur mais voyez comme nous sommes tous angoissés.

Cette crise sanitaire dont on ne sait pas encore l’issue  mais dont on est sûr qu’elle engendre et engendrera des conséquences sociales économiques  et géopolitiques dont les plus fragiles comme  les enfants en payeront le prix.  Elle ébranle toute l’organisation de nos liens et de nos appartenances, socle de notre existence.

Il est urgent aux parents et aux professionnels de recréer ces liens. Ce sera aux professionnels de l’enfance de faire preuve de créativité pour que la sève de la vie se réanime, que chaque enfant retrouve son jardin de plaisir. Ainsi parents et enfants inventeront un chemin de vie qui leur sera propre.

Si la vie n’est pas un long fleuve  tranquille si on est bien amarré la traversée sera plus facile.  

Françoise Peille

Psychologue clinicienne

Ancienne attachée CHU hôpital St Vincent de Paul Paris

18 Rue Corneille 91230 MONTGERON 

0631425232

 

[1] AEMO éducateur en milieu ouvert