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Pr. Jean-Yves Hayez                                                   

Psychiatre infanto-juvénile

Docteur en psychologie                                                       

Professeur émérite à l’UCL

Cours Durendal, 3/102

B-1348, Louvain-la-Neuve

Tél. (32)10.418069

Courriel  

 

 

Pour Loïc, le jeune derviche danseur.

Petite histoire sur l’indifférence et l’acceptation de la différence.


                                                                                                              Jean-Yves Hayez.

Vendredi 23 avril, 20h15. Les fenêtres de mon appartement donnent sur le Parc de la Source, un des poumons verts de Louvain la Neuve. Dans le parc, plus de 300 jeunes, manifestation autorisée m’a-t-on dit. Néanmoins, ils sont agglutinés par petits groupes d’une vingtaine , à des années-lumière du respect des règles sanitaires. Bière et alcool coulent en abondance et les déchets aussi, en veux-tu en voilà. Deux voitures de police sont déjà passées, lentement, sans s’arrêter, pas vraiment pour fuir le caillassage, mais plutôt par sagesse : que peuvent deux gardiens de la paix contre une fourmilière prête à s’égailler, sinon se couvrir de ridicule !


Curieusement, les jeunes ont laissé vide le centre de la pelouse, un cercle d’une quinzaine de mètres de diamètre et se cantonnent à la périphérie. Un garçon de leur âge y court tout seul, sans relâche, traçant inlassablement le même grand cercle, des écouteurs aux oreilles. Il court, bondit, gesticule en caricaturant une danse, sans quasi jamais se reposer plus que quelques instants. Voilà plus d’une demi-heure que je l’observe, par intermittences de plus en plus rapprochées, il tourne et tourne et fait le vide autour de lui, sans contact avec personne.                
Le médecin que je suis se préoccupe de plus en plus de cette interminable ronde folle, posant la question d’une crise dans une maladie mentale.       
Je me décide donc à aller vers lui ; je traverse la pelouse d’un pas tranquille ; je suis tout près de lui…il s’arrête, un peu inquiet…je lui dis bonsoir en souriant…nous nous présentons : « Jean-Yves, Loïc».  Et il se met à communiquer gentiment avec moi. Comme je le prévoyais, rien ne correspond chez lui aux critères standards de la normalité : j’identifie quelques signes physiques et cognitifs d’un léger retard mental, quelques traits autistiques aussi,  bien qu’il me regarde droit dans les yeux, et surtout l’impression d’une immaturité affective diffuse.

 Il m’explique qu’il vit chez ses parents, qu’il a pris le train pour venir ici « près des autres ». Il se dit heureux de danser seul « Je suis dans ma bulle , je sais que personne ne me parle... c’est comme ça », ajoute-t-il avec un petit sourire comme pour s’excuser.     .
J’essaie qu’il me donne le numéro de téléphone de ses parents, pour vérifier que tout est OK, mais il refuse de le faire. Nous parlons encore un peu, je lui explique ma motivation à l’avoir contacté (médecin préoccupé). Il me dit « Oui, les autres me trouvent bizarre». Mais je suis vraiment rassuré par ce bout de communication, je le lui dis, et j’ajoute que je souhaite qu’il continue à s’amuser comme il le faisait. Je prends congé, en lui tournant le dos. Rentré chez moi, mon épouse m’apprend qu’il s’est tout de suite éclipsé, seul. Hélas, je lui ai probablement fait peur et j’’en suis bien triste.

 

L’indifférence ? Je reste sidéré par l’indifférence massive de cette foule, occupée à goûter les plaisirs des retrouvailles et de l’alcool. Personne ne s’est dérangé -dans tous les sens étymologiques du terme- pour l’approcher, lui parler, essayer de comprendre ce qui se passait et s »il existait un risque social, Pis encore, personne ne le regardait, comme s’il n’existait pas! Ils avaient eu
 l’intuition que cet inconnu n’était pas de leur monde, ni comportemental, ni social.


J’entends déjà des voix protester : « Ils avaient peur; ils n’ont pas voulu le provoquer ». Oui peut-être l’un ou l’autre craignait-il cette sorte de chaman dansant ...mais le groupe aurait pu en déléguer quelques-uns, confiants en eux et bons communicateurs, pour au moins évaluer ce qui se passait.

Ou encore : « Ce n’est pas de l’indifférence,  c’est une magnifique tolérance, voire une vraie acceptation spontanée de la manière d’être individuelle… Nous sommes en 2021 et chacun se donne le droit d’être lui-même !...  Notre société est faite d’individualités qui s’affirment ». L’argument me paraît néanmoins bien peu convaincant. Sur le plan éthique, ne sommes-nous pas invités à accepter les choix de vie de chacun, certes, mais pour peu qu’ils ne mettent pas significativement en danger la vie d’autrui ou de la personne elle-même? Auquel cas, il y a devoir d’assistance.

 

Et ici, l’étrangeté prolongée du comportement de Loïc - évocateur par exemple d’une crise de schizophrénie- exigeait que soit faite cette vérification du risque, même brièvement, même approximativement, pas par d’hypothétiques professionnels mais par ses frères et sœurs de la communauté.

Mais non, leur indifférence à celui qui n’avait pas les codes du groupe a été aussi massive ce soir-là que leur indifférence aux règles sanitaires ( au cocotier, les papy et les mamy !) et que leur indifférence écologique (merci, soit dit en passant, à l’unique jeune fille qui a fait du ramassage de déchets une vingtaine de minutes vers 22heures). Indifférence de classe sociale aussi : tant pis pour ceux qui allaient se casser le dos deux ou trois heures le lendemain matin pour ramasser papiers gras, canettes et autres débris de bouteilles de vodka.


Acceptation de la différence ? Je n’ai aucun remords quant à mon comportement. En contactant Loïc , j’ai seulement voulu vérifier la question du danger : trop de désordre mental, trop d’incohérences et de perte de lucidité aurait pu conduire à d’imprévisibles drames.

Mais ce n’était le cas : ma conversation avec le jeune se voulait à l’écoute, respectueuse, délicate et elle m’a vite convaincu que le comportement de Loïc relevait d’un projet non dangereux et élaboré librement. « Danser, tourner autour des autres, dans ma bulle, sans que personne ne me parle ». Dans l’immédiateté de cette soirée, dans le cadre de notre brève rencontre, ce projet personnel, tout imparfait qu’il soit ( il faisait lui aussi l’impasse sur la rencontre de l’autre) m’a semblé pouvoir être reconnu et encouragé. Ce que j’ai fait explicitement, avant de partir.

On ne fait hélas pas d’omelettes sans casser d’œufs et Loïc a vite disparu, effrayé sans doute malgré tout par mon statut de vieux monsieur, médecin de surcroît, susceptible d’exercer un pouvoir au-delà de ses mots : peut-être de mauvais souvenirs pour lui !

J’espère de tout cœur qu’il est allé jouer et danser ailleurs en ville. Je suis triste, je l’ai dit, et je regrette que mon approche ne l’ait pas complètement rassuré. J’ai même l’espoir de le retrouver, à partir de ce texte et de lui offrir des chocolats pour m’excuser de lui avoir fait peur (Loïc est bien sûr un prénom
d’emprunt). Mais je ne me sens pas coupable et, si c’était à refaire, j’aurais la même attitude de sollicitude.


Tout est-il dit de la sorte ? Pas encore tout à fait ! La manière de se comporter de Loïc me semble être de l’ordre du compromis, acceptable personnellement, pour se donner une certaine joie de vivre dans un moment de fête collective. C’est déjà ça !  Néanmoins, il m’a parlé très vite de sa bulle, de sa solitude, des autres qui le trouvaient bizarre. J’espère donc que les responsables de son accompagnement quotidien, parents et autres professionnels, ont suffisamment de créativité pour accepter à la fois bien des dimensions originales de Loïc , mais aussi améliorer sa sociabilité et son insertion sociale.

 

"Ne regardez pas le renard qui passe", gauchement mais ensemble


Samedi 1er mai, 10h. Parce de la Source, Louvain-La-Neuve. De la fenêtre de notre appartement, nous voyons, sur la pelouse centrale, un groupe d’une quinzaine de jeunes adultes, certains en uniforme scout et d’autres pas. Ils sont sagement assis et, curieusement, ils jouent au jeu bien connu du mouchoir (" Ne regardez pas le renard qui passe… ").

Deux d’entre eux courent autour du cercle, assez gauchement, en se donnant la main. Et leur poursuivant trottine derrière, faisant tout ce qu’il peut...pour ne pas les attraper. En regardant mieux, nous voyons alors qu’une partie du groupe est constituée par des adultes, plutôt jeunes, présentant un handicap mental.
Ils reviennent déjeuner à midi sur une des tables du parc, et je souhaite les rencontrer :je traverse la pelouse d’un pas tranquille...je suis tout près...je demande à parler à la cheffe ou au chef, car je désire tout simplement les féliciter pour leur réelle acceptation de la différence sociale. Nous nous écartons d’un mètre ou deux et dix paires d’yeux nous fixent intensément, un peu anxieux, me rappelant le regard de Loïc la semaine passée. C’est en croisant tous ces regards que j’ai compris qu’ils étaient vraiment intégrés : ce qui arrivait au groupe, c’était leur affaire à tous, ils étaient concernés, personne n’était dans sa bulle. Reste à ajouter qu’ils m’ont dit des jeunes de la 11eme unité scoute de Jambes-Montagne (si j’ai bien compris) cinq cheffes et chefs étudiants et sept personnes handicapées. Et cerise sur le gâteau dans cette ambiance de respect de l’autre, les chefs ont demandé à voir la photo prise un peu plutôt et que je souhaitais diffuser, pour vérifier qu’elle respectait bien la vie privée chacun .

La semaine passée, j’ai dénoncé , sans le regretter, l’indifférence d’une foule de jeunes. S’ils sont capables du pire, parfois, les jeunes sont aussi capables du meilleur, et je voulais en témoigner...

Réactions

 

Ma réponse à Louis, 25 ans, qui invoque l’inhibition due à la timidité

 

Pour Louis:

 

Cher ami,

J'ai un vrai respect pour la timidité, qui nous amène à d'humbles aménagements dans nos vies, peur de rater certains types de rencontres...

Cependant, si elle nous fait rater trop de choses (p. ex., un lien amoureux), comme le dit la célèbre réplique de pierre richard : "Je suis timide, mais je me soigne"

Par ailleurs, dans certaines situations, celles où il pourrait y avoir danger, la timidité ne peut pas légitimer l'inertie anxieuse...il faut remplir notre devoir d'assistance, et aller aider, en prenant notre courage à deux mains

pour Loïc, il ne s'agissait pas d'abord de lui parler, mais de vérifier s'il n'était pas fou et s'il n'y avait pas besoin de secours

amitiés

 

 

 

Soutien simple :Dr Emmanuel de becker ; Mr ;me caroline Maison, psychologue ;dr Christophe Panichelli ;Vincent Liévin, journaliste ; dr Brigite Kevers ; Pr dominique Charlier ; dr guy Loute ; dr jean-Bernard turine ; dr A Maernoudt ; dr Sophie Symann

 

Dr Patrick Castelain

Mon cher Jean-Yves,

 

Inutile de t’expliquer que le monde est complexe et que c’est à nous d’en découvrir toutes les facettes . Ce que tu fais toujours avec ton infatigable curiosité des choses et des hommes ! Tu as eu encore une fois l’ »honnêteté » et la modestie de nous en faire part, ce qui nous encourage aussi à continuer à croire dans l’humain .

J’espère que nous pourrons tous nous retrouver joyeux et  en bonne santé en bord de Meuse ou ailleurs cet automne !

Avec toute mon amitié,

 

 

Dr Valérie van Ransbeeck

Cher Jean-Yves,

Merci pour ton mail, le partage en ces temps de distanciation fait du bien.. même si le témoignage est en demi-teinte.

Amitiés 

Mr Alain Sansterre

 

Bonsoir et merci, Jean-Yves. Heureusement, le meilleur côtoie le pire.

 

Bien à toi

Alain

Mme Sofyz Terlez,psychologue

 

Cher Jean-Yves,

 

Merci beaucoup pour ton texte. 

En plaine blocus je me fais petite pause en lisant tes articles. 

Je suis très touché par ta propre indifférence au monde ( ??????????), ta langue et ton souhaite de partager ton expérience. 

 

Dr Sophie Dechène

 

Je préfère cette histoire-ci 🙂. Il reste encore des gens qui respectent les vieilles valeurs d'altruisme, de respect de la différence et ne se laissent pas envahir par l'individualisme préconisé au nom de l'émancipation et du droit à la liberté, beaucoup plus à la mode (et malheureusement bien souvent véhiculé par la psychologie).


Je te remercie pour ce partage.

Mme Roxana Kalfa, psychologue

 

Merci Jean-Yves pour ce texte émouvant, qui rappelle qu'aucun homme n'est une île, que nous sommes tous concernés par le bien  des autres, et pourtant qu'on oublie si souvent

 

Je me rends compte que c'est rare que je réponde à tes messages collectifs, mais ce n'est pas pour autant que je les apprécie moins. Au contraire

 

Merci pour ce beau travail de rappel du lien qui nous tient ensemble

 

Dr Philippe Cattiez

 

Cher Jean-Yves,

Je voulais te féliciter pour l’article de la Libre de ce lundi ("pas eu le temps hier" - triste et banale excuse)

Plein d’humanité, de sagesse et digne de ton immense expérience !

Amitiés

PhC

 

De mr Jean Masson

Je pense que ta sensibilité, ton empathie, ton métier, reviennent à la surface comme un boomerang et que ce garçon symbolisait à lui seul toute  l'indifférence du monde face, justement,  à la différence, face à la "non-norme", ....

Quant à faire sa recherche pour lui offrir des chocolats, cela semblerait incompris et certainement très décalé dans le contexte actuel...Tel est mon humble avis..

A plus...big amitiés

 

Dr Chantal Malevez

Cher Jean-Yves, ton texte m'a profondément émue et je me suis permis de le transférer à mes enfants et petits-enfants (19,17,15 ans) puis à des amis très chers (un couple a un petit fils autiste) puis à un club, le Club L dont je fais partie, club de femmes de tous âges et de toutes orientations mais unies par une profonde amitié. Bien que je pense que la meilleure diffusion puisse se faire par les réseaux sociaux, je ne suis pas très réseaux sociaux, moi-même et ne me permettrais donc pas de le diffuser ainsi.Je pense que ton texte magnifique d'humanité mérite une ample diffusion parce que au delà de cette différence que tu nous expliques , il y a aussi toutes les différences ethniques, raciales, sociales et autres que tu mets en évidence mais je ne connais personne dans le monde journalistique et ne peux pas t'aider.Bien amicalement Chantal

 

Et puis Cher Jean Yves , merci pour ton 2ème texte qui remet un peu l'église au milieu du village et témoigne d'attitudes qui peuvent être plus humaines.Mes enfants et mon gendre, mes petits-enfants ont toujours fait du scoutisme et en font encore et il n'est pas rare que dans l'une ou l'autre patrouille il y ait eu un enfant , je dirais "différent" très bien intégré par la patrouille.Mais dans ton premier article toute la problématique de l'enfant "différent", comment parfois l'aborder?

 

 Dr Jacqueline de groot

Merci Jean-Yves pour ton double temoignage.

De petites initiatives souvent invisibles ressortissant d’une créativité soit personnelle, soit à partir  d’une association quelconque , me réjouissent et éveillent en moi l’énergie de faire de même !

Belles histories qui peuvent inciter d’autres à faire de même .

Jacqueline

 

 

Françoise Leurquin, psychologue, fondatrice de l’atelier du lien         
Bonjour Jean-Yves,

 

Première réaction : ton mouvement vers lui me semble très très touchant.  Le sien aussi : tant dans l'échange que dans sa fuite ("fuite" de ou dans sa bulle "perçée":)).  Peut être que ton intervention a stoppé une crise ? T'attacher à le retrouver avec des chocolats-rustines qui font lien ?

Quelle jolie histoire !

Je n'ai pas beaucoup d'inspiration pour savoir comment le retrouver si ce n'est en diffusant peut être d'abord dans les institutions de LLN ?  Est il vraiment venu en train?  Il y a une maison dans le quartier de Lauzelle, qui accueille des personnes plus ou moins autonomes.  C'est quasi en face du bas de la rue d'aulne (où j'habitais) : en descendant, le bâtiment en face à droite.  S'il est allé au centre, il passe probablement d'office par l'endroit où tu l'as vu.

 

Ma réponse c'est très possible en effet....et même plus probable que le train

au-delà de mon attitude, j'ai vraiment trouvé glaçante, au moins ce soir-là, l'indifférence de cette foule en ripaille avec ce jeune qui virevoltait en plein milieu, pas dans un coin quelconque...j'en suis traumatisé, d'où mon écrit auto-libératoire

 

Sa réponse : Cela me touche aussi .  C'est, me semble-t-il, ce que vivent toutes les personnes confrontées à une solitude quasi radicale par rapport à des vécus impossibles à partager, voire interdits à partager (par injonction ext ou int, implicite ou explicite), incompréhensibles... et s'ils deviennent partiellement compréhensibles, c'est une telle révolution psychique, que la conscience d'être "vu ou reconnu"  mais "toujours mal vu ou mal reconnu" est quasi insoutenable, voire dangereux.  Des parties de moi connaissent bien cela (départ d'Afrique).  Ceci dit, sentir une intention bienveillante, prudente, modeste et sensible de quelqu'un fait du bien même si cela semble ne produire aucun effet. 

 

Dr Jerome Cauchies

 

Merci pour ton texte Jean-Yves sur la différence et l'indifférence. Souvent ces deux termes sont liés. Je suis certain que tu as laissé un bon souvenir à Loic que tu reverras peut-être. 

 

Dr Jacques Laruelle

 

Comme je n'ai jamais exercé la médecine en Belgique et que j'habite actuellement en Flandre, je ne puis t'aider à retrouver ce jeune garçon. Je tenais néanmoins à témoigner mon soutien à ton message poignant !

 

mme Hammarqvist

 

Ooohhh que ça fait du bien de lire que l'humanité existe! Ainsi que la préoccupation pour l'autrui. C'est magique.

 

Dr Alain Bachy

 

Merci pour ton  histoire  bien émouvante.

Personellement, je pense que je n'aurais pas perçu une situation à risque  et n'aurais pas approché Loïc. Peut-être à tort ?

Je ne suis pas pédopsyciatre.

 

Ma réponse Tu ne l’as pas vu courir en grand cercle, toujours le même, au moins 40 min Alain, c’était hallucinant….

 

Madame Gwena Ansiaeu

 

Cher Professeur,

 

Je me permets de vous envoyer ces quelques lignes, sans autre objectif que de vous dire à quel point votre texte dans LLB m’a touchée.

J’aurais également été sidérée, je pense, de voir ce « Loic » au milieu des jeunes, deux mondes qui ne se sont pas croisés.

Je pense que j’aurais eu, comme vous, cette envie, dans mes tripes, d’aller au-devant de lui et de le rassurer sur le fait que quelqu’un l’avait bien vu, et s’était inquiété de lui.

Ayant moi-même perdu un enfant accidentellement, je suis bénévole dans l’ASBL Parents désenfantés, et nous accueillons des parents endeuillés après une maladie, un accident, un incendie, un infanticide.. mais aussi beaucoup de suicides. Je suis toujours infiniment touchée d’entendre ces parents parler de ce qui s’est passé, pour peu qu’ils le sachent eux-mêmes. Certains n’ont pas vu la souffrance de leur enfant et restent avec leurs questions.

Le Covid n’arrange rien, et on aimerait voir plus souvent des gestes d’humanité et de bienveillance comme le vôtre. Ils peuvent faire une telle différence…

 

Merci d’avoir pris votre plume pour nous raconter cette scène incroyable. J’espère que les jeunes présents ce jour-là sur la pelouse l’auront lue également…

 

 

Mme Géradin

Cher Monsieur,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article consacré à Loïc.  Je suis moi-même grand-mère de 12 petits-enfants dont 8 garçons  de 22 à 33 ans.  Dont xxxxx) que vous avez suivi pendant un temps.  Il en garde un très bon souvenir, de même que ses parents.
Ils sont tous gentils, respectueux mais aussi timides.  Je ne suis pas sûre qu’ils auraient osé quitter le groupe des « guindailleurs » pour aller vers Loïc.  Cela m’attriste comme vous.  Certains, chefs de mouvements de jeunesse (scouts),  pourraient y être sensibles.  Je vais leur en parler.

 

Mr de Lobkowicz

 

bien cher docteur,

 

dans La Libre d’aujourd’hui.

 

Je comprends tellement que vous souhaitiez retrouver ce jeune garçon dans lequel je retrouve mon fils xxxx dont vous vous êtes  occupé il y a déjà pas mal de temps.

 

J'espère que ses parents prendront contact avec vous.

 

Bien respectueusement par rapport à votre travail et aussi bien amicalement.

 

 

Association Un toit un cœur

 

Je voudrais vous féliciter et vous remercier pour votre article d’aujourd’hui dans la LB

En tant que présidente et cofondatrice d’Utuc, je ne peux qu’applaudir votre attitude et vos propos

A Utuc où nous accueillons des jeunes « différents », des frères de Loïc, nous cherchons à rétablir un lien social, avec les habitants bénévoles mais aussi avec les étudiants grâce à la participation de 3 KAP

Nous cherchons, par ce biais,à faire connaître la réalité des jeunes qui vivent en marge pour diverses raisons et qui sont objets de mépris ou d'indifférence.  

Il pourrait être intéressant de vous rencontrer et de réfléchir ensemble aux actions de sensibilisation que nous pourrions mener sur LLN

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez me rencontrer pour voir ce que nous pourrions faire ensemble

Bien cordialement

Evelyne Louveaux

coprésidente 

 

christine vander borght, psychologue

 

j'ai par hasard acheté La Libre ce lundi et j'ai donc lu ton sympathique article sur le jeune derviche tourneur. Impressionnant;

 

Jean-Pol Leclerq

 

Rapidement, je réagis à tes deux derniers envois relatifs l'un à l'indifférence et le suivant à l'acceptation de la différence. Ma réaction se limitera pour l'instant à quelques réflexions sommaires et peu structurées. Peut-être, y reviendrais-je plus tard pour mieux construire ma pensée.

 

  1. Lorsque je siégeais à l'AWIPH, voici une quinzaine d'années, j'étais souvent assis face à une affiche dont le texte m'interpellait. Je ne comprenais pas le sens de "Pour l'égalité des différences". J'aurais mieux compris "Egaux avec nos différences".

 

  1. Tu évoques l'indifférence dans son acceptation de manque d'attention à l'autre. Mais ce mot signifie aussi inacceptation de la différence, ce que je retrouve dans le courant égalitariste ... qui ménerait à mes yeux à l'indifférence aux autres. Comme quoi, vouloir nier les différences ( de race, de genre, ...) pourrait en fait mener à ne plus se soucier des autres, tout le monde étant pris dans un magma de confusion indifférenciée. Loin de moi, les idées racistes mais quid de pourfendre le "père fouettard" qui fait partie d'une culture qui structure notre psychisme. Loin de moi de ne pas respecter les femmes, mais quid de la croisade de certains contre les chants étudiants. J'ai vraiment l'impression qu'on en revient à l'époque de Mac Carthy et que, à force de "politiquement correct", l'on détriut tous les repères qui aident les jeunes à forger leur identité.à un certain moment de leur vie.

 

  1. Or une identité suffisamment sûre d'elle est, à mes yeux, la base de sécurité (Pierre Fontaine aurait-il parlé, en référence à Erickson, de la confiance de base?) nécessaire pour accepter l'autre dans sa différence et aller à sa rencontre. Le flou identitaire, voire le malaise identitaire actuel de nombre de nos concitoyens me semble un des maux de la société actuelle.

 

  1. L'indifférence est à l'oeuvre en de très nombreux endroits, y compris dans certains milieux psys lorsque les besoins de soins des plus fragiles sont niés en se référant à l'absence de demande formulée, par exemple par certains psychotiques. J'ai parfois tellement l'impression que certains de nos semblables sont tellement niés dans ce qui constitue leur essence, leur être profond que je n'hésite pas à parler d' "euthanasie sociale". Certains n'existent plus pour la société, leur existence est niée.... au point qu'il arrive, comme voici une dizaine d'années, qu'un jeune psychotique meurre dans sa tente plantée dans un parc de Gand, au milieu de l'indifférence générale des nombreux promeneurs fréquentant ce parc.

 

  1. En conclusion, j'admire que tu aies osé un devoir d'ingérence et te suis reconnaissant de l'écrire. Tu t'es montré humain au risque de te faire traiter de "mêle-tout". Il est aussi rassurant de te lire à propos des jeunes soucieux des autres.

 

 

Je profite de cet envoi pour te demander si je peux adresser au journal "Le Soir" ton avis humoristique relatif à la fessée. Ce dernier mercredi 5 mai, un article est paru avec pour titre "Modifier le code civil pour interdire la fessée?". J'avais l'intention de leur adresser ton avis ainsi que ma réaction de l'époque et d'y joindre une copie des pages que consacre Maurice Berger à cette problématique dans son dernier ouvrage "De l'incivilité au terrorisme". Me permets-tu d'utiliser ton envoi de septembre 2018?

 

A l'évoquer, l'interdiction de la fessée s'inscrit peut-être aussi dans le courant "politiquement correct" de l'indifférenciation qui ferait aussi des enfants les égaux de leurs parents ( égaux en valeur et dignes de respect, d'accord; égaux en capacités de discernement, pas d'accord).

 

Bon week-end et avec mes amitiés,

 

Jean-Paul.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pr. Jean-Yves Hayez                                                   

Psychiatre infanto-juvénile

Docteur en psychologie                                                       

Professeur émérite à l’UCL

Cours Durendal, 3/102

B-1348, Louvain-la-Neuve

Tél. (32)10.418069

Courriel  

 

 

Pour Loïc, le jeune derviche danseur.

Petite histoire sur l’indifférence et l’acceptation de la différence.


                                                                                                              Jean-Yves Hayez.

Vendredi 23 avril, 20h15. Les fenêtres de mon appartement donnent sur le Parc de la Source, un des poumons verts de Louvain la Neuve. Dans le parc, plus de 300 jeunes, manifestation autorisée m’a-t-on dit. Néanmoins, ils sont agglutinés par petits groupes d’une vingtaine , à des années-lumière du respect des règles sanitaires. Bière et alcool coulent en abondance et les déchets aussi, en veux-tu en voilà. Deux voitures de police sont déjà passées, lentement, sans s’arrêter, pas vraiment pour fuir le caillassage, mais plutôt par sagesse : que peuvent deux gardiens de la paix contre une fourmilière prête à s’égailler, sinon se couvrir de ridicule !


Curieusement, les jeunes ont laissé vide le centre de la pelouse, un cercle d’une quinzaine de mètres de diamètre et se cantonnent à la périphérie. Un garçon de leur âge y court tout seul, sans relâche, traçant inlassablement le même grand cercle, des écouteurs aux oreilles. Il court, bondit, gesticule en caricaturant une danse, sans quasi jamais se reposer plus que quelques instants. Voilà plus d’une demi-heure que je l’observe, par intermittences de plus en plus rapprochées, il tourne et tourne et fait le vide autour de lui, sans contact avec personne.                
Le médecin que je suis se préoccupe de plus en plus de cette interminable ronde folle, posant la question d’une crise dans une maladie mentale.       
Je me décide donc à aller vers lui ; je traverse la pelouse d’un pas tranquille ; je suis tout près de lui…il s’arrête, un peu inquiet…je lui dis bonsoir en souriant…nous nous présentons : « Jean-Yves, Loïc».  Et il se met à communiquer gentiment avec moi. Comme je le prévoyais, rien ne correspond chez lui aux critères standards de la normalité : j’identifie quelques signes physiques et cognitifs d’un léger retard mental, quelques traits autistiques aussi,  bien qu’il me regarde droit dans les yeux, et surtout l’impression d’une immaturité affective diffuse.

 Il m’explique qu’il vit chez ses parents, qu’il a pris le train pour venir ici « près des autres ». Il se dit heureux de danser seul « Je suis dans ma bulle , je sais que personne ne me parle... c’est comme ça », ajoute-t-il avec un petit sourire comme pour s’excuser.     .
J’essaie qu’il me donne le numéro de téléphone de ses parents, pour vérifier que tout est OK, mais il refuse de le faire. Nous parlons encore un peu, je lui explique ma motivation à l’avoir contacté (médecin préoccupé). Il me dit « Oui, les autres me trouvent bizarre». Mais je suis vraiment rassuré par ce bout de communication, je le lui dis, et j’ajoute que je souhaite qu’il continue à s’amuser comme il le faisait. Je prends congé, en lui tournant le dos. Rentré chez moi, mon épouse m’apprend qu’il s’est tout de suite éclipsé, seul. Hélas, je lui ai probablement fait peur et j’’en suis bien triste.

 

L’indifférence ? Je reste sidéré par l’indifférence massive de cette foule, occupée à goûter les plaisirs des retrouvailles et de l’alcool. Personne ne s’est dérangé -dans tous les sens étymologiques du terme- pour l’approcher, lui parler, essayer de comprendre ce qui se passait et s »il existait un risque social, Pis encore, personne ne le regardait, comme s’il n’existait pas! Ils avaient eu
 l’intuition que cet inconnu n’était pas de leur monde, ni comportemental, ni social.


J’entends déjà des voix protester : « Ils avaient peur; ils n’ont pas voulu le provoquer ». Oui peut-être l’un ou l’autre craignait-il cette sorte de chaman dansant ...mais le groupe aurait pu en déléguer quelques-uns, confiants en eux et bons communicateurs, pour au moins évaluer ce qui se passait.

Ou encore : « Ce n’est pas de l’indifférence,  c’est une magnifique tolérance, voire une vraie acceptation spontanée de la manière d’être individuelle… Nous sommes en 2021 et chacun se donne le droit d’être lui-même !...  Notre société est faite d’individualités qui s’affirment ». L’argument me paraît néanmoins bien peu convaincant. Sur le plan éthique, ne sommes-nous pas invités à accepter les choix de vie de chacun, certes, mais pour peu qu’ils ne mettent pas significativement en danger la vie d’autrui ou de la personne elle-même? Auquel cas, il y a devoir d’assistance.

 

Et ici, l’étrangeté prolongée du comportement de Loïc - évocateur par exemple d’une crise de schizophrénie- exigeait que soit faite cette vérification du risque, même brièvement, même approximativement, pas par d’hypothétiques professionnels mais par ses frères et sœurs de la communauté.

Mais non, leur indifférence à celui qui n’avait pas les codes du groupe a été aussi massive ce soir-là que leur indifférence aux règles sanitaires ( au cocotier, les papy et les mamy !) et que leur indifférence écologique (merci, soit dit en passant, à l’unique jeune fille qui a fait du ramassage de déchets une vingtaine de minutes vers 22heures). Indifférence de classe sociale aussi : tant pis pour ceux qui allaient se casser le dos deux ou trois heures le lendemain matin pour ramasser papiers gras, canettes et autres débris de bouteilles de vodka.


Acceptation de la différence ? Je n’ai aucun remords quant à mon comportement. En contactant Loïc , j’ai seulement voulu vérifier la question du danger : trop de désordre mental, trop d’incohérences et de perte de lucidité aurait pu conduire à d’imprévisibles drames.

Mais ce n’était le cas : ma conversation avec le jeune se voulait à l’écoute, respectueuse, délicate et elle m’a vite convaincu que le comportement de Loïc relevait d’un projet non dangereux et élaboré librement. « Danser, tourner autour des autres, dans ma bulle, sans que personne ne me parle ». Dans l’immédiateté de cette soirée, dans le cadre de notre brève rencontre, ce projet personnel, tout imparfait qu’il soit ( il faisait lui aussi l’impasse sur la rencontre de l’autre) m’a semblé pouvoir être reconnu et encouragé. Ce que j’ai fait explicitement, avant de partir.

On ne fait hélas pas d’omelettes sans casser d’œufs et Loïc a vite disparu, effrayé sans doute malgré tout par mon statut de vieux monsieur, médecin de surcroît, susceptible d’exercer un pouvoir au-delà de ses mots : peut-être de mauvais souvenirs pour lui !

J’espère de tout cœur qu’il est allé jouer et danser ailleurs en ville. Je suis triste, je l’ai dit, et je regrette que mon approche ne l’ait pas complètement rassuré. J’ai même l’espoir de le retrouver, à partir de ce texte et de lui offrir des chocolats pour m’excuser de lui avoir fait peur (Loïc est bien sûr un prénom
d’emprunt). Mais je ne me sens pas coupable et, si c’était à refaire, j’aurais la même attitude de sollicitude.


Tout est-il dit de la sorte ? Pas encore tout à fait ! La manière de se comporter de Loïc me semble être de l’ordre du compromis, acceptable personnellement, pour se donner une certaine joie de vivre dans un moment de fête collective. C’est déjà ça !  Néanmoins, il m’a parlé très vite de sa bulle, de sa solitude, des autres qui le trouvaient bizarre. J’espère donc que les responsables de son accompagnement quotidien, parents et autres professionnels, ont suffisamment de créativité pour accepter à la fois bien des dimensions originales de Loïc , mais aussi améliorer sa sociabilité et son insertion sociale.

 

"Ne regardez pas le renard qui passe", gauchement mais ensemble


Samedi 1er mai, 10h. Parce de la Source, Louvain-La-Neuve. De la fenêtre de notre appartement, nous voyons, sur la pelouse centrale, un groupe d’une quinzaine de jeunes adultes, certains en uniforme scout et d’autres pas. Ils sont sagement assis et, curieusement, ils jouent au jeu bien connu du mouchoir (" Ne regardez pas le renard qui passe… ").

Deux d’entre eux courent autour du cercle, assez gauchement, en se donnant la main. Et leur poursuivant trottine derrière, faisant tout ce qu’il peut...pour ne pas les attraper. En regardant mieux, nous voyons alors qu’une partie du groupe est constituée par des adultes, plutôt jeunes, présentant un handicap mental.
Ils reviennent déjeuner à midi sur une des tables du parc, et je souhaite les rencontrer :je traverse la pelouse d’un pas tranquille...je suis tout près...je demande à parler à la cheffe ou au chef, car je désire tout simplement les féliciter pour leur réelle acceptation de la différence sociale. Nous nous écartons d’un mètre ou deux et dix paires d’yeux nous fixent intensément, un peu anxieux, me rappelant le regard de Loïc la semaine passée. C’est en croisant tous ces regards que j’ai compris qu’ils étaient vraiment intégrés : ce qui arrivait au groupe, c’était leur affaire à tous, ils étaient concernés, personne n’était dans sa bulle. Reste à ajouter qu’ils m’ont dit des jeunes de la 11eme unité scoute de Jambes-Montagne (si j’ai bien compris) cinq cheffes et chefs étudiants et sept personnes handicapées. Et cerise sur le gâteau dans cette ambiance de respect de l’autre, les chefs ont demandé à voir la photo prise un peu plutôt et que je souhaitais diffuser, pour vérifier qu’elle respectait bien la vie privée chacun .

La semaine passée, j’ai dénoncé , sans le regretter, l’indifférence d’une foule de jeunes. S’ils sont capables du pire, parfois, les jeunes sont aussi capables du meilleur, et je voulais en témoigner...

Réactions

 

Ma réponse à Louis, 25 ans, qui invoque l’inhibition due à la timidité

 

Pour Louis:

 

Cher ami,

J'ai un vrai respect pour la timidité, qui nous amène à d'humbles aménagements dans nos vies, peur de rater certains types de rencontres...

Cependant, si elle nous fait rater trop de choses (p. ex., un lien amoureux), comme le dit la célèbre réplique de pierre richard : "Je suis timide, mais je me soigne"

Par ailleurs, dans certaines situations, celles où il pourrait y avoir danger, la timidité ne peut pas légitimer l'inertie anxieuse...il faut remplir notre devoir d'assistance, et aller aider, en prenant notre courage à deux mains

pour Loïc, il ne s'agissait pas d'abord de lui parler, mais de vérifier s'il n'était pas fou et s'il n'y avait pas besoin de secours

amitiés

 

 

 

Soutien simple :Dr Emmanuel de becker ; Mr ;me caroline Maison, psychologue ;dr Christophe Panichelli ;Vincent Liévin, journaliste ; dr Brigite Kevers ; Pr dominique Charlier ; dr guy Loute ; dr jean-Bernard turine ; dr A Maernoudt ; dr Sophie Symann

 

Dr Patrick Castelain

Mon cher Jean-Yves,

 

Inutile de t’expliquer que le monde est complexe et que c’est à nous d’en découvrir toutes les facettes . Ce que tu fais toujours avec ton infatigable curiosité des choses et des hommes ! Tu as eu encore une fois l’ »honnêteté » et la modestie de nous en faire part, ce qui nous encourage aussi à continuer à croire dans l’humain .

J’espère que nous pourrons tous nous retrouver joyeux et  en bonne santé en bord de Meuse ou ailleurs cet automne !

Avec toute mon amitié,

 

 

Dr Valérie van Ransbeeck

Cher Jean-Yves,

Merci pour ton mail, le partage en ces temps de distanciation fait du bien.. même si le témoignage est en demi-teinte.

Amitiés 

Mr Alain Sansterre

 

Bonsoir et merci, Jean-Yves. Heureusement, le meilleur côtoie le pire.

 

Bien à toi

Alain

Mme Sofyz Terlez,psychologue

 

Cher Jean-Yves,

 

Merci beaucoup pour ton texte. 

En plaine blocus je me fais petite pause en lisant tes articles. 

Je suis très touché par ta propre indifférence au monde ( ??????????), ta langue et ton souhaite de partager ton expérience. 

 

Dr Sophie Dechène

 

Je préfère cette histoire-ci 🙂. Il reste encore des gens qui respectent les vieilles valeurs d'altruisme, de respect de la différence et ne se laissent pas envahir par l'individualisme préconisé au nom de l'émancipation et du droit à la liberté, beaucoup plus à la mode (et malheureusement bien souvent véhiculé par la psychologie).


Je te remercie pour ce partage.

Mme Roxana Kalfa, psychologue

 

Merci Jean-Yves pour ce texte émouvant, qui rappelle qu'aucun homme n'est une île, que nous sommes tous concernés par le bien  des autres, et pourtant qu'on oublie si souvent

 

Je me rends compte que c'est rare que je réponde à tes messages collectifs, mais ce n'est pas pour autant que je les apprécie moins. Au contraire

 

Merci pour ce beau travail de rappel du lien qui nous tient ensemble

 

Dr Philippe Cattiez

 

Cher Jean-Yves,

Je voulais te féliciter pour l’article de la Libre de ce lundi ("pas eu le temps hier" - triste et banale excuse)

Plein d’humanité, de sagesse et digne de ton immense expérience !

Amitiés

PhC

 

De mr Jean Masson

Je pense que ta sensibilité, ton empathie, ton métier, reviennent à la surface comme un boomerang et que ce garçon symbolisait à lui seul toute  l'indifférence du monde face, justement,  à la différence, face à la "non-norme", ....

Quant à faire sa recherche pour lui offrir des chocolats, cela semblerait incompris et certainement très décalé dans le contexte actuel...Tel est mon humble avis..

A plus...big amitiés

 

Dr Chantal Malevez

Cher Jean-Yves, ton texte m'a profondément émue et je me suis permis de le transférer à mes enfants et petits-enfants (19,17,15 ans) puis à des amis très chers (un couple a un petit fils autiste) puis à un club, le Club L dont je fais partie, club de femmes de tous âges et de toutes orientations mais unies par une profonde amitié. Bien que je pense que la meilleure diffusion puisse se faire par les réseaux sociaux, je ne suis pas très réseaux sociaux, moi-même et ne me permettrais donc pas de le diffuser ainsi.Je pense que ton texte magnifique d'humanité mérite une ample diffusion parce que au delà de cette différence que tu nous expliques , il y a aussi toutes les différences ethniques, raciales, sociales et autres que tu mets en évidence mais je ne connais personne dans le monde journalistique et ne peux pas t'aider.Bien amicalement Chantal

 

Et puis Cher Jean Yves , merci pour ton 2ème texte qui remet un peu l'église au milieu du village et témoigne d'attitudes qui peuvent être plus humaines.Mes enfants et mon gendre, mes petits-enfants ont toujours fait du scoutisme et en font encore et il n'est pas rare que dans l'une ou l'autre patrouille il y ait eu un enfant , je dirais "différent" très bien intégré par la patrouille.Mais dans ton premier article toute la problématique de l'enfant "différent", comment parfois l'aborder?

 

 Dr Jacqueline de groot

Merci Jean-Yves pour ton double temoignage.

De petites initiatives souvent invisibles ressortissant d’une créativité soit personnelle, soit à partir  d’une association quelconque , me réjouissent et éveillent en moi l’énergie de faire de même !

Belles histories qui peuvent inciter d’autres à faire de même .

Jacqueline

 

 

Françoise Leurquin, psychologue, fondatrice de l’atelier du lien         
Bonjour Jean-Yves,

 

Première réaction : ton mouvement vers lui me semble très très touchant.  Le sien aussi : tant dans l'échange que dans sa fuite ("fuite" de ou dans sa bulle "perçée":)).  Peut être que ton intervention a stoppé une crise ? T'attacher à le retrouver avec des chocolats-rustines qui font lien ?

Quelle jolie histoire !

Je n'ai pas beaucoup d'inspiration pour savoir comment le retrouver si ce n'est en diffusant peut être d'abord dans les institutions de LLN ?  Est il vraiment venu en train?  Il y a une maison dans le quartier de Lauzelle, qui accueille des personnes plus ou moins autonomes.  C'est quasi en face du bas de la rue d'aulne (où j'habitais) : en descendant, le bâtiment en face à droite.  S'il est allé au centre, il passe probablement d'office par l'endroit où tu l'as vu.

 

Ma réponse c'est très possible en effet....et même plus probable que le train

au-delà de mon attitude, j'ai vraiment trouvé glaçante, au moins ce soir-là, l'indifférence de cette foule en ripaille avec ce jeune qui virevoltait en plein milieu, pas dans un coin quelconque...j'en suis traumatisé, d'où mon écrit auto-libératoire

 

Sa réponse : Cela me touche aussi .  C'est, me semble-t-il, ce que vivent toutes les personnes confrontées à une solitude quasi radicale par rapport à des vécus impossibles à partager, voire interdits à partager (par injonction ext ou int, implicite ou explicite), incompréhensibles... et s'ils deviennent partiellement compréhensibles, c'est une telle révolution psychique, que la conscience d'être "vu ou reconnu"  mais "toujours mal vu ou mal reconnu" est quasi insoutenable, voire dangereux.  Des parties de moi connaissent bien cela (départ d'Afrique).  Ceci dit, sentir une intention bienveillante, prudente, modeste et sensible de quelqu'un fait du bien même si cela semble ne produire aucun effet. 

 

Dr Jerome Cauchies

 

Merci pour ton texte Jean-Yves sur la différence et l'indifférence. Souvent ces deux termes sont liés. Je suis certain que tu as laissé un bon souvenir à Loic que tu reverras peut-être. 

 

Dr Jacques Laruelle

 

Comme je n'ai jamais exercé la médecine en Belgique et que j'habite actuellement en Flandre, je ne puis t'aider à retrouver ce jeune garçon. Je tenais néanmoins à témoigner mon soutien à ton message poignant !

 

mme Hammarqvist

 

Ooohhh que ça fait du bien de lire que l'humanité existe! Ainsi que la préoccupation pour l'autrui. C'est magique.

 

Dr Alain Bachy

 

Merci pour ton  histoire  bien émouvante.

Personellement, je pense que je n'aurais pas perçu une situation à risque  et n'aurais pas approché Loïc. Peut-être à tort ?

Je ne suis pas pédopsyciatre.

 

Ma réponse Tu ne l’as pas vu courir en grand cercle, toujours le même, au moins 40 min Alain, c’était hallucinant….

 

Madame Gwena Ansiaeu

 

Cher Professeur,

 

Je me permets de vous envoyer ces quelques lignes, sans autre objectif que de vous dire à quel point votre texte dans LLB m’a touchée.

J’aurais également été sidérée, je pense, de voir ce « Loic » au milieu des jeunes, deux mondes qui ne se sont pas croisés.

Je pense que j’aurais eu, comme vous, cette envie, dans mes tripes, d’aller au-devant de lui et de le rassurer sur le fait que quelqu’un l’avait bien vu, et s’était inquiété de lui.

Ayant moi-même perdu un enfant accidentellement, je suis bénévole dans l’ASBL Parents désenfantés, et nous accueillons des parents endeuillés après une maladie, un accident, un incendie, un infanticide.. mais aussi beaucoup de suicides. Je suis toujours infiniment touchée d’entendre ces parents parler de ce qui s’est passé, pour peu qu’ils le sachent eux-mêmes. Certains n’ont pas vu la souffrance de leur enfant et restent avec leurs questions.

Le Covid n’arrange rien, et on aimerait voir plus souvent des gestes d’humanité et de bienveillance comme le vôtre. Ils peuvent faire une telle différence…

 

Merci d’avoir pris votre plume pour nous raconter cette scène incroyable. J’espère que les jeunes présents ce jour-là sur la pelouse l’auront lue également…

 

 

Mme Géradin

Cher Monsieur,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article consacré à Loïc.  Je suis moi-même grand-mère de 12 petits-enfants dont 8 garçons  de 22 à 33 ans.  Dont xxxxx) que vous avez suivi pendant un temps.  Il en garde un très bon souvenir, de même que ses parents.
Ils sont tous gentils, respectueux mais aussi timides.  Je ne suis pas sûre qu’ils auraient osé quitter le groupe des « guindailleurs » pour aller vers Loïc.  Cela m’attriste comme vous.  Certains, chefs de mouvements de jeunesse (scouts),  pourraient y être sensibles.  Je vais leur en parler.

 

Mr de Lobkowicz

 

bien cher docteur,

 

dans La Libre d’aujourd’hui.

 

Je comprends tellement que vous souhaitiez retrouver ce jeune garçon dans lequel je retrouve mon fils xxxx dont vous vous êtes  occupé il y a déjà pas mal de temps.

 

J'espère que ses parents prendront contact avec vous.

 

Bien respectueusement par rapport à votre travail et aussi bien amicalement.

 

 

Association Un toit un cœur

 

Je voudrais vous féliciter et vous remercier pour votre article d’aujourd’hui dans la LB

En tant que présidente et cofondatrice d’Utuc, je ne peux qu’applaudir votre attitude et vos propos

A Utuc où nous accueillons des jeunes « différents », des frères de Loïc, nous cherchons à rétablir un lien social, avec les habitants bénévoles mais aussi avec les étudiants grâce à la participation de 3 KAP

Nous cherchons, par ce biais,à faire connaître la réalité des jeunes qui vivent en marge pour diverses raisons et qui sont objets de mépris ou d'indifférence.  

Il pourrait être intéressant de vous rencontrer et de réfléchir ensemble aux actions de sensibilisation que nous pourrions mener sur LLN

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez me rencontrer pour voir ce que nous pourrions faire ensemble

Bien cordialement

Evelyne Louveaux

coprésidente 

 

christine vander borght, psychologue

 

j'ai par hasard acheté La Libre ce lundi et j'ai donc lu ton sympathique article sur le jeune derviche tourneur. Impressionnant;

 

Jean-Pol Leclerq

 

Rapidement, je réagis à tes deux derniers envois relatifs l'un à l'indifférence et le suivant à l'acceptation de la différence. Ma réaction se limitera pour l'instant à quelques réflexions sommaires et peu structurées. Peut-être, y reviendrais-je plus tard pour mieux construire ma pensée.

 

  1. Lorsque je siégeais à l'AWIPH, voici une quinzaine d'années, j'étais souvent assis face à une affiche dont le texte m'interpellait. Je ne comprenais pas le sens de "Pour l'égalité des différences". J'aurais mieux compris "Egaux avec nos différences".

 

  1. Tu évoques l'indifférence dans son acceptation de manque d'attention à l'autre. Mais ce mot signifie aussi inacceptation de la différence, ce que je retrouve dans le courant égalitariste ... qui ménerait à mes yeux à l'indifférence aux autres. Comme quoi, vouloir nier les différences ( de race, de genre, ...) pourrait en fait mener à ne plus se soucier des autres, tout le monde étant pris dans un magma de confusion indifférenciée. Loin de moi, les idées racistes mais quid de pourfendre le "père fouettard" qui fait partie d'une culture qui structure notre psychisme. Loin de moi de ne pas respecter les femmes, mais quid de la croisade de certains contre les chants étudiants. J'ai vraiment l'impression qu'on en revient à l'époque de Mac Carthy et que, à force de "politiquement correct", l'on détriut tous les repères qui aident les jeunes à forger leur identité.à un certain moment de leur vie.

 

  1. Or une identité suffisamment sûre d'elle est, à mes yeux, la base de sécurité (Pierre Fontaine aurait-il parlé, en référence à Erickson, de la confiance de base?) nécessaire pour accepter l'autre dans sa différence et aller à sa rencontre. Le flou identitaire, voire le malaise identitaire actuel de nombre de nos concitoyens me semble un des maux de la société actuelle.

 

  1. L'indifférence est à l'oeuvre en de très nombreux endroits, y compris dans certains milieux psys lorsque les besoins de soins des plus fragiles sont niés en se référant à l'absence de demande formulée, par exemple par certains psychotiques. J'ai parfois tellement l'impression que certains de nos semblables sont tellement niés dans ce qui constitue leur essence, leur être profond que je n'hésite pas à parler d' "euthanasie sociale". Certains n'existent plus pour la société, leur existence est niée.... au point qu'il arrive, comme voici une dizaine d'années, qu'un jeune psychotique meurre dans sa tente plantée dans un parc de Gand, au milieu de l'indifférence générale des nombreux promeneurs fréquentant ce parc.

 

  1. En conclusion, j'admire que tu aies osé un devoir d'ingérence et te suis reconnaissant de l'écrire. Tu t'es montré humain au risque de te faire traiter de "mêle-tout". Il est aussi rassurant de te lire à propos des jeunes soucieux des autres.

 

 

Je profite de cet envoi pour te demander si je peux adresser au journal "Le Soir" ton avis humoristique relatif à la fessée. Ce dernier mercredi 5 mai, un article est paru avec pour titre "Modifier le code civil pour interdire la fessée?". J'avais l'intention de leur adresser ton avis ainsi que ma réaction de l'époque et d'y joindre une copie des pages que consacre Maurice Berger à cette problématique dans son dernier ouvrage "De l'incivilité au terrorisme". Me permets-tu d'utiliser ton envoi de septembre 2018?

 

A l'évoquer, l'interdiction de la fessée s'inscrit peut-être aussi dans le courant "politiquement correct" de l'indifférenciation qui ferait aussi des enfants les égaux de leurs parents ( égaux en valeur et dignes de respect, d'accord; égaux en capacités de discernement, pas d'accord).

 

Bon week-end et avec mes amitiés,

 

Jean-Paul.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pr. Jean-Yves Hayez                                                   

Psychiatre infanto-juvénile

Docteur en psychologie                                                       

Professeur émérite à l’UCL

Cours Durendal, 3/102

B-1348, Louvain-la-Neuve

Tél. (32)10.418069

Courriel  

 

 

Pour Loïc, le jeune derviche danseur.

Petite histoire sur l’indifférence et l’acceptation de la différence.


                                                                                                              Jean-Yves Hayez.

Vendredi 23 avril, 20h15. Les fenêtres de mon appartement donnent sur le Parc de la Source, un des poumons verts de Louvain la Neuve. Dans le parc, plus de 300 jeunes, manifestation autorisée m’a-t-on dit. Néanmoins, ils sont agglutinés par petits groupes d’une vingtaine , à des années-lumière du respect des règles sanitaires. Bière et alcool coulent en abondance et les déchets aussi, en veux-tu en voilà. Deux voitures de police sont déjà passées, lentement, sans s’arrêter, pas vraiment pour fuir le caillassage, mais plutôt par sagesse : que peuvent deux gardiens de la paix contre une fourmilière prête à s’égailler, sinon se couvrir de ridicule !


Curieusement, les jeunes ont laissé vide le centre de la pelouse, un cercle d’une quinzaine de mètres de diamètre et se cantonnent à la périphérie. Un garçon de leur âge y court tout seul, sans relâche, traçant inlassablement le même grand cercle, des écouteurs aux oreilles. Il court, bondit, gesticule en caricaturant une danse, sans quasi jamais se reposer plus que quelques instants. Voilà plus d’une demi-heure que je l’observe, par intermittences de plus en plus rapprochées, il tourne et tourne et fait le vide autour de lui, sans contact avec personne.                
Le médecin que je suis se préoccupe de plus en plus de cette interminable ronde folle, posant la question d’une crise dans une maladie mentale.       
Je me décide donc à aller vers lui ; je traverse la pelouse d’un pas tranquille ; je suis tout près de lui…il s’arrête, un peu inquiet…je lui dis bonsoir en souriant…nous nous présentons : « Jean-Yves, Loïc».  Et il se met à communiquer gentiment avec moi. Comme je le prévoyais, rien ne correspond chez lui aux critères standards de la normalité : j’identifie quelques signes physiques et cognitifs d’un léger retard mental, quelques traits autistiques aussi,  bien qu’il me regarde droit dans les yeux, et surtout l’impression d’une immaturité affective diffuse.

 Il m’explique qu’il vit chez ses parents, qu’il a pris le train pour venir ici « près des autres ». Il se dit heureux de danser seul « Je suis dans ma bulle , je sais que personne ne me parle... c’est comme ça », ajoute-t-il avec un petit sourire comme pour s’excuser.     .
J’essaie qu’il me donne le numéro de téléphone de ses parents, pour vérifier que tout est OK, mais il refuse de le faire. Nous parlons encore un peu, je lui explique ma motivation à l’avoir contacté (médecin préoccupé). Il me dit « Oui, les autres me trouvent bizarre». Mais je suis vraiment rassuré par ce bout de communication, je le lui dis, et j’ajoute que je souhaite qu’il continue à s’amuser comme il le faisait. Je prends congé, en lui tournant le dos. Rentré chez moi, mon épouse m’apprend qu’il s’est tout de suite éclipsé, seul. Hélas, je lui ai probablement fait peur et j’’en suis bien triste.

 

L’indifférence ? Je reste sidéré par l’indifférence massive de cette foule, occupée à goûter les plaisirs des retrouvailles et de l’alcool. Personne ne s’est dérangé -dans tous les sens étymologiques du terme- pour l’approcher, lui parler, essayer de comprendre ce qui se passait et s »il existait un risque social, Pis encore, personne ne le regardait, comme s’il n’existait pas! Ils avaient eu
 l’intuition que cet inconnu n’était pas de leur monde, ni comportemental, ni social.


J’entends déjà des voix protester : « Ils avaient peur; ils n’ont pas voulu le provoquer ». Oui peut-être l’un ou l’autre craignait-il cette sorte de chaman dansant ...mais le groupe aurait pu en déléguer quelques-uns, confiants en eux et bons communicateurs, pour au moins évaluer ce qui se passait.

Ou encore : « Ce n’est pas de l’indifférence,  c’est une magnifique tolérance, voire une vraie acceptation spontanée de la manière d’être individuelle… Nous sommes en 2021 et chacun se donne le droit d’être lui-même !...  Notre société est faite d’individualités qui s’affirment ». L’argument me paraît néanmoins bien peu convaincant. Sur le plan éthique, ne sommes-nous pas invités à accepter les choix de vie de chacun, certes, mais pour peu qu’ils ne mettent pas significativement en danger la vie d’autrui ou de la personne elle-même? Auquel cas, il y a devoir d’assistance.

 

Et ici, l’étrangeté prolongée du comportement de Loïc - évocateur par exemple d’une crise de schizophrénie- exigeait que soit faite cette vérification du risque, même brièvement, même approximativement, pas par d’hypothétiques professionnels mais par ses frères et sœurs de la communauté.

Mais non, leur indifférence à celui qui n’avait pas les codes du groupe a été aussi massive ce soir-là que leur indifférence aux règles sanitaires ( au cocotier, les papy et les mamy !) et que leur indifférence écologique (merci, soit dit en passant, à l’unique jeune fille qui a fait du ramassage de déchets une vingtaine de minutes vers 22heures). Indifférence de classe sociale aussi : tant pis pour ceux qui allaient se casser le dos deux ou trois heures le lendemain matin pour ramasser papiers gras, canettes et autres débris de bouteilles de vodka.


Acceptation de la différence ? Je n’ai aucun remords quant à mon comportement. En contactant Loïc , j’ai seulement voulu vérifier la question du danger : trop de désordre mental, trop d’incohérences et de perte de lucidité aurait pu conduire à d’imprévisibles drames.

Mais ce n’était le cas : ma conversation avec le jeune se voulait à l’écoute, respectueuse, délicate et elle m’a vite convaincu que le comportement de Loïc relevait d’un projet non dangereux et élaboré librement. « Danser, tourner autour des autres, dans ma bulle, sans que personne ne me parle ». Dans l’immédiateté de cette soirée, dans le cadre de notre brève rencontre, ce projet personnel, tout imparfait qu’il soit ( il faisait lui aussi l’impasse sur la rencontre de l’autre) m’a semblé pouvoir être reconnu et encouragé. Ce que j’ai fait explicitement, avant de partir.

On ne fait hélas pas d’omelettes sans casser d’œufs et Loïc a vite disparu, effrayé sans doute malgré tout par mon statut de vieux monsieur, médecin de surcroît, susceptible d’exercer un pouvoir au-delà de ses mots : peut-être de mauvais souvenirs pour lui !

J’espère de tout cœur qu’il est allé jouer et danser ailleurs en ville. Je suis triste, je l’ai dit, et je regrette que mon approche ne l’ait pas complètement rassuré. J’ai même l’espoir de le retrouver, à partir de ce texte et de lui offrir des chocolats pour m’excuser de lui avoir fait peur (Loïc est bien sûr un prénom
d’emprunt). Mais je ne me sens pas coupable et, si c’était à refaire, j’aurais la même attitude de sollicitude.


Tout est-il dit de la sorte ? Pas encore tout à fait ! La manière de se comporter de Loïc me semble être de l’ordre du compromis, acceptable personnellement, pour se donner une certaine joie de vivre dans un moment de fête collective. C’est déjà ça !  Néanmoins, il m’a parlé très vite de sa bulle, de sa solitude, des autres qui le trouvaient bizarre. J’espère donc que les responsables de son accompagnement quotidien, parents et autres professionnels, ont suffisamment de créativité pour accepter à la fois bien des dimensions originales de Loïc , mais aussi améliorer sa sociabilité et son insertion sociale.

 

"Ne regardez pas le renard qui passe", gauchement mais ensemble


Samedi 1er mai, 10h. Parce de la Source, Louvain-La-Neuve. De la fenêtre de notre appartement, nous voyons, sur la pelouse centrale, un groupe d’une quinzaine de jeunes adultes, certains en uniforme scout et d’autres pas. Ils sont sagement assis et, curieusement, ils jouent au jeu bien connu du mouchoir (" Ne regardez pas le renard qui passe… ").

Deux d’entre eux courent autour du cercle, assez gauchement, en se donnant la main. Et leur poursuivant trottine derrière, faisant tout ce qu’il peut...pour ne pas les attraper. En regardant mieux, nous voyons alors qu’une partie du groupe est constituée par des adultes, plutôt jeunes, présentant un handicap mental.
Ils reviennent déjeuner à midi sur une des tables du parc, et je souhaite les rencontrer :je traverse la pelouse d’un pas tranquille...je suis tout près...je demande à parler à la cheffe ou au chef, car je désire tout simplement les féliciter pour leur réelle acceptation de la différence sociale. Nous nous écartons d’un mètre ou deux et dix paires d’yeux nous fixent intensément, un peu anxieux, me rappelant le regard de Loïc la semaine passée. C’est en croisant tous ces regards que j’ai compris qu’ils étaient vraiment intégrés : ce qui arrivait au groupe, c’était leur affaire à tous, ils étaient concernés, personne n’était dans sa bulle. Reste à ajouter qu’ils m’ont dit des jeunes de la 11eme unité scoute de Jambes-Montagne (si j’ai bien compris) cinq cheffes et chefs étudiants et sept personnes handicapées. Et cerise sur le gâteau dans cette ambiance de respect de l’autre, les chefs ont demandé à voir la photo prise un peu plutôt et que je souhaitais diffuser, pour vérifier qu’elle respectait bien la vie privée chacun .

La semaine passée, j’ai dénoncé , sans le regretter, l’indifférence d’une foule de jeunes. S’ils sont capables du pire, parfois, les jeunes sont aussi capables du meilleur, et je voulais en témoigner...

Réactions

 

Ma réponse à Louis, 25 ans, qui invoque l’inhibition due à la timidité

 

Pour Louis:

 

Cher ami,

J'ai un vrai respect pour la timidité, qui nous amène à d'humbles aménagements dans nos vies, peur de rater certains types de rencontres...

Cependant, si elle nous fait rater trop de choses (p. ex., un lien amoureux), comme le dit la célèbre réplique de pierre richard : "Je suis timide, mais je me soigne"

Par ailleurs, dans certaines situations, celles où il pourrait y avoir danger, la timidité ne peut pas légitimer l'inertie anxieuse...il faut remplir notre devoir d'assistance, et aller aider, en prenant notre courage à deux mains

pour Loïc, il ne s'agissait pas d'abord de lui parler, mais de vérifier s'il n'était pas fou et s'il n'y avait pas besoin de secours

amitiés

 

 

 

Soutien simple :Dr Emmanuel de becker ; Mr ;me caroline Maison, psychologue ;dr Christophe Panichelli ;Vincent Liévin, journaliste ; dr Brigite Kevers ; Pr dominique Charlier ; dr guy Loute ; dr jean-Bernard turine ; dr A Maernoudt ; dr Sophie Symann

 

Dr Patrick Castelain

Mon cher Jean-Yves,

 

Inutile de t’expliquer que le monde est complexe et que c’est à nous d’en découvrir toutes les facettes . Ce que tu fais toujours avec ton infatigable curiosité des choses et des hommes ! Tu as eu encore une fois l’ »honnêteté » et la modestie de nous en faire part, ce qui nous encourage aussi à continuer à croire dans l’humain .

J’espère que nous pourrons tous nous retrouver joyeux et  en bonne santé en bord de Meuse ou ailleurs cet automne !

Avec toute mon amitié,

 

 

Dr Valérie van Ransbeeck

Cher Jean-Yves,

Merci pour ton mail, le partage en ces temps de distanciation fait du bien.. même si le témoignage est en demi-teinte.

Amitiés 

Mr Alain Sansterre

 

Bonsoir et merci, Jean-Yves. Heureusement, le meilleur côtoie le pire.

 

Bien à toi

Alain

Mme Sofyz Terlez,psychologue

 

Cher Jean-Yves,

 

Merci beaucoup pour ton texte. 

En plaine blocus je me fais petite pause en lisant tes articles. 

Je suis très touché par ta propre indifférence au monde ( ??????????), ta langue et ton souhaite de partager ton expérience. 

 

Dr Sophie Dechène

 

Je préfère cette histoire-ci 🙂. Il reste encore des gens qui respectent les vieilles valeurs d'altruisme, de respect de la différence et ne se laissent pas envahir par l'individualisme préconisé au nom de l'émancipation et du droit à la liberté, beaucoup plus à la mode (et malheureusement bien souvent véhiculé par la psychologie).


Je te remercie pour ce partage.

Mme Roxana Kalfa, psychologue

 

Merci Jean-Yves pour ce texte émouvant, qui rappelle qu'aucun homme n'est une île, que nous sommes tous concernés par le bien  des autres, et pourtant qu'on oublie si souvent

 

Je me rends compte que c'est rare que je réponde à tes messages collectifs, mais ce n'est pas pour autant que je les apprécie moins. Au contraire

 

Merci pour ce beau travail de rappel du lien qui nous tient ensemble

 

Dr Philippe Cattiez

 

Cher Jean-Yves,

Je voulais te féliciter pour l’article de la Libre de ce lundi ("pas eu le temps hier" - triste et banale excuse)

Plein d’humanité, de sagesse et digne de ton immense expérience !

Amitiés

PhC

 

De mr Jean Masson

Je pense que ta sensibilité, ton empathie, ton métier, reviennent à la surface comme un boomerang et que ce garçon symbolisait à lui seul toute  l'indifférence du monde face, justement,  à la différence, face à la "non-norme", ....

Quant à faire sa recherche pour lui offrir des chocolats, cela semblerait incompris et certainement très décalé dans le contexte actuel...Tel est mon humble avis..

A plus...big amitiés

 

Dr Chantal Malevez

Cher Jean-Yves, ton texte m'a profondément émue et je me suis permis de le transférer à mes enfants et petits-enfants (19,17,15 ans) puis à des amis très chers (un couple a un petit fils autiste) puis à un club, le Club L dont je fais partie, club de femmes de tous âges et de toutes orientations mais unies par une profonde amitié. Bien que je pense que la meilleure diffusion puisse se faire par les réseaux sociaux, je ne suis pas très réseaux sociaux, moi-même et ne me permettrais donc pas de le diffuser ainsi.Je pense que ton texte magnifique d'humanité mérite une ample diffusion parce que au delà de cette différence que tu nous expliques , il y a aussi toutes les différences ethniques, raciales, sociales et autres que tu mets en évidence mais je ne connais personne dans le monde journalistique et ne peux pas t'aider.Bien amicalement Chantal

 

Et puis Cher Jean Yves , merci pour ton 2ème texte qui remet un peu l'église au milieu du village et témoigne d'attitudes qui peuvent être plus humaines.Mes enfants et mon gendre, mes petits-enfants ont toujours fait du scoutisme et en font encore et il n'est pas rare que dans l'une ou l'autre patrouille il y ait eu un enfant , je dirais "différent" très bien intégré par la patrouille.Mais dans ton premier article toute la problématique de l'enfant "différent", comment parfois l'aborder?

 

 Dr Jacqueline de groot

Merci Jean-Yves pour ton double temoignage.

De petites initiatives souvent invisibles ressortissant d’une créativité soit personnelle, soit à partir  d’une association quelconque , me réjouissent et éveillent en moi l’énergie de faire de même !

Belles histories qui peuvent inciter d’autres à faire de même .

Jacqueline

 

 

Françoise Leurquin, psychologue, fondatrice de l’atelier du lien         
Bonjour Jean-Yves,

 

Première réaction : ton mouvement vers lui me semble très très touchant.  Le sien aussi : tant dans l'échange que dans sa fuite ("fuite" de ou dans sa bulle "perçée":)).  Peut être que ton intervention a stoppé une crise ? T'attacher à le retrouver avec des chocolats-rustines qui font lien ?

Quelle jolie histoire !

Je n'ai pas beaucoup d'inspiration pour savoir comment le retrouver si ce n'est en diffusant peut être d'abord dans les institutions de LLN ?  Est il vraiment venu en train?  Il y a une maison dans le quartier de Lauzelle, qui accueille des personnes plus ou moins autonomes.  C'est quasi en face du bas de la rue d'aulne (où j'habitais) : en descendant, le bâtiment en face à droite.  S'il est allé au centre, il passe probablement d'office par l'endroit où tu l'as vu.

 

Ma réponse c'est très possible en effet....et même plus probable que le train

au-delà de mon attitude, j'ai vraiment trouvé glaçante, au moins ce soir-là, l'indifférence de cette foule en ripaille avec ce jeune qui virevoltait en plein milieu, pas dans un coin quelconque...j'en suis traumatisé, d'où mon écrit auto-libératoire

 

Sa réponse : Cela me touche aussi .  C'est, me semble-t-il, ce que vivent toutes les personnes confrontées à une solitude quasi radicale par rapport à des vécus impossibles à partager, voire interdits à partager (par injonction ext ou int, implicite ou explicite), incompréhensibles... et s'ils deviennent partiellement compréhensibles, c'est une telle révolution psychique, que la conscience d'être "vu ou reconnu"  mais "toujours mal vu ou mal reconnu" est quasi insoutenable, voire dangereux.  Des parties de moi connaissent bien cela (départ d'Afrique).  Ceci dit, sentir une intention bienveillante, prudente, modeste et sensible de quelqu'un fait du bien même si cela semble ne produire aucun effet. 

 

Dr Jerome Cauchies

 

Merci pour ton texte Jean-Yves sur la différence et l'indifférence. Souvent ces deux termes sont liés. Je suis certain que tu as laissé un bon souvenir à Loic que tu reverras peut-être. 

 

Dr Jacques Laruelle

 

Comme je n'ai jamais exercé la médecine en Belgique et que j'habite actuellement en Flandre, je ne puis t'aider à retrouver ce jeune garçon. Je tenais néanmoins à témoigner mon soutien à ton message poignant !

 

mme Hammarqvist

 

Ooohhh que ça fait du bien de lire que l'humanité existe! Ainsi que la préoccupation pour l'autrui. C'est magique.

 

Dr Alain Bachy

 

Merci pour ton  histoire  bien émouvante.

Personellement, je pense que je n'aurais pas perçu une situation à risque  et n'aurais pas approché Loïc. Peut-être à tort ?

Je ne suis pas pédopsyciatre.

 

Ma réponse Tu ne l’as pas vu courir en grand cercle, toujours le même, au moins 40 min Alain, c’était hallucinant….

 

Madame Gwena Ansiaeu

 

Cher Professeur,

 

Je me permets de vous envoyer ces quelques lignes, sans autre objectif que de vous dire à quel point votre texte dans LLB m’a touchée.

J’aurais également été sidérée, je pense, de voir ce « Loic » au milieu des jeunes, deux mondes qui ne se sont pas croisés.

Je pense que j’aurais eu, comme vous, cette envie, dans mes tripes, d’aller au-devant de lui et de le rassurer sur le fait que quelqu’un l’avait bien vu, et s’était inquiété de lui.

Ayant moi-même perdu un enfant accidentellement, je suis bénévole dans l’ASBL Parents désenfantés, et nous accueillons des parents endeuillés après une maladie, un accident, un incendie, un infanticide.. mais aussi beaucoup de suicides. Je suis toujours infiniment touchée d’entendre ces parents parler de ce qui s’est passé, pour peu qu’ils le sachent eux-mêmes. Certains n’ont pas vu la souffrance de leur enfant et restent avec leurs questions.

Le Covid n’arrange rien, et on aimerait voir plus souvent des gestes d’humanité et de bienveillance comme le vôtre. Ils peuvent faire une telle différence…

 

Merci d’avoir pris votre plume pour nous raconter cette scène incroyable. J’espère que les jeunes présents ce jour-là sur la pelouse l’auront lue également…

 

 

Mme Géradin

Cher Monsieur,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article consacré à Loïc.  Je suis moi-même grand-mère de 12 petits-enfants dont 8 garçons  de 22 à 33 ans.  Dont xxxxx) que vous avez suivi pendant un temps.  Il en garde un très bon souvenir, de même que ses parents.
Ils sont tous gentils, respectueux mais aussi timides.  Je ne suis pas sûre qu’ils auraient osé quitter le groupe des « guindailleurs » pour aller vers Loïc.  Cela m’attriste comme vous.  Certains, chefs de mouvements de jeunesse (scouts),  pourraient y être sensibles.  Je vais leur en parler.

 

Mr de Lobkowicz

 

bien cher docteur,

 

dans La Libre d’aujourd’hui.

 

Je comprends tellement que vous souhaitiez retrouver ce jeune garçon dans lequel je retrouve mon fils xxxx dont vous vous êtes  occupé il y a déjà pas mal de temps.

 

J'espère que ses parents prendront contact avec vous.

 

Bien respectueusement par rapport à votre travail et aussi bien amicalement.

 

 

Association Un toit un cœur

 

Je voudrais vous féliciter et vous remercier pour votre article d’aujourd’hui dans la LB

En tant que présidente et cofondatrice d’Utuc, je ne peux qu’applaudir votre attitude et vos propos

A Utuc où nous accueillons des jeunes « différents », des frères de Loïc, nous cherchons à rétablir un lien social, avec les habitants bénévoles mais aussi avec les étudiants grâce à la participation de 3 KAP

Nous cherchons, par ce biais,à faire connaître la réalité des jeunes qui vivent en marge pour diverses raisons et qui sont objets de mépris ou d'indifférence.  

Il pourrait être intéressant de vous rencontrer et de réfléchir ensemble aux actions de sensibilisation que nous pourrions mener sur LLN

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez me rencontrer pour voir ce que nous pourrions faire ensemble

Bien cordialement

Evelyne Louveaux

coprésidente 

 

christine vander borght, psychologue

 

j'ai par hasard acheté La Libre ce lundi et j'ai donc lu ton sympathique article sur le jeune derviche tourneur. Impressionnant;

 

Jean-Pol Leclerq

 

Rapidement, je réagis à tes deux derniers envois relatifs l'un à l'indifférence et le suivant à l'acceptation de la différence. Ma réaction se limitera pour l'instant à quelques réflexions sommaires et peu structurées. Peut-être, y reviendrais-je plus tard pour mieux construire ma pensée.

 

  1. Lorsque je siégeais à l'AWIPH, voici une quinzaine d'années, j'étais souvent assis face à une affiche dont le texte m'interpellait. Je ne comprenais pas le sens de "Pour l'égalité des différences". J'aurais mieux compris "Egaux avec nos différences".

 

  1. Tu évoques l'indifférence dans son acceptation de manque d'attention à l'autre. Mais ce mot signifie aussi inacceptation de la différence, ce que je retrouve dans le courant égalitariste ... qui ménerait à mes yeux à l'indifférence aux autres. Comme quoi, vouloir nier les différences ( de race, de genre, ...) pourrait en fait mener à ne plus se soucier des autres, tout le monde étant pris dans un magma de confusion indifférenciée. Loin de moi, les idées racistes mais quid de pourfendre le "père fouettard" qui fait partie d'une culture qui structure notre psychisme. Loin de moi de ne pas respecter les femmes, mais quid de la croisade de certains contre les chants étudiants. J'ai vraiment l'impression qu'on en revient à l'époque de Mac Carthy et que, à force de "politiquement correct", l'on détriut tous les repères qui aident les jeunes à forger leur identité.à un certain moment de leur vie.

 

  1. Or une identité suffisamment sûre d'elle est, à mes yeux, la base de sécurité (Pierre Fontaine aurait-il parlé, en référence à Erickson, de la confiance de base?) nécessaire pour accepter l'autre dans sa différence et aller à sa rencontre. Le flou identitaire, voire le malaise identitaire actuel de nombre de nos concitoyens me semble un des maux de la société actuelle.

 

  1. L'indifférence est à l'oeuvre en de très nombreux endroits, y compris dans certains milieux psys lorsque les besoins de soins des plus fragiles sont niés en se référant à l'absence de demande formulée, par exemple par certains psychotiques. J'ai parfois tellement l'impression que certains de nos semblables sont tellement niés dans ce qui constitue leur essence, leur être profond que je n'hésite pas à parler d' "euthanasie sociale". Certains n'existent plus pour la société, leur existence est niée.... au point qu'il arrive, comme voici une dizaine d'années, qu'un jeune psychotique meurre dans sa tente plantée dans un parc de Gand, au milieu de l'indifférence générale des nombreux promeneurs fréquentant ce parc.

 

  1. En conclusion, j'admire que tu aies osé un devoir d'ingérence et te suis reconnaissant de l'écrire. Tu t'es montré humain au risque de te faire traiter de "mêle-tout". Il est aussi rassurant de te lire à propos des jeunes soucieux des autres.

 

 

Je profite de cet envoi pour te demander si je peux adresser au journal "Le Soir" ton avis humoristique relatif à la fessée. Ce dernier mercredi 5 mai, un article est paru avec pour titre "Modifier le code civil pour interdire la fessée?". J'avais l'intention de leur adresser ton avis ainsi que ma réaction de l'époque et d'y joindre une copie des pages que consacre Maurice Berger à cette problématique dans son dernier ouvrage "De l'incivilité au terrorisme". Me permets-tu d'utiliser ton envoi de septembre 2018?

 

A l'évoquer, l'interdiction de la fessée s'inscrit peut-être aussi dans le courant "politiquement correct" de l'indifférenciation qui ferait aussi des enfants les égaux de leurs parents ( égaux en valeur et dignes de respect, d'accord; égaux en capacités de discernement, pas d'accord).

 

Bon week-end et avec mes amitiés,

 

Jean-Paul.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour Loïc, le jeune derviche danseur.

Petite histoire sur l’indifférence et l’acceptation de la différence.


                                                                                                      Jean-Yves Hayez.

Vendredi 23 avril, 20h15. Les fenêtres de mon appartement donnent sur le Parc de la Source, un des poumons verts de Louvain la Neuve. Dans le parc, plus de 300 jeunes, manifestation autorisée m’a-t-on dit. Néanmoins, ils sont agglutinés par petits groupes d’une vingtaine , à des années-lumière du respect des règles sanitaires. Bière et alcool coulent en abondance et les déchets aussi, en veux-tu en voilà. Deux voitures de police sont déjà passées, lentement, sans s’arrêter, pas vraiment pour fuir le caillassage, mais plutôt par sagesse : que peuvent deux gardiens de la paix contre une fourmilière prête à s’égailler, sinon se couvrir de ridicule !


Curieusement, les jeunes ont laissé vide le centre de la pelouse, un cercle d’une quinzaine de mètres de diamètre et se cantonnent à la périphérie. Un garçon de leur âge y court tout seul, sans relâche, traçant inlassablement le même grand cercle, des écouteurs aux oreilles. Il court, bondit, gesticule en caricaturant une danse, sans quasi jamais se reposer plus que quelques instants. Voilà plus d’une demi-heure que je l’observe, par intermittences de plus en plus rapprochées, il tourne et tourne et fait le vide autour de lui, sans contact avec personne.                    
Le médecin que je suis se préoccupe de plus en plus de cette interminable ronde folle, posant la question d’une crise dans une maladie mentale.   
Je me décide donc à aller vers lui ; je traverse la pelouse d’un pas tranquille ; je suis tout près de lui…il s’arrête, un peu inquiet…je lui dis bonsoir en souriant…nous nous présentons : « Jean-Yves, Loïc».  Et il se met à communiquer gentiment avec moi. Comme je le prévoyais, rien ne correspond chez lui aux critères standards de la normalité : j’identifie quelques signes physiques et cognitifs d’un léger retard mental, quelques traits autistiques aussi,  bien qu’il me regarde droit dans les yeux, et surtout l’impression d’une immaturité affective diffuse.

 Il m’explique qu’il vit chez ses parents, qu’il a pris le train pour venir ici « près des autres ». Il se dit heureux de danser seul « Je suis dans ma bulle , je sais que personne ne me parle... c’est comme ça », ajoute-t-il avec un petit sourire comme pour s’excuser.   .
J’essaie qu’il me donne le numéro de téléphone de ses parents, pour vérifier que tout est OK, mais il refuse de le faire. Nous parlons encore un peu, je lui explique ma motivation à l’avoir contacté (médecin préoccupé). Il me dit « Oui, les autres me trouvent bizarre». Mais je suis vraiment rassuré par ce bout de communication, je le lui dis, et j’ajoute que je souhaite qu’il continue à s’amuser comme il le faisait. Je prends congé, en lui tournant le dos. Rentré chez moi, mon épouse m’apprend qu’il s’est tout de suite éclipsé, seul. Hélas, je lui ai probablement fait peur et j’’en suis bien triste.

 

L’indifférence ? Je reste sidéré par l’indifférence massive de cette foule, occupée à goûter les plaisirs des retrouvailles et de l’alcool. Personne ne s’est dérangé -dans tous les sens étymologiques du terme- pour l’approcher, lui parler, essayer de comprendre ce qui se passait et s »il existait un risque social, Pis encore, personne ne le regardait, comme s’il n’existait pas! Ils avaient eu
 l’intuition que cet inconnu n’était pas de leur monde, ni comportemental, ni social.


J’entends déjà des voix protester : « Ils avaient peur; ils n’ont pas voulu le provoquer ». Oui peut-être l’un ou l’autre craignait-il cette sorte de chaman dansant ...mais le groupe aurait pu en déléguer quelques-uns, confiants en eux et bons communicateurs, pour au moins évaluer ce qui se passait.

Ou encore : « Ce n’est pas de l’indifférence,  c’est une magnifique tolérance, voire une vraie acceptation spontanée de la manière d’être individuelle… Nous sommes en 2021 et chacun se donne le droit d’être lui-même !...  Notre société est faite d’individualités qui s’affirment ». L’argument me paraît néanmoins bien peu convaincant. Sur le plan éthique, ne sommes-nous pas invités à accepter les choix de vie de chacun, certes, mais pour peu qu’ils ne mettent pas significativement en danger la vie d’autrui ou de la personne elle-même? Auquel cas, il y a devoir d’assistance.

 

Et ici, l’étrangeté prolongée du comportement de Loïc - évocateur par exemple d’une crise de schizophrénie- exigeait que soit faite cette vérification du risque, même brièvement, même approximativement, pas par d’hypothétiques professionnels mais par ses frères et sœurs de la communauté.

Mais non, leur indifférence à celui qui n’avait pas les codes du groupe a été aussi massive ce soir-là que leur indifférence aux règles sanitaires ( au cocotier, les papy et les mamy !) et que leur indifférence écologique (merci, soit dit en passant, à l’unique jeune fille qui a fait du ramassage de déchets une vingtaine de minutes vers 22heures). Indifférence de classe sociale aussi : tant pis pour ceux qui allaient se casser le dos deux ou trois heures le lendemain matin pour ramasser papiers gras, canettes et autres débris de bouteilles de vodka.


Acceptation de la différence ? Je n’ai aucun remords quant à mon comportement. En contactant Loïc , j’ai seulement voulu vérifier la question du danger : trop de désordre mental, trop d’incohérences et de perte de lucidité aurait pu conduire à d’imprévisibles drames.

Mais ce n’était le cas : ma conversation avec le jeune se voulait à l’écoute, respectueuse, délicate et elle m’a vite convaincu que le comportement de Loïc relevait d’un projet non dangereux et élaboré librement. « Danser, tourner autour des autres, dans ma bulle, sans que personne ne me parle ». Dans l’immédiateté de cette soirée, dans le cadre de notre brève rencontre, ce projet personnel, tout imparfait qu’il soit ( il faisait lui aussi l’impasse sur la rencontre de l’autre) m’a semblé pouvoir être reconnu et encouragé. Ce que j’ai fait explicitement, avant de partir.

On ne fait hélas pas d’omelettes sans casser d’œufs et Loïc a vite disparu, effrayé sans doute malgré tout par mon statut de vieux monsieur, médecin de surcroît, susceptible d’exercer un pouvoir au-delà de ses mots : peut-être de mauvais souvenirs pour lui !

J’espère de tout cœur qu’il est allé jouer et danser ailleurs en ville. Je suis triste, je l’ai dit, et je regrette que mon approche ne l’ait pas complètement rassuré. J’ai même l’espoir de le retrouver, à partir de ce texte et de lui offrir des chocolats pour m’excuser de lui avoir fait peur (Loïc est bien sûr un prénom
d’emprunt). Mais je ne me sens pas coupable et, si c’était à refaire, j’aurais la même attitude de sollicitude.


Tout est-il dit de la sorte ? Pas encore tout à fait ! La manière de se comporter de Loïc me semble être de l’ordre du compromis, acceptable personnellement, pour se donner une certaine joie de vivre dans un moment de fête collective. C’est déjà ça !  Néanmoins, il m’a parlé très vite de sa bulle, de sa solitude, des autres qui le trouvaient bizarre. J’espère donc que les responsables de son accompagnement quotidien, parents et autres professionnels, ont suffisamment de créativité pour accepter à la fois bien des dimensions originales de Loïc , mais aussi améliorer sa sociabilité et son insertion sociale.

 

"Ne regardez pas le renard qui passe", gauchement mais ensemble


Samedi 1er mai, 10h. Parce de la Source, Louvain-La-Neuve. De la fenêtre de notre appartement, nous voyons, sur la pelouse centrale, un groupe d’une quinzaine de jeunes adultes, certains en uniforme scout et d’autres pas. Ils sont sagement assis et, curieusement, ils jouent au jeu bien connu du mouchoir (" Ne regardez pas le renard qui passe… ").

Deux d’entre eux courent autour du cercle, assez gauchement, en se donnant la main. Et leur poursuivant trottine derrière, faisant tout ce qu’il peut...pour ne pas les attraper. En regardant mieux, nous voyons alors qu’une partie du groupe est constituée par des adultes, plutôt jeunes, présentant un handicap mental.
Ils reviennent déjeuner à midi sur une des tables du parc, et je souhaite les rencontrer :je traverse la pelouse d’un pas tranquille...je suis tout près...je demande à parler à la cheffe ou au chef, car je désire tout simplement les féliciter pour leur réelle acceptation de la différence sociale. Nous nous écartons d’un mètre ou deux et dix paires d’yeux nous fixent intensément, un peu anxieux, me rappelant le regard de Loïc la semaine passée. C’est en croisant tous ces regards que j’ai compris qu’ils étaient vraiment intégrés : ce qui arrivait au groupe, c’était leur affaire à tous, ils étaient concernés, personne n’était dans sa bulle. Reste à ajouter qu’ils m’ont dit des jeunes de la 11eme unité scoute de Jambes-Montagne (si j’ai bien compris) cinq cheffes et chefs étudiants et sept personnes handicapées. Et cerise sur le gâteau dans cette ambiance de respect de l’autre, les chefs ont demandé à voir la photo prise un peu plutôt et que je souhaitais diffuser, pour vérifier qu’elle respectait bien la vie privée chacun .

La semaine passée, j’ai dénoncé , sans le regretter, l’indifférence d’une foule de jeunes. S’ils sont capables du pire, parfois, les jeunes sont aussi capables du meilleur, et je voulais en témoigner...

Réactions

 

Ma réponse à Louis, 25 ans, qui invoque l’inhibition due à la timidité

 

Pour Louis:

 

Cher ami,

J'ai un vrai respect pour la timidité, qui nous amène à d'humbles aménagements dans nos vies, peur de rater certains types de rencontres...

Cependant, si elle nous fait rater trop de choses (p. ex., un lien amoureux), comme le dit la célèbre réplique de pierre richard : "Je suis timide, mais je me soigne"

Par ailleurs, dans certaines situations, celles où il pourrait y avoir danger, la timidité ne peut pas légitimer l'inertie anxieuse...il faut remplir notre devoir d'assistance, et aller aider, en prenant notre courage à deux mains

pour Loïc, il ne s'agissait pas d'abord de lui parler, mais de vérifier s'il n'était pas fou et s'il n'y avait pas besoin de secours

amitiés

 

 

 

Soutien simple :Dr Emmanuel de becker ; Mr ;me caroline Maison, psychologue ;dr Christophe Panichelli ;Vincent Liévin, journaliste ; dr Brigite Kevers ; Pr dominique Charlier ; dr guy Loute ; dr jean-Bernard turine ; dr A Maernoudt ; dr Sophie Symann

 

Dr Patrick Castelain

Mon cher Jean-Yves,

 

Inutile de t’expliquer que le monde est complexe et que c’est à nous d’en découvrir toutes les facettes . Ce que tu fais toujours avec ton infatigable curiosité des choses et des hommes ! Tu as eu encore une fois l’ »honnêteté » et la modestie de nous en faire part, ce qui nous encourage aussi à continuer à croire dans l’humain .

J’espère que nous pourrons tous nous retrouver joyeux et  en bonne santé en bord de Meuse ou ailleurs cet automne !

Avec toute mon amitié,

 

 

Dr Valérie van Ransbeeck

Cher Jean-Yves,

Merci pour ton mail, le partage en ces temps de distanciation fait du bien.. même si le témoignage est en demi-teinte.

Amitiés 

Mr Alain Sansterre

 

Bonsoir et merci, Jean-Yves. Heureusement, le meilleur côtoie le pire.

 

Bien à toi

Alain

Mme Sofyz Terlez,psychologue

 

Cher Jean-Yves,

 

Merci beaucoup pour ton texte. 

En plaine blocus je me fais petite pause en lisant tes articles. 

Je suis très touché par ta propre indifférence au monde ( ??????????), ta langue et ton souhaite de partager ton expérience. 

 

Dr Sophie Dechène

 

Je préfère cette histoire-ci 🙂. Il reste encore des gens qui respectent les vieilles valeurs d'altruisme, de respect de la différence et ne se laissent pas envahir par l'individualisme préconisé au nom de l'émancipation et du droit à la liberté, beaucoup plus à la mode (et malheureusement bien souvent véhiculé par la psychologie).


Je te remercie pour ce partage.

Mme Roxana Kalfa, psychologue

 

Merci Jean-Yves pour ce texte émouvant, qui rappelle qu'aucun homme n'est une île, que nous sommes tous concernés par le bien  des autres, et pourtant qu'on oublie si souvent

 

Je me rends compte que c'est rare que je réponde à tes messages collectifs, mais ce n'est pas pour autant que je les apprécie moins. Au contraire

 

Merci pour ce beau travail de rappel du lien qui nous tient ensemble

 

Dr Philippe Cattiez

 

Cher Jean-Yves,

Je voulais te féliciter pour l’article de la Libre de ce lundi ("pas eu le temps hier" - triste et banale excuse)

Plein d’humanité, de sagesse et digne de ton immense expérience !

Amitiés

PhC

 

De mr Jean Masson

Je pense que ta sensibilité, ton empathie, ton métier, reviennent à la surface comme un boomerang et que ce garçon symbolisait à lui seul toute  l'indifférence du monde face, justement,  à la différence, face à la "non-norme", ....

Quant à faire sa recherche pour lui offrir des chocolats, cela semblerait incompris et certainement très décalé dans le contexte actuel...Tel est mon humble avis..

A plus...big amitiés

 

Dr Chantal Malevez

Cher Jean-Yves, ton texte m'a profondément émue et je me suis permis de le transférer à mes enfants et petits-enfants (19,17,15 ans) puis à des amis très chers (un couple a un petit fils autiste) puis à un club, le Club L dont je fais partie, club de femmes de tous âges et de toutes orientations mais unies par une profonde amitié. Bien que je pense que la meilleure diffusion puisse se faire par les réseaux sociaux, je ne suis pas très réseaux sociaux, moi-même et ne me permettrais donc pas de le diffuser ainsi.Je pense que ton texte magnifique d'humanité mérite une ample diffusion parce que au delà de cette différence que tu nous expliques , il y a aussi toutes les différences ethniques, raciales, sociales et autres que tu mets en évidence mais je ne connais personne dans le monde journalistique et ne peux pas t'aider.Bien amicalement Chantal

 

Et puis Cher Jean Yves , merci pour ton 2ème texte qui remet un peu l'église au milieu du village et témoigne d'attitudes qui peuvent être plus humaines.Mes enfants et mon gendre, mes petits-enfants ont toujours fait du scoutisme et en font encore et il n'est pas rare que dans l'une ou l'autre patrouille il y ait eu un enfant , je dirais "différent" très bien intégré par la patrouille.Mais dans ton premier article toute la problématique de l'enfant "différent", comment parfois l'aborder?

 

 Dr Jacqueline de groot

Merci Jean-Yves pour ton double temoignage.

De petites initiatives souvent invisibles ressortissant d’une créativité soit personnelle, soit à partir  d’une association quelconque , me réjouissent et éveillent en moi l’énergie de faire de même !

Belles histories qui peuvent inciter d’autres à faire de même .

Jacqueline

 

 

Françoise Leurquin, psychologue, fondatrice de l’atelier du lien   
Bonjour Jean-Yves,

 

Première réaction : ton mouvement vers lui me semble très très touchant.  Le sien aussi : tant dans l'échange que dans sa fuite ("fuite" de ou dans sa bulle "perçée":)).  Peut être que ton intervention a stoppé une crise ? T'attacher à le retrouver avec des chocolats-rustines qui font lien ?

Quelle jolie histoire !

Je n'ai pas beaucoup d'inspiration pour savoir comment le retrouver si ce n'est en diffusant peut être d'abord dans les institutions de LLN ?  Est il vraiment venu en train?  Il y a une maison dans le quartier de Lauzelle, qui accueille des personnes plus ou moins autonomes.  C'est quasi en face du bas de la rue d'aulne (où j'habitais) : en descendant, le bâtiment en face à droite.  S'il est allé au centre, il passe probablement d'office par l'endroit où tu l'as vu.

 

Ma réponse c'est très possible en effet....et même plus probable que le train

au-delà de mon attitude, j'ai vraiment trouvé glaçante, au moins ce soir-là, l'indifférence de cette foule en ripaille avec ce jeune qui virevoltait en plein milieu, pas dans un coin quelconque...j'en suis traumatisé, d'où mon écrit auto-libératoire

 

Sa réponse : Cela me touche aussi .  C'est, me semble-t-il, ce que vivent toutes les personnes confrontées à une solitude quasi radicale par rapport à des vécus impossibles à partager, voire interdits à partager (par injonction ext ou int, implicite ou explicite), incompréhensibles... et s'ils deviennent partiellement compréhensibles, c'est une telle révolution psychique, que la conscience d'être "vu ou reconnu"  mais "toujours mal vu ou mal reconnu" est quasi insoutenable, voire dangereux.  Des parties de moi connaissent bien cela (départ d'Afrique).  Ceci dit, sentir une intention bienveillante, prudente, modeste et sensible de quelqu'un fait du bien même si cela semble ne produire aucun effet. 

 

Dr Jerome Cauchies

 

Merci pour ton texte Jean-Yves sur la différence et l'indifférence. Souvent ces deux termes sont liés. Je suis certain que tu as laissé un bon souvenir à Loic que tu reverras peut-être. 

 

Dr Jacques Laruelle

 

Comme je n'ai jamais exercé la médecine en Belgique et que j'habite actuellement en Flandre, je ne puis t'aider à retrouver ce jeune garçon. Je tenais néanmoins à témoigner mon soutien à ton message poignant !

 

mme Hammarqvist

 

Ooohhh que ça fait du bien de lire que l'humanité existe! Ainsi que la préoccupation pour l'autrui. C'est magique.

 

Dr Alain Bachy

 

Merci pour ton  histoire  bien émouvante.

Personellement, je pense que je n'aurais pas perçu une situation à risque  et n'aurais pas approché Loïc. Peut-être à tort ?

Je ne suis pas pédopsyciatre.

 

Ma réponse Tu ne l’as pas vu courir en grand cercle, toujours le même, au moins 40 min Alain, c’était hallucinant….

 

Madame Gwena Ansiaeu

 

Cher Professeur,

 

Je me permets de vous envoyer ces quelques lignes, sans autre objectif que de vous dire à quel point votre texte dans LLB m’a touchée.

J’aurais également été sidérée, je pense, de voir ce « Loic » au milieu des jeunes, deux mondes qui ne se sont pas croisés.

Je pense que j’aurais eu, comme vous, cette envie, dans mes tripes, d’aller au-devant de lui et de le rassurer sur le fait que quelqu’un l’avait bien vu, et s’était inquiété de lui.

Ayant moi-même perdu un enfant accidentellement, je suis bénévole dans l’ASBL Parents désenfantés, et nous accueillons des parents endeuillés après une maladie, un accident, un incendie, un infanticide.. mais aussi beaucoup de suicides. Je suis toujours infiniment touchée d’entendre ces parents parler de ce qui s’est passé, pour peu qu’ils le sachent eux-mêmes. Certains n’ont pas vu la souffrance de leur enfant et restent avec leurs questions.

Le Covid n’arrange rien, et on aimerait voir plus souvent des gestes d’humanité et de bienveillance comme le vôtre. Ils peuvent faire une telle différence…

 

Merci d’avoir pris votre plume pour nous raconter cette scène incroyable. J’espère que les jeunes présents ce jour-là sur la pelouse l’auront lue également…

 

 

Mme Géradin

Cher Monsieur,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article consacré à Loïc.  Je suis moi-même grand-mère de 12 petits-enfants dont 8 garçons  de 22 à 33 ans.  Dont xxxxx) que vous avez suivi pendant un temps.  Il en garde un très bon souvenir, de même que ses parents.
Ils sont tous gentils, respectueux mais aussi timides.  Je ne suis pas sûre qu’ils auraient osé quitter le groupe des « guindailleurs » pour aller vers Loïc.  Cela m’attriste comme vous.  Certains, chefs de mouvements de jeunesse (scouts),  pourraient y être sensibles.  Je vais leur en parler.

 

Mr de Lobkowicz

 

bien cher docteur,

 

dans La Libre d’aujourd’hui.

 

Je comprends tellement que vous souhaitiez retrouver ce jeune garçon dans lequel je retrouve mon fils xxxx dont vous vous êtes  occupé il y a déjà pas mal de temps.

 

J'espère que ses parents prendront contact avec vous.

 

Bien respectueusement par rapport à votre travail et aussi bien amicalement.

 

 

Association Un toit un cœur

 

Je voudrais vous féliciter et vous remercier pour votre article d’aujourd’hui dans la LB

En tant que présidente et cofondatrice d’Utuc, je ne peux qu’applaudir votre attitude et vos propos

A Utuc où nous accueillons des jeunes « différents », des frères de Loïc, nous cherchons à rétablir un lien social, avec les habitants bénévoles mais aussi avec les étudiants grâce à la participation de 3 KAP

Nous cherchons, par ce biais,à faire connaître la réalité des jeunes qui vivent en marge pour diverses raisons et qui sont objets de mépris ou d'indifférence.  

Il pourrait être intéressant de vous rencontrer et de réfléchir ensemble aux actions de sensibilisation que nous pourrions mener sur LLN

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez me rencontrer pour voir ce que nous pourrions faire ensemble

Bien cordialement

Evelyne Louveaux

coprésidente 

 

christine vander borght, psychologue

 

j'ai par hasard acheté La Libre ce lundi et j'ai donc lu ton sympathique article sur le jeune derviche tourneur. Impressionnant;

 

Jean-Pol Leclerq

 

Rapidement, je réagis à tes deux derniers envois relatifs l'un à l'indifférence et le suivant à l'acceptation de la différence. Ma réaction se limitera pour l'instant à quelques réflexions sommaires et peu structurées. Peut-être, y reviendrais-je plus tard pour mieux construire ma pensée.

 

  1. Lorsque je siégeais à l'AWIPH, voici une quinzaine d'années, j'étais souvent assis face à une affiche dont le texte m'interpellait. Je ne comprenais pas le sens de "Pour l'égalité des différences". J'aurais mieux compris "Egaux avec nos différences".

 

  1. Tu évoques l'indifférence dans son acceptation de manque d'attention à l'autre. Mais ce mot signifie aussi inacceptation de la différence, ce que je retrouve dans le courant égalitariste ... qui ménerait à mes yeux à l'indifférence aux autres. Comme quoi, vouloir nier les différences ( de race, de genre, ...) pourrait en fait mener à ne plus se soucier des autres, tout le monde étant pris dans un magma de confusion indifférenciée. Loin de moi, les idées racistes mais quid de pourfendre le "père fouettard" qui fait partie d'une culture qui structure notre psychisme. Loin de moi de ne pas respecter les femmes, mais quid de la croisade de certains contre les chants étudiants. J'ai vraiment l'impression qu'on en revient à l'époque de Mac Carthy et que, à force de "politiquement correct", l'on détriut tous les repères qui aident les jeunes à forger leur identité.à un certain moment de leur vie.

 

  1. Or une identité suffisamment sûre d'elle est, à mes yeux, la base de sécurité (Pierre Fontaine aurait-il parlé, en référence à Erickson, de la confiance de base?) nécessaire pour accepter l'autre dans sa différence et aller à sa rencontre. Le flou identitaire, voire le malaise identitaire actuel de nombre de nos concitoyens me semble un des maux de la société actuelle.

 

  1. L'indifférence est à l'oeuvre en de très nombreux endroits, y compris dans certains milieux psys lorsque les besoins de soins des plus fragiles sont niés en se référant à l'absence de demande formulée, par exemple par certains psychotiques. J'ai parfois tellement l'impression que certains de nos semblables sont tellement niés dans ce qui constitue leur essence, leur être profond que je n'hésite pas à parler d' "euthanasie sociale". Certains n'existent plus pour la société, leur existence est niée.... au point qu'il arrive, comme voici une dizaine d'années, qu'un jeune psychotique meurre dans sa tente plantée dans un parc de Gand, au milieu de l'indifférence générale des nombreux promeneurs fréquentant ce parc.

 

  1. En conclusion, j'admire que tu aies osé un devoir d'ingérence et te suis reconnaissant de l'écrire. Tu t'es montré humain au risque de te faire traiter de "mêle-tout". Il est aussi rassurant de te lire à propos des jeunes soucieux des autres.

 

 

Je profite de cet envoi pour te demander si je peux adresser au journal "Le Soir" ton avis humoristique relatif à la fessée. Ce dernier mercredi 5 mai, un article est paru avec pour titre "Modifier le code civil pour interdire la fessée?". J'avais l'intention de leur adresser ton avis ainsi que ma réaction de l'époque et d'y joindre une copie des pages que consacre Maurice Berger à cette problématique dans son dernier ouvrage "De l'incivilité au terrorisme". Me permets-tu d'utiliser ton envoi de septembre 2018?

 

A l'évoquer, l'interdiction de la fessée s'inscrit peut-être aussi dans le courant "politiquement correct" de l'indifférenciation qui ferait aussi des enfants les égaux de leurs parents ( égaux en valeur et dignes de respect, d'accord; égaux en capacités de discernement, pas d'accord).

 

Bon week-end et avec mes amitiés,

 

Jean-Paul.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour Loïc, le jeune derviche danseur.

Petite histoire sur l’indifférence et l’acceptation de la différence.


                                                                                                      Jean-Yves Hayez.

Vendredi 23 avril, 20h15. Les fenêtres de mon appartement donnent sur le Parc de la Source, un des poumons verts de Louvain la Neuve. Dans le parc, plus de 300 jeunes, manifestation autorisée m’a-t-on dit. Néanmoins, ils sont agglutinés par petits groupes d’une vingtaine , à des années-lumière du respect des règles sanitaires. Bière et alcool coulent en abondance et les déchets aussi, en veux-tu en voilà. Deux voitures de police sont déjà passées, lentement, sans s’arrêter, pas vraiment pour fuir le caillassage, mais plutôt par sagesse : que peuvent deux gardiens de la paix contre une fourmilière prête à s’égailler, sinon se couvrir de ridicule !


Curieusement, les jeunes ont laissé vide le centre de la pelouse, un cercle d’une quinzaine de mètres de diamètre et se cantonnent à la périphérie. Un garçon de leur âge y court tout seul, sans relâche, traçant inlassablement le même grand cercle, des écouteurs aux oreilles. Il court, bondit, gesticule en caricaturant une danse, sans quasi jamais se reposer plus que quelques instants. Voilà plus d’une demi-heure que je l’observe, par intermittences de plus en plus rapprochées, il tourne et tourne et fait le vide autour de lui, sans contact avec personne.                    
Le médecin que je suis se préoccupe de plus en plus de cette interminable ronde folle, posant la question d’une crise dans une maladie mentale.   
Je me décide donc à aller vers lui ; je traverse la pelouse d’un pas tranquille ; je suis tout près de lui…il s’arrête, un peu inquiet…je lui dis bonsoir en souriant…nous nous présentons : « Jean-Yves, Loïc».  Et il se met à communiquer gentiment avec moi. Comme je le prévoyais, rien ne correspond chez lui aux critères standards de la normalité : j’identifie quelques signes physiques et cognitifs d’un léger retard mental, quelques traits autistiques aussi,  bien qu’il me regarde droit dans les yeux, et surtout l’impression d’une immaturité affective diffuse.

 Il m’explique qu’il vit chez ses parents, qu’il a pris le train pour venir ici « près des autres ». Il se dit heureux de danser seul « Je suis dans ma bulle , je sais que personne ne me parle... c’est comme ça », ajoute-t-il avec un petit sourire comme pour s’excuser.   .
J’essaie qu’il me donne le numéro de téléphone de ses parents, pour vérifier que tout est OK, mais il refuse de le faire. Nous parlons encore un peu, je lui explique ma motivation à l’avoir contacté (médecin préoccupé). Il me dit « Oui, les autres me trouvent bizarre». Mais je suis vraiment rassuré par ce bout de communication, je le lui dis, et j’ajoute que je souhaite qu’il continue à s’amuser comme il le faisait. Je prends congé, en lui tournant le dos. Rentré chez moi, mon épouse m’apprend qu’il s’est tout de suite éclipsé, seul. Hélas, je lui ai probablement fait peur et j’’en suis bien triste.

 

L’indifférence ? Je reste sidéré par l’indifférence massive de cette foule, occupée à goûter les plaisirs des retrouvailles et de l’alcool. Personne ne s’est dérangé -dans tous les sens étymologiques du terme- pour l’approcher, lui parler, essayer de comprendre ce qui se passait et s »il existait un risque social, Pis encore, personne ne le regardait, comme s’il n’existait pas! Ils avaient eu
 l’intuition que cet inconnu n’était pas de leur monde, ni comportemental, ni social.


J’entends déjà des voix protester : « Ils avaient peur; ils n’ont pas voulu le provoquer ». Oui peut-être l’un ou l’autre craignait-il cette sorte de chaman dansant ...mais le groupe aurait pu en déléguer quelques-uns, confiants en eux et bons communicateurs, pour au moins évaluer ce qui se passait.

Ou encore : « Ce n’est pas de l’indifférence,  c’est une magnifique tolérance, voire une vraie acceptation spontanée de la manière d’être individuelle… Nous sommes en 2021 et chacun se donne le droit d’être lui-même !...  Notre société est faite d’individualités qui s’affirment ». L’argument me paraît néanmoins bien peu convaincant. Sur le plan éthique, ne sommes-nous pas invités à accepter les choix de vie de chacun, certes, mais pour peu qu’ils ne mettent pas significativement en danger la vie d’autrui ou de la personne elle-même? Auquel cas, il y a devoir d’assistance.

 

Et ici, l’étrangeté prolongée du comportement de Loïc - évocateur par exemple d’une crise de schizophrénie- exigeait que soit faite cette vérification du risque, même brièvement, même approximativement, pas par d’hypothétiques professionnels mais par ses frères et sœurs de la communauté.

Mais non, leur indifférence à celui qui n’avait pas les codes du groupe a été aussi massive ce soir-là que leur indifférence aux règles sanitaires ( au cocotier, les papy et les mamy !) et que leur indifférence écologique (merci, soit dit en passant, à l’unique jeune fille qui a fait du ramassage de déchets une vingtaine de minutes vers 22heures). Indifférence de classe sociale aussi : tant pis pour ceux qui allaient se casser le dos deux ou trois heures le lendemain matin pour ramasser papiers gras, canettes et autres débris de bouteilles de vodka.


Acceptation de la différence ? Je n’ai aucun remords quant à mon comportement. En contactant Loïc , j’ai seulement voulu vérifier la question du danger : trop de désordre mental, trop d’incohérences et de perte de lucidité aurait pu conduire à d’imprévisibles drames.

Mais ce n’était le cas : ma conversation avec le jeune se voulait à l’écoute, respectueuse, délicate et elle m’a vite convaincu que le comportement de Loïc relevait d’un projet non dangereux et élaboré librement. « Danser, tourner autour des autres, dans ma bulle, sans que personne ne me parle ». Dans l’immédiateté de cette soirée, dans le cadre de notre brève rencontre, ce projet personnel, tout imparfait qu’il soit ( il faisait lui aussi l’impasse sur la rencontre de l’autre) m’a semblé pouvoir être reconnu et encouragé. Ce que j’ai fait explicitement, avant de partir.

On ne fait hélas pas d’omelettes sans casser d’œufs et Loïc a vite disparu, effrayé sans doute malgré tout par mon statut de vieux monsieur, médecin de surcroît, susceptible d’exercer un pouvoir au-delà de ses mots : peut-être de mauvais souvenirs pour lui !

J’espère de tout cœur qu’il est allé jouer et danser ailleurs en ville. Je suis triste, je l’ai dit, et je regrette que mon approche ne l’ait pas complètement rassuré. J’ai même l’espoir de le retrouver, à partir de ce texte et de lui offrir des chocolats pour m’excuser de lui avoir fait peur (Loïc est bien sûr un prénom
d’emprunt). Mais je ne me sens pas coupable et, si c’était à refaire, j’aurais la même attitude de sollicitude.


Tout est-il dit de la sorte ? Pas encore tout à fait ! La manière de se comporter de Loïc me semble être de l’ordre du compromis, acceptable personnellement, pour se donner une certaine joie de vivre dans un moment de fête collective. C’est déjà ça !  Néanmoins, il m’a parlé très vite de sa bulle, de sa solitude, des autres qui le trouvaient bizarre. J’espère donc que les responsables de son accompagnement quotidien, parents et autres professionnels, ont suffisamment de créativité pour accepter à la fois bien des dimensions originales de Loïc , mais aussi améliorer sa sociabilité et son insertion sociale.

 

"Ne regardez pas le renard qui passe", gauchement mais ensemble


Samedi 1er mai, 10h. Parce de la Source, Louvain-La-Neuve. De la fenêtre de notre appartement, nous voyons, sur la pelouse centrale, un groupe d’une quinzaine de jeunes adultes, certains en uniforme scout et d’autres pas. Ils sont sagement assis et, curieusement, ils jouent au jeu bien connu du mouchoir (" Ne regardez pas le renard qui passe… ").

Deux d’entre eux courent autour du cercle, assez gauchement, en se donnant la main. Et leur poursuivant trottine derrière, faisant tout ce qu’il peut...pour ne pas les attraper. En regardant mieux, nous voyons alors qu’une partie du groupe est constituée par des adultes, plutôt jeunes, présentant un handicap mental.
Ils reviennent déjeuner à midi sur une des tables du parc, et je souhaite les rencontrer :je traverse la pelouse d’un pas tranquille...je suis tout près...je demande à parler à la cheffe ou au chef, car je désire tout simplement les féliciter pour leur réelle acceptation de la différence sociale. Nous nous écartons d’un mètre ou deux et dix paires d’yeux nous fixent intensément, un peu anxieux, me rappelant le regard de Loïc la semaine passée. C’est en croisant tous ces regards que j’ai compris qu’ils étaient vraiment intégrés : ce qui arrivait au groupe, c’était leur affaire à tous, ils étaient concernés, personne n’était dans sa bulle. Reste à ajouter qu’ils m’ont dit des jeunes de la 11eme unité scoute de Jambes-Montagne (si j’ai bien compris) cinq cheffes et chefs étudiants et sept personnes handicapées. Et cerise sur le gâteau dans cette ambiance de respect de l’autre, les chefs ont demandé à voir la photo prise un peu plutôt et que je souhaitais diffuser, pour vérifier qu’elle respectait bien la vie privée chacun .

La semaine passée, j’ai dénoncé , sans le regretter, l’indifférence d’une foule de jeunes. S’ils sont capables du pire, parfois, les jeunes sont aussi capables du meilleur, et je voulais en témoigner...

Réactions

 

Ma réponse à Louis, 25 ans, qui invoque l’inhibition due à la timidité

 

Pour Louis:

 

Cher ami,

J'ai un vrai respect pour la timidité, qui nous amène à d'humbles aménagements dans nos vies, peur de rater certains types de rencontres...

Cependant, si elle nous fait rater trop de choses (p. ex., un lien amoureux), comme le dit la célèbre réplique de pierre richard : "Je suis timide, mais je me soigne"

Par ailleurs, dans certaines situations, celles où il pourrait y avoir danger, la timidité ne peut pas légitimer l'inertie anxieuse...il faut remplir notre devoir d'assistance, et aller aider, en prenant notre courage à deux mains

pour Loïc, il ne s'agissait pas d'abord de lui parler, mais de vérifier s'il n'était pas fou et s'il n'y avait pas besoin de secours

amitiés

 

 

 

Soutien simple :Dr Emmanuel de becker ; Mr ;me caroline Maison, psychologue ;dr Christophe Panichelli ;Vincent Liévin, journaliste ; dr Brigite Kevers ; Pr dominique Charlier ; dr guy Loute ; dr jean-Bernard turine ; dr A Maernoudt ; dr Sophie Symann

 

Dr Patrick Castelain

Mon cher Jean-Yves,

 

Inutile de t’expliquer que le monde est complexe et que c’est à nous d’en découvrir toutes les facettes . Ce que tu fais toujours avec ton infatigable curiosité des choses et des hommes ! Tu as eu encore une fois l’ »honnêteté » et la modestie de nous en faire part, ce qui nous encourage aussi à continuer à croire dans l’humain .

J’espère que nous pourrons tous nous retrouver joyeux et  en bonne santé en bord de Meuse ou ailleurs cet automne !

Avec toute mon amitié,

 

 

Dr Valérie van Ransbeeck

Cher Jean-Yves,

Merci pour ton mail, le partage en ces temps de distanciation fait du bien.. même si le témoignage est en demi-teinte.

Amitiés 

Mr Alain Sansterre

 

Bonsoir et merci, Jean-Yves. Heureusement, le meilleur côtoie le pire.

 

Bien à toi

Alain

Mme Sofyz Terlez,psychologue

 

Cher Jean-Yves,

 

Merci beaucoup pour ton texte. 

En plaine blocus je me fais petite pause en lisant tes articles. 

Je suis très touché par ta propre indifférence au monde ( ??????????), ta langue et ton souhaite de partager ton expérience. 

 

Dr Sophie Dechène

 

Je préfère cette histoire-ci 🙂. Il reste encore des gens qui respectent les vieilles valeurs d'altruisme, de respect de la différence et ne se laissent pas envahir par l'individualisme préconisé au nom de l'émancipation et du droit à la liberté, beaucoup plus à la mode (et malheureusement bien souvent véhiculé par la psychologie).


Je te remercie pour ce partage.

Mme Roxana Kalfa, psychologue

 

Merci Jean-Yves pour ce texte émouvant, qui rappelle qu'aucun homme n'est une île, que nous sommes tous concernés par le bien  des autres, et pourtant qu'on oublie si souvent

 

Je me rends compte que c'est rare que je réponde à tes messages collectifs, mais ce n'est pas pour autant que je les apprécie moins. Au contraire

 

Merci pour ce beau travail de rappel du lien qui nous tient ensemble

 

Dr Philippe Cattiez

 

Cher Jean-Yves,

Je voulais te féliciter pour l’article de la Libre de ce lundi ("pas eu le temps hier" - triste et banale excuse)

Plein d’humanité, de sagesse et digne de ton immense expérience !

Amitiés

PhC

 

De mr Jean Masson

Je pense que ta sensibilité, ton empathie, ton métier, reviennent à la surface comme un boomerang et que ce garçon symbolisait à lui seul toute  l'indifférence du monde face, justement,  à la différence, face à la "non-norme", ....

Quant à faire sa recherche pour lui offrir des chocolats, cela semblerait incompris et certainement très décalé dans le contexte actuel...Tel est mon humble avis..

A plus...big amitiés

 

Dr Chantal Malevez

Cher Jean-Yves, ton texte m'a profondément émue et je me suis permis de le transférer à mes enfants et petits-enfants (19,17,15 ans) puis à des amis très chers (un couple a un petit fils autiste) puis à un club, le Club L dont je fais partie, club de femmes de tous âges et de toutes orientations mais unies par une profonde amitié. Bien que je pense que la meilleure diffusion puisse se faire par les réseaux sociaux, je ne suis pas très réseaux sociaux, moi-même et ne me permettrais donc pas de le diffuser ainsi.Je pense que ton texte magnifique d'humanité mérite une ample diffusion parce que au delà de cette différence que tu nous expliques , il y a aussi toutes les différences ethniques, raciales, sociales et autres que tu mets en évidence mais je ne connais personne dans le monde journalistique et ne peux pas t'aider.Bien amicalement Chantal

 

Et puis Cher Jean Yves , merci pour ton 2ème texte qui remet un peu l'église au milieu du village et témoigne d'attitudes qui peuvent être plus humaines.Mes enfants et mon gendre, mes petits-enfants ont toujours fait du scoutisme et en font encore et il n'est pas rare que dans l'une ou l'autre patrouille il y ait eu un enfant , je dirais "différent" très bien intégré par la patrouille.Mais dans ton premier article toute la problématique de l'enfant "différent", comment parfois l'aborder?

 

 Dr Jacqueline de groot

Merci Jean-Yves pour ton double temoignage.

De petites initiatives souvent invisibles ressortissant d’une créativité soit personnelle, soit à partir  d’une association quelconque , me réjouissent et éveillent en moi l’énergie de faire de même !

Belles histories qui peuvent inciter d’autres à faire de même .

Jacqueline

 

 

Françoise Leurquin, psychologue, fondatrice de l’atelier du lien   
Bonjour Jean-Yves,

 

Première réaction : ton mouvement vers lui me semble très très touchant.  Le sien aussi : tant dans l'échange que dans sa fuite ("fuite" de ou dans sa bulle "perçée":)).  Peut être que ton intervention a stoppé une crise ? T'attacher à le retrouver avec des chocolats-rustines qui font lien ?

Quelle jolie histoire !

Je n'ai pas beaucoup d'inspiration pour savoir comment le retrouver si ce n'est en diffusant peut être d'abord dans les institutions de LLN ?  Est il vraiment venu en train?  Il y a une maison dans le quartier de Lauzelle, qui accueille des personnes plus ou moins autonomes.  C'est quasi en face du bas de la rue d'aulne (où j'habitais) : en descendant, le bâtiment en face à droite.  S'il est allé au centre, il passe probablement d'office par l'endroit où tu l'as vu.

 

Ma réponse c'est très possible en effet....et même plus probable que le train

au-delà de mon attitude, j'ai vraiment trouvé glaçante, au moins ce soir-là, l'indifférence de cette foule en ripaille avec ce jeune qui virevoltait en plein milieu, pas dans un coin quelconque...j'en suis traumatisé, d'où mon écrit auto-libératoire

 

Sa réponse : Cela me touche aussi .  C'est, me semble-t-il, ce que vivent toutes les personnes confrontées à une solitude quasi radicale par rapport à des vécus impossibles à partager, voire interdits à partager (par injonction ext ou int, implicite ou explicite), incompréhensibles... et s'ils deviennent partiellement compréhensibles, c'est une telle révolution psychique, que la conscience d'être "vu ou reconnu"  mais "toujours mal vu ou mal reconnu" est quasi insoutenable, voire dangereux.  Des parties de moi connaissent bien cela (départ d'Afrique).  Ceci dit, sentir une intention bienveillante, prudente, modeste et sensible de quelqu'un fait du bien même si cela semble ne produire aucun effet. 

 

Dr Jerome Cauchies

 

Merci pour ton texte Jean-Yves sur la différence et l'indifférence. Souvent ces deux termes sont liés. Je suis certain que tu as laissé un bon souvenir à Loic que tu reverras peut-être. 

 

Dr Jacques Laruelle

 

Comme je n'ai jamais exercé la médecine en Belgique et que j'habite actuellement en Flandre, je ne puis t'aider à retrouver ce jeune garçon. Je tenais néanmoins à témoigner mon soutien à ton message poignant !

 

mme Hammarqvist

 

Ooohhh que ça fait du bien de lire que l'humanité existe! Ainsi que la préoccupation pour l'autrui. C'est magique.

 

Dr Alain Bachy

 

Merci pour ton  histoire  bien émouvante.

Personellement, je pense que je n'aurais pas perçu une situation à risque  et n'aurais pas approché Loïc. Peut-être à tort ?

Je ne suis pas pédopsyciatre.

 

Ma réponse Tu ne l’as pas vu courir en grand cercle, toujours le même, au moins 40 min Alain, c’était hallucinant….

 

Madame Gwena Ansiaeu

 

Cher Professeur,

 

Je me permets de vous envoyer ces quelques lignes, sans autre objectif que de vous dire à quel point votre texte dans LLB m’a touchée.

J’aurais également été sidérée, je pense, de voir ce « Loic » au milieu des jeunes, deux mondes qui ne se sont pas croisés.

Je pense que j’aurais eu, comme vous, cette envie, dans mes tripes, d’aller au-devant de lui et de le rassurer sur le fait que quelqu’un l’avait bien vu, et s’était inquiété de lui.

Ayant moi-même perdu un enfant accidentellement, je suis bénévole dans l’ASBL Parents désenfantés, et nous accueillons des parents endeuillés après une maladie, un accident, un incendie, un infanticide.. mais aussi beaucoup de suicides. Je suis toujours infiniment touchée d’entendre ces parents parler de ce qui s’est passé, pour peu qu’ils le sachent eux-mêmes. Certains n’ont pas vu la souffrance de leur enfant et restent avec leurs questions.

Le Covid n’arrange rien, et on aimerait voir plus souvent des gestes d’humanité et de bienveillance comme le vôtre. Ils peuvent faire une telle différence…

 

Merci d’avoir pris votre plume pour nous raconter cette scène incroyable. J’espère que les jeunes présents ce jour-là sur la pelouse l’auront lue également…

 

 

Mme Géradin

Cher Monsieur,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article consacré à Loïc.  Je suis moi-même grand-mère de 12 petits-enfants dont 8 garçons  de 22 à 33 ans.  Dont xxxxx) que vous avez suivi pendant un temps.  Il en garde un très bon souvenir, de même que ses parents.
Ils sont tous gentils, respectueux mais aussi timides.  Je ne suis pas sûre qu’ils auraient osé quitter le groupe des « guindailleurs » pour aller vers Loïc.  Cela m’attriste comme vous.  Certains, chefs de mouvements de jeunesse (scouts),  pourraient y être sensibles.  Je vais leur en parler.

 

Mr de Lobkowicz

 

bien cher docteur,

 

dans La Libre d’aujourd’hui.

 

Je comprends tellement que vous souhaitiez retrouver ce jeune garçon dans lequel je retrouve mon fils xxxx dont vous vous êtes  occupé il y a déjà pas mal de temps.

 

J'espère que ses parents prendront contact avec vous.

 

Bien respectueusement par rapport à votre travail et aussi bien amicalement.

 

 

Association Un toit un cœur

 

Je voudrais vous féliciter et vous remercier pour votre article d’aujourd’hui dans la LB

En tant que présidente et cofondatrice d’Utuc, je ne peux qu’applaudir votre attitude et vos propos

A Utuc où nous accueillons des jeunes « différents », des frères de Loïc, nous cherchons à rétablir un lien social, avec les habitants bénévoles mais aussi avec les étudiants grâce à la participation de 3 KAP

Nous cherchons, par ce biais,à faire connaître la réalité des jeunes qui vivent en marge pour diverses raisons et qui sont objets de mépris ou d'indifférence.  

Il pourrait être intéressant de vous rencontrer et de réfléchir ensemble aux actions de sensibilisation que nous pourrions mener sur LLN

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez me rencontrer pour voir ce que nous pourrions faire ensemble

Bien cordialement

Evelyne Louveaux

coprésidente 

 

christine vander borght, psychologue

 

j'ai par hasard acheté La Libre ce lundi et j'ai donc lu ton sympathique article sur le jeune derviche tourneur. Impressionnant;

 

Jean-Pol Leclerq

 

Rapidement, je réagis à tes deux derniers envois relatifs l'un à l'indifférence et le suivant à l'acceptation de la différence. Ma réaction se limitera pour l'instant à quelques réflexions sommaires et peu structurées. Peut-être, y reviendrais-je plus tard pour mieux construire ma pensée.

 

  1. Lorsque je siégeais à l'AWIPH, voici une quinzaine d'années, j'étais souvent assis face à une affiche dont le texte m'interpellait. Je ne comprenais pas le sens de "Pour l'égalité des différences". J'aurais mieux compris "Egaux avec nos différences".

 

  1. Tu évoques l'indifférence dans son acceptation de manque d'attention à l'autre. Mais ce mot signifie aussi inacceptation de la différence, ce que je retrouve dans le courant égalitariste ... qui ménerait à mes yeux à l'indifférence aux autres. Comme quoi, vouloir nier les différences ( de race, de genre, ...) pourrait en fait mener à ne plus se soucier des autres, tout le monde étant pris dans un magma de confusion indifférenciée. Loin de moi, les idées racistes mais quid de pourfendre le "père fouettard" qui fait partie d'une culture qui structure notre psychisme. Loin de moi de ne pas respecter les femmes, mais quid de la croisade de certains contre les chants étudiants. J'ai vraiment l'impression qu'on en revient à l'époque de Mac Carthy et que, à force de "politiquement correct", l'on détriut tous les repères qui aident les jeunes à forger leur identité.à un certain moment de leur vie.

 

  1. Or une identité suffisamment sûre d'elle est, à mes yeux, la base de sécurité (Pierre Fontaine aurait-il parlé, en référence à Erickson, de la confiance de base?) nécessaire pour accepter l'autre dans sa différence et aller à sa rencontre. Le flou identitaire, voire le malaise identitaire actuel de nombre de nos concitoyens me semble un des maux de la société actuelle.

 

  1. L'indifférence est à l'oeuvre en de très nombreux endroits, y compris dans certains milieux psys lorsque les besoins de soins des plus fragiles sont niés en se référant à l'absence de demande formulée, par exemple par certains psychotiques. J'ai parfois tellement l'impression que certains de nos semblables sont tellement niés dans ce qui constitue leur essence, leur être profond que je n'hésite pas à parler d' "euthanasie sociale". Certains n'existent plus pour la société, leur existence est niée.... au point qu'il arrive, comme voici une dizaine d'années, qu'un jeune psychotique meurre dans sa tente plantée dans un parc de Gand, au milieu de l'indifférence générale des nombreux promeneurs fréquentant ce parc.

 

  1. En conclusion, j'admire que tu aies osé un devoir d'ingérence et te suis reconnaissant de l'écrire. Tu t'es montré humain au risque de te faire traiter de "mêle-tout". Il est aussi rassurant de te lire à propos des jeunes soucieux des autres.

 

 

Je profite de cet envoi pour te demander si je peux adresser au journal "Le Soir" ton avis humoristique relatif à la fessée. Ce dernier mercredi 5 mai, un article est paru avec pour titre "Modifier le code civil pour interdire la fessée?". J'avais l'intention de leur adresser ton avis ainsi que ma réaction de l'époque et d'y joindre une copie des pages que consacre Maurice Berger à cette problématique dans son dernier ouvrage "De l'incivilité au terrorisme". Me permets-tu d'utiliser ton envoi de septembre 2018?

 

A l'évoquer, l'interdiction de la fessée s'inscrit peut-être aussi dans le courant "politiquement correct" de l'indifférenciation qui ferait aussi des enfants les égaux de leurs parents ( égaux en valeur et dignes de respect, d'accord; égaux en capacités de discernement, pas d'accord).

 

Bon week-end et avec mes amitiés,

 

Jean-Paul.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour Loïc, le jeune derviche danseur.

Petite histoire sur l’indifférence et l’acceptation de la différence.


                                                                                                      Jean-Yves Hayez.

Vendredi 23 avril, 20h15. Les fenêtres de mon appartement donnent sur le Parc de la Source, un des poumons verts de Louvain la Neuve. Dans le parc, plus de 300 jeunes, manifestation autorisée m’a-t-on dit. Néanmoins, ils sont agglutinés par petits groupes d’une vingtaine , à des années-lumière du respect des règles sanitaires. Bière et alcool coulent en abondance et les déchets aussi, en veux-tu en voilà. Deux voitures de police sont déjà passées, lentement, sans s’arrêter, pas vraiment pour fuir le caillassage, mais plutôt par sagesse : que peuvent deux gardiens de la paix contre une fourmilière prête à s’égailler, sinon se couvrir de ridicule !


Curieusement, les jeunes ont laissé vide le centre de la pelouse, un cercle d’une quinzaine de mètres de diamètre et se cantonnent à la périphérie. Un garçon de leur âge y court tout seul, sans relâche, traçant inlassablement le même grand cercle, des écouteurs aux oreilles. Il court, bondit, gesticule en caricaturant une danse, sans quasi jamais se reposer plus que quelques instants. Voilà plus d’une demi-heure que je l’observe, par intermittences de plus en plus rapprochées, il tourne et tourne et fait le vide autour de lui, sans contact avec personne.                    
Le médecin que je suis se préoccupe de plus en plus de cette interminable ronde folle, posant la question d’une crise dans une maladie mentale.   
Je me décide donc à aller vers lui ; je traverse la pelouse d’un pas tranquille ; je suis tout près de lui…il s’arrête, un peu inquiet…je lui dis bonsoir en souriant…nous nous présentons : « Jean-Yves, Loïc».  Et il se met à communiquer gentiment avec moi. Comme je le prévoyais, rien ne correspond chez lui aux critères standards de la normalité : j’identifie quelques signes physiques et cognitifs d’un léger retard mental, quelques traits autistiques aussi,  bien qu’il me regarde droit dans les yeux, et surtout l’impression d’une immaturité affective diffuse.

 Il m’explique qu’il vit chez ses parents, qu’il a pris le train pour venir ici « près des autres ». Il se dit heureux de danser seul « Je suis dans ma bulle , je sais que personne ne me parle... c’est comme ça », ajoute-t-il avec un petit sourire comme pour s’excuser.   .
J’essaie qu’il me donne le numéro de téléphone de ses parents, pour vérifier que tout est OK, mais il refuse de le faire. Nous parlons encore un peu, je lui explique ma motivation à l’avoir contacté (médecin préoccupé). Il me dit « Oui, les autres me trouvent bizarre». Mais je suis vraiment rassuré par ce bout de communication, je le lui dis, et j’ajoute que je souhaite qu’il continue à s’amuser comme il le faisait. Je prends congé, en lui tournant le dos. Rentré chez moi, mon épouse m’apprend qu’il s’est tout de suite éclipsé, seul. Hélas, je lui ai probablement fait peur et j’’en suis bien triste.

 

L’indifférence ? Je reste sidéré par l’indifférence massive de cette foule, occupée à goûter les plaisirs des retrouvailles et de l’alcool. Personne ne s’est dérangé -dans tous les sens étymologiques du terme- pour l’approcher, lui parler, essayer de comprendre ce qui se passait et s »il existait un risque social, Pis encore, personne ne le regardait, comme s’il n’existait pas! Ils avaient eu
 l’intuition que cet inconnu n’était pas de leur monde, ni comportemental, ni social.


J’entends déjà des voix protester : « Ils avaient peur; ils n’ont pas voulu le provoquer ». Oui peut-être l’un ou l’autre craignait-il cette sorte de chaman dansant ...mais le groupe aurait pu en déléguer quelques-uns, confiants en eux et bons communicateurs, pour au moins évaluer ce qui se passait.

Ou encore : « Ce n’est pas de l’indifférence,  c’est une magnifique tolérance, voire une vraie acceptation spontanée de la manière d’être individuelle… Nous sommes en 2021 et chacun se donne le droit d’être lui-même !...  Notre société est faite d’individualités qui s’affirment ». L’argument me paraît néanmoins bien peu convaincant. Sur le plan éthique, ne sommes-nous pas invités à accepter les choix de vie de chacun, certes, mais pour peu qu’ils ne mettent pas significativement en danger la vie d’autrui ou de la personne elle-même? Auquel cas, il y a devoir d’assistance.

 

Et ici, l’étrangeté prolongée du comportement de Loïc - évocateur par exemple d’une crise de schizophrénie- exigeait que soit faite cette vérification du risque, même brièvement, même approximativement, pas par d’hypothétiques professionnels mais par ses frères et sœurs de la communauté.

Mais non, leur indifférence à celui qui n’avait pas les codes du groupe a été aussi massive ce soir-là que leur indifférence aux règles sanitaires ( au cocotier, les papy et les mamy !) et que leur indifférence écologique (merci, soit dit en passant, à l’unique jeune fille qui a fait du ramassage de déchets une vingtaine de minutes vers 22heures). Indifférence de classe sociale aussi : tant pis pour ceux qui allaient se casser le dos deux ou trois heures le lendemain matin pour ramasser papiers gras, canettes et autres débris de bouteilles de vodka.


Acceptation de la différence ? Je n’ai aucun remords quant à mon comportement. En contactant Loïc , j’ai seulement voulu vérifier la question du danger : trop de désordre mental, trop d’incohérences et de perte de lucidité aurait pu conduire à d’imprévisibles drames.

Mais ce n’était le cas : ma conversation avec le jeune se voulait à l’écoute, respectueuse, délicate et elle m’a vite convaincu que le comportement de Loïc relevait d’un projet non dangereux et élaboré librement. « Danser, tourner autour des autres, dans ma bulle, sans que personne ne me parle ». Dans l’immédiateté de cette soirée, dans le cadre de notre brève rencontre, ce projet personnel, tout imparfait qu’il soit ( il faisait lui aussi l’impasse sur la rencontre de l’autre) m’a semblé pouvoir être reconnu et encouragé. Ce que j’ai fait explicitement, avant de partir.

On ne fait hélas pas d’omelettes sans casser d’œufs et Loïc a vite disparu, effrayé sans doute malgré tout par mon statut de vieux monsieur, médecin de surcroît, susceptible d’exercer un pouvoir au-delà de ses mots : peut-être de mauvais souvenirs pour lui !

J’espère de tout cœur qu’il est allé jouer et danser ailleurs en ville. Je suis triste, je l’ai dit, et je regrette que mon approche ne l’ait pas complètement rassuré. J’ai même l’espoir de le retrouver, à partir de ce texte et de lui offrir des chocolats pour m’excuser de lui avoir fait peur (Loïc est bien sûr un prénom
d’emprunt). Mais je ne me sens pas coupable et, si c’était à refaire, j’aurais la même attitude de sollicitude.


Tout est-il dit de la sorte ? Pas encore tout à fait ! La manière de se comporter de Loïc me semble être de l’ordre du compromis, acceptable personnellement, pour se donner une certaine joie de vivre dans un moment de fête collective. C’est déjà ça !  Néanmoins, il m’a parlé très vite de sa bulle, de sa solitude, des autres qui le trouvaient bizarre. J’espère donc que les responsables de son accompagnement quotidien, parents et autres professionnels, ont suffisamment de créativité pour accepter à la fois bien des dimensions originales de Loïc , mais aussi améliorer sa sociabilité et son insertion sociale.

 

"Ne regardez pas le renard qui passe", gauchement mais ensemble


Samedi 1er mai, 10h. Parce de la Source, Louvain-La-Neuve. De la fenêtre de notre appartement, nous voyons, sur la pelouse centrale, un groupe d’une quinzaine de jeunes adultes, certains en uniforme scout et d’autres pas. Ils sont sagement assis et, curieusement, ils jouent au jeu bien connu du mouchoir (" Ne regardez pas le renard qui passe… ").

Deux d’entre eux courent autour du cercle, assez gauchement, en se donnant la main. Et leur poursuivant trottine derrière, faisant tout ce qu’il peut...pour ne pas les attraper. En regardant mieux, nous voyons alors qu’une partie du groupe est constituée par des adultes, plutôt jeunes, présentant un handicap mental.
Ils reviennent déjeuner à midi sur une des tables du parc, et je souhaite les rencontrer :je traverse la pelouse d’un pas tranquille...je suis tout près...je demande à parler à la cheffe ou au chef, car je désire tout simplement les féliciter pour leur réelle acceptation de la différence sociale. Nous nous écartons d’un mètre ou deux et dix paires d’yeux nous fixent intensément, un peu anxieux, me rappelant le regard de Loïc la semaine passée. C’est en croisant tous ces regards que j’ai compris qu’ils étaient vraiment intégrés : ce qui arrivait au groupe, c’était leur affaire à tous, ils étaient concernés, personne n’était dans sa bulle. Reste à ajouter qu’ils m’ont dit des jeunes de la 11eme unité scoute de Jambes-Montagne (si j’ai bien compris) cinq cheffes et chefs étudiants et sept personnes handicapées. Et cerise sur le gâteau dans cette ambiance de respect de l’autre, les chefs ont demandé à voir la photo prise un peu plutôt et que je souhaitais diffuser, pour vérifier qu’elle respectait bien la vie privée chacun .

La semaine passée, j’ai dénoncé , sans le regretter, l’indifférence d’une foule de jeunes. S’ils sont capables du pire, parfois, les jeunes sont aussi capables du meilleur, et je voulais en témoigner...

Réactions

 

Ma réponse à Louis, 25 ans, qui invoque l’inhibition due à la timidité

 

Pour Louis:

 

Cher ami,

J'ai un vrai respect pour la timidité, qui nous amène à d'humbles aménagements dans nos vies, peur de rater certains types de rencontres...

Cependant, si elle nous fait rater trop de choses (p. ex., un lien amoureux), comme le dit la célèbre réplique de pierre richard : "Je suis timide, mais je me soigne"

Par ailleurs, dans certaines situations, celles où il pourrait y avoir danger, la timidité ne peut pas légitimer l'inertie anxieuse...il faut remplir notre devoir d'assistance, et aller aider, en prenant notre courage à deux mains

pour Loïc, il ne s'agissait pas d'abord de lui parler, mais de vérifier s'il n'était pas fou et s'il n'y avait pas besoin de secours

amitiés

 

 

 

Soutien simple :Dr Emmanuel de becker ; Mr ;me caroline Maison, psychologue ;dr Christophe Panichelli ;Vincent Liévin, journaliste ; dr Brigite Kevers ; Pr dominique Charlier ; dr guy Loute ; dr jean-Bernard turine ; dr A Maernoudt ; dr Sophie Symann

 

Dr Patrick Castelain

Mon cher Jean-Yves,

 

Inutile de t’expliquer que le monde est complexe et que c’est à nous d’en découvrir toutes les facettes . Ce que tu fais toujours avec ton infatigable curiosité des choses et des hommes ! Tu as eu encore une fois l’ »honnêteté » et la modestie de nous en faire part, ce qui nous encourage aussi à continuer à croire dans l’humain .

J’espère que nous pourrons tous nous retrouver joyeux et  en bonne santé en bord de Meuse ou ailleurs cet automne !

Avec toute mon amitié,

 

 

Dr Valérie van Ransbeeck

Cher Jean-Yves,

Merci pour ton mail, le partage en ces temps de distanciation fait du bien.. même si le témoignage est en demi-teinte.

Amitiés 

Mr Alain Sansterre

 

Bonsoir et merci, Jean-Yves. Heureusement, le meilleur côtoie le pire.

 

Bien à toi

Alain

Mme Sofyz Terlez,psychologue

 

Cher Jean-Yves,

 

Merci beaucoup pour ton texte. 

En plaine blocus je me fais petite pause en lisant tes articles. 

Je suis très touché par ta propre indifférence au monde ( ??????????), ta langue et ton souhaite de partager ton expérience. 

 

Dr Sophie Dechène

 

Je préfère cette histoire-ci 🙂. Il reste encore des gens qui respectent les vieilles valeurs d'altruisme, de respect de la différence et ne se laissent pas envahir par l'individualisme préconisé au nom de l'émancipation et du droit à la liberté, beaucoup plus à la mode (et malheureusement bien souvent véhiculé par la psychologie).


Je te remercie pour ce partage.

Mme Roxana Kalfa, psychologue

 

Merci Jean-Yves pour ce texte émouvant, qui rappelle qu'aucun homme n'est une île, que nous sommes tous concernés par le bien  des autres, et pourtant qu'on oublie si souvent

 

Je me rends compte que c'est rare que je réponde à tes messages collectifs, mais ce n'est pas pour autant que je les apprécie moins. Au contraire

 

Merci pour ce beau travail de rappel du lien qui nous tient ensemble

 

Dr Philippe Cattiez

 

Cher Jean-Yves,

Je voulais te féliciter pour l’article de la Libre de ce lundi ("pas eu le temps hier" - triste et banale excuse)

Plein d’humanité, de sagesse et digne de ton immense expérience !

Amitiés

PhC

 

De mr Jean Masson

Je pense que ta sensibilité, ton empathie, ton métier, reviennent à la surface comme un boomerang et que ce garçon symbolisait à lui seul toute  l'indifférence du monde face, justement,  à la différence, face à la "non-norme", ....

Quant à faire sa recherche pour lui offrir des chocolats, cela semblerait incompris et certainement très décalé dans le contexte actuel...Tel est mon humble avis..

A plus...big amitiés

 

Dr Chantal Malevez

Cher Jean-Yves, ton texte m'a profondément émue et je me suis permis de le transférer à mes enfants et petits-enfants (19,17,15 ans) puis à des amis très chers (un couple a un petit fils autiste) puis à un club, le Club L dont je fais partie, club de femmes de tous âges et de toutes orientations mais unies par une profonde amitié. Bien que je pense que la meilleure diffusion puisse se faire par les réseaux sociaux, je ne suis pas très réseaux sociaux, moi-même et ne me permettrais donc pas de le diffuser ainsi.Je pense que ton texte magnifique d'humanité mérite une ample diffusion parce que au delà de cette différence que tu nous expliques , il y a aussi toutes les différences ethniques, raciales, sociales et autres que tu mets en évidence mais je ne connais personne dans le monde journalistique et ne peux pas t'aider.Bien amicalement Chantal

 

Et puis Cher Jean Yves , merci pour ton 2ème texte qui remet un peu l'église au milieu du village et témoigne d'attitudes qui peuvent être plus humaines.Mes enfants et mon gendre, mes petits-enfants ont toujours fait du scoutisme et en font encore et il n'est pas rare que dans l'une ou l'autre patrouille il y ait eu un enfant , je dirais "différent" très bien intégré par la patrouille.Mais dans ton premier article toute la problématique de l'enfant "différent", comment parfois l'aborder?

 

 Dr Jacqueline de groot

Merci Jean-Yves pour ton double temoignage.

De petites initiatives souvent invisibles ressortissant d’une créativité soit personnelle, soit à partir  d’une association quelconque , me réjouissent et éveillent en moi l’énergie de faire de même !

Belles histories qui peuvent inciter d’autres à faire de même .

Jacqueline

 

 

Françoise Leurquin, psychologue, fondatrice de l’atelier du lien   
Bonjour Jean-Yves,

 

Première réaction : ton mouvement vers lui me semble très très touchant.  Le sien aussi : tant dans l'échange que dans sa fuite ("fuite" de ou dans sa bulle "perçée":)).  Peut être que ton intervention a stoppé une crise ? T'attacher à le retrouver avec des chocolats-rustines qui font lien ?

Quelle jolie histoire !

Je n'ai pas beaucoup d'inspiration pour savoir comment le retrouver si ce n'est en diffusant peut être d'abord dans les institutions de LLN ?  Est il vraiment venu en train?  Il y a une maison dans le quartier de Lauzelle, qui accueille des personnes plus ou moins autonomes.  C'est quasi en face du bas de la rue d'aulne (où j'habitais) : en descendant, le bâtiment en face à droite.  S'il est allé au centre, il passe probablement d'office par l'endroit où tu l'as vu.

 

Ma réponse c'est très possible en effet....et même plus probable que le train

au-delà de mon attitude, j'ai vraiment trouvé glaçante, au moins ce soir-là, l'indifférence de cette foule en ripaille avec ce jeune qui virevoltait en plein milieu, pas dans un coin quelconque...j'en suis traumatisé, d'où mon écrit auto-libératoire

 

Sa réponse : Cela me touche aussi .  C'est, me semble-t-il, ce que vivent toutes les personnes confrontées à une solitude quasi radicale par rapport à des vécus impossibles à partager, voire interdits à partager (par injonction ext ou int, implicite ou explicite), incompréhensibles... et s'ils deviennent partiellement compréhensibles, c'est une telle révolution psychique, que la conscience d'être "vu ou reconnu"  mais "toujours mal vu ou mal reconnu" est quasi insoutenable, voire dangereux.  Des parties de moi connaissent bien cela (départ d'Afrique).  Ceci dit, sentir une intention bienveillante, prudente, modeste et sensible de quelqu'un fait du bien même si cela semble ne produire aucun effet. 

 

Dr Jerome Cauchies

 

Merci pour ton texte Jean-Yves sur la différence et l'indifférence. Souvent ces deux termes sont liés. Je suis certain que tu as laissé un bon souvenir à Loic que tu reverras peut-être. 

 

Dr Jacques Laruelle

 

Comme je n'ai jamais exercé la médecine en Belgique et que j'habite actuellement en Flandre, je ne puis t'aider à retrouver ce jeune garçon. Je tenais néanmoins à témoigner mon soutien à ton message poignant !

 

mme Hammarqvist

 

Ooohhh que ça fait du bien de lire que l'humanité existe! Ainsi que la préoccupation pour l'autrui. C'est magique.

 

Dr Alain Bachy

 

Merci pour ton  histoire  bien émouvante.

Personellement, je pense que je n'aurais pas perçu une situation à risque  et n'aurais pas approché Loïc. Peut-être à tort ?

Je ne suis pas pédopsyciatre.

 

Ma réponse Tu ne l’as pas vu courir en grand cercle, toujours le même, au moins 40 min Alain, c’était hallucinant….

 

Madame Gwena Ansiaeu

 

Cher Professeur,

 

Je me permets de vous envoyer ces quelques lignes, sans autre objectif que de vous dire à quel point votre texte dans LLB m’a touchée.

J’aurais également été sidérée, je pense, de voir ce « Loic » au milieu des jeunes, deux mondes qui ne se sont pas croisés.

Je pense que j’aurais eu, comme vous, cette envie, dans mes tripes, d’aller au-devant de lui et de le rassurer sur le fait que quelqu’un l’avait bien vu, et s’était inquiété de lui.

Ayant moi-même perdu un enfant accidentellement, je suis bénévole dans l’ASBL Parents désenfantés, et nous accueillons des parents endeuillés après une maladie, un accident, un incendie, un infanticide.. mais aussi beaucoup de suicides. Je suis toujours infiniment touchée d’entendre ces parents parler de ce qui s’est passé, pour peu qu’ils le sachent eux-mêmes. Certains n’ont pas vu la souffrance de leur enfant et restent avec leurs questions.

Le Covid n’arrange rien, et on aimerait voir plus souvent des gestes d’humanité et de bienveillance comme le vôtre. Ils peuvent faire une telle différence…

 

Merci d’avoir pris votre plume pour nous raconter cette scène incroyable. J’espère que les jeunes présents ce jour-là sur la pelouse l’auront lue également…

 

 

Mme Géradin

Cher Monsieur,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article consacré à Loïc.  Je suis moi-même grand-mère de 12 petits-enfants dont 8 garçons  de 22 à 33 ans.  Dont xxxxx) que vous avez suivi pendant un temps.  Il en garde un très bon souvenir, de même que ses parents.
Ils sont tous gentils, respectueux mais aussi timides.  Je ne suis pas sûre qu’ils auraient osé quitter le groupe des « guindailleurs » pour aller vers Loïc.  Cela m’attriste comme vous.  Certains, chefs de mouvements de jeunesse (scouts),  pourraient y être sensibles.  Je vais leur en parler.

 

Mr de Lobkowicz

 

bien cher docteur,

 

dans La Libre d’aujourd’hui.

 

Je comprends tellement que vous souhaitiez retrouver ce jeune garçon dans lequel je retrouve mon fils xxxx dont vous vous êtes  occupé il y a déjà pas mal de temps.

 

J'espère que ses parents prendront contact avec vous.

 

Bien respectueusement par rapport à votre travail et aussi bien amicalement.

 

 

Association Un toit un cœur

 

Je voudrais vous féliciter et vous remercier pour votre article d’aujourd’hui dans la LB

En tant que présidente et cofondatrice d’Utuc, je ne peux qu’applaudir votre attitude et vos propos

A Utuc où nous accueillons des jeunes « différents », des frères de Loïc, nous cherchons à rétablir un lien social, avec les habitants bénévoles mais aussi avec les étudiants grâce à la participation de 3 KAP

Nous cherchons, par ce biais,à faire connaître la réalité des jeunes qui vivent en marge pour diverses raisons et qui sont objets de mépris ou d'indifférence.  

Il pourrait être intéressant de vous rencontrer et de réfléchir ensemble aux actions de sensibilisation que nous pourrions mener sur LLN

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez me rencontrer pour voir ce que nous pourrions faire ensemble

Bien cordialement

Evelyne Louveaux

coprésidente 

 

christine vander borght, psychologue

 

j'ai par hasard acheté La Libre ce lundi et j'ai donc lu ton sympathique article sur le jeune derviche tourneur. Impressionnant;

 

Jean-Pol Leclerq

 

Rapidement, je réagis à tes deux derniers envois relatifs l'un à l'indifférence et le suivant à l'acceptation de la différence. Ma réaction se limitera pour l'instant à quelques réflexions sommaires et peu structurées. Peut-être, y reviendrais-je plus tard pour mieux construire ma pensée.

 

  1. Lorsque je siégeais à l'AWIPH, voici une quinzaine d'années, j'étais souvent assis face à une affiche dont le texte m'interpellait. Je ne comprenais pas le sens de "Pour l'égalité des différences". J'aurais mieux compris "Egaux avec nos différences".

 

  1. Tu évoques l'indifférence dans son acceptation de manque d'attention à l'autre. Mais ce mot signifie aussi inacceptation de la différence, ce que je retrouve dans le courant égalitariste ... qui ménerait à mes yeux à l'indifférence aux autres. Comme quoi, vouloir nier les différences ( de race, de genre, ...) pourrait en fait mener à ne plus se soucier des autres, tout le monde étant pris dans un magma de confusion indifférenciée. Loin de moi, les idées racistes mais quid de pourfendre le "père fouettard" qui fait partie d'une culture qui structure notre psychisme. Loin de moi de ne pas respecter les femmes, mais quid de la croisade de certains contre les chants étudiants. J'ai vraiment l'impression qu'on en revient à l'époque de Mac Carthy et que, à force de "politiquement correct", l'on détriut tous les repères qui aident les jeunes à forger leur identité.à un certain moment de leur vie.

 

  1. Or une identité suffisamment sûre d'elle est, à mes yeux, la base de sécurité (Pierre Fontaine aurait-il parlé, en référence à Erickson, de la confiance de base?) nécessaire pour accepter l'autre dans sa différence et aller à sa rencontre. Le flou identitaire, voire le malaise identitaire actuel de nombre de nos concitoyens me semble un des maux de la société actuelle.

 

  1. L'indifférence est à l'oeuvre en de très nombreux endroits, y compris dans certains milieux psys lorsque les besoins de soins des plus fragiles sont niés en se référant à l'absence de demande formulée, par exemple par certains psychotiques. J'ai parfois tellement l'impression que certains de nos semblables sont tellement niés dans ce qui constitue leur essence, leur être profond que je n'hésite pas à parler d' "euthanasie sociale". Certains n'existent plus pour la société, leur existence est niée.... au point qu'il arrive, comme voici une dizaine d'années, qu'un jeune psychotique meurre dans sa tente plantée dans un parc de Gand, au milieu de l'indifférence générale des nombreux promeneurs fréquentant ce parc.

 

  1. En conclusion, j'admire que tu aies osé un devoir d'ingérence et te suis reconnaissant de l'écrire. Tu t'es montré humain au risque de te faire traiter de "mêle-tout". Il est aussi rassurant de te lire à propos des jeunes soucieux des autres.

 

 

Je profite de cet envoi pour te demander si je peux adresser au journal "Le Soir" ton avis humoristique relatif à la fessée. Ce dernier mercredi 5 mai, un article est paru avec pour titre "Modifier le code civil pour interdire la fessée?". J'avais l'intention de leur adresser ton avis ainsi que ma réaction de l'époque et d'y joindre une copie des pages que consacre Maurice Berger à cette problématique dans son dernier ouvrage "De l'incivilité au terrorisme". Me permets-tu d'utiliser ton envoi de septembre 2018?