Interview publié sur le site web du journallLa Dernière Heure.be-fin août 2010

Dans quinze jours, c’est la rentrée. Un moment qui peut être source de stress ou d’angoisse pour les enfants. Questions au pédo-psychiatre Jean-Yves Hayez, professeur émérite de l’UCL

?Tous les enfants peuvent-ils avoir peur de rentrer à l’école ? 

“Oui. Mais certains sont plus sensibles que d’autres. La majorité des enfants ressentent toujours un petit stress, une petite tristesse à la rentrée. C’est normal. C’est un peu comme lorsque nous reprenons le chemin du travail. Mais pour une fraction d’enfants, qui sont plus sensibles, c’est une véritable angoisse. Il y a toujours l’angoisse de la séparation mais chez les plus grands, ceux qui entrent en primaire par exemple, il y a aussi la peur de l’inconnu, de la nouvelle école, du nouveau professeur. Ce genre de peur se rencontre davantage lors des grands passages du gardienne vers le primaire ou du primaire vers le secondaire.”

?Comment faire pour aider ces enfants à passer le cap? 

“Il ne faut d’abord pas les stresser en leur parlant sans cesse de la rentrée. On peut aussi les familiariser avec l’école et le professeur quelques jours avant pour qu’ils maîtrisent les lieux. Et parler de l’école de manière positive. On peut aussi leur demander ce qui leur fait peur ou les encourager à dessiner leurs angoisses. Et donner une réponse intelligente!  Évitez par exemple les “tu ne dois pas avoir peur”. Donnez plutôt des solutions pour vaincre les obstacles. Ce qui demande une certaine créativité réaliste. Si les enfants angoissent davantage sur le moment de la séparation, vous pouvez leur dire que vous penserez plusieurs fois par jour à eux ou leur donner un petit objet qui appartient à papa ou maman. Les parents doivent quant à eux surmonter leur peur de la séparation et apprendre à quitter l’enfant assez rapidement. Il ne faut surtout pas faire traîner ce moment.”

?Qu’est-ce qui se cache derrière les angoisses des enfants  

“Les angoisses des enfants cachent souvent celles des parents et c’est pourquoi elles devraient nous interpeller. Face à un enfant qui angoisse les parents doivent se poser certaines questions. Pourquoi mon enfant a-t-il peur d’aller à l’école?  Est-ce parce que j’ai moi-même peur qu’il se fasse agresser, qu’il échoue ou qu’il ne se débrouille pas seul. Les peurs de nos enfants peuvent nous renvoyer à nous-mêmes et engendrer une remise en question:  ne sommes-nous pas nous-mêmes trop stressés, trop exigeants?  Sommes-nous suffisamment positifs par rapport aux ressources de notre enfant ?”

? Les petits qui entrent à la maternelle connaissent-ils aussi la peur? 

“Les enfants qui entrent en gardienne souffrent souvent de la peur de la séparation. Il est donc important de familiariser l’enfant avec son école quelques jours avant la rentrée et comme pour les grands, de ne pas faire durer le moment de la séparation. Accepter de le faire vite et bien et ne pas céder trop vite aux pleurs. Cependant, chez les tout petits, il faut rester vigilant. Habituellement, l’enfant pleure le premier jour, puis, peu à peu, il pleurera de moins en moins. Mais si au bout d’une bonne semaine, il pleure toujours autant, qu’il est triste, qu’il a peur, c’est peut-être qu’il n’est pas encore prêt pour l’école. Il faut alors accepter de le retirer de l’école pour l’y remettre un peu plus tard. Tous les enfants ne sont pas prêts à 2,5 ans pour l’école. C’est pourquoi, durant 8 à 10 jours après la rentrée, il est important d’observer les réactions de son enfant.”

?Comment réagir face à un enfant qui double?  

Aujourd’hui, quand on double, c’est que c’est nécessaire. Il s’agit d’une décision qui a été longuement débattue au sein du corps professoral et il ne faut génaralement pas la contester quelque frustrante qu'elle apparaisse. On peut en parler un peu avec l’enfant avant la rentrée, voir s’il a des questions, s’il comprend bien pourquoi et s’il est triste. Car c’est normal qu’il soit triste:  ses copains changent de classe, il doit se refaire de nouveaux amis, il se sent peut-être dévalorisé. Ce sont des questions qui renvoient au deuil. Il est alors plus constructif de lui dire que vous comprenez, de montrer de l’empathie, de l’accompagner avec authenticité dans son chagrin que de lui raconter des salades. Il ne faut en tout cas pas minimiser ce qu’il ressent mais l’accompagner et le soutenir.”